Catégorie : Maroc

  • Rabat fait «feu de tout bois»: que se passe-t-il entre le Maroc et l’Espagne?

    Par Kamal Louadj

    Dans un entretien à Sputnik, l’économiste marocain Fouad Abdelmoumni explique que la crise migratoire et diplomatique entre le Maroc et l’Espagne «est due à trois facteurs qui se rejoignent intégralement»: la présence du Président de la RASD en Espagne, la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental et enfin la crise économique et sociale.

    Des milliers de migrants, en majorité marocains, ont pris d’assaut l’enclave espagnole de Ceuta entre dimanche 16 mai au soir et mardi 18 mai. Ils seraient entre 6.000 et 10.000, dont 1.500 mineurs, à avoir traversé la frontière, selon des sources médiatiques espagnoles.

    Cette vague migratoire a provoqué une crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne. En effet, après avoir été convoquée mardi à ce sujet par le ministère espagnol des Affaires étrangères, l’ambassadrice marocaine à Madrid, Karima Benyaich, a été rappelée à Rabat pour consultations tout comme sa consœur en Allemagne.

    Ce mercredi 19 mai, lors d’une déclaration à la radio publique espagnole, le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, a affirmé que sur le thème migratoire, l’Europe «ne se laissera intimider par personne» et elle ne sera «pas victime de ces tactiques» dans une allusion très claire au Maroc, selon l’AFP. Une déclaration qui laisse penser que ces migrants ont bien passé la frontière sous l’œil bienveillant des autorités marocaines.
    Que se passe-t-il entre Rabat et Madrid? Quelle relation a cette crise diplomatique et migratoire avec la décision de l’Espagne de recevoir sur son sol le Président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Brahim Ghali, pour des soins médicaux liés au Covid-19? Le Maroc tente-t-il un bras de fer avec l’Espagne et toute l’Europe en usant de la carte migratoire?

    Dans un entretien accordé à Sputnik, Fouad Abdelmoumni, économiste marocain, membre du conseil d’administration de Transparency International Maroc et militant des droits de l’homme, estime que le royaume chérifien «s’est réellement lancé dans une opération de chantage aux migrants avec l’Europe, via l’Espagne», pour des considérations liées au dossier du Sahara, dont la présence du chef de la RASD sur le sol espagnol. Il ajoute que la situation économique et sociale des populations marocaines dans la région frontalière avec Ceuta est également à prendre en compte.

    «Le dossier migratoire est une carte»

    «Il y a certainement un désir intense chez une grande majorité des Marocains, notamment les jeunes, d’émigrer vers l’Europe», avance M.Abdelmoumni, soulignant que «jusqu’à récemment, le Maroc a contenu cette aspiration à l’émigration en servant de gendarme pour le compte de l’Europe à l’égard de sa propre population et de la population subsaharienne».

    «Rabat considère le dossier migratoire comme une carte qu’il peut faire valoir dans les négociations avec l’Europe», poursuit-il. «Les pays européens sont conscients de ça et intègrent la question de l’immigration dans les aides qu’ils fournissent au Maroc, en plus des problèmes de sécuritaire et de lutte contre le banditisme et le terrorisme internationaux et leurs intérêts économiques au royaume.»

    Ainsi, Fouad Abdelmoumni juge que c’est dans ce sens que «le ministre marocain des Droits de l’homme et l’ambassadrice du Maroc à Madrid ont tous les deux officiellement déclaré que l’Espagne ne pouvait que s’attendre à des mesures de rétorsion de la part du Maroc suite à l’accueil du Président de la RASD et chef du Front Polisario pour des soins médicaux».

    «Une manœuvre tactique dans un enjeu plus global»

    Cependant, selon l’interlocuteur de Sputnik, le prétexte de la présence de Brahim Ghali en Espagne «n’est qu’une manœuvre tactique dans un enjeu plus global».

    En effet, après la déclaration de Donald Trump reconnaissant la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental dans le sillage de l’accord de normalisation de ses relations avec Israël en décembre 2020, «les autorités marocaines ont cru que le moment était propice pour réaliser des avancées substantielles en matière diplomatique, espérant voir un effet d’entrainement de l’Europe», explique-t-il. «Il se trouve que cet effet n’a pas eu lieu, bien au contraire. Il y a eu le changement de l’administration américaine, mais surtout une levée de boucliers assumée par l’Allemagne et l’Espagne à l’égard de cette reconnaissance. Berlin avait même provoqué une réunion du Conseil de sécurité de l’Onu pour dénoncer cette reconnaissance contraire au droit international», rappelle-t-il.

    Dans ce contexte, M.Abdelmoumni juge que «la diplomatie marocaine, ayant vu que ses calculs n’allaient pas aboutir, est en train de faire feu de tout bois et de montrer toute la capacité de nuisance qu’elle peut avoir à l’égard de certains pays européens pour les amener à entrer dans ce jeu. Or, l’espoir des autorités marocaines de pouvoir réaliser des avancées significatives sur la question de la souveraineté sur le Sahara occidental, notamment à l’Onu, n’est plus d’actualité. Le Maroc a même été acculé à stopper net la vague d’émigration, après que la Commission européenne a fait savoir au gouvernement marocain que Ceuta n’est pas à la frontière de l’Espagne uniquement, mais aussi de l’Europe et que ce comportement n’était pas tolérable».

    Concernant le point de vue de la population marocaine sur l’accord de normalisation avec l’État hébreu en contrepartie de la reconnaissance américaine de la souveraineté du royaume chérifien sur le Sahara occidental, l’expert indique que la majorité «des Marocains considèrent que le Sahara est une terre marocaine».

    «Le Sahara occidental a eu un coût exorbitant sur les revenus du pays en termes d’investissements non rentables, de dépenses militaires qui a lourdement pénalisé le développement du pays, et ce depuis 1975. Beaucoup de Marocains ont donc vu d’un bon œil la décision de Trump, malgré le rétablissement des relations avec Israël. Mais les attaques israéliennes contre la bande de Gaza ont suscité la colère, sortant par milliers au moins dans 50 villes du pays pour les condamner et exiger la rupture de l’accord tripartite de normalisation avec l’État hébreu».

    Quid des conditions économiques et sociales?

    Au-delà des enjeux politiques sur la question du Sahara occidental, M.Abdelmoumni pense qu’ «une grande majorité de Marocains, hommes et femmes, ne voient plus d’avenir dans leur pays et considèrent que l’une des options de salut qui s’offre à eux est de rejoindre le sol européen».

