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La Commission européenne a réaffirmé que la position de l’Union européenne (UE) concernant le conflit au Sahara occidental était « connue et reste inchangée », soulignant son soutien aux efforts des Nations unies pour parvenir à « une solution politique juste », conformément aux résolutions du Conseil de sécurité.
Dans une réponse au nom de la Commission européenne, son vice-président et Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a affirmé que « les développements au Sahara occidental sont suivis par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et aucune modification de l’organigramme n’est prévue. La position de l’UE concernant la question du Sahara occidental est bien connue et reste inchangée ».
Borrell a renouvelé dans le sillage « le ferme soutien de l’UE aux efforts déployés par les Nations unies, son secrétaire général et son envoyé personnel, Staffan de Mistura, pour poursuivre le processus politique visant à parvenir à une solution politique, juste, durable et mutuellement acceptable conformément aux résolutions du Conseil de sécurité ».
Le responsable a indiqué en outre que l’UE était « régulièrement en contact avec l’émissaire de l’ONU et se tient prête à accompagner ses efforts en vue de relancer le processus de négociation (entre le Front Polisario et le Maroc) ».
En février dernier, Borrell avait une nouvelle fois réfuté les allégations du régime du Makhzen marocain sur le prétendu « détournement » de l’aide humanitaire de l’UE destinée aux camps des réfugiés sahraouis, soulignant que la Commission européenne « n’a décelé à ce jour aucune preuve » sur ce sujet.
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Leila Slimani bravely portrays accounts of extra-marital sex punishable by law
What did it take for a book like Sex and Lies to get to me? First, its author had to be born. (That’s obvious, but let’s start there.) Leïla Slimani was born in Morocco. She grew up in Rabat and was raised Muslim. At 17, she moved to Paris to study political science, then worked as a journalist with Jeune Afrique. Sex and Lies is not a memoir, but Slimani’s autobiographical details are noteworthy; who she is, recording this story.
Next, she had to become a writer. This is relevant in terms of craft, but also because it was on a tour for her book, Adèle, that Sex and Lies began to take form. Women came to her. They told her their stories. “Novels have a magical way of forging a very intimate connection between writers and their readers, of toppling the barriers of shame and mistrust,” she notes.
Sex and Lies comprises testimonies from mostly women about their experience of sex in Morocco where extra-marital sex is punishable by law. To write this book, Slimani had to be, by some measures, brave. Not the kind of brave that jumps in front of a bullet, but something more subtle and galvanising. Provocative might be the word. Her Prix Goncourt-winning book, Lullaby, is about a nanny who kills a child. Adèle is a subversive portrait of a female sex addict. Were her work not so transgressive, Slimani’s housekeeper might not have stopped her and said: “I know what your book is about”, then struck up a conversation about prostitution, consent and the things that happen to women in her small neighbourhood in Morocco. There is power in words – especially dirty words – it seems.
‘Death warrant’
The women who share their stories here are the truly brave ones, though, and Slimani reminds us “quite how difficult it is, in a country like Morocco, to step out of line”.
An unhappily married woman who “signs [her] own death warrant” for a moment of forbidden love; a woman who tries to live a sexually free life, yet still allows a man she is seeing to believe she is a virgin; a woman who is forced to leave her children with a violent ex-husband: the stories give a wide-ranging insight into the consequences of oppression. The aim seems to be to bring to European eyes the nuance and subtleties behind a culture that might seem hard to fathom.
Yet Irish eyes will easily recognise sentences like: “Do what you like, but do it in private” or “Everyone knows it – but no one will acknowledge or confront it”, as well as stories of women facing criminal charges for having abortions, stories of babies found abandoned, and even the almost throwaway sentence “not to mention the corpses found in public bins”. I thought of Caelainn Hogan’s recent book, Republic of Shame as I read, and I thought of reports in these pages by Rosita Boland and others. It did not feel far from home. What the book demonstrates so clearly are the ways in which women’s bodies are the battleground for colonial and cultural tensions. If Morocco’s objective is to differentiate itself from the West as Ireland once wished to differentiate itself from Britain, by imposing a brutal sort of morality, it is the women who suffer.
Slimani’s lens
“What I want is to render these women’s words directly, as they were spoken to me,” Slimani professes. Yet these words passed through Arabic, French and now English, as translated by Sophie Lewis, before they reached me. And they passed through Slimani’s lens. The testimonies are interlaced with her own reflections. She recounts losing her virginity as a teenager. “[E]veryone I knew could be split into two groups: those who were doing it and those who weren’t.” It almost sounds like an American high school. However, “[T]he choice, for us, cannot be compared to that made by young women in the West because in Morocco it is tantamount to a political statement […]By losing her virginity, a woman automatically tips over into criminality.”
In many ways Slimani represents both sides: Europe, Morocco. But she also acknowledges her distance: “I left Morocco more than 15 years ago. With the years and the distance, I have surely forgotten quite how difficult it is to live without the freedoms that have become so natural to me.”
It’s risky to jump in and pretend to understand – “both” can easily become “neither” when it comes to identity – but risk is Slimani’s middle name. She is teaching us to be intersectional feminists, which is a fancy way of saying your empathy should reach past your own self-interest to the interest of those who are different to you. And if you’re really free, then exercising that freedom is no risk at all.
Le mois dernier, le ministère chinois des Affaires étrangères a publié un tract de 4 000 mots intitulé « L’hégémonie américaine et ses périls ». Le document, qui a été envoyé par l’ambassade de Chine aux journalistes à Washington, y compris Today’s WorldView, prétendait présenter les « faits pertinents » d’un siècle d’ingérence et d’ingérence américaines sur la scène mondiale. C’est un catalogue de griefs qui présente les États-Unis comme une superpuissance hypocrite, avançant ses propres intérêts sous prétexte de valeurs élevées, tout en laissant une traînée d’abus et de torts dans son sillage.
Quelle que soit la validité de ces affirmations historiques, la véritable animosité chinoise concerne le présent. « S’accrochant à la mentalité de la guerre froide, les États-Unis ont intensifié la politique des blocs et attisé les conflits et la confrontation », avertit le document, faisant écho au refrain presque constant des responsables chinois sur la politique américaine actuelle.
Quelques semaines auparavant, il y avait eu des lueurs de rapprochement entre les deux pays. Les États-Unis et la Chine se préparaient à des pourparlers qui, selon les termes de la Maison Blanche, contribueraient à mettre des « garde-fous » sur une relation difficile mais vitale. Le président chinois Xi Jinping, semble-t-il, voulait entamer son troisième mandat au pouvoir avec un esprit de pragmatisme et avait entrepris d’assouplir la politique étrangère manifestement agressive de « guerrier loup » de son pays.
Puis un ballon espion chinois est arrivé et a survolé les États-Unis avant d’être abattu au-dessus de l’océan Atlantique. L’incident a semblé fermer la fenêtre à une ouverture diplomatique et a conduit le secrétaire d’État Antony Blinken à abandonner un voyage majeur en Chine. Les jours qui ont suivi n’ont vu qu’un durcissement des lignes entre Washington et Pékin.
Le voile sur les relations américano-chinoises s’est assombri cette semaine avec les commentaires officiels de Xi et du ministre des Affaires étrangères Qin Gang. Lundi, le président chinois a qualifié les États-Unis de puissance rivale cherchant à freiner la croissance de la Chine. Les remarques, faites au principal organe consultatif politique de la Chine lors d’une session législative annuelle, représentaient une riposte publique inhabituellement explicite des États-Unis par le dirigeant chinois.
« Les pays occidentaux – menés par les États-Unis – ont mis en place un confinement, un encerclement et une répression tous azimuts contre nous, ce qui pose des défis sans précédent au développement de notre pays », a déclaré Xi.
Le lendemain, Qin a pris le relais, pointant du doigt la prétendue trajectoire de collision de Washington avec Pékin. « Si les États-Unis ne freinent pas et continuent de s’engager sur la mauvaise voie, aucun nombre de garde-fous ne pourra empêcher [la relation] de sortir de la route et de se retourner, et il est inévitable que nous tombions dans conflit et confrontation », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse en marge du parlement chinois.
Le porte-parole de la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby, a semblé balayer la rhétorique de Pékin lors d’un briefing mardi, indiquant qu’il n’y avait pas eu de réel changement dans le statu quo. « Nous recherchons une concurrence stratégique avec la Chine. Nous ne recherchons pas le conflit », a-t-il déclaré aux journalistes. « Nous visons à rivaliser et nous visons à gagner cette compétition avec la Chine, mais nous voulons absolument la maintenir à ce niveau. »
Pourtant, ailleurs à Washington, la Chine pourrait voir une vision plus hostile. La semaine dernière, le nouveau comité restreint de la Chambre sur la Chine s’est réuni, présentant un panel d’experts qui sont pour la plupart des faucons sur la Chine tout en discutant d’un « découplage » efficace des deux plus grandes économies du monde. Matthew Pottinger, un ancien responsable de l’administration Trump, a déclaré aux législateurs qu’ils devraient reconnaître que la Chine menait une forme de guerre froide contre les États-Unis et qu’eux-mêmes ne devraient pas hésiter à considérer le défi posé par Pékin en ces termes.
Le Parti communiste chinois « devrait être considéré comme un requin affamé qui continuera à manger jusqu’à ce que son nez heurte une barrière métallique. Les requins ne réagissent pas à la musique d’ambiance », a déclaré Pottinger dans son témoignage écrit. « Mais ils ne le prennent pas non plus personnellement quand ils voient des plongeurs construire une cage à requins. Pour eux, ce ne sont que des affaires. C’est ce qu’ils font. Plus nous prendrons des mesures résolues et sans vergogne pour défendre notre sécurité nationale, plus les frontières seront respectées et plus l’équilibre des pouvoirs sera stable.
Plus frappant, peut-être, que ce langage strident est le soutien bipartite à ce type d’approche envers la Chine. Dans une capitale marquée par une polarisation amère, il existe un véritable consensus sur la menace perçue posée par la Chine. Mais un manque de débat rigoureux de haut niveau sur la politique étrangère peut s’avérer être un problème, selon certains analystes.
« Ce n’est pas un exercice fondé sur des preuves pour identifier les intérêts à long terme de l’Amérique et comment la Chine les concerne », a déclaré un ancien responsable américain au chroniqueur du Washington Post Max Boot, faisant référence au comité de la Chambre. « C’est un exercice de propagande que Pékin trouverait facilement reconnaissable. »
Pour l’instant, les points d’éclair ne manquent pas. Les États-Unis et la Chine se voient en désaccord sur la guerre en Ukraine, où cette dernière pourrait encore choisir de fournir une aide létale à la machine de guerre russe en déclin. Une telle décision déclenchera une réaction de colère de la part des États-Unis et de leurs alliés, mais Qin et d’autres responsables chinois ont souligné un supposé double standard, notant le long record de ventes d’armes des États-Unis à Taiwan. Les tensions sur la démocratie insulaire ont augmenté au cours de la guerre en Ukraine, tandis que les relations de la Chine avec l’Europe se sont également détériorées alors qu’elle continue à aider à soutenir l’économie sanctionnée de la Russie.
Les détracteurs du plan de paix largement tourné en dérision de Pékin pour l’Ukraine voient dans certaines de ses propositions – comme la fin de l’assistance militaire occidentale à Kiev – un modèle pour les conditions futures dont la Chine pourrait avoir besoin pour lancer une invasion réussie de Taïwan. « Si Taïwan, comme l’Ukraine, peut s’appuyer sur un équipement militaire externe étendu, une formation et un soutien du renseignement en temps réel, tous les paris sont ouverts », a écrit Craig Singleton, chercheur principal sur la Chine à la Fondation pour la défense des démocraties, faisant référence aux perspectives d’une invasion amphibie chinoise. « Et donc, Pékin reste concentré sur la dégradation de la capacité des acteurs internationaux à injecter des risques stratégiques dans la prise de décision chinoise, ainsi que sur l’exploitation des clivages entre les alliés américains. »
D’autres experts affirment que Washington doit faire baisser la température avec la Chine pour son propre bien et celui de Taïwan. « Les efforts visant à réduire le sentiment d’urgence de Pékin à l’égard de Taïwan pourraient contribuer à limiter le degré d’alignement sino-russe, renforçant ainsi la position stratégique globale des États-Unis », a écrit Jessica Chen Weiss, spécialiste de la Chine à l’Université Cornell. « Et Taïwan a besoin de plus de temps pour rassembler les ressources et la volonté politique nécessaires pour développer une défense asymétrique de l’ensemble de la société. »
En fin de compte, les remarques de Xi et Qin cette semaine étaient autant politiques que géopolitiques. Confrontés à une économie en chute libre battue par la pandémie, Xi et ses cadres tentent une refonte radicale du système financier et de la bureaucratie gouvernementale de la Chine.
« Le commentaire de Xi Jinping sur le confinement peut accroître les tensions avec les États-Unis, mais il s’adresse principalement à un public national », a déclaré Andrew Collier, directeur général d’Orient Capital Research, basé à Hong Kong, au New York Times. «Il essaie de favoriser les entreprises de haute technologie du pays à la fois pour la croissance économique et pour gérer le découplage à un moment où la Chine fait face à de graves vents contraires sur le plan économique. Battre le tambour nationaliste est un moyen politiquement avisé d’atteindre ces objectifs.
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Milan, 9 mars (Adnkronos) – L’audience pour la remise à la Belgique de Monica Rossana Bellini, la comptable de la famille Panzeri arrêtée en vertu d’un mandat d’arrêt européen dans le cadre de l’enquête sur le Qatargate, a été reportée au 9 mai.
Les juges de la cinquième section pénale, au terme d’une audience qui n’a duré que quelques minutes, ont « réitéré la demande de réponse » des magistrats bruxellois qui, depuis la fin du mois de janvier, se voient demander des documents supplémentaires pour décider de la remise. Le tribunal de Milan leur a notamment demandé d’expliquer « les raisons » pour lesquelles elle doit se présenter « devant l’autorité belge », ainsi qu’une garantie de sécurité pénitentiaire. En l’absence de réponses, un nouveau report de deux mois a été nécessaire, portant à quatre mois le délai nécessaire pour une éventuelle décision.
Selon le mandat d’arrêt européen signé par le juge d’instruction belge Michel Claise, le comptable aurait joué un « rôle important dans le retour de l’argent du Qatar en créant, avec Silvia Panzeri », la fille de l’ancien député européen Pier Antonio (en prison à Bruxelles), « une structure d’entreprise qui a donné une forme légale au flux d’argent ».
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ALGER – Le président de la Commission des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de la Communauté nationale à l’étranger au Conseil de la nation, M. Omar Dadi Addoune a affirmé, mercredi à Doha (Qatar), que l’Algérie plaçait la lutte contre la corruption en tête des priorités pour l’édification de l’Etat de droit, a indiqué la Chambre haute du Parlement dans un communiqué.
Intervenant à l’ouverture des travaux du Dialogue parlementaire sur la Convention des Nations Unies contre la corruption et la réunion générale annuelle de l’Organisation mondiale des Parlementaires contre la corruption (GOPAC), M. Dadi Addoune a précisé que « la bonne gouvernance et la réalisation des objectifs du développement durable (ODD) requièrent une lutte contre tous types de corruption », soulignant que l’Algérie « place la lutte anticorruption en tête des priorités pour l’édification de l’Etat de droit au sein de l’Algérie nouvelle dont les fondements ont été jetés par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune ».
Le chef de la délégation parlementaire algérienne a expliqué, dans le même contexte, que la lutte contre la corruption en Algérie « est menée à travers une stratégie efficace ciblant les corrompus et l’argent sale, et repose sur le renforcement des mécanismes coercitifs, ainsi que sur une actualisation régulière des textes de lois, en veillant à consacrer la transparence et l’intégrité dans la gestion des deniers publics et en renforçant et protégeant l’indépendance de la justice, considérée en tant que garant principal de la lutte anticorruption ».
Plus explicite, il a fait remarquer que ces mesures sont appliquées « dans le cadre des dispositions de la Constitution, plébiscitée par le peuple le 1er Novembre 2020, laquelle met en avant l’attachement de l’Algérie à la prévention et à la lutte contre la corruption conformément aux accords internationaux ratifiés ».
M. Dadi Addoune a également passé en revue les prérogatives de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, ainsi que les réalisations du Parlement dans le cadre de cette importante orientation nationale, traduites notamment par l’adoption de plusieurs lois, pour ne citer que la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
La délégation parlementaire algérienne, conduite par le président de la Commission des Affaires étrangères au Conseil de la nation, est constituée des sénateurs Aboudjerra Soltani et Debabeche Mohamed Hachemi.
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Antonio Panzeri, à travers ses dépositions, donne plus de preuves sur le modus operandi du scandale de corruption du Qatargate.
Alors que les autorités poursuivent leurs investigations sur le Qatargate, un rapport de DW citant les déclarations transcrites de Panzeri, met en lumière de nouvelles informations sur le modus operandi du réseau, ainsi que sur l’ implication d’Eva Kaili .
Panzeri allègue que le Qatar a commencé à étendre son réseau d’influence dans les institutions de l’UE fin 2017. Après des réunions début 2018 avec le ministre du travail du pays du Golfe, Ali Bin Samih Al Marri, le Qatar a accepté de lui donner, ainsi qu’à son partenaire Kaili, un million d’euros par an, pour les deux années 2018-2019.
Le Qatar a financé la campagne de réélection de Kaili
Poursuivant son témoignage, l’ancien député européen précise que faute d’avoir été réélu, il a fondé l’ONG « Fight Impunity » afin de poursuivre son action en faveur du Qatar. Par ailleurs, il soutient que Kaili a reçu la somme de 250 000 euros du Qatar pour financer sa campagne de réélection au Parlement européen.
Bien que tous les détails concernant le transfert de l’argent n’aient pas été divulgués, comme l’a noté DW, Panzeri a affirmé qu’une grande partie du montant du Qatar leur était parvenue par l’intermédiaire d’un « homme d’affaires turc et de son avocat à Londres ». Panzeri a également affirmé qu’un autre compatriote de l’eurodéputé avait reçu de l’argent et qu’il avait rencontré des interlocuteurs impliqués dans le réseau de corruption.
Où le scandale de la corruption a-t-il commencé ?
Selon les déclarations divulguées, il semble que le scandale ait commencé avec le Maroc, pas avec le Qatar. La relation de l’ancien député européen, Antonio Panzeri, avec l’ambassadeur du Maroc en Pologne, Abderrahim Atmoun, débute en 2012 et que le diplomate marocain lui a donné 50 000 euros en 2014 pour un meeting pré-électoral à Milan.
Selon les documents, Atmun a payé des voyages de luxe au Maroc pour Kaili, son partenaire Francesco Giorgi et deux autres eurodéputés, l’Italien Andrea Coccolino et la Belge Maria Arena.
À partir de 2019, le Maroc a commencé à envoyer des sacs d’argent, lorsque Panzeri et Giorgi ont accepté de recevoir 50 000 euros par an afin de créer une bonne image du pays d’Afrique du Nord dans les cercles politiques de l’UE à Bruxelles.
Il a conclu le même accord avec la Mauritanie. Panzeri a déclaré que tout cela n’a duré qu’en 2019 et que lui et Giorgi ont reçu deux versements de 50 000 euros chacun. Le gouvernement marocain, dit DW, a nié toute implication dans le scandale de corruption, tandis que la Mauritanie n’a pas répondu à une demande de commentaire.
Panzeri décline ses responsabilités
Lors des dépositions, Panzeri a voulu renoncer au rôle principal prétextant qu’il n’était pas le « grand patron ». En fait, pour y parvenir, il a « dénoncé » le partenaire d’Eva Kaili et son ancien assistant parlementaire, Francesco Giorgi, comme celui qui avait la commande principale.
En particulier, il a mentionné que Giorgi distribuait des enveloppes et des sacs d’argent aux personnes impliquées dans le scandale, y compris lui-même. Par la suite, l’ancien député européen a déclaré avoir approché Mark Tarabella arrêté avec une première somme de 20 000 euros.
Panzeri a également déclaré que le montant total reçu par Tarabela était de 140 000 euros. L’ancien député européen italien a également déclaré qu’en 2021, il souhaitait changer de système car « il avait déjà accumulé tellement d’argent qu’il ne savait pas quoi en faire ». En outre, des personnes proches de Panzeri ont déclaré à DW que l’état physique et mental de Panzeri « se détériorait considérablement » pendant qu’il était en prison.
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Les révélations qu’Andrea Panzeri a faites aux enquêteurs du parquet fédéral belge lors des deux interrogatoires auxquels il a été soumis commencent à filtrer dans la presse internationale. La télévision allemande Deutsche Welle a visionné le procès-verbal de l’enquête du Qatargate et rendu publiques diverses informations divulguées par l’ancien député européen Article 1, qui a conclu un accord avec les autorités belges pour une réduction de peine de cinq à un an en échange d’une une confession.
Panzeri a pratiquement tout dit sur le réseau de corruption mis en place par le Qatar pour orienter les jugements du Parlement européen sur la question des droits de l’homme. La ronde des pots-de-vin avait même commencé en 2014, avec le Maroc comme protagoniste, mais elle est devenue plus « sérieuse » avec l’entrée du Qatar, qui a passé un accord très lourd avec Panzeri et son adjoint Francesco Giorgi : c’était un million d’euros chacun pour 2018 et 2019.
Panzeri a déclaré que la majeure partie de l’argent provenait d’un homme d’affaires turc et de son avocat à Londres. Même à un certain moment, les pots-de-vin devinrent « ennuyeux » car ils étaient trop nombreux : Panzeri ne savait plus quoi faire de tant d’argent, décidant un jour d’ en jeter dans une poubelle en rentrant chez lui. Il y a aussi une autre anecdote curieuse révélée par Panzeri : une fois 15 000 euros en espèces ont été volés dans sa valise alors qu’il se trouvait dans un train Paris-Bruxelles.
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Le « Marocgate » sur lequel enquête la justice belge éclaire la politique d’influence que déploie Rabat au cœur des institutions européennes. Dans ces enceintes, certains Français sont des cibles privilégiées du lobbying de l’Etat du Maroc.
Rosa Moussaoui
Au milieu de ce mois de juillet 2011, le Maroc est encore secoué par les soubresauts du mouvement de contestation historique qui a poussé la jeunesse du pays dans les rues, dans le sillage de la révolution tunisienne.
Le roi Mohammed VI s’apprête à dévoiler, dans son traditionnel discours du trône, le lifting constitutionnel pensé pour désamorcer les protestations.
À Paris, le Journal officiel publie le décret élyséen estival portant promotion et nomination dans l’ordre national de la Légion d’honneur. Parmi les heureux distingués se trouve un certain Abderrahim Atmoun, alors président du groupe d’amitié Maroc-France à la Chambre des conseillers, la chambre haute du parlement marocain.
Ce parlementaire Marocain est décoré par Nicolas Sarkozy sur proposition du Quai d’Orsay où, six mois plus tôt, Alain Juppé a remplacé Michèle Alliot-Marie, empêtrée dans ses encombrantes amitiés tunisiennes – la cheffe de la diplomatie s’était montrée prompte à offrir au dictateur Zine el Abidine Ben Ali le « savoir-faire » sécuritaire français pour mater le soulèvement outre-Méditerranée.
Groupe d’amitié et décorations
Cité par l’agence officielle marocaine MAP, Atmoun se dit « honoré » de cette « superbe décoration », un signe de « reconnaissance par rapport à tout le travail mené dans le cadre du groupe d’amitié » qu’il copréside depuis 2009 avec le sénateur français (UMP) Christian Cambon.
« Durant ce mandat, nous avons énormément travaillé avec les sénateurs français, de toutes sensibilités, pour faire connaître la position de notre pays, notamment sur la question du Sahara [occidental, NDLR] », fait valoir le récipiendaire, en évoquant aussi le travail accompli au Parlement européen.
Le conseiller marocain, ajoute la dépêche de la MAP, « a su développer des liens très forts avec la classe politique française d’autant plus qu’il a vécu dans l’Hexagone pendant près de 26 ans. »
Présenté comme un ancien chercheur de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), il est alors, toujours selon la MAP, membre du conseil d’administration de l’Institut des hautes études de développement et d’aménagement des territoires européens (IHEDATE).
Aujourd’hui ambassadeur du Maroc en Pologne, l’homme, qui s’affiche de selfie en selfie comme « ami » ou comme interlocuteur privilégié d’importantes figures politiques françaises de tous bords.
Son nom est cité dans l’enquête conduite par la Justice belge comme l’un des protagonistes du scandale de corruption présumée mettant au jour, au Parlement européen, les ingérences du Qatar, et surtout du Maroc et de son service de contre-espionnage, la DGED (Direction générale des études et de la documentation).
Derrière le « Qatargate », une « Maroc connection »
Les investigations belges, sous la supervision du juge Michel Claise, laissent entrevoir pour l’heure, après la saisie lors de perquisitions d’importantes sommes d’argent en liquide, une possible « organisation criminelle », qui aurait été utilisée pour des motifs différents par Doha et Rabat.
Avec une « Maroc connection » qui aurait relié de longue date l’ex-eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri et les services secrets du royaume, par l’entremise d’Atmoun, présenté dans les auditions des enquêteurs belges comme un pourvoyeur de « cadeaux » aux allures de contreparties de l’alignement de certains élus sur les positions défendues par le Maroc, en particulier sur le dossier du Sahara occidental, ex-colonie espagnole illégalement occupée par Rabat depuis 1975.
Contacté par L’Humanité, Abderrahim Atmoun n’a pas donné suite. Quant à l’avocat de Pier Antonio Panzeri, il ne fait « aucun commentaire dans cette affaire ». « C’est impossible dans le contexte actuel de détention de mon client », nous fait-il savoir.
Le Maroc mis en cause par José Bové
Des élus français à Bruxelles se sont-ils vus offrir, eux aussi, des « cadeaux » ? Pour l’avoir laissé entendre, l’ancien eurodéputé écologiste José Bové est visé par une plainte en diffamation déposée en France par l’ancien ministre marocain de l’Agriculture devenu chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, nommément mis en cause par l’ex-syndicaliste paysan.
Le 16 décembre, au micro de France inter, José Bové avait assuré qu’il avait fait l’objet d’une tentative de corruption en marge des négociations de l’accord UE-Maroc sur les mesures de libéralisation réciproque en matière de produits agricoles et de produits de la pêche, auquel il s’opposait en 2010 et 2011 comme rapporteur de la Commission du commerce international (Inta).
« Le ministre de l’Agriculture, ne supportant pas que je puisse m’opposer à ce projet, m’a proposé de m’amener un cadeau à Montpellier, dans un café qui soit discret, a-t-il soutenu. Quand il y a des intérêts économiques colossaux qui sont en jeu, ces États font pression et certains députés, que je qualifierais de véreux, ont profité de ça.»
Des « accusations mensongères inadmissibles » qui ne seraient que le reflet d’une « vieille rancœur », stipule la plainte.
« Le Premier ministre marocain est extrêmement choqué des accusations sans fondement proférées par José Bové, insiste l’avocat français d’Aziz Akhannouch. Jose Bové essaye visiblement et malhonnêtement de profiter de l’actualité judiciaire concernant le Parlement européen, pour ressortir de vieilles histoires sans fondement. »
Contacté par L’Humanité, l’ex-eurodéputé écologiste, de son côté, ne retranche rien de ses propos et fait remarquer qu’il avait déjà fait le récit de cet épisode en 2015, dans son essai Hold up à Bruxelles. Les lobbies au cœur de l’Europe.
« Le 15 juillet [2011, NDLR], le même ministre [Aziz Akhannouch, NDLR] me propose de nous revoir pour discuter du dossier, d’autant qu’il a des « propositions » à me faire « pour arranger les choses » », écrit José Bové dans ce livre.
Il précise : « On pourrait se retrouver prochainement dans une ville et un lieu de votre choix, hôtel, restaurant, comme vous voulez, Monsieur Bové, pourquoi pas à Montpellier? Je m’y rendrai si cela vous convient. » Il est donc renseigné sur les lieux que je fréquente. Je lui donne mon accord de principe de se voir à Montpellier. Nous fixons une date, qui tombe pendant les vacances. Quelques jours avant le rendez-vous, il me rappelle de son ministère pour confirmer et fixer le lieu. Je lui donne l’adresse, il s’enquiert :
«- C’est un hôtel ? Un restaurant ?
Non, Monsieur le Ministre, c’est chez Maître Hélène Bras, mon avocate.
… [gros blanc]
Monsieur le Ministre ?- …»
Depuis, plus de nouvelles. Je ne peux que m’interroger sur la nature des propositions qui m’auraient été faites pour huiler les rouages du dossier. »
Les éditions La Découverte, qui ont publié l’ouvrage, ne trouvent à son propos « aucune trace de poursuite enregistrée ».
L’ex-eurodéputé évoque aujourd’hui, par delà ce témoignage, l’existence au Parlement européen d’un « club très actif » d’élus toujours prêts à défendre avec ferveur les intérêts de Rabat.
Des pratiques d’influence anciennes et ancrées
La politique d’influence déployée par le Royaume dans les enceintes européennes et l’empressement de certains relais français n’a rien d’un mystère.
Dans une note estampillée « confidentiel » divulguée en 2014 avec des milliers d’autres documents par un hacker anonyme se faisant appeler Chris Coleman – des câbles dont les autorités marocaines n’ont jamais contesté l’authenticité -, la mission du Royaume du Maroc auprès de l’Union européenne faisait ainsi état du travail entrepris à la veille du scrutin européen avec le cabinet G + Europe, devenu, depuis lors, Portland, l’un des plus gros cabinets de lobbying à Bruxelles.
Objectifs : « identifier un groupe d’eurodéputés qui ont de fortes chances d’être réélus afin de les sensibiliser à investir les commissions représentant des enjeux pour notre pays ; identifier les candidats potentiels aux postes clés des institutions européennes (commissaires, présidents des commissions et des groupes parlementaires, DG, etc.) ; anticiper sur les groupes politiques qui monteront en puissance afin de préparer un plan d’action anticipatif à leur endroit particulier (…) ; tisser des relations avec des interlocuteurs clés pour les relations Maroc-UE au sein du Parlement européen. »
Cette même note alerte sur le dépôt possible « d’amendements malveillants » par des « adversaires » avant l’adoption par le Parlement européen de rapports consacrés à l’éradication de la torture dans le monde et sur aux relations commerciales de l’UE avec les pays de la Méditerranée.
Elle préconise ensuite « un suivi permanent des questions inhérentes à, notamment, l’accord agricole Maroc-UE qui fait l’objet actuellement d’un acharnement et de manœuvres hostiles de la part de ses détracteurs ». « À ce propos, conclut le document, plusieurs démarches auprès des responsables européens ont été proposées et il revient à G + Europe de les appuyer avec une action ciblée de lobbying en coopération avec les services de cette mission et les opérateurs privés marocains et européens. »
Au passage, cette note fait état des conseils prodigués par le Français Bruno Dethomas, un ancien porte-parole de la Commission européenne, ambassadeur de l’UE au Maroc de 2005 à 2009… alors reconverti comme lobbyiste chez G + Europe – illustration parmi d’autres du système de revolving doors, de portes tournantes entre les institutions européennes et cabinets de « conseil ». Contactés, ni le cabinet Portland, ni Bruno Dethomas n’ont donné suite à nos sollicitations.
Des « contacts discrets » avec des eurodéputés RN
Les autorités marocaines recrutent ses « amis » sans considération de leur couleur politique.
Un document des MarocLeaks de Chris Coleman fait ainsi état des « contacts discrets » que la mission marocaine auprès de l’UE aurait cultivés avec les élus du Front national, un parti affichant « des positions à l’égard de notre pays positives et constructives », dixit l’ambassadeur marocain à Bruxelles cité dans ce câble.
Dans les rangs de l’extrême droite, l’eurodéputée Dominique Bilde s’illustre ainsi par son insistance à relayer régulièrement les accusations lancées par Rabat de détournement de l’aide humanitaire destinée aux réfugiés sahraouis des camps de Tindouf.
Allégations pourtant maintes fois démenties par l’étroit suivi des agences onusiennes, du Programme alimentaire mondial, de la Commission européenne et sa Direction générale de la Protection civile et opérations d’aide humanitaire européennes (DG ECHO), qui procèdent à de fréquents audits sur les usages de cette aide.
« Ces accusations récurrentes trouvent leur point de départ au Maroc ; elles ont conduit, au milieu des années 2000, à une enquête qui avait mis au jour quelques irrégularités mais pas de détournement. Depuis lors, le suivi est très serré, avec des experts européens qui procèdent à des contrôles sur place », rapporte un ancien fonctionnaire d’ECHO, en se remémorant les visites d’officiels marocains, en poste à Bruxelles où à Rabat, décidés à convaincre la Commission européenne du bien fondé de ces accusations.
« Ces accusations laissent des traces, remarque-t-il. Elles ne sont pas étrangères au recul de l’aide humanitaire affectée par l’UE, l’un des principaux contributeurs, aux camps de réfugiés sahraouis, et qui finance pour l’essentiel l’aide alimentaire dont dépendent ces populations. »
Cette aide, qui représentait près de 12 millions d’euros en 2001, se montait, en 2022, à 9 millions d’euros.
Pas plus tard que le 5 décembre dernier, l’eurodéputé PPE Brice Hortefeux demandait encore dans une seule et même question écrite à la Commission européenne si celle-ci avait « l’intention d’effectuer un audit des fonds destinés aux camps sahraouis, afin de s’assurer qu’ils ne répondent qu’à des objectifs humanitaires » et quelles mesures elle entendait « prendre pour prévenir une éventuelle coopération entre le Polisario et des groupes terroristes » qui recevraient du mouvement de libération sahraoui, selon lui, « des armes et un soutien logistique ».
Reprise, sans preuves, de l’une des antiennes favorites des services marocains.
Gilles Pargneaux, au service de « Sa Majesté le roi »
Parmi les appuis politiques du Maroc à Bruxelles, un nom revient de façon insistante dans ces câbles dévoilés en 2014 comme dans les conversations avec des eurodéputés l’ayant vu à l’œuvre.
C’est celui du socialiste français Gilles Pargneaux, passé en 2017 dans les rangs macronistes sans parvenir à se faire investir par LREM pour conserver le siège d’eurodéputé qu’il occupait depuis 2009. En dépit de nos demandes répétées, lui non plus n’a pas répondu à nos questions.
Ancien président du groupe d’amitié UE-Maroc, visiteur assidu du Royaume, couvert de décorations par le Palais, lui aussi s’est reconverti dans le lobbying. Il a fondé en France son propre cabinet, P & B Partners, actif auprès des parlementaires français, mais garde un pied à Bruxelles, où il travaille comme senior adviser pour le cabinet de lobbying Hill & Knowlton, dont le Maroc est un gros client
EN TANT QUE DÉPUTÉ EUROPÉEN, GILLES PARGNEAUX SE PRÉSENTAIT AUSSI COMME « CONSEILLER DE SA MAJESTÉ LE ROI » »
Ana Gomes, Députée européenne de 2004 à 2019
La fondation EuromedA, qu’il a créée en 2018 avec un ancien ministre marocain, compte d’ailleurs dans son conseil d’administration et parmi ses membres fondateurs Alain Berger, un directeur exécutif et stratégique de Hill & Knowlton à Bruxelles, qui hébergea un temps cette structure dans ses locaux, à 150 mètres du Parlement européen.
Contactés, ni le cabinet Hill & Knowlton, ni la fondation EuromedA, ni Alain Berger n’ont donné suite.
L’ancienne eurodéputée socialiste portugaise Ana Gomes n’hésite pas à dépeindre Pargneaux, sur son compte Twitter, comme « le lobbyiste du Maroc le plus effronté » qu’elle ait rencontré au Parlement européen. « En tant que député européen, il se présentait aussi comme « conseiller de sa majesté le roi » », assure-t-elle.
Et de fait, ses fréquentes interventions dans la presse marocaine, ses prises de position à Bruxelles, son acrimonie affichée à l’endroit des opposants marocains en font un soutien sans faille du régime monarchique.
Inflexible détracteur du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, pourtant inscrit dans le droit international, il fut l’un des plus ardents défenseurs de l’accord agricole et de l’accord de pêche annulés par la Justice européenne.
CONCRÈTEMENT, LORSQU’ON PLAIDE POUR L’ADOPTION D’UNE RÉSOLUTION D’URGENCE CONDAMNANT LE MAROC POUR DES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS, DES EURODÉPUTÉS VOUS RÉPONDENT : D’ACCORD, JE VEUX BIEN, MAIS ÇA VA ÊTRE TRÈS DIFFICILE »
Un cadre d’ONG de défense des droits humains
Une note du ministère marocain des Affaires étrangères, révélée par les MarocLeaks, se félicitait en 2014, à l’occasion de la visite d’une délégation européