Catégorie : Maghreb

  • L’axe Algérie-Mauritanie renforcé

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    L’Algérie et la Mauritanie ont affirmé leur détermination à poursuivre les efforts pour renforcer et promouvoir la coopération bilatérale en vue de s’ouvrir à de plus larges perspectives à même de répondre aux ambitions et aspirations des deux peuples frères.

    Cette déclaration est intervenue lors d’une audience accordée à Nouakchott, par le Premier ministre mauritanien, Mohamed Ould Bilal au ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, en visite en Mauritanie en sa qualité d’Envoyé spécial du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

    A cette occasion, le Premier ministre mauritanien a salué le niveau exceptionnel et la dynamique marquant les relations bilatérales entre les deux pays.

    Dans ce contexte, les deux parties ont souligné l’importance de la tenue de la Grande commission mixte dans les plus brefs délais, ainsi que l’activation des mécanismes de coopération bilatérale en vue de garantir une exploitation optimale des opportunités offertes aux deux pays notamment dans les domaines de la formation, l’agriculture, la santé et l’éducation, tout en veillant au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre des projets communs.

    M. Lamamra a tenu également une séance de travail avec son homologue mauritanien, Ismail Ould Cheikh Ahmed lors de laquelle les deux parties ont examiné une série de questions relatives aux relations bilatérales ainsi que les développements de la situation aux niveaux régional et international.

    Les deux ministres se sont félicités du niveau exceptionnel de la coopération bilatérale dans plusieurs domaines, saluant le développement remarquable des échanges commerciaux entre les deux pays, en dépit des répercussions de la pandémie de Coronavirus.

    Les chefs de diplomatie ont convenu d’insuffler une nouvelle dynamique aux mécanismes d’action commune et de renforcer leur rôle dans la concrétisation des orientations judicieuses des dirigeants des deux pays.

    Aux plans régional et international, les deux ministres ont abordé les derniers développements sur la scène maghrébine et dans le monde arabe, réaffirmant leur détermination à poursuivre la coordination et la concertation en prévision des prochaines échéances au niveau de l’Union africaine (UA) et de la Ligue arabe.

    ls ont en outre évoqué les défis induits par la situation dans la région sahélo-saharienne, en raison de la recrudescence des actes terroristes, outre les moyens d’y faire face à travers la réactivation des cadres et mécanismes créés à cet effet, sous l’égide de l’UA.

    Au terme de sa visite, M. Lamamra s’est rendu au siège de l’Académie diplomatique mauritanienne, où il a passé en revue, avec son homologue mauritanien, les voies et moyens de développement du partenariat et d’échange des expériences entre cette académie, nouvellement créée, et l’Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI), dans des domaines liés à la formation des cadres.

    Le ministre des affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, M. Ramtane Lamamra avait entamé, mardi, en sa qualité d’envoyé spécial du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, une visite de deux jours dans la capitale mauritanienne Nouakchott.

    Cette visite s’inscrit dans le cadre de la concrétisation de la volonté commune des dirigeants des deux pays et de leurs orientations judicieuses quant à la nécessaire consécration de la tradition de concertation et de coordination et au renforcement des relations stratégiques entre les deux pays, ainsi que l’accélération du rythme de la coopération bilatérale dans divers domaines.

    L’ExpressDZ, 09/09/2021

  • Algérie-Maroc: du Maghreb des dupes au Maghreb des peuples

    Algérie, Maroc, Maghreb, Libye, Tunsie, Sahel, Sahara Occidental, #Maroc, #Algérie,

    L’annonce mardi 24 août 2021 par Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères, de la rupture des relations diplomatiques avec le royaume du Maroc n’est certainement pas un coup de tonnerre dans un ciel d’été. Quelques jours auparavant, le communiqué publié par la présidence algérienne lors de la dernière réunion du Haut Conseil de sécurité le 18 août laissait entrevoir une escalade dans le durcissement de la position d’Alger vis-à-vis du Palais royal. S’il faut prendre avec réserve les déclarations souvent théâtrales par lesquelles les deux despotismes voisins stimulent de très utiles – pour leur survie – réflexes nationalistes, il s’agit incontestablement d’une évolution préoccupante des rapports entre les deux capitales. Même si dans sa déclaration publique le ministre des Affaires étrangères algérien a cherché à en relativiser la portée, la rupture des relations diplomatiques est un acte particulièrement grave qui, selon les usages de politique internationale, précède souvent l’ouverture d’hostilités.

    Méfiance, hostilité et… connivence

    Les tensions, anciennes et récurrentes, entre Alger et Rabat procèdent largement d’un jeu convenu, très balisé, entre deux régimes adverses mais également solidaires lorsqu’il s’agit de leur préservation. Il est peu probable, sauf dérapage majeur, que la dégradation, continue depuis des mois, aille jusqu’au conflit ouvert. Aucune des deux parties n’a intérêt à laisser les événements échapper à tout contrôle. La guerre des sables de 1963 et les batailles d’Amgala I et II en 1976 ont démontré la coûteuse – et dangereuse – inutilité des confrontations directes.

    L’Algérie et le Maroc ont le plus souvent entretenus des liens plutôt lâches et empreints de méfiance. Si la mémoire de la période de guerre de libération en Tunisie est marquée par la reconnaissance et la gratitude pour l’accueil populaire et officiel, ce n’est pas le cas pour le Maroc. Certes, le FLN/ALN a bénéficié d’un soutien franc, généreux et massif du peuple marocain, mais les autorités ont joué un rôle ambigu, parfois même carrément hostile vis-à-vis des contingents de l’ALN, en raison notamment de revendications territoriales. La prétention marocaine à la reconfiguration des frontières aboutira d’ailleurs à la brève mais sanglante guerre « des sables » en octobre 1963…

    La période de rapports apaisés qui a suivi le traité d’Ifrane en 1969 dure jusqu’en 1975 et la trahison par l’Espagne de ses engagements vis-à-vis des populations du Sahara occidental par l’accord secret de cession du territoire au Maroc et à la Mauritanie. Le fait accompli d’une occupation de type colonial, bafouant le droit international et les résolutions de l’ONU, n’est pas accepté par les Sahraouis, soutenus par l’Algérie au nom du principe essentiel du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Depuis lors, les relations bilatérales sont au plus bas, en particulier après la fermeture des frontières terrestres en 1994. La situation de tension permanente créée depuis la Marche verte en 1975 est une aubaine pour la monarchie qui peut déployer son armée loin du centre du pouvoir et pour le régime d’Alger qui légitime le rôle politique des militaires par la menace sur les frontières ouest. Les dessous de table et commissions illicites prélevés lors de très importants contrats d’armement enrichissent les clientèles des deux régimes.

    Makhzen et stratégie de la tension

    Si un accord de modus vivendi semble accepté de part et d’autre, il n’en demeure pas moins qu’Alger et Rabat demeurent en compétition en termes d’influence régionale et continentale. Les politiques, pro-occidentale pour le Maroc, non-alignée pour l’Algérie, sont concurrentes et contradictoires, nourrissant une authentique animosité entre le Makhzen moyenâgeux et la dictature militaire algérienne. Malgré leur différence de nature, les deux régimes policiers et antidémocratiques représentent les faces différentes d’un semblable autoritarisme.

    Les rapports très distendus entre les deux capitales depuis l’annexion illégale du Sahara occidental par le roi Hassan II, qui avaient déjà débouché sur une rupture des relations diplomatiques en 1976 (à l’initiative de Rabat), se sont particulièrement dégradés depuis quelques mois au fil d’initiatives hostiles du Makhzen. Conforté par le soutien américain traduit par la reconnaissance, au mépris du droit international, de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental en échange de la normalisation avec Israël, le roi Mohamed VI semble avoir opté pour une approche politico-diplomatique offensive. Le mémorandum soutenant les revendications du MAK1, mouvement autonomiste kabyle sans ancrage social significatif, diffusé le 14 juillet dernier par le représentant du Makhzen aux Nations unies, constitue une provocation, certes sans grand impact mais qui met en exergue le double langage monarchique en direction des Algériens – puisque le roi a invité peu après, lors de son discours de la fête du Trône du 4 août, « le Président algérien à œuvrer à l’unisson au développement des rapports fraternels tissés par nos deux peuples durant des années de lutte commune – et constitue une provocation avérée.

    La stratégie de la tension menée par Rabat et soutenue par les principautés du Golfe persique, les Américains et les Israéliens, est avant tout fondée sur une évaluation de la situation politique et économique de l’Algérie. Selon les stratèges du palais, la fragilisation sans précédent des équilibres algériens depuis le Hirak et la chute d’Abdelaziz Bouteflika ouvre une fenêtre d’opportunité pour sceller définitivement l’emprise sur le Sahara en contribuant activement à l’affaiblissement durable de son voisin.

    Sionisme et wahhabisme : les ennemis aux portes

    Cette appréciation semble partagée par les alliés du Makhzen, notamment les pétromonarchies inquiètes devant la puissance du courant démocratique très pacifiquement exprimé par la société algérienne. Les émirs qui redoutent la contagion démocratique, souhaitaient une répression rapide du Hirak et n’apprécient guère la stratégie de strangulation graduelle du mouvement mise en œuvre par les polices du régime. Le refus d’Alger de s’aligner sur la ligne wahhabite en Libye et le développement d’une coopération politique avec la Turquie a fini par créer une certaine exaspération à Abu-Dhabi et Riyad. L’ouverture il y a plusieurs mois de consulats des Émirats arabes unis et du Bahreïn à Laâyoune, capitale administrative du Sahara occidental occupé, est un signal on ne peut plus clair du feu vert golfique aux options de Rabat, qui a pesé sans doute dans la reconnaissance officielle d’Israël par le royaume chérifien.

    Si elle a choqué l’opinion publique au Maroc, ou la cause palestinienne bénéficie d’un profond soutien populaire, la normalisation n’est en réalité que l’officialisation d’une relation très ancienne du Makhzen avec Israël. Le royaume, cheval de Troie impérialiste dans la région, collabore étroitement avec l’« entité sioniste » depuis fort longtemps et bénéficie notoirement du savoir-faire israélien en matière de renseignement et de guerre électronique. L’armée marocaine reçoit des équipements offensifs fabriqués par Tel Aviv, notamment des drones, et bénéficie d’une assistance opérationnelle d’experts israéliens. Le scandale Pegasus a jeté une lumière brutale sur la nature subversive et déstabilisatrice de la coopération entre deux systèmes coloniaux. Ce climat de familiarité avec le cœur du système makhzénien explique l’étonnante sortie, à partir de la capitale du Maroc, du ministre sioniste des Affaires étrangères le 12 août 2021 associant l’Algérie à l’Iran dans un « axe négatif » très connoté. L’intention est limpide, il s’agit pour ces protégés de l’impérialisme de diaboliser Alger en réanimant l’« axe du mal » inventé par les néoconservateurs autour de George W. Bush…

    Mais c’est incontestablement le soutien américain, diplomatique et militaire qui pèse décisivement dans la balance. L’administration Biden a confirmé la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara occidental concédée par Donald Trump et n’a pas cherché à nuancer l’orientation anti-algérienne d’exercices militaires avec l’armée du Makhzen. Des manœuvres aériennes entre les deux armées de l’air américaine et marocaine, en 2019 et 2020 avaient déjà impliqué des bombardiers stratégiques dont on imagine mal le déploiement contre des groupes terroristes. Pour enfoncer le clou, les manœuvres conjointes entre les Forces armées royales et l’armée américaine, baptisées African Lion, du 7 au 18 juin 2021 simulaient quasi-explicitement une confrontation avec l’Armée nationale populaire…

    Ce soutien international dans un contexte régional marqué par la crise politique algérienne ouverte en février 2019 (et qui s’inscrit dans la durée) donne des ailes à un régime médiéval, corrompu et extrêmement inégalitaire, disposé à tous les reniements. Le soutien extérieur étant acquis, il ne reste plus au Makhzen que de tenter de mobiliser son opinion interne au prix d’audacieuses contorsions propagandistes. En effet, si le discours officiel est surtout centré sur la « cause nationale », l’annexion du Sahara occidental, il reste résolument mutique sur les enclaves espagnoles sur son territoire. Tandis que les mobilisations populaires pour les libertés, qui se multiplient depuis les années 2010, sont brutalement réprimées : un durcissement qui joue également un rôle important dans celui de la posture marocaine anti-algérienne.

    « Main étrangère » et « citadelle assiégée »

    L’hystérisation de cette posture convient parfaitement aux décideurs d’Alger, confrontés quant à eux à une crise pluridimensionnelle et à des perspectives socio-économiques plutôt inquiétantes. Le spectre de la menace extérieure régulièrement convoqué pour provoquer un sursaut « patriotique » autour du régime est réactivé par les provocations de Rabat. L’instrumentalisation du nationalisme vise principalement à éteindre la contestation politique et à susciter le ralliement autour du régime. Ce stratagème, usé jusqu’à la corde, ne rencontre toutefois qu’un écho relatif. Tout comme les agissements et le discours du Makhzen. L’opinion publique algérienne, informée et politique, sait parfaitement à quoi s’en tenir vis-à-vis des deux despotismes maghrébins.

    Les Algériennes et les Algériens dans leur vaste majorité sont loin d’ignorer que la menace effective sur la stabilité, la prospérité et la sécurité du pays procède précisément du sommet de la hiérarchie militaro-sécuritaire. La « main étrangère » responsable de la déstabilisation du pays se trouve au faîte des appareils de pouvoir.

    C’est bien sous l’égide de la coupole militaro-sécuritaire que les fondements productifs de l’économie algérienne ont été démantelés à la suite des accords de stand-by avec le FMI en janvier 1994. C’est sous la conduite des décideurs en uniforme que s’est formée, dans la prédation et la prévarication, une caste compradore qui a sapé méthodiquement les capacités productives nationales en altérant gravement l’image du pays. Les luttes féroces des groupes d’intérêts concurrents au sommet de la hiérarchie militaire depuis l’avènement du Hirak en février 2019 ont permis de donner une idée de l’ahurissant niveau de corruption du système. Trente généraux sont emprisonnés ou en fuite à l’étranger, tout comme des dizaines de ministres (dont deux Premiers ministres…). Il ne s’agit là que d’un reflet parcellaire ou sélectif d’une organisation de la prédation ostensiblement instaurée comme mode de gouvernement sous l’égide des appareils sécuritaires. Le système né du coup d’État de janvier 1992 a détruit l’administration du pays pour faciliter un processus d’accaparement criminel du patrimoine public et de détournement massif des produits de la rente des hydrocarbures.

    Dans la frénésie affairiste délinquante des années Bouteflika, l’Algérie des putschistes a perdu l’essentiel de la grammaire sociopolitique forgée durant la guerre de libération. L’effondrement interne, moral et politique, a accompagné l’effacement progressif du pays de la scène internationale et l’évaporation d’une part importante de son crédit diplomatique. La marginalisation politique d’Alger a culminé dans le mépris ostensible de l’Otan à l’égard des intérêts nationaux lors de la destruction de l’État frère de Libye en 2011.

    L’appareil diplomatique algérien mis entre parenthèses après le coup d’État contre la démocratie du 11 janvier 1992 a été méthodiquement déconstruit par l’entourage du président Bouteflika avec l’assentiment des généraux qui l’ont porté au pouvoir. L’objectif assigné au président par les militaires en 1999 était clair et très circonscrit : renouer les liens du régime avec l’Occident de plus en plus réticent à couvrir les exactions monstrueuses du régime dans sa « sale guerre » contre les civils. Abdelaziz Bouteflika et ses proches ont utilisé à cette fin leurs relais, au premier chef les potentats du Golfe, avec des conséquences préjudiciables sur la sécurité nationale. Au cours de cet interminable règne de près de vingt ans, la voix de l’Algérie est donc progressivement devenue inaudible sur le plan international et particulièrement au sud du Sahara.

    La quasi-disparition de l’Algérie de la scène africaine, conjuguée aux ratonnades contre les migrants sub-sahariens, a très visiblement affaibli l’influence continentale du pays, ce qui a permis aux alliés du régime sioniste d’apartheid de conquérir des positions en Afrique, jusqu’à permettre l’intégration de Tel Aviv en tant qu’observateur dans l’Union africaine.

    Un changement de paradigme contrarié

    Il reste que l’indignation officielle devant la « normalisation » marocaine prête à sourire. Sans même évoquer les visites et rencontres secrètes, le régime a ouvert des canaux de communication depuis la rencontre cordiale d’Abdelaziz Bouteflika avec Ehud Barak à Rabat en juin 1999 lors des funérailles de Hassan II. Le même Bouteflika a rencontré Shimon Peres et d’autres dignitaires sionistes lors d’un séminaire aux Baléares en octobre de la même année sans que cela ne provoque d’émotion dans les cercles du pouvoir. Le régime a multiplié les gestes positifs en direction d’Israël, des journalistes et universitaires, proches de la police politique, se sont par exemple rendus à Tel Aviv en 2009, subissant quelques critiques de pure forme. Des critiques épargnées au général Ahmed Gaïd-Salah et à d’autres officiers de haut rang qui se sont affichés la même année dans des réunions de l’OTAN aux côtés de hauts gradés israéliens. Après tout, une propagandiste de l’éradication, aujourd’hui sous les verrous pour corruption, a bien été ministre pendant douze ans malgré une visite très médiatisée à Tel Aviv en 19962….

    Le régime algérien n’a pas exprimé la moindre réserve à l’endroit du processus de normalisation engagé par les principautés du Golfe, notamment les Émirats arabes unis, qui n’ont jamais bénéficié auparavant d’une aussi grande influence en Algérie, jusqu’aux centres décisionnels de l’armée. En sus d’une ouverture économique au détriment de l’intérêt national, les Émirats arabes unis, qui contrôlent les principaux ports algériens, sont associés à l’ANP dans d’étranges opérations d’achat de matériel militaire (deux frégates en Allemagne) et de joint-ventures (unités de montage de camions et de blindés légers) dans des environnements financiers opaques. La proximité émiratie avec l’armée algérienne est illustrée par les fréquents déplacements des sommets de la hiérarchie militaire vers un pays qui a été la destination du premier voyage à l’étranger du général Saïd Chengriha, chef d’état-major qui a succédé, en décembre 2019, au général Ahmed Gaïd-Salah, brusquement décédé dans des circonstances peu claires. Il n’est pas anodin de rappeler que le chef de la DGSI, police politique militaire, depuis avril 2020, le général Abdelghani Rachedi, était auparavant attaché militaire à Abu Dhabi.

    De fait, l’interdiction de porter le drapeau palestinien lors des manifestations du Hirak n’est pas une décision neutre. Au prétexte du bannissement de tous les drapeaux à l’exception de l’emblème national, il s’agit bien, tous l’ont compris, d’une indication de réorientations contre-révolutionnaires torpillées par la seule volonté du peuple algérien, qui s’identifie naturellement au peuple de Palestine dans sa lutte de libération. Le soutien à la Palestine et la détestation du colonialisme sont au cœur de l’identité politique de la société algérienne. Aucun régime ne peut aller à l’encontre de cette orientation fondatrice sans risquer des ruptures majeures.

    Autonomie vs hégémonie, entre Est et Ouest

    La réorientation vers l’Occident de la diplomatie algérienne se heurte également à un obstacle militaire particulièrement difficile à contourner. En effet, la plus grande part de l’armement de l’ANP est traditionnellement issue des usines russes. L’adossement de l’armée aux arsenaux russes est ancien, datant d’avant même l’indépendance du pays. L’Union soviétique a toujours mis à disposition ses armes, y compris les plus modernes, à des prix particulièrement compétitifs3. À la suite de l’URSS, la Fédération de Russie4 fournit des équipements militaires de haute technologie que les Occidentaux, les Américains en particulier, pourtant sollicités avec insistance, refusent de vendre à l’Algérie.

    Le soutien à la cause palestinienne et le non-alignement tenace de l’Algérie expliquent largement les fins successives de non-recevoir de Washington pour l’acquisition de matériels sensibles. Les militaires, qui disposent des ressources financières nationales et ne dépendent pas de l’aide étrangère, ne peuvent se résoudre à réduire le seuil qualitatif ouvert par Moscou. Cette orientation a été actée par le partenariat stratégique conclu lors de la visite de Vladimir Poutine en mars 2006 qui scelle durablement la relation militaire bilatérale. L’ouverture à des fournisseurs tiers est donc opérée ponctuellement et à la marge des besoins d’équipement stratégique de l’ANP. Très concrètement, la méfiance des Occidentaux vis-à-vis d’un pays jugé « irrédentiste » malgré tous les reculs du régime et leur réticence à livrer les systèmes d’armes dotés du niveau de performances attendu par l’armée algérienne contribuent à maintenir celle-ci hors du champ de coopération « de confiance » en confortant la position russe dans le pays.

    L’ancrage russe (et, dans une mesure moindre, chinois) de l’ANP est donc consolidé paradoxalement par la persistance de la méfiance occidentale vis-à-vis de l’Algérie. L’ANP a pourtant effectué de nombreux gestes en direction des États-Unis et de leur sphère d’influence. Outre la participation à des réunions et manœuvres de l’Otan, la coopération extrêmement étroite en matière de renseignement et de lutte antiterroriste s’est accompagnée par des facilités de présence en Algérie, l’autorisation de survol du territoire par les aviations militaires d’États extracontinentaux et le soutien logistique aux forces expéditionnaires dans la région. Ces dispositions visant à l’équilibre diplomatique ne semblent pas influer sur la perception américaine notamment, comme l’illustre le renforcement des dispositifs autour du pays5 et les cibles trop identifiables des exercices militaires conjoints avec les pays de la région.

    Le Makhzen : contre le régime ou contre l’Algérie ?

    Les deux pays les plus peuplés du Maghreb, bien que se situant plus que jamais dans des camps idéologiquement distincts et géopolitiquement concurrents, font face néanmoins à des contestations politiques aux formes très voisines. Appelés Hirak dans les deux pays, ces mouvements, dans la province du Rif au Maroc et sur tout le territoire en Algérie, sont l’objet dans les deux pays d’une répression très brutale. Les animateurs politiques ou des figures de ces Hiraks pacifiques sont arrêtés, torturés et lourdement condamnés par une justice aussi servile au Maroc qu’en Algérie. Des dizaines de militants des droits de l’homme, des journalistes sont violentés et emprisonnés arbitrairement. Si les deux systèmes politiques ne se ressemblent pas effectivement, ils ont recours aux mêmes méthodes et partagent la même aversion pour le droit et la démocratie.

    Ainsi, en dépit d’un bilan désastreux en termes de respect des droits de l’homme et du droit international, la monarchie marocaine est encore plus fermement insérée dans le dispositif stratégique de l’Occident. Le Makhzen, organisation féodale moyenâgeuse, est considérée comme un partenaire tout à fait acceptable par les parangons européens et américains de la modernité démocratique. L’Algérie, malgré la réduction de sa marge de manœuvre et la difficile redéfinition du non-alignement dans une multipolarité globale encore en gestation, maintient un cap minimal décolonial, anti-hégémonique et rejette la normalisation avec Israël. Mais les deux systèmes, et c’est là sans doute l’essentiel, bénéficient l’un et l’autre du soutien du G7 au nom de la stabilité régionale, menacée par l’effondrement des États corrompus du Sahel et la multiplication des groupes « djihadistes », et des intérêts bien compris des « grandes puissances ».

    Les crispations des dernières semaines relèvent-elles pour autant du psychodrame bilatéral auquel sont habituées les deux capitales ? La présence active d’Israël sur les frontières ouest, notamment sur le mur de défense érigé au Sahara occidental, modifie l’équilibre des forces dans la région. La mort d’Addah Al-Bendir, chef de la gendarmerie sahraouie, tué par un missile probablement tiré à partir d’un drone en avril 2021, pourrait bien représenter l’élément déclencheur d’une élévation du niveau de conflictualité au Sahara occidental par l’introduction d’armements nouveaux…

    Même s’il est à peu près avéré que ni Rabat ni Alger ne souhaitent s’engager dans une guerre ouverte, l’hypothèse d’une confrontation à la suite de dérapages ou de provocations n’est pas à exclure. On a peine cependant à imaginer les satrapes du Makhzen ou la gérontocratie militaire algérienne se fourvoyer dans une aventure incertaine dont aucun des protagonistes ne sortira indemne.

    A moins que, fort du soutien américano-israélien, le roi du Maroc et son entourage pourraient estimer que l’heure serait venue d’asseoir définitivement leur souveraineté sur le Sahara face à une Algérie fragilisée, et ne tente un coup de force. Au-delà d’une pure gesticulation, la diffusion du tract soutenant les revendications sécessionnistes du MAK par l’ambassadeur marocain aux Nations unies va dans le sens d’une surenchère belliqueuse. Les parrains de Rabat autoriseront-ils une telle évolution ? L’Algérie, dernier pays du Front du refus6 encore debout, reste sourd au chant des sirènes normalisatrices et abrite une société politique populaire consensuellement attachée à l’indépendance du pays et à la solidarité avec les peuples en lutte, tant en Palestine qu’au Sahara occidental. L’encouragement du séparatisme identitaire pour casser le front social et le consensus politique national tel que proclamé le 1er novembre 1954 n’a donc pas grande chance de porter ses fruits. La cohésion nationale, ainsi que l’a démontré le Hirak depuis le premier jour, ne peut être remise en cause par des mouvements marginaux et sans relais majeur dans la société, quelle que soit l’ampleur du soutien étranger dont ils bénéficient.

    Vers un Maghreb démocratique ?

    Les stratégies de déstabilisation et les actes de provocation du Makhzen sont d’autant plus inacceptables qu’ils sont dirigés contre le voisin le plus proche à tous points de vue. Mais ils illustrent bien l’immoralité et l’irresponsabilité d’une monarchie qui écrase les libertés, méprise le droit international et disposée aux plus indignes trahisons. L’opinion publique en Algérie sait faire la différence entre le peuple marocain frère et les félons qui dirigent leur pays. Tout comme l’opinion au Maroc sait ce qui sépare le peuple algérien d’une dictature sans scrupules.

    À contrecourant de l’histoire, les absolutismes royaux d’un autre temps et les autoritarismes militaro-policiers caducs sont voués à disparaître, et il faut espérer que cette évolution inévitable se fasse au moindre coût humain et politique. Il s’agit là de l’ultime responsabilité de castes de pouvoir à Alger et Rabat qui auront, chacune dans ses propres dérives et ses trahisons respectives, démontré leur impéritie et portent tout le poids des vicissitudes qui empêchent la constitution du Grand Maghreb. Les crises de ces régimes ne sont pas celles des peuples.

    Dans tout le Maghreb, les nouvelles générations ne sont dupes d’aucune manœuvre et ne mettront pas en jeu leur évidente communauté de destin pour permettre à des organisations de pouvoir illégitimes et illégales, qui n’offrent à leur jeunesse que le désespoir et l’immigration clandestine, de se maintenir dans le mensonge et la violence. La modernisation politique est impérative, tant les défis qui attendent les sociétés maghrébines dans les années à venir sont immenses, complexes et nécessitent la mise en commun de tous les moyens et la mobilisation de toutes les compétences disponibles. L’avenir du Maghreb est entièrement dans la démocratie, le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la constitution, enfin, d’États de droit pour les libertés et de justice. Les peuples du Maghreb rejettent toute hégémonie ou mise sous tutelle et sont indéfectiblement solidaires du peuple palestinien dans sa lutte de libération décoloniale. La fraternité de tous les peuples du Maghreb est inaltérable.

    Notes

    1 Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie. Organisation groupusculaire, surtout présente en France et au Canada, dirigée par Ferhat Mehenni, un ancien chanteur, qui revendique l’indépendance de la Kabylie.

    2 Khalida Messaoudi-Toumi s’est rendue à Tel Aviv en compagnie de la journaliste française Elisabeth Schemla en mars 1996.

    3 Voir général Rachid Benyellés, Dans les arcanes du pouvoir. Mémoires 1962-1999, Barzakh, Alger, 2017.

    4 Sur la relation Algérie-Russie, voir Mansouria Mokhefi, « Alger-Moscou : évolution et limites d’une relation privilégiée », Politique étrangère, n° 3, 2015.

    5 Comme le renforcement de la base aérienne de Moron de la Frontera en Andalousie.

    6 Le « Front du refus », ou « Front du refus et de la fermeté », face à une normalisation avec Israël, réunissant l’Algérie, la Libye, la Syrie, le Yémen du Sud et OLP, a été créé lors du Sommet de Tripoli du 1er au 5 décembre 1977. Il a été ainsi dénommé par opposition au « Front du silence » réunissant les pays du Golfe persique et le « Front de la capitulation » mené par l’Égypte et le Soudan avec l’appui du Maroc (voir Paul Balta, « Les aléas des relations avec le monde arabe », Le Monde diplomatique, novembre 1982).

    Omar Benderra, Algeria-Watch, 31 août 2021

    Hoggar, 05/09/2021

  • Algérie-Maroc, les enjeux de la rupture

    Algérie, Maroc, #Algérie, #Maroc,

    L’Algérie a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc. Ce n’est que le dernier épisode d’une longue crise de confiance entre les deux pays, qui remonte aux années 1960 mais qui s’est approfondie avec le conflit au Sahara occidental.

    C’est peu dire que les relations entre l’Algérie et le Maroc ont toujours été belliqueuses, chargées de tensions et ponctuées de conflits. En 1963, la guerre dite «des sables», portant sur le tracé frontalier en attestait déjà. Pour les dirigeants de ces deux grands États du Maghreb qui se disputent le leadership régional, la construction de l’ennemi extérieur reste un moyen de consolider leurs régimes politiques, en tous points opposés, et de raviver un nationalisme combien utile à la cohésion de la nation.

    À partir de 1975, la compétition pour le leadership régional se cristallise sur le dossier du Sahara occidental, provoquant une rupture des relations diplomatiques entre 1976 et 1988. En 1994, la conflictualité n’a pas été dissipée avec le temps. Driss Basri, ministre marocain de l’intérieur, a laissé entendre que les services secrets algériens pouvaient avoir commandité l’attentat terroriste d’un hôtel à Marrakech qui a fait deux victimes espagnoles. Il instaure des visas d’entrée pour les Algériens et organise une campagne d’expulsion d’Algériens installés au Maroc, sans carte de séjour. La riposte d’Alger est sans appel, la frontière terrestre est fermée et le demeure encore — même s’il existe une forte contrebande — 27 ans après les faits, malgré les demandes d’ouverture du roi Mohamed VI.

    LES OUVERTURES RATÉES D’ABDELAZIZ BOUTEFLIKA
    Abdelaziz Bouteflika a tenté de rompre cette spirale de tensions et de ruptures. À peine élu, en 1999, il se rend aux obsèques de Hassan II, évoque les avantages d’un Maghreb débarrassé de ses vieux conflits et opte pour un climat de détente nécessaire pour aller de l’avant dans le développement de la région. Mais il a été choisi par l’armée algérienne pour être à la tête de l’État et ne peut ignorer les principes fondamentaux mis en place par les militaires qui gèrent la relation entre l’Algérie et le Maroc. Pour écrire une nouvelle page d’histoire, débarrassée des tensions récurrentes, il doit constamment ménager la chèvre et le chou, en réaffirmant régulièrement le soutien algérien à l’autodétermination du Sahara occidental. Un jeu d’équilibrisme qui ne satisfait pas la classe politique marocaine.

    En 2005, le ministère marocain des affaires étrangères fait savoir au premier ministre algérien Ahmed Ouyahia que sa visite n’est pas opportune, dans la mesure où certaines déclarations vont à l’encontre des objectifs de la normalisation des relations entre les deux pays. En effet, le président Bouteflika a adressé un message de soutien au Front Polisario, réaffirmant le droit à l’autodétermination des Sahraouis. Depuis, aucun premier ministre algérien ne s’est rendu au Maroc. Ces tensions permanentes, devenues inhérentes aux relations entre les deux pays, indiquent que la rivalité entre les deux grands États du Maghreb pour le leadership régional n’a jamais été dépassée et que le recours aux mêmes méthodes d’affrontement du pays voisin, considéré comme ennemi, est toujours observable, malgré un environnement régional qui se modifie en profondeur.

    L’AXE WASHINGTON-TEL AVIV-RABAT

    L’accord donné par le Maroc, le 22 décembre 2020 à une normalisation de ses relations avec Israël en contrepartie de la reconnaissance des États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental a créé un déséquilibre dans la relation entre les deux grands États du Maghreb. Il signe d’abord l’échec de l’Algérie qui appuie le Front Polisario depuis 1975. En effet, même si l’administration Biden n’a pas confirmé cette reconnaissance du Sahara occidental et que l’Union européenne conserve un silence éloquent sur cette question, les Algériens savent que c’est une question de temps et que le Maroc se verra bien octroyer ce territoire, au mépris d’un processus de résolution du conflit saharien confié aux Nations unies depuis 1991. Par-delà cet échec, l’Algérie n’a plus prise sur son ennemi et rival marocain. Aujourd’hui, le Maroc n’opère plus prioritairement dans le cadre du Maghreb, et son ambition n’est plus d’être leader au Maghreb, mais en Afrique.. La normalisation de ses relations avec Israël lui donne les moyens de ses nouvelles ambitions.

    En aidant Israël à retrouver son statut d’observateur au sein de l’Union africaine (UA) perdu en 2002, le Maroc lui montre qu’il est capable de peser efficacement au sein de l’instance africaine. En effet, l’Algérie a tenté de s’opposer à la réintégration d’Israël, rappelant aux membres de l’UA que cette instance a toujours appuyé la cause palestinienne. En déployant ses talents diplomatiques au sein de l’UA et son influence en Afrique de l’Ouest au profit de son nouvel allié israélien, Rabat compte tirer profit.

    Pour Tel Aviv, son statut au sein de l’UA constitue une première étape pour un déploiement géostratégique en Afrique de l’Ouest notamment. En contrepartie de son aide, le Maroc souhaite bénéficier d’investissements israéliens importants, allant bien au-delà des 500 millions d’euros estimés. Il souhaite aussi intensifier la coopération sécuritaire, même si elle existe de longue date, et les révélations faites sur l’utilisation massive du logiciel espion Pegasus par le Maroc en atteste. Produit par la compagnie israélienne NSO Group, ce logiciel a permis de cibler 6 000 numéros de téléphone, dont ceux des acteurs de la classe politique algérienne.

    Malgré cette proximité désormais affichée entre Rabat et Tel Aviv, le Maroc sait que, malgré les déclarations officielles, Mohamed VI — qui préside le comité Al-Qods — ne parviendra pas à réorienter la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens. À titre d’exemple, la visite à Rabat le 13 août 2021 de Yaïr Lapid, le ministre israélien des affaires étrangères coïncidait avec la décision de son pays d’aller plus loin dans la construction d’une nouvelle rampe qui relie le mur des Lamentations à l’esplanade des Mosquées et au dôme du Rocher. Et Israël n’a pas encore pris la décision d’ouvrir un consulat au Sahara occidental, pas plus que les États-Unis d’ailleurs. Au contraire, Washington continue d’évoquer «une solution au conflit saharien dans le cadre de l’ONU et en concertation avec les protagonistes».1

    Déterminés à maintenir leur politique palestinienne, les acteurs politiques israéliens se montrent davantage disposés à venir en aide au Maroc en stigmatisant l’ennemi traditionnel de Rabat. Lors de cette même visite à Rabat de Yaïr Lapid le 13 août, le ministre déclarait, en présence de son homologue Nasser Bourita qu’il était «inquiet du rôle joué par l’Algérie dans la région, du rapprochement d’Alger avec l’Iran et de la campagne menée par Alger contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’UA». Le gouvernement algérien y a vu des «accusations insensées et des menaces à peine voilées», et le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Laamamra de poursuivre en déclarant que «jamais, depuis 1948, on n’a entendu un membre du gouvernement israélien proférer des menaces contre un pays arabe à partir du territoire d’un autre pays arabe».

    «LE VAILLANT PEUPLE KABYLE»

    Annoncée le 24 août, la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc est venue consacrer l’aboutissement d’un long processus de vexations qui dure depuis l’annonce de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël en décembre 2020. Mais l’été 2021 a été marqué par deux camouflets : les propos de Yaïr Lapid bien sûr, mais un mois plus tôt, lors d’une réunion des Non Alignés à New-York (13 et 14 juillet), l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, Omar Hilale distribuait une note disant que «le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination». Pour le ministre algérien des affaires étrangères, «la provocation marocaine a atteint son paroxysme».

    C’est à la suite de ces deux incidents que le Haut Conseil de sécurité dirigé par le chef de l’État algérien décide le 17 août de «revoir» les relations de son pays avec le Maroc. La tension est à son comble, d’autant que pour Alger, le Maroc qui soutient ouvertement, voire cautionne le Mouvement pour l’autonomie en Kabylie (MAK) est également impliqué dans les incendies en Kabylie. La décision d’Alger implique l’intensification des contrôles sécuritaires aux frontières ouest du pays.

    Malgré cela, Alger demande au Maroc de clarifier les propos de l’ambassadeur. Fidèle à son habitude, le Maroc se contente de souffler le chaud et le froid. En effet, sans apporter le moindre démenti, Mohamed VI a attendu la fête du trône le 31 juillet pour dire que «l’Algérie n’a pas à craindre de la malveillance de la part du Maroc». Réagissant à l’annonce de la rupture le 24 août, le ministère marocain des affaires étrangères dira, par le biais d’un communiqué, regretter cette décision «complètement injustifiée de l’Algérie» […] Le royaume restera un partenaire crédible et loyal pour le peuple algérien et continuera d’agir avec sagesse et responsabilité pour le développement des relations intermaghrébines saines et fructueuses».

    De toute évidence, par ce communiqué, le Maroc fait savoir à ses partenaires occidentaux et à Tel Aviv qu’il incarne la sagesse et la pondération face à une Algérie peu fiable. Il s’adresse en particulier aux États qui craignent l’escalade militaire et ses effets notamment sur l’approvisionnement de pays européens en gaz algérien. Paris, Le Caire et Riyad ont déjà fait savoir qu’ils pourraient offrir leurs services en matière d’intermédiation entre Rabat et Alger.

    En effet, après la rupture des relations, l’Algérie pourrait être tentée d’abattre sa dernière carte en modifiant le circuit d’acheminement de son gaz à destination de l’Europe. Le contrat du gazoduc Maghreb-Europe (GME) qui relie les champs gaziers algériens à l’Espagne via le Maroc expire le 31 octobre prochain. Le Maroc avait exprimé sa volonté de le reconduire, mais la Sonatrach pourrait en effet envisager une solution technique alternative pour faire basculer ce qui était transporté par GME sur le gazoduc Medgaz qui relie directement l’Algérie à l’Espagne.

    KHADIJA MOHSEN-FINAN

    Politologue, enseignante (université de Paris 1) et chercheuse associée au laboratoire Sirice (Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe). Dernières publications : Tunisie, L’apprentissage de la démocratie 2011-2021 (Nouveau Monde, 2021), et (avec Pierre Vermeren), Dissidents du Maghreb(Belin, 2018). Membre de la rédaction d’Orient XXI.

    Le Quotidien d’Algérie, 03/09/2021

  • Rupture de fourniture du gaz algérien au Maroc: Une riposte géo-économique

    Maroc, Algérie, gazoduc, #Maroc, #Algérie,

    Le gaz algérien ne transitera plus par le territoire marocain avant d’approvisionner le marché espagnol. L’Algérie se prémunit donc d’un éventuel nouveau chantage de la partie marocaine.

    Par Khaled Remouche

    L’Algérie a décidé de ne pas renouveler le contrat qui la lie au Maroc inhérent à ses fournitures de gaz au marché espagnol via le gazoduc Maghreb-Europe qui transite par le territoire marocain.

    En effet, le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, a indiqué jeudi dernier, lors d’une entrevue avec l’ambassadeur espagnol à Alger, que l’ensemble des approvisionnements de l’Espagne sera assuré par le gazoduc Medgaz. Une information destinée surtout à l’opinion publique locale, car le sort du GME était déjà scellé.

    «Le contrat qui lie les parties Espagne, Portugal, Maroc et Algérie court sur 25 ans. Il expire en octobre prochain», explique Khaled Boukhelifa, ancien Directeur de l’énergie, qui connaît bien cette infrastructure puisqu’il a été, entre autres, directeur de la sécurité industrielle au ministère de l’Energie à la réalisation du gazoduc et chapeautait, en particulier, les équipes qui devaient contrôler la qualité de l’ouvrage. Ce qui veut dire qu’à partir de cette échéance, l’Algérie ne fournira plus de gaz au marché espagnol et portugais via ce gazoduc.

    «Au titre du droit de transit, le Maroc prélevait 7% des quantités transportées par le gazoduc, soit 700 à 900 millions de mètres cubes annuellement suivant ce contrat.» L’éclairage du ministre de l’Energie signifie implicitement que l’Algérie a décidé de ne pas renouveler ce contrat, et donc l’accord avec le Maroc. C’est bel et bien la fin du GME.

    Khaled Boukhelifa a ajouté que le Maroc devient propriétaire du gazoduc après l’expiration du contrat. Quelle sera alors son utilité avec des tuyaux vides ? A la veille de l’expiration de ce contrat, le Maroc, à travers des médias économiques, a tenté d’abord de faire du chantage en affichant ses intentions de ne pas renouveler le contrat, une sorte de pression sur Sonatrach pour qu’elle révise ses prix du gaz.

    En omettant un fait surprenant, les prix du gaz avaient flambé de 640% entre 2020 et 2021 sur le marché européen, de 1,55 dollar à 12 dollars le million de BTU, affirme Noureddine Legheliel, spécialiste pétrolier. La donne avait changé au profit de l’Algérie. Ce qui explique, face au peu d’empressement des Algériens, le récent revirement marocain de renouveler le contrat. Or, aujourd’hui, le gros perdant dans l’affaire est le Maroc qui se verra obligé, faute de gaz algérien, d’importer ce gaz à un prix très cher. L’Algérie n’avait donc pas intérêt économiquement à renouveler ce contrat, d’autant qu’elle dispose du Medgaz qui permet d’assurer les approvisionnements de l’Espagne avec une capacité de transport de 10 milliards de mètres cubes/an, une fois la station de compression achevée, en principe vers la fin de l’année. En termes simples, le Maroc n’aura plus à prélever annuellement 700 à 900 millions de mètres de gaz algérien.

    Khaled Boukhelifa nous explique qu’avec la mise en service du Medgaz, qui relie directement l’Algérie à l’Espagne, la partie espagnole ne voyait pas à la longue l’utilité du GME qu’elle considérait comme un facteur de surcoût pour les consommateurs espagnols.

    Ce spécialiste en énergie raconte qu’à l’époque, il y avait un arbitrage à faire à haut niveau : décider s’il fallait réaliser le Galsi, le nouveau gazoduc qui devait relier l’Algérie à l’Italie ou le Medgaz. Si la première option avait été choisie, l’Algérie serait dans de beaux draps, laisse-t-il entendre.

    A noter que le gazoduc Maghreb-Europe a été mis en service en 1996. Le premier contrat de commercialisation a été signé avec l’espagnol Enagas en juin 1992, le deuxième en octobre 2001, avec le portugais Galp Gas Natural en novembre 1996, le marocain l’ONE en juillet 2011.

    La capacité du gazoduc est de 11,5 milliards de mètres cubes/an. En 2017, l’espagnol Gas Natural devenu Naturgy, qui détient aujourd’hui les contrats d’Enagas à l’époque, a enlevé environ 6 milliards de mètres cubes du GME, 2,5 milliards de mètres cubes du Galp Gas Natural et 688 millions de mètres cubes de l’ONE.

    Naturgy, le principal client espagnol de Sonatrach, se fournira en gaz algérien désormais à partir du gazoduc Medgaz.

    Reporters, 29 sept 2021

  • Une intégration maghrébine sans le Maroc, un impératif

    Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Maghreb, UMA, #Maroc, #Algérie, #Sahara,

    Une intégration maghrébine sans le Maroc, désormais un impératif incontournable

    Les espoirs suscités en 1989 par la création de L’union du Grand Maghreb ont fini par voler totalement en éclats à la suite de la rupture, ce 24 août ,des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc. De reniements en palinodies, le Maroc est parvenu à faire de cette Union géostratégique importante bénie par tous les peuples de la région, une coquille vide.

    Depuis 1991, date à laquelle le Maroc, profitant de la grave crise politique en Algérie, a commencé à revenir sur ses engagements pour la mise en place, dans le cadre maghrébin, d’un référendum pour le Sahara Occidental, l’Union maghrébine commençait à battre de l’aile et à n’avoir qu’une existence symbolique.

    La décision intempestive du Maroc en 1994 d’imposer les visas aux ressortissants algériens a rendu cette Union quasiment caduque ,puisque depuis cette date le Conseil des chefs d’État des pays membres ne se s’est plus jamais réuni.

    Le Maroc qui a montré ses crocs en 1991 en croyant que l’Algérie va être emportée dans le tourbillon du terrorisme islamiste, vient de refaire trente ans plus tard, les mêmes gestes belliqueux, cette fois-ci en espionnant les responsables algériens à laide d’un logiciel israélien et en plaidant pour la nécessité de faire jouir pleinement les Kabyles d’un droit à l’autodétermination.

    Il faut dire que le Maroc n’a jamais cessé d’afficher depuis la création de l’union maghrébine son peu de cas qu’il fait de cette Union qu’il a voulu utiliser à son profit en réglant en sa faveur la question du Sahara occidental. Les pays du grand Maghreb doivent penser d’ores et déjà à se passer de ce voisin encombrant.

    La création des espaces économiques communs est un impératif incontournable et cela doit se faire même si le Maroc continue à jouer au trublion.

    L’heure est à l’intégration régionale et à la construction de communautés économiques fortes en Afrique pour répondre aux grands défis des regroupements et du développement régionale qu’impose la logique de l’époque.

    Les Etats du Grand Maghreb doivent aller rapidement, sans attendre le bon vouloir du makhzen marocain, vers la mise en place de tous les dispositifs permettant de créer une communauté économique viable dans la région. Les objectifs de création d’une monnaie unique, d’une banque centrale maghrébine, d’un parlement maghrébin… et d’autres outils au service de cette réalisation doivent être atteints à l’horizon 2030. C’est une nécessité absolue pour éviter de mettre toute la région dans l’œil du cyclone, d’autant plus que l’entité sioniste y a déjà mis le pied avec le concours de Rabat.

    Il faut dès maintenant ouvrir les frontières aux personnes, aux capitaux et aux marchandises entre les pays de cet ensemble atteint actuellement d’atrophie à cause des rétropédalages marocains. Les diplomaties des pays de l’Afrique du Nord pays doivent redoubler de dynamisme ces temps-ci pour assainir les différends et lever tous les obstacles qui se dressent sur le chemin de la coopération et de l’intégration régionale.

    La nouvelle union doit inclure non seulement les pays dits du Maghreb mais également les pays du Sahel à l’image du Mali’ le Niger, le Nigéria…

    L’Express, 29/08/2021

  • L’UMA: un projet mort-né

    L’UMA: un projet mort-né

    Union du Maghreb Arabe, UMA, Maghreb, France, Maroc, Algérie, #Maroc, #Algérie

    Pour créer un Etat national, il faudrait qu’une certaine culture de cet Etat soit une réalité vécue parmi les gouvernants et les gouvernés. La même chose pour créer un ensemble régional, à l’instar de l’Union du Maghreb Arabe, par exemple, né, il y a 32 ans, pour créer une organisation économique et politique, visant à unifier l’ensemble des cinq Etats de cette aire géographique connue sous le «très ancien» nom du Maghreb, Maghreb Arabe ou Grand Maghreb…

    Le but n’était autre que d’unifier les moyens et les efforts afin de créer une force politique et économique, pouvant avoir son mot à dire, dans la politique régionale… Un peu plus de 100 millions d’habitants et une très vaste superficie géographique, dotée d’immenses richesses.

    Un tel ensemble, s’il avait la chance d’être réalisé, selon ses rêves et ses aspirations, pourrait rivaliser avec l’Union Européenne.

    A vrai dire, ni l’Espagne, ni la France n’accepteront de voir une force, véhiculant une langue, une culture, une religion qui ont été, tout au long de l’Histoire, une source de conflits avec le partenaire de la rive nord de la grande bleue.

    Une certaine lecture propagandiste en provenance de la rive nord, laissant croire que l’échec du projet serait dû, essentiellement, aux conflits opposant quelques pays membres, notamment l’Algérie et le Maroc. Le grand point faible de ces entités politiques du Maghreb, c’est bien l’absence de souveraineté. Ce sont des pays presque pris en otage par l’ancienne puissance coloniale. Et cette dernière préfère voir les indigènes de ses anciennes colonies s’entredéchirer par et pour de faux problèmes.

    Dans les cinq pays subsistent toujours, des personnalités influentes, des courants politiques, linguistiques, culturels et idéologiques qui sont reliés, comme par un cordon ombilical, à l’ancienne puissance colonisatrice d’où, ils puisent leur raison d’exister. Donc, il n’y aurait pas de projet UMA, tant que ce projet porte en son sein une religion qui a été pendant plus de mille ans, une source de conflits.

    La France aime bien voir des entités maghrébines stables et sans problèmes. Cependant, elle préfère voir des pays de la rive sud faibles, anéantis, dépendant politiquement et économiquement de sa seule volonté. Rappelez-vous que c’est une opération, menée par «des services de renseignements», qui avait donné le coup de grâce à un projet qui venait de boucler ses cinq années d’existence.

    Actuellement, l’UMA existe toujours, mais c’est plutôt une existence fantomatique. Les ennemis de dehors et leur cinquième colonne de dedans, continuent sans relâche à ce que ce projet ne revoie plus le jour…

    Le Carrefour d’Algérie, 08/09/2021

  • Institut Montaigne: quand le Maghreb entre en ébullition

    Algérie, Maroc, Tunisie: quand le Maghreb entre en ébullition

    Algérie, Maroc, Tunisie, Maghreb, #Maroc, #Algérie,

    Depuis le début de l’été, les États du Maghreb traversent une période de forte instabilité. La pandémie y a exacerbé des difficultés préexistantes dont témoignaient le hirak algérien de 2019, la révolte du Rif marocain en 2017 et l’instabilité politique et sociale tunisienne depuis 2011. Partout, la corruption, les inégalités et la pauvreté, notamment des régions rurales, minent le pacte social. Avec la crise sanitaire, l’arrêt de l’économie et la chute drastique des prix du pétrole, cette instabilité a encore augmenté.

    Dans ce contexte tumultueux, que signifient la crise institutionnelle qui secoue la Tunisie depuis un mois et la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, intervenue cette semaine ? Quelles conséquences pour l’Europe et la France ? Explications de Hakim El Karoui, Senior Fellow à l’Institut Montaigne et auteur de la note La stabilité du Maghreb, un impératif pour l’Europe.

    Les ingrédients d’un cocktail explosif

    L’Algérie, tout d’abord, apparaît aujourd’hui fragilisée sur le plan politique. S’il a conduit au départ d’Abdelaziz Bouteflika, le hirak apparu en 2019 n’a pas abouti à de réels changements institutionnels, et la question de la transition vers un régime plus efficace et représentatif des aspirations du peuple algérien demeure pendante. C’est dans ce contexte qu’est survenue la pandémie, aux conséquences dévastatrices pour l’Algérie : au-delà de la difficile gestion de la crise sanitaire, l’effondrement du prix des hydrocarbures a mis à mal l’économie, tandis que les ressources manquent à présent pour relancer la consommation. S’ajoutent à ce tableau les feux de forêt qui ont ravagé la Kabylie en août, catastrophe naturelle sans précédent au bilan humain dramatique, puisque l’on dénombre 100 morts dont 30 militaires, et qui a en outre ravivé la question des relations difficiles de cette région avec le pouvoir central.

    Le Maroc, lui, bénéficie d’une situation politique plus apaisée ; la crise sanitaire y a été bien gérée grâce à la mise en place d’un confinement strict et à une campagne de vaccination menée très tôt, puisque les essais cliniques du vaccin chinois Sinopharm ont été effectués dès novembre 2020.

    Plusieurs événements diplomatiques ont cependant attisé les tensions régionales au cours des derniers mois : citons ainsi la signature par le Maroc des accords d’Abraham, marquant la normalisation de ses relations avec Israël, la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, ou encore le rapprochement économique opéré avec la Chine : au cours des trois dernières années, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a progressé de 50 %.

    La Tunisie, enfin, est confrontée à une double crise : politique, tout d’abord, avec une défiance marquée de la population et de l’exécutif vis-à-vis du gouvernement soutenu par le parlement, mais aussi financière, l’État tunisien, fortement endetté, peinant aujourd’hui à trouver de nécessaires financements supplémentaires. C’est dans ce contexte que le variant delta a fait des ravages en juin et en juillet.

    L’été de toutes les tensions

    C’est dans ce contexte éruptif que le président tunisien Kaïs Saïed a limogé le 25 juillet le gouvernement Mechichi et suspendu le Parlement, invoquant un double danger sanitaire et politique pour s’octroyer les pleins pouvoirs en vertu de l’article 80 de la Constitution, dont les dispositions lui permettent de « prendre les mesures qu’impose l’état d’exception » « en cas de péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics » : une décision soutenue par 91 % des Tunisiens, selon un sondage Sigma Conseil / Le Maghreb du 17 août. Le 26 août, Kaïs Saïed annonçait prolonger le gel du Parlement jusqu’à nouvel ordre, plongeant la Tunisie dans l’inconnu.

    Les risques sont multiples, à commencer par celui de la banqueroute, la Tunisie peinant à trouver des créanciers au-delà des promesses des États du Golfe qui, pour l’instant, ne se sont pas réalisées. Et la popularité de Kaïs Saïed, fondée sur la promesse d’une lutte contre la corruption et d’une redistribution des fruits de cette lutte, pourrait s’étioler à mesure que la perspective de redistribution des fruits de la lutte anti-corruption s’éloigne, exposant le président au risque d’un mécontentement populaire massif qui pourrait avoir des conséquences politiques.

    L’été fut tout aussi agité en Algérie et au Maroc, puisque l’Algérie annonçait le 24 août avoir rompu ses relations diplomatiques avec son voisin. Une querelle opportune pour le gouvernement algérien, qui, en pointant du doigt tantôt un mouvement autonomiste kabyle soutenu par le Maroc, tantôt la politique marocaine de rapprochement avec Israël, détourne l’attention des graves difficultés économiques et institutionnelles que traverse le pays.

    Le Maroc, lui, continue de son côté de renforcer son positionnement et son indépendance en tissant des liens étroits avec les grandes puissances, qu’il s’agisse de la France, des États-Unis avec les accords d’Abraham, ou encore de la Chine. L’affaire Pegasus, enfin (où le Maroc a été accusé – ce qu’il a nié – de s’être appuyé sur une technologie développée par la société israélienne NSO pour déployer une opération d’espionnage de grande envergure, NDLR) démontrerai la normalisation en cours des relations israélo-marocaines.

    Le destin de l’Europe est intimement lié à celui du Maghreb

    Quelles conséquences ces dynamiques régionales emporteront-elles pour l’Europe ? Comment cette dernière doit-elle réagir face aux risques que soulèvent les situations tunisienne, algérienne et marocaine ? En Tunisie, si les États européens, qui craignaient l’émergence d’un mouvement populaire ou la survenue d’un coup d’État militaire, furent tout d’abord soulagés par la décision du président Saïed, leur patience pourrait bien s’amenuiser si la situation perdurait sans que soient mis en œuvre des changements concrets. Pour autant, ni la France ni l’Europe ne disposent de moyens de pression significatifs : le président Saïed, mal connu des Européens et jugé très nationaliste, a besoin d’une poursuite de la coopération et d’un soutien financier. Plus qu’une éventuelle pression diplomatique, c’est la pression économique intérieure qui fera bouger les lignes. Un groupement de pays amis, qui devra compter la France, l’Allemagne et l’Italie, mais aussi l’Algérie et les États du golfe, devrait établir rapidement un dialogue avec le président Saïed pour encourager une transition institutionnelle rapide qui devra s’accompagner de réformes économiques substantielles en échange du soutien financier dont a besoin la Tunisie.

    Au-delà de leur vivacité de façade, les tensions entre l’Algérie et le Maroc, quant à elles, doivent être relativisées : cela fait près de trente ans déjà que la frontière entre les deux États est fermée, et le risque d’escalade du conflit apparaît dès lors minime. En outre, l’Europe n’a que peu de marge de manœuvre face à cette situation : l’Algérie doit poursuivre sa transition politique et institutionnelle, et elle le fera seule.

    L’Europe doit demeurer très attentive à la situation du Maghreb.

    Pour autant, l’Europe doit demeurer très attentive à la situation du Maghreb. Tandis qu’elle se prémunissait d’une grave crise économique et sociale en s’auto-attribuant 15 points de PIB de soutien public, les États à revenus intermédiaires qui se trouvent à ses portes ne pouvaient, eux, débloquer que 2 à 4 points de PIB de soutien public, dans une situation économique et sociale d’ores et déjà désastreuse, et aggravée encore, dans les cas algérien et tunisien, par les fragilités institutionnelles que l’on connaît.

    Il n’est pas anodin, pour l’Europe, de constater que le PIB tunisien a décliné de 8 % l’an dernier et que l’on prévoit -6 % cette année. De tels chiffres sont propices à l’apparition de mouvements populaires et de crises politiques, sociales et économiques majeures dont l’Europe, qui entretient avec la région des liens extrêmement étroits, ressentira nécessairement les effets. Le constat se vérifie également sur le plan sanitaire : tant que le Maghreb sera en proie à la crise sanitaire, l’Europe demeurera exposée au risque d’une recrudescence de l’épidémie.

    Il est donc indispensable et urgent, pour l’Europe comme pour la France, de se montrer bien plus actives dans la promotion d’une politique vaccinale à destination de l’étranger proche ; cette politique doit s’accompagner par ailleurs d’un important soutien financier. Car si tous les regards sont aujourd’hui tournés vers l’Afghanistan, l’Europe et la France seraient bien inspirées de ne pas négliger le Maghreb : ce qui s’y joue aujourd’hui peut avoir pour elles des conséquences infiniment plus importantes que la terrible crise afghane.

    Institut Montaigne, 01/09/2021

  • La fermeture du GME aggrave la situation du gaz en Europe

    La fermeture du GME aggrave la situation du gaz en Europe

    Maroc, Algérie, gazoduc, Medgaz, #Maroc, #Algérie,

    (PetroTimes) – La montée des tensions entre l’Algérie et le Maroc pourrait conduire à la paralysie de l’un des trois gazoducs qui exportent du gaz d’Afrique vers l’Europe – Maghreb Europe (GME).

    Le gazoduc Maghreb-Europe (GME), depuis 1996, relie les champs algériens de Hassi-R’Mel au Sahara à l’Europe via le Maroc sur une longueur de 540 km.

    Le contrat de transbordement via le Maroc a pris fin en octobre, cependant, l’Algérie et le Maroc ont rompu leurs relations diplomatiques en août, et les trois parties, y compris l’Espagne en tant qu’importateur, ne peuvent pas encore s’entendre sur un nouveau contrat.

    Au cours des 8 premiers mois de 2021, l’Algérie a fourni 10,8 milliards de m3 de gaz à l’Espagne et au Portugal à travers deux gazoducs d’une capacité de 8 milliards de m3 par an Maghreb-Europe (GME) et Medgas, soit une augmentation de 2,3 fois supérieure à la l’ensemble de 2020.

    Si le gazoduc GME cesse de fonctionner, le volume de gaz ne sera pas garanti, y compris l’extension de la capacité de Medgas à 10 milliards de m3/an, de sorte que les prix du gaz en Europe augmenteront et Gazprom en bénéficiera directement.

    La partie algérienne presse le Maroc de réduire le volume de transbordement, l’obligeant à le réduire à 1 milliard de m3 par an, tout en ajustant le prix du gaz qui a augmenté de 640% en 2021.

    Petro Times, 07/09/2021

  • L’Europe et la peur d’ouvrir la porte au terrorisme islamiste

    L’Europe et la peur d’ouvrir la porte au terrorisme islamiste

    Europe, Union Européenne, terrorisme, islamisme, Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie, Libye, Afghanistan,

    Le Vieux Continent est entouré par l’instabilité de certains pays et l’infiltration de djihadistes parmi les réfugiés.

    La Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, le Sahara occidental, la Mauritanie, l’ouest géographique du monde arabe, le Maghreb – « le lieu où le soleil se couche » en langue arabe – sont en première ligne de l’instabilité islamiste après la chute de l’Afghanistan, projetant sur l’Espagne et toute l’Europe méditerranéenne l’ombre de menaces inquiétantes, de l’immigration indésirable au terrorisme.

    Iyad Ag Ghaly, le leader du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, une coalition de gangs et d’organisations islamistes liés à Al-Qaïda dans la vaste zone désertique du Sahel, a été l’un des premiers à réagir à la chute de Kaboul : ‘ Rendons hommage et tirons les leçons du nouvel « émirat » islamique d’Afghanistan, après le retrait des troupes d’invasion américaines, fruit final de nombreuses années de combat. La réaction d’Ag Ghaly est hautement symbolique à plus d’un titre : le personnage, malien de naissance, a consacré toute sa vie à la lutte armée contre la France (grande puissance tutélaire dans l’ouest du Sahel, où il a déployé plus de 5 000 soldats depuis 2014). Il est en contact avec toutes les familles de l’islamisme subversif depuis de nombreuses années, en Afrique, au Moyen-Orient et en Afghanistan, transitant, du Mali au Liban, en passant par la Libye, le pion le plus fragile et le plus instable de tout le Maghreb.

    Libye : infiltrée par les affiliés de Daech

    En Libye, la mise en place d’un régime islamiste en Afghanistan a été perçue comme un « indicateur de tendance » par un gouvernement qui se trouve dans une situation précaire et instable. Entre 2014 et 2020, le pays a connu une guerre civile partiellement inachevée, le gouvernement étant harcelé de toutes parts et, en particulier, par des gangs islamistes dans l’est du pays, où en 2014 l’État islamique autoproclamé de Libye a été créé avec l’objectif spécifique d’établir un « califat » islamique dans tout le Maghreb. Ce groupe libyen fait partie de l’archipel subversif de Daech.

    Dans la ville libyenne de Zliten se trouve la légendaire mosquée Al-Asmariya, officiellement présentée comme l’Université des sciences islamiques, l’un des grands centres de l’islam soufi, comparable à la mosquée Al Azahar, au Caire, ou à la Grande mosquée d’Oujda au Maroc. .

    La Libye est à la fois un drain pour les immigrés et les islamistes africains et une base d’opérations djihadistes. Bien avant la chute de l’Afghanistan, le chercheur Jesús A. Núñez Villaverde, commentait pour le Royal Elcano Institute la situation libyenne en ces termes : « L’idée que la Libye continue de s’enfoncer dans un abîme s’impose. La Libye est aujourd’hui un territoire atomisé dans lequel personne ne représente vraiment personne et dans lequel la grande majorité des acteurs en jeu ne cherchent qu’à lutter avec ce qui est à tout moment à leur portée ». Depuis des semaines, les chefs de guerre des organisations et gangs islamistes harcèlent le fragile gouvernement libyen, dans une situation très précaire.

    Tunisie : Corruption et instabilité

    Le président par intérim de la Tunisie en juillet dernier a donné quelque chose de très similaire à un coup d’État, pour prendre tous les pouvoirs et contrôler Ennahdha, le premier parti d’opposition islamiste. La corruption, l’instabilité et l’incertitude favorisent les bouleversements islamistes.

    Ennahdha est un parti islamiste conservateur, créé à l’image et à la ressemblance des Frères musulmans égyptiens, avec une présence historique exceptionnelle dans la société tunisienne, en conflit et tension permanente avec tous les gouvernements officiels. Assumant tous les pouvoirs, Kaïs Saied, chef de l’Etat tunisien, sépare les islamistes des centres de pouvoir. Les optimistes espèrent qu’un nouvel homme fort réussira à préserver la stabilité tunisienne.

    Marek Halter, écrivain, essayiste, connaissant bien les conflits au Moyen-Orient et au Maghreb, commente après une récente visite en Tunisie : « La corruption et l’islamisation forcée ont fait des ravages, elles ont sapé la vie politique tunisienne. Moncef Marzouki, qui fut le premier président de la République démocratique tunisienne, ajoute : « La révolution tunisienne qui promettait la liberté et le progrès a échoué parce que les islamistes ont soutenu la contre-révolution. L’actuel président a effectué un coup d’État. Personne ne sait ce qui se passera demain.

    Algérie : les échos de la guerre civile résonnent

    En Algérie, les islamistes ont annoncé leur triomphe aux élections de juin dernier. Le gouvernement n’a pas clarifié les résultats finaux avec précision. Les islamistes avaient déjà remporté une élection en 1990/91. Le gouvernement n’a pas accepté ce triomphe. Une guerre civile a éclaté qui a duré jusqu’en 2002, faisant plus de 200 000 morts. La corruption et la misère continuent d’être le terreau où l’islamisme reste une menace forte.

    Il y a tout juste dix jours, le ministère algérien de la Défense publiait ce bref communiqué : « Dans le cadre de notre lutte contre le terrorisme, les forces de l’Armée nationale populaire ont capturé un dangereux terroriste, Laouar Fahim, connu de Naïm, qui travaillait pour le groupes terroristes depuis 1994′. L’islamiste détenu avait en sa possession des armes, des munitions et quelque 5 000 euros, une somme exceptionnelle dans les déserts algériens, qui servent de pont entre le Sahel et la Méditerranée. Au cours des six premiers mois de cette année, l’armée algérienne a abattu une dizaine de terroristes islamistes. La guerre civile, religieuse, islamiste de la fin du 20e siècle a fait plus de 200 000 morts. Le nouvel « émirat » afghan nourrit de sanglants espoirs islamistes.

    « L’islamisme le plus radical a conquis un pays, l’Afghanistan, et cette victoire résonne dans tout le monde musulman »
    Kamel Daoud, essayiste d’origine algérienne, commente ainsi l’évolution des crises : « L’islamisme le plus radical a conquis un pays, l’Afghanistan, et cette victoire résonne dans tout le monde musulman. En Algérie, la deuxième chute de Kaboul aux mains des barbares n’est pas très excitante. Depuis la guerre civile entre les islamistes et le régime, l’héritage des « pères » djihadistes, les « Afghans » algériens, rentrés de l’école de guerre en Afghanistan, n’est pas oublié. De nombreuses élites algériennes sont tentées de fuir, de s’exiler, craignant les crises à venir, victimes d’attaques de désespoir contenu ».

    Maroc : en attendant les élections

    Le Parti marocain de la justice et du développement (PJDM) est officiellement un « parti islamiste non-révolutionnaire ». Il fait partie de la coalition gouvernementale et il reste à voir comment il évoluera après les élections de mercredi. Pendant des années, les dirigeants marocains ont déclaré que Rabat partage avec Paris la peur de la croissance et des menaces de l’islamisme radical.

    Youssef Chiheb, politologue marocain, insiste sur ce point : « L’islamisme radical est un ennemi commun, pour la France, pour le Maroc, pour tout le Maghreb. D’où la nécessité de coopérer dans les domaines les plus sensibles. Il n’échappe pas à Chiheb, en même temps, que le PJDM, le parti islamiste marocain, a une vision de la « démocratie islamique » plus ou moins similaire à celle de Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie. Une nuance qui n’est pas forcément rassurante. La crise récente à Ceuta donne une première idée des proportions inflammables que pourrait avoir une croissance incontrôlée de l’islamisme conservateur marocain.

    Mauritanie : Installée dans l’opposition

    En Mauritanie, le premier parti d’opposition est un parti islamiste et le gouvernement s’enflamme contre ceux qui osent critiquer l’islam, justifiant la colère de ceux qui ont tué pour défendre leur religion contre les auteurs des caricatures de Mahomet.

    La Mauritanie est un État islamique fragile, un bouchon et un drain pour les gangs djihadistes de l’immense bande saharienne du Sahel, où opèrent de nombreux gangs et organisations terroristes, proches des différents affiliés de Daech et d’Al Qaida.

    L’installation d’un « émirat » islamiste, les talibans, en Afghanistan, d’où opèrent d’autres familles de l’islam subversif et terroriste, peut être une menace universelle.

    La croissance et la propagation de l’islamisme, entre le Sahel et l’ensemble du Grand Maghreb, de la Libye à la Mauritanie, menacent bien plus étroitement toute l’Europe méditerranéenne, à commencer par l’Espagne bien sûr.

    Juan Pedro Quiñonero

    ABC, 05/09/2021

  • Cowboys au Maghreb

    Maroc, Algérie, Sahara Occidental, #Maroc, #Algérie, #SaharaOccidental,

    Jorge Dezcallar

    On dirait que notre Maghreb voisin est devenu plein de cow-boys inexpérimentés, ceux qui, voulant tirer plus vite, appuient sur la gâchette avant d’avoir fini de dégainer et se tirent une balle dans le pied. C’est ce qui se passe ces jours-ci au Maroc et en Algérie, deux pays qui n’ont pas été touchés par les convulsions du printemps arabe parce que le roi Mohammed VI, qui l’avait vu venir, a procédé à des réformes constitutionnelles cosmétiques qui ont mis fin aux protestations sans céder un pouce de pouvoir, alors que les Algériens, échaudés par dix ans de guerre civile au début du siècle, se sont limités à des manifestations qui ont fait tomber le président Bouteflika, octogénaire et malade, sans toucher aux véritables maîtres du pays, l’armée et les services de renseignement.

    Les relations entre l’Algérie et le Maroc n’ont jamais été bonnes. Le Maroc a soutenu l’héroïque lutte anticoloniale de l’Algérie dans l’espoir naïf qu’après l’indépendance, elle lui rendrait les vastes territoires sahariens que Paris lui avait arrachés d’un trait de carte en se retirant du Maroc en 1956 et en pensant que l’Algérie serait toujours française. Lorsque l’Algérie refuse de le faire, la « guerre des sables » éclate, que le Maroc perd en 1963.

    Depuis lors, il existe un mauvais sentiment entre les deux pays, qui s’est aggravé avec le soutien de l’Algérie au Front Polisario et sa décision de fermer la frontière en 1994 après un attentat terroriste à Marrakech dont Rabat l’a accusé. Tout cela a fait de l’Union du Maghreb arabe une lettre morte et a empêché la région de partager ses nombreuses ressources naturelles et humaines et de devenir un interlocuteur uni et fort de l’UE.

    Aujourd’hui, l’Algérie a décidé de faire un nouveau pas dans la mauvaise direction et de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc. Elle accuse le Maroc de soutenir les mouvements indépendantistes kabyles, de l’espionner à l’aide de technologies israéliennes sophistiquées et même de mettre le feu à ses forêts. Et le roi du Maroc, qui une fois de plus l’a vu venir, a décidé qu’il ne pouvait pas être en désaccord avec ses deux plus importants voisins en même temps et a fait de son mieux pour raccommoder la relation bilatérale avec l’Espagne, qu’il avait lui-même ruinée en prétendant que nous suivions les traces de Donald Trump. Car la racine du problème actuel n’est autre que la déstabilisation que Trump a produite dans la région du Maghreb avec ses accords d’Abraham, qui l’ont conduit à reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara en échange de l’établissement par Rabat de relations diplomatiques avec Israël, ce qui a profondément irrité Alger.

    Derrière le différend actuel se cache une lutte sans merci pour l’hégémonie régionale, dans laquelle le Sahara occidental joue un rôle clé. En effet, un Sahara indépendant et peu peuplé serait une marionnette aux mains de l’Algérie qui « cernerait » le Maroc contre la pointe nord-ouest du continent, tandis qu’un Sahara sous souveraineté marocaine éviterait un tel étau et l’ouvrirait sur l’Afrique subsaharienne.

    C’est là le véritable problème. Le Maroc, voyant à juste titre que l’Algérie traverse actuellement une période de faiblesse interne, a fait pression sur elle et Alger a répondu en rompant ses relations… peut-être aussi pour détourner l’attention de ses nombreux problèmes internes.

    Ce qui s’est passé nous affecte parce que l’instabilité du Maghreb n’est jamais une bonne nouvelle et parce qu’Alger a décidé de ne plus nous envoyer de gaz par le gazoduc du Grand Maghreb (GGM) – qui traverse le territoire marocain sur 145 kilomètres jusqu’à Gibraltar – afin de priver son voisin des taxes qu’il perçoit pour le transit (environ 100 millions d’euros par an, bien que le chiffre varie fortement) et aussi du gaz bon marché dont bénéficient 45 % de sa population.

    En même temps – et pour ne pas nous nuire – elle a renforcé le gazoduc Medgaz (Duran-Farrell) à travers la mer d’Alboran, puisque l’Algérie fournit 29% du gaz que nous consommons. Mais la fermeture du GGM présente l’inconvénient qu’en cas de besoin d’exporter plus de gaz ou de panne de Medgaz, l’Algérie n’aurait pas de voie d’exportation alternative et ce serait nous (et l’Algérie elle-même) qui en souffririons.

    Comme je l’ai dit, des cow-boys amateurs qui se tirent une balle dans le pied et nuisent à leurs citoyens avant tout, puis à leurs voisins.

    Diario de Mallorca, 05/09/2021