    Selon lui, «cette situation s’est doublement aggravée durant les derniers mois, dans le contexte du confinement lié au Covid-19 qui a paupérisé une partie énorme de la population, en plus de la décision des autorités d’assécher les activités de commerce informel avec les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, qui sont la seule source de revenus des populations vivant dans ces régions».

    Pour étayer son propos, l’économiste explique qu’«aujourd’hui, au Maroc, à peine 45% de la population est considérée comme active, soit près de 12,5 millions de personnes sur 35 millions». Et de préciser que «sur ces 12,5 millions d’actifs, seuls trois millions ont un emploi décent, au sens de travail stable avec les assurances sociales y afférentes. Tous les autres vivotent grâce à des activités plus au moins informelles qui sont celles qui ont été les plus impactées par le confinement lié au Covid-19».

    «Suite au confinement, 600.000 emplois avaient été perdus durant les trois premiers mois de l’année 2020, portant le nombre de chômeurs à 1,5 million de personnes», détaille le spécialiste. «Le Haut-commissariat au plan a fait dernièrement savoir que le revenu moyen par tête des 20% des employés les plus riches était de 450 euros par mois, alors que celui des 20% les plus pauvres était de 50 euros. Cette même institution a déclaré que l’indice des inégalités au Maroc était de 46,5%, au-dessus de son seuil socialement tolérable qui est de 42%».

    Enfin, Fouad Abdelmoumni rappelle que «le roi avait déclaré en 2014 et 2017 que le modèle de développement du pays n’était plus fonctionnel, annonçant la création d’une commission de réflexion sur un nouveau modèle dont on ne voit toujours pas les débuts». Ceci en plus d’un «large sentiment d’accaparement de la richesse et de l’État par une caste infiniment petite de grands bourgeois rentiers», conclut-il.

    Sputnik France, 19 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Espagne, Ceuta, Sahara Occidental, Front Polisario, Brahim Ghali,

  • Ceuta: l’Espagne accuse le Maroc «d’agression» et de «chantage»

    Madrid | Le gouvernement espagnol a encore haussé le ton jeudi contre le Maroc, accusé d’«agression» et de «chantage» par la ministre de la Défense après l’arrivée de plus de 8000 migrants depuis lundi dans l’enclave espagnole de Ceuta.

    L’afflux de ces migrants en provenance du Maroc voisin «est une agression à l’égard des frontières espagnoles mais aussi des frontières de l’Union européenne», a dénoncé Margarita Robles sur la radio publique, en dénonçant un «chantage» de Rabat qu’elle a accusé d’«utiliser des mineurs».

    «Nous ne parlons pas de jeunes de 16, 17 ans», le Maroc a laissé passer des «enfants de 7 ou 8 ans, d’après ce que nous ont rapporté les ONG (…) en faisant fi du droit international», a vilipendé la ministre.

    L’image d’un bébé sauvé de la noyade par un agent de la garde civile espagnole a notamment fait le tour du monde, suscitant l’effroi sur les réseaux sociaux.

    À travers ces déclarations de la ministre de la Défense, le gouvernement espagnol hausse encore le ton contre le Maroc, dont il avait convoqué l’ambassadrice en Espagne mardi pour exprimer son «mécontentement».

    Le premier ministre Pedro Sanchez avait lui accusé mercredi Rabat «de manque de respect».

    Depuis lundi, une marée humaine de plus de 8000 candidats à l’exil, en très grande majorité des Marocains, a rejoint sans entrave le petit port espagnol à la faveur d’un relâchement des contrôles frontaliers de la part du Maroc.

    Parmi eux, un nombre impressionnant de jeunes partis seuls ou d’enfants en bas âge, emmenés par leur famille.

    Cette vague migratoire inédite a pour toile de fond la crise diplomatique majeure entre Madrid et Rabat, qui ne décolère pas depuis l’arrivée le mois dernier en Espagne, pour y être soigné, du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, ennemi juré du Maroc.

    Plusieurs ONG espagnoles et marocaines ont dénoncé le fait que ces mineurs se retrouvent victimes de la brouille entre les deux pays et s’inquiètent de les voir expulsés vers le Maroc.

    Sur les plus de 8000 migrants, 5600 ont déjà été expulsés vers le Maroc, selon des chiffres donnés mercredi par les autorités espagnoles.

    Durcissant le ton également contre Rabat, Bruxelles a assuré mercredi, par la voix du vice-président de la Commission européenne Margaritis Schinas, que «personne ne peut intimider ou faire chanter l’Union européenne (…) sur le thème migratoire».

    Journal de Montréal, 20 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Espagne, Ceuta, Sahara Occidental, Front Polisario, Brahim Ghali, chantage, agression,

  • À Ceuta, le Maroc défie son grand allié, l’Espagne

    L’escalade entre Madrid et Rabat, née de l’arrivée soudaine de 8 000 migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta le 17 mai, ne doit pas s’aggraver, estime ce quotidien catalan. Car l’Espagne et le Maroc sont dépendants l’un de l’autre.

    L’arrivée non maîtrisée de quelque 8 000 migrants à Ceuta, lundi 17 mai, rendue possible par la passivité de la police marocaine, a engendré une crise migratoire dans la ville [une enclave espagnole de plus de 80 000 habitants située au nord du Maroc]. Celle-ci se retrouve débordée face à cet afflux sans précédent. Mais l’attitude du Maroc a aussi provoqué une crise politique et diplomatique avec l’Espagne, et plus généralement avec l’Union européenne.

    Devant la gravité de la situation, le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, a dû se rendre à Ceuta et Melilla, mardi 18 mai, non sans avoir assuré que l’Espagne défendrait ses frontières “avec fermeté” et ne céderait à aucun chantage.

    Le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, s’y est rendu également, après avoir annoncé qu’environ 4 000 migrants avaient déjà été reconduits au Maroc. L’armée a été déployée dans la ville et 200 agents de la police nationale et de la garde civile, la gendarmerie espagnole, ont été envoyés en renfort aux frontières.

    De son côté, l’Union européenne exprimait mardi sa totale solidarité avec l’Espagne et lui promettait son soutien, exigeant du Maroc qu’il remplisse ses engagements et limite le passage irrégulier de migrants. L’UE a notamment rappelé à Rabat que les frontières espagnoles étaient aussi des frontières européennes.

    Le Maroc resserre ses liens diplomatiques avec Madrid depuis des semaines après avoir appris en avril dernier que le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, était hospitalisé à Logroño, malade du covid. La passivité de la police marocaine face à l’avalanche d’immigrants qui ont traversé la frontière est directement liée à la décision espagnole d’accueillir l’homme politique du Polisario.

    La ministre des affaires étrangères, Gonzalez Laya, dit n’avoir aucune preuve qu’il existe une relation entre un fait et l’autre et insiste sur le fait que l’hospitalisation du Ghali répond à des raisons humanitaires. Mais Rabat, dans deux déclarations sévères de ces derniers jours, a haussé le ton et reproche à l’Espagne l’ »inaction » de la justice -Ghali fait l’objet d’une enquête de l’Audiencia Nacional pour violation présumée des droits de l’homme et c’est pourquoi il est entré avec une fausse identité- et, bien qu’elle reconnaisse que l’accueillir est une décision souveraine de l’Espagne, elle a prévenu qu’elle en mesurerait « toutes les conséquences ». Un ton conflictuel qu’a maintenu hier l’ambassadrice du Maroc à Madrid, qui, peu avant d’être convoquée à des consultations dans son pays après avoir été convoquée d’urgence par le ministère des Affaires étrangères, a insisté sur le fait qu’ »il y a des attitudes qui ne peuvent pas être acceptées et il y a des actes qui ont des conséquences et qui doivent être assumés ».

    La crise actuelle n’est pas seulement le résultat de la question de la migration. Ça vient de plus loin. L’avalanche de personnes en est la conséquence tragique. Pour Rabat, la propriété marocaine du Sahara occidental est la question qui structure toute sa diplomatie et c’est pourquoi Rabat s’est sentie renforcée lorsque, fin 2020 et alors que son mandat était presque terminé, Donald Trump a défié les résolutions de l’ONU et reconnu la souveraineté marocaine sur ce territoire. Rabat pensait que l’Espagne et l’UE changeraient de position.

    Il ne l’a pas fait, et la première conséquence a été la suspension du sommet bilatéral hispano-marocain prévu une semaine plus tard, et qui est toujours sans date avec l’excuse de la pandémie. La présence de Ghali en Espagne a conduit le Maroc à utiliser l’un de ses principaux atouts pour faire pression sur Madrid : le contrôle de l’immigration – il le fait depuis des décennies – en utilisant des milliers de personnes désespérées. Le Maroc a lancé un défi fort et clair à l’Espagne, mais il n’est pas tolérable qu’il joue avec la vie de ses citoyens pour des objectifs politiques.

    Madrid et Rabat doivent réorienter la situation avant qu’elle ne s’aggrave encore, ce qui suppose que le Maroc honore ses engagements et ses accords frontaliers. Au cours des dernières décennies, les relations bilatérales ont été stables, même si elles ont connu quelques hauts et bas. Le voisin du sud est le grand allié de l’Espagne et de l’Europe dans le contrôle des flux migratoires et des mouvements du terrorisme djihadiste. L’Espagne, qui jusqu’à présent a évité de critiquer la position du Maroc et continue de parler de pays ami et de partenaire, est le principal interlocuteur de Rabat auprès de l’UE, en plus d’être son principal client économique. Les deux ont besoin l’un de l’autre.

    La Vanguardia, 19 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Espagne, Ceuta, Mardid, Rabat, migration,

  • Le plan de paix absurde de Kushner a échoué.

    Par Michelle Goldberg

    « Nous assistons aux derniers vestiges de ce qu’on a appelé le conflit israélo-arabe », se vantait Jared Kushner dans le Wall Street Journal il y a deux mois.

    Il sondait les résultats des accords d’Abraham, l’ersatz de plan de paix au Moyen-Orient qu’il a aidé à négocier sous Donald Trump. Au cœur de sa suprême assurance, et des accords eux-mêmes, se trouvait la fiction mortelle selon laquelle les Palestiniens étaient si abjects et vaincus qu’Israël pouvait simplement ignorer leurs demandes.

    « L’une des raisons pour lesquelles le conflit israélo-arabe a persisté si longtemps était le mythe selon lequel il ne pouvait être résolu qu’après qu’Israël et les Palestiniens aient réglé leurs différends », écrit Kushner. « Cela n’a jamais été vrai. Les accords d’Abraham ont révélé que le conflit n’était rien de plus qu’un différend immobilier entre Israéliens et Palestiniens qui n’avait pas besoin de retarder les relations d’Israël avec le monde arabe au sens large. »

    Pour contourner ce différend, les États-Unis ont entrepris de soudoyer d’autres pays arabes et musulmans pour qu’ils normalisent leurs relations avec Israël. Les Émirats arabes unis ont obtenu un énorme contrat d’armement. Le Maroc a obtenu de Trump qu’il soutienne son annexion du Sahara occidental. Le Soudan a été retiré de la liste américaine des États soutenant le terrorisme.

    Mais l’explosion des combats en Israël et en Palestine ces derniers jours met en évidence une chose qui n’aurait jamais dû faire de doute : la justice pour les Palestiniens est une condition préalable à la paix. Et l’une des raisons pour lesquelles il y a eu si peu de justice pour les Palestiniens est la politique étrangère des États-Unis.

    « Je ne pense pas que cette occupation et ce processus d’annexion rampant auraient pu atteindre leur stade actuel si les États-Unis avaient dit non », a déclaré Jeremy Ben-Ami, président du groupe sioniste libéral J-Street.

    On peut condamner le Hamas et ses roquettes tout en reconnaissant que la conflagration actuelle a commencé par un excès israélien né d’un sentiment d’impunité. La campagne menée par les colons israéliens pour expulser des familles palestiniennes de leurs maisons dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, a constitué un point de tension majeur. Il y a également eu un raid de la police israélienne sur la mosquée Al Aqsa la première nuit du Ramadan, non pas pour prévenir la violence, mais pour couper ses haut-parleurs afin que les prières ne couvrent pas un discours du président israélien.

    Les Palestiniens craignent, non sans raison, qu’Israël ne cherche à les chasser de Jérusalem. Cela a permis au Hamas de se positionner comme le protecteur de Jérusalem. Et Israël semble considérer que son droit de se défendre contre le Hamas justifie le nombre obscène de victimes civiles qu’il provoque.

    Un statu quo insoutenable
    Tant d’horreur est née de l’illusion, tant de la droite israélienne que de la droite américaine, qu’en ce qui concerne les Palestiniens, le statu quo est durable.

    Pour être juste, ce n’est pas quelque chose qui a commencé avec Trump : L’Amérique a permis l’occupation et le projet de colonisation d’Israël pendant des décennies. Tareq Baconi, un analyste principal basé à Ramallah pour l’International Crisis Group, a fait valoir qu’à certains égards, l’administration Trump était simplement plus honnête que ses prédécesseurs quant à son mépris pour les Palestiniens.

    Néanmoins, a-t-il ajouté, la politique étrangère de Trump a permis « à la droite israélienne de comprendre qu’elle pouvait s’en tirer avec ses politiques les plus extrêmes. »

    Avant Trump, il était courant de dire que l’occupation finirait par forcer Israël à choisir entre être un État juif et un État démocratique. Pendant les années Trump, le choix d’Israël est devenu indéniable.

    La « loi sur l’État-nation » d’Israël de 2018 a consacré « la colonisation juive comme une valeur nationale » et a sapé l’égalité juridique des citoyens arabes d’Israël. Alors que les colonies s’étendaient, une solution à deux États est passée d’un rêve lointain à un fantasme.

    La réalité d’un seul État
    La mort d’un cadre à deux États, a déclaré Baconi, a renforcé le sentiment d’une communauté de destin entre les Palestiniens des territoires occupés et les Arabes israéliens, ou, comme beaucoup se désignent eux-mêmes, les citoyens palestiniens d’Israël. « Plus nous verrons Israël-Palestine comme une réalité à un seul État, où les Juifs ont tous les droits et les Palestiniens ont différents niveaux de droits, plus les Palestiniens comprendront que leur lutte est une lutte partagée.

    Les affrontements intercommunautaires entre Juifs et Palestiniens au sein même d’Israël constituent un aspect unique et déchirant de la violence qui secoue actuellement la région. À Lod, au moins quatre synagogues et une école religieuse ont été incendiées. « Des foules juives ont été vues errant dans les rues de Tibériade et de Haïfa à la recherche d’Arabes à agresser », rapporte le Times of Israel.

    « Je vis ici depuis longtemps ; je n’ai jamais vu la situation aussi grave », m’a dit par téléphone depuis Haïfa Diana Buttu, ancienne avocate de l’Organisation de libération de la Palestine.

    Tout ce chaos est surdéterminé ; presque chaque iniquité dans la région a une préhistoire incroyablement compliquée. Mais les États-Unis ont soutenu à la fois l’asservissement des Palestiniens et le pouvoir croissant de l’ethnonationalisme juif. Il ne suffit pas à Joe Biden d’être un peu meilleur que Trump ou d’essayer de relancer un « processus de paix » spectral. Si Israël ne peut plus se permettre d’ignorer les demandes des Palestiniens, nous ne le pouvons pas non plus.

    Michelle Goldberg est chroniqueuse au New York Times.

    The Berkshire Eagle, 18 mai 2021

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  • Espagne : Brahim Ghali refuse de signer la convocation du juge espagnol Pedraz

    Le leader sahraoui hospitalisé à Logroño fait appel à l’Algérie après avoir été convoqué par la Cour Surpême

    Le juge et le procureur refusent d’imposer des mesures conservatoires à Brahim Gali malgré la demande des accusations, qui craignent qu’il ne quitte l’Espagne.

    Brahim Gali, leader du Front Polisario et président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), a refusé de signer la convocation émise par l’Audiencia Nacional pour prendre sa déposition le 1er juin dans le cadre des deux procès qu’il a ouverts en Espagne. Le militaire, admis depuis le 18 avril dans un hôpital de Logroño pour coronavirus, détonant fait du conflit avec le Maroc à la frontière avec Ceuta, a refusé de signer le récépissé tant qu’il n’a pas consulté auparavant « l’ambassade d’Algérie et des personnes de confiance », selon un rapport de la police nationale envoyé au juge d’instruction Santiago Pedraz et qui a eu accès à EL PAÍS. Les accusations craignent qu’il se remette de la maladie et quitte le pays avant d’être interrogé par le juge d’instruction, qui a refusé avec le soutien du parquet d’adopter des mesures conservatoires à son encontre pour le moment.

    L’argument avancé par Gali devant l’agent qui lui a notifié l’accusation témoigne de l’équilibre diplomatique compliqué auquel est confrontée La Moncloa après l’avoir accueilli pour des « raisons humanitaires », comme l’a expliqué le ministère des affaires étrangères fin avril, lorsque la presse a révélé que le leader du Front Polisario était arrivé au centre médical de Logroño sous un faux nom. Comme l’a avancé EL PAÍS, le gouvernement de Pedro Sánchez a accepté son admission à l’hôpital de La Rioja après la demande de l’Algérie, un partenaire de grande valeur stratégique, premier fournisseur de gaz du marché espagnol. Mais cette faveur a provoqué l’ire du Maroc : « Il y a des actes qui ont des conséquences et qu’il faut assumer », a déclaré mardi l’ambassadeur marocain.

    Le poids international de Gali ne date pas d’hier. Ainsi que ses relations avec tous les pays impliqués dans cette crise diplomatique. Ancien ministre sahraoui de la défense, il a été ambassadeur du Polisario en Espagne (1999-2008) et en Algérie (2008-2015). En 2016, après la mort de Mohamed Abdelaziz, il a pris la direction de la République arabe sahraouie démocratique. Doté d’une grande expérience militaire, son curriculum officiel situe ses premiers pas dans la lutte contre les colons espagnols dans les années 70.

    Après la diffusion de la nouvelle de la présence en Espagne du président de la RASD, le juge Pedraz a demandé à la police nationale, le 1er mai dernier, de la confirmer afin de le convoquer pour témoigner dans l’enquête ouverte par la plainte déposée en août 2020 par Fadel Mihdi Breica, un militant sahraoui de nationalité espagnole qui a dénoncé les tortures du Front Polisario. Trois agents du Commissariat général à l’information, chargé de la lutte contre le terrorisme, se sont rendus à l’hôpital de La Rioja et ont rédigé un rapport détaillant que Gali a été admis sous le faux nom de Mohamed Benbatouche, de « nationalité inconnue » ; et qu’il est arrivé en ambulance à l’hôpital à 22 h 48 le 18 avril, en provenance de Saragosse.

    « Il était accompagné de deux personnes. Le premier, un médecin de nationalité étrangère, peut-être algérien, qui a fourni un rapport médical émis sans signature ni paraphe par l’Hôpital central de l’Armée d’Alger (Algérie). Le second compagnon prétend être un parent, sans autre précision quant à son affiliation », explique le document de la police transmis à la Cour nationale, qui ajoute : « Le rapport médical algérien indique, pour l’essentiel, un patient covide souffrant de complications respiratoires graves. En effet, son état est très grave et il est admis aux soins intensifs pour une pneumonie bilatérale compliquée d’une polyneuropathie, qui l’empêche de respirer par lui-même ».

    Dans ce document du 5 mai, les Renseignements généraux de la police ajoutent que Gali a « évolué favorablement » depuis son admission. En fait, dans un autre document officiel de la police, un inspecteur de police décrit son refus de signer la convocation de la Cour nationale. « Malgré son état de santé délicat, Gali a compris en espagnol, sans aucun doute, le contenu de la convocation. Au moment de présenter le récépissé perceptif pour sa signature, il a refusé de le faire, arguant qu’il souhaitait contacter l’ambassade d’Algérie et des personnes de confiance sur la convenance de la signature et qu’il avait besoin de ‘plusieurs jours’ pour se décider », détaille l’agent, qui ajoute qu’une copie de la notification a été remise au médecin étranger qui l’accompagne, « qui lui rend quotidiennement visite aux soins intensifs ».

    En plus de l’affaire en cours contre Gali pour la plainte de l’activiste Mihdi, le juge Pedraz a rouvert une autre affaire précédente intentée par l’Association Sahraouie pour la Défense des Droits de l’Homme (ASADEDH) pour des crimes de meurtre, blessures, détention illégale, terrorisme, torture et disparitions. Ce processus a été archivé en 2020 en raison de l’impossibilité d’interroger l’accusé pour ne pas être en Espagne, mais le magistrat a décidé de le reprendre maintenant. Le Bureau du Procureur souligne dans une déclaration écrite qu’il ne voit pas « d’indications claires de la participation » du leader du Polisario « aux comportements inclus dans la plainte ».

    El Pais, 19 mai 2021

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  • Le couple royal espagnol boude le stand du Maroc au Salon international du tourisme

    Le Roi et la Reine d’Espagne visitent Fitur lors de son inauguration mais sans visiter le stand marocain

    Le roi Felipe et la reine Letizia d’Espagne ont inauguré mercredi la 41e édition du Salon international du tourisme, Fitur, qui se tient à Ifema et qui est le premier événement à mobilité internationale depuis le début de la pandémie.

    La foire s’ouvre en plein milieu d’une crise diplomatique avec le Maroc sur le conflit migratoire. Don Felipe et Doña Letizia ont visité plusieurs pavillons de la foire, mais ont évité de se rendre au stand du Maroc.

    Il ne fait généralement pas partie de la visite habituelle des Rois, mais en d’autres occasions, ils l’ont visité et aujourd’hui, on s’attendait à ce qu’ils le fassent.

    Cependant, il n’en a pas été ainsi et, en fait, la promenade des Rois a été plus concise que les autres années, où ils ont fait un tour plus large et ont visité d’autres pavillons.

    Cette fois, ils n’en ont visité que deux, accompagnés du ministre de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme, Reyes Maroto, et de la présidente de la Communauté de Madrid, Isabel Díaz-Ayuso.

    Ils ont visité les stands du ministère des transports, inauguré le stand d’Iberia et ont été accueillis par une petite délégation de la Géorgie, partenaire de cette édition.

    Il s’agit de la première foire internationale organisée depuis le début de la pandémie. Plus de 60 pays y participent, dont le Maroc, et quelque 5 000 entreprises.

    Le ministre de l’Industrie, Reyes Maroto, a souligné que cet événement  » est un tournant  » dans la reprise du tourisme. En ce qui concerne le conflit avec le Maroc, il a déclaré qu’il existe déjà « un cabinet de crise qui cherche la meilleure solution » à cet égard et a souligné qu’il s’agit de l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Espagne.

    « Nous espérons que cette crise sera bientôt résolue et que nous pourrons nous concentrer sur ce qui est important, à savoir la relance du secteur », a déclaré le ministre.

    El Mundo, 19 mai 2021

    Etiquettes : Espagne, Maroc, Ceuta, couple royal, rois d’Espagne, Salon International de Tourisme, crise diplomatique, brouille, migration, tension, pression migratoire,

  • Ceuta : le ton monte entre le Maroc et l’Espagne

    L’arrivée de milliers de migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta par des voies clandestines ravive les tensions entre Madrid et Rabat.

    « C’est une grave crise pour l’Espagne et pour l’Europe ». Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez va se rendre dans l’enclave espagnole de Ceuta, alors que son pays a renvoyé déjà près de 4.000 migrants au Maroc. En 24 heures, près de 8.000 personnes seraient entrées illégalement sur le territoire espagnol, pour la plupart des ressortissants marocains et pour beaucoup des mineurs. Ces arrivées creusent un peu plus la crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne.

    Colère de l’Espagne

    Les services marocains ne sont intervenus que ce matin, à coups de gaz lacrymogène, pour disperser la foule qui se presse pour passer la frontière à Fnideq.

    Ouarda, âgée de 26 ans, est au chômage. Divorcée, elle assume la charge de deux enfants et explique être « venue ici pour passer la frontière clandestinement, pour assurer un avenir à mon fils. A Tetouan, ce n’est pas possible… alors on veut passer, quitte à mourir. »

    Khadija, 26 ans également, est coiffeuse et elle dit aussi avoir plus peur de rester au Maroc que de tenter de fuir. Elle témoigne avoir vu beaucoup de personnes ayant « essayé de passer mais la police les a stoppés avant. »

    Mohammed, un rappeur, explique que les jeunes veulent fuir le pays car ils n’ont pas d’emploi et il clame de pas avoir peur des dangers de l’émigration clandestine : « Il faut que je parte pour sauver ma peau », dit-il.

    Le Premier ministre Pedro Sanchez a déployé des véhicules blindés et des renforts côté espagnol, promettant aux habitants le « retour de l’ordre ». Un stade a été réquisitionné à Ceuta pour rassembler les Marocains adultes en passe d’être expulsés.

    La cheffe de la diplomatie espagnole indique ce soir avoir « rappelé [au Maroc] que le contrôle des frontières a été et doit rester de la responsabilité partagée de l’Espagne et du Maroc ».

    Réaction de l’Union européenne

    Ylva Johanson, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, en appelle à une plus grande coopération des autorités marocaines. Elle déclare :

    « C’est inquiétant : au moins 6.000 personnes, parmi lesquelles un grand nombre d’enfants, ont tenté de rallier Ceuta à la nage, mettant leur vie en danger. Certains ont pu être sauvés, une personne s’est noyée. Il faut que le Maroc s’engage à prévenir ces départs irréguliers et que ceux qui n’ont pas le droit de rester en Europe soient effectivement renvoyés. »

    Un lien avec le Polisario?

    Les autorités marocaines « assurent » que cet afflux record n’a rien à voir avec les dissensions qui opposent le royaume a à l’Espagne. Le Maroc a récemment réclamé des « explications » à l’ambassadeur espagnol à qui les Marocains ont fait part de leur « exaspération » après que le chef du mouvement indépendantiste sahraoui, Brahim Ghali, a été hospitalisé dans le nord de l’Espagne à la mi-avril, pour y être soigné de la Covid-19.

    Le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, milite pour l’indépendance du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, que le Maroc considère comme partie intégrante de son territoire sous le nom de « Provinces du Sud ».

    Ce matin, plusieurs centaines de migrants d’Afrique subsaharienne ont aussi tenté d’escalader la barrière qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Ceuta. Des migrants essaient également de passer clandestinement vers Melilla, l’autre enclave espagnole sur le continent africain, considérée elle aussi comme la porte d’entrée la plus proche pour l’Union européenne.

    Deutsche Welle, 18 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Espagne, Sahara Occidental, Front Polisario, Brahim Ghali, Ceuta, Melilla, migrations, migrants, pression migratoire, crise diplomatique, brouille, tension, marocain, espangol, sahraoui, président sahraoui,

  • Maroc-Espagne : Comme de l’électricité dans l’air

    Rien ne va plus entre le Maroc et l’Espagne. Les deux voisins sont en effet à couteaux tirés.

    Signe d’une crise diplomatique entre les deux royaumes, le ministre espagnol des Affaires étrangères a convoqué mardi l’ambassadrice marocaine en Espagne, Karima Benyaich pour lui exprimer le «mécontentement» des autorités espagnoles après l’arrivée de près de 8000 migrants dans l’enclave de Ceuta.

    «Je lui ai rappelé que le contrôle des frontières a été et doit rester de la responsabilité partagée de l’Espagne et du Maroc», a déclaré Arancha Gonzalez Laya, citée par l’AFP.

    Face à la gravité de la situation, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, s’est rendu à Ceuta pour s’enquérir de la situation dans l’enclave, selon des images mises en ligne par le journal local.

    Il devait ensuite se rendre à Melilla, l’autre enclave espagnole située sur la côte méditerranéenne du Maroc.«Nous allons rétablir l’ordre dans (la) ville et à nos frontières le plus
    rapidement possible», avait-il déclaré plus tôt lors d’une brève allocution télévisée depuis Madrid.

    Les relations entre Rabat et Madrid se sont tendues depuis l’arrivée en Espagne, le 18 avril, du président de la République sahraouie, Brahim Ghali pour y être soigné du Covid-19. La cheffe de la diplomatie espagnole qui a défendu la présence du chef d’Etat sahraoui a implicitement dénoncé le chantage exercé par le Maroc qui agite la menace de l’immigration clandestine pour faire pression sur l’Espagne dans le dossier sahraoui.

    «Je ne conçois pas que l’on puisse mettre en danger la vie de mineurs dans la mer comme nous l’avons vu ces dernières heures à Ceuta», que cela puisse être «une réponse à une action humanitaire (l’accueil du président sahraoui en Espagne)», a-t-elle affirmé.

    Cet afflux de migrants marocains a également suscité la réaction de la classe politique espagnole. Tout en condamnant le flux migratoire partant du Maroc, plusieurs formations politiques ont appelé les autorités marocaines à assumer leurs responsabilités et agir vite et efficacement.

    Le porte-parole de la Coalition Caballas, Mohamed Ali, a mis en garde contre la «gravité» de ce qui s’est passé et a annoncé qu’il serait à la disposition du gouvernement de Ceuta pour exiger que le gouvernement accorde la «plus grande attention» à Ceuta.

    «Notre terre ne devrait pas souffrir du différend de politique étrangère entre l’Espagne et le Maroc», a-t-il déclaré.
    La dirigeante du Mouvement pour la dignité et la citoyenneté «MDyC», Fatima Hamed, a qualifié ce qui vient de se produire de «drame», soulignant que la ville de Ceuta n’est pas prête à accueillir autant de monde et à faire face à un tel phénomène. «Ceuta n’est pas préparée à des situations pareilles», a-t-elle déclaré sur son compte Twitter.

    De son côté, la section du parti Vox à Ceuta a sévèrement critiqué la passivité des autorités marocaines face à un tel drame, appelant le gouvernement à dépêcher «d’urgence l’armée et de la marine à la frontière avec le Maroc pour freiner la pression migratoire».

    Un « chantage » marocain

    Le président de Vox Ceuta, Juan Sergio Redondo, a rappelé que sa formation n’a jamais cessé de mettre en garde contre le «chantage du Maroc», rappelant que l’Espagne devrait dénoncer le Maroc devant les instances internationales pour que le pays soit sanctionné économiquement et politiquement».

    Condamnant l’afflux des migrants marocains, le chef du Parti populaire au niveau national, Pablo Casado a appelé le gouvernement espagnol «à garantir immédiatement l’intégrité des frontières et à coordonner avec le Maroc le retour des immigrés dans leur pays».

    Près de 8.000 migrants sont arrivés depuis lundi matin dans l’enclave de Ceuta, dont 4.000 ont été renvoyés au Maroc, selon les chiffres actualisés publiés mardi par le ministère espagnol de l’Intérieur.
    Le ministère a par ailleurs annoncé l’envoi de nouveaux renforts des forces de l’ordre sur place pour faire face à l’afflux massif et soudain de milliers de migrants en provenance du Maroc.
    Cinquante agents supplémentaires vont être déployés en plus des 200 déjà envoyés mardi tandis que 150 autres seront en stand-by, toujours dans le cadre de cette crise migratoire.

    Y.O

    Algérie Breve News, 18 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Espagne, Ceuta, Sahara Occidental, Brahim Ghali, migration, migrants, chantage, pression migratoire,

  • CNBC : « Crise diplomatique entre l’Espagne et le Maroc après l’entrée de 8000 migrants sur le territoire espagnol »

    Un fossé diplomatique s’est creusé entre l’Espagne et le Maroc après que des milliers de migrants sans papiers ont tenté de pénétrer sur le territoire espagnol dans le pays d’Afrique du Nord.
    L’Espagne a dû se démener pour sécuriser ses frontières après que des milliers de migrants aient pénétré cette semaine à Ceuta, l’une des deux enclaves espagnoles situées sur la côte nord du Maroc.

    Un fossé diplomatique s’est creusé entre l’Espagne et le Maroc après que des milliers de migrants sans papiers ont tenté de pénétrer sur le territoire espagnol, apparemment sans être inquiétés par les autorités marocaines.

    L’Espagne a dû faire des pieds et des mains pour sécuriser ses frontières après que des milliers de migrants soient entrés cette semaine à Ceuta, l’une des deux enclaves espagnoles sur la côte nord du Maroc.

    Environ 8 000 migrants, dont des familles, seraient entrés à Ceuta lundi et mardi, nombre d’entre eux ayant contourné à la nage les clôtures frontalières qui séparent l’enclave du Maroc, et des migrants ayant utilisé des pneumatiques et des canots pneumatiques. Au moins une personne serait décédée au cours de la traversée.

    L’afflux de migrants a incité l’Espagne à déployer des forces armées pour sécuriser la plage et à renforcer la présence policière dans les enclaves. Un nombre plus restreint de migrants a également tenté de pénétrer dans l’enclave espagnole de Melilla, plus loin le long de la côte, selon le gouvernement espagnol. Environ la moitié des 8 000 migrants, qui étaient pour la plupart marocains selon la BBC, ont été renvoyés au Maroc, ont indiqué les autorités espagnoles.

    Néanmoins, les arrivées ont provoqué une dispute diplomatique entre l’Espagne et le Maroc, notamment à la suite de rapports et de séquences qui semblaient montrer les autorités marocaines permettant aux migrants de tenter d’entrer à Ceuta sans essayer de les arrêter.

    CNBC a contacté le ministère marocain des affaires étrangères pour un commentaire mais n’a pas encore reçu de réponse.

    Ceuta et Melilla sont sous domination espagnole depuis le XVIIe siècle, bien que le Maroc revendique ces territoires depuis son indépendance en 1956. Certains pensent que la tension actuelle entre l’Espagne et le Maroc provient du fait que l’Espagne a accepté que Brahim Ghali, le leader du Front Polisario du Sahara occidental, qui souhaite l’indépendance du Sahara occidental vis-à-vis de l’administration marocaine, soit admis dans un hôpital en Espagne pour y être soigné le mois dernier, ce qui a provoqué la colère de Rabat.

    Le Maroc aurait retiré son ambassadeur pour des discussions avec Madrid après que la ministre espagnole des affaires étrangères ait fait part à l’envoyé de son « dégoût » pour ce qui s’était passé, a rapporté la BBC mardi.

    Une crise pour l’Espagne, mais aussi pour l’Europe

    L’Union européenne a exprimé son soutien à l’Espagne, même si ce dernier incident, qui s’ajoute aux milliers de tentatives de migrants d’entrer sur le territoire européen ces dernières années, n’a fait que souligner la porosité des frontières de l’Union et l’absence d’action unifiée de l’UE en matière de migration.

    C’est aussi une nouvelle démonstration du désespoir persistant des migrants qui tentent d’entrer dans l’Union à la recherche d’une opportunité économique ou d’un refuge contre les conflits, la pauvreté et les violations des droits de l’homme.

    La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré sur Twitter que « l’UE est solidaire de Ceuta et de l’Espagne » et que le bloc a besoin de « solutions européennes communes pour la gestion des migrations ».

    « Cela peut être réalisé avec un accord sur le nouveau pacte sur les migrations. Des partenariats plus forts basés sur la confiance mutuelle et des engagements conjoints avec des partenaires clés comme le Maroc sont cruciaux », a-t-elle déclaré.

    La commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, a également tweeté que « la chose la plus importante maintenant est que le Maroc continue de s’engager à prévenir les départs irréguliers », ajoutant que « les frontières espagnoles sont des frontières européennes. L’Union européenne veut construire une relation avec le Maroc basée sur la confiance et des engagements partagés. La migration est un élément clé à cet égard. »

    Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a rencontré d’autres responsables du gouvernement espagnol mardi au cours duquel ils ont discuté de ce que le gouvernement a décrit comme une « crise grave pour l’Espagne, mais aussi pour l’Europe. »

    La vice-Première ministre espagnole Carmen Calvo a déclaré que « ce qui s’est passé … est une attaque contre nos frontières, et cela ne peut pas faire partie des bonnes relations avec le Maroc, mais nous continuerons à les maintenir parce que nous sommes des pays voisins et proches ».

    L’Espagne a déclaré que sa priorité « est de garantir le contrôle du trafic à la frontière avec le Maroc » et de fournir aux villes de Ceuta et Melilla « tous les moyens nécessaires pour résoudre la crise humanitaire causée par l’arrivée de tant de personnes et procéder au retour de toute personne entrée irrégulièrement à Ceuta et Melilla, comme le prévoient les accords signés depuis des années par l’Espagne et le Maroc. »

    M. Sanchez s’est rendu à Ceuta et Melilla mardi, après s’être engagé à rétablir « l’ordre dans la ville et à ses frontières ».

    Plus tôt dans la journée, M. Sanchez avait déclaré sur Twitter que sa priorité était de « rétablir l’ordre à Ceuta ».

    « Ses citoyens doivent savoir qu’ils ont le soutien absolu du gouvernement espagnol et la plus grande fermeté pour assurer leur sécurité et défendre leur intégrité en tant que partie du pays contre tout défi. »

    CNBC, 19 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Espagne, Ceuta, Melilla, migration, chantage, pression migratoire, marocains,

  • Maroc : « J’ai dit au revoir à ma famille et je suis parti sans rien »

    « J’ai dit au revoir à ma famille et je suis parti avec rien », a déclaré Mohamed, un Marocain de 30 ans.

    S’adressant à la chaîne de télévision espagnole RTVE, il a expliqué comment il avait rejoint le nombre record de migrants qui sont entrés illégalement dans l’enclave nord-africaine de Ceuta en Espagne depuis lundi.

    Comme beaucoup d’autres, il a déclaré que l’emploi était la principale raison pour laquelle il tentait d’effectuer la traversée.

    « Je veux travailler et aider ma famille. Tous mes amis, nous voulons travailler ».

    Mohamed a raconté à RTVE (en espagnol) qu’il avait pris un taxi avec un cousin et quelques amis avant de nager pendant 30 minutes pour atteindre le territoire espagnol.

    Sur le chemin de la frontière, ils ont été arrêtés par les autorités marocaines, a-t-il dit. « Mais ensuite ils nous ont laissé continuer, c’était comme un oui et un non ».

    Environ la moitié des 8 000 migrants qui sont entrés ont été renvoyés, selon les autorités espagnoles. Des dizaines de jeunes hommes faisaient la queue pour rentrer au Maroc mercredi matin.

    Selon l’agence de presse espagnole Efe, la police marocaine a désormais bouclé la zone frontalière pour empêcher toute nouvelle tentative de passage.

    Les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla sont devenues des aimants pour les migrants africains qui tentent de rejoindre l’Europe.

    Cependant, le nombre sans précédent de personnes qui ont franchi la frontière cette semaine a exacerbé les tensions diplomatiques entre l’Espagne et le Maroc voisin.

    Que s’est-il passé cette semaine ?

    Les migrants – dont beaucoup utilisent des anneaux gonflables et des canots pneumatiques – ont commencé à arriver à Ceuta aux premières heures de lundi. Si beaucoup étaient de jeunes hommes, des familles entières et environ 1 500 enfants sont également entrés.

    Au moins une personne est morte en faisant la traversée cette semaine.

    Mardi, l’Espagne a déployé des troupes pour aider la police des frontières de Ceuta. Des scènes dramatiques ont été filmées au large, alors que des familles pataugeaient dans l’eau et que des agents de la Guardia Civil espagnole plongeaient dans la mer pour sauver de jeunes enfants.

    Mardi soir, les rapports indiquaient que le nombre de personnes tentant d’entrer par la mer avait diminué. Certains migrants retournaient volontairement au Maroc, tandis que d’autres pouvaient être vus emportés par des soldats.

    Dans l’autre enclave espagnole, Melilla, 86 Africains subsahariens sont entrés mardi par la jetée sud. Melilla possède une formidable clôture frontalière et plusieurs centaines d’autres migrants ont été bloqués par les forces de sécurité, rapporte Efe.

    Des responsables espagnols cités par Efe ont déclaré que les gardes marocains avaient aidé les forces espagnoles à Melilla. Les médias espagnols ont indiqué que la situation était différente à Ceuta, où les gardes-frontières marocains se tenaient à l’écart et regardaient les migrants prendre la mer pour tenter de rejoindre l’enclave.

    Dites au Maroc ce qu’il en est

    Par Nick Beake, BBC News, Ceuta

    Avec son petit sac d’affaires en bandoulière, Mokhtar Gonbor, 30 ans, a résumé la raison pour laquelle la plupart des jeunes hommes rentrent maintenant chez eux.

    « Nous n’avons pas de nourriture, pas d’argent et nous dormions dans la rue la nuit dernière ». Il retournait au Maroc – même si sa vie là-bas n’était pas celle qu’il souhaitait.

    Quelques rues plus loin, les habitants du bar de Fernando buvaient leur café et regardaient sur une vieille télévision les images extraordinaires des arrivées record des dernières 24 heures.

    Mercedes, une femme d’une soixantaine d’années, explique qu’elle a de la peine pour les enfants qui n’ont même pas de vêtements. Mais elle a tapé la table de colère lorsqu’elle nous a dit que les migrants étaient laissés passer la frontière chaque fois que le Maroc voulait de l’argent ou quelque chose de l’Espagne.

    Son amie, Maria Jesus, est intervenue : « Le Premier ministre devrait dire au Maroc ce qu’il en est et le remettre à sa place. »

    Quelle a été la réaction ?

    Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a promis de rétablir l’ordre.

    Les responsables européens ont soutenu l’Espagne, le vice-président de la Commission européenne Margaritis Schinas ayant déclaré mercredi à la radio espagnole que l’Europe « ne se laissera intimider par personne » sur la question de la migration.

    Le Maroc a retiré son ambassadeur pour des consultations après que la ministre espagnole des affaires étrangères, María Aránzazu González Laya, a fait part à l’envoyé de son « dégoût » pour ce qui s’était passé. La plupart des migrants seraient originaires du Maroc.

    Depuis le XVIIe siècle, Ceuta et Melilla sont sous domination espagnole, bien qu’elles soient depuis longtemps revendiquées par le Maroc. Elles ont un statut semi-autonome, comme certaines régions d’Espagne continentale.

    Cet afflux intervient dans un contexte de regain de tension concernant le Sahara occidental, un territoire occupé par l’Espagne jusqu’en 1975, date à laquelle le Maroc l’a annexé. Depuis lors, il est disputé entre le Maroc et le peuple sahraoui, dirigé par le Front Polisario.

    Dégradation des liens au sujet du Sahara occidental

    En avril, l’Espagne a autorisé le dirigeant sahraoui Brahim Ghali, 73 ans, à être soigné à l’hôpital pour Covid-19, apparemment à Logroño. Il dirige le Front Polisario, qui lutte pour la souveraineté du Sahara occidental contre les revendications du Maroc. Le gouvernement marocain a réagi avec colère et a averti l’Espagne que l’hébergement de M. Ghali entraînerait des « conséquences ».

    La ministre espagnole des affaires étrangères, Arancha González, a déclaré qu’elle n’était pas au courant que le Maroc utilisait la question de la frontière pour exercer une pression politique. Mais beaucoup voient dans les événements de lundi, lorsque les gardes-frontières marocains ont semblé ne pas empêcher les migrants de traverser, la preuve de représailles.

    De telles difficultés sont susceptibles de compliquer la coopération habituellement étroite entre les deux voisins sur la question des migrants. Toutefois, l’Espagne affirme avoir déjà rapatrié environ la moitié des migrants, à la suite de discussions avec le Maroc.

    La grande majorité de ceux qui ont atteint Ceuta étaient marocains. Ces dernières années, la police locale a pris des mesures énergiques à l’encontre des migrants subsahariens dans le nord du Maroc, ce qui les a poussés à chercher d’autres itinéraires vers l’Espagne, comme la traversée de l’Atlantique vers les îles Canaries.

    Selon Frontex, la force frontalière de l’UE, l’immigration illégale vers les îles Canaries, au large des côtes marocaines, a augmenté cette année.

    Toutefois, le nombre total de sans-papiers ayant atteint l’Europe depuis le début de l’année reste bien inférieur aux niveaux observés en 2015-2016.

    BBC News, 19 mai 2021

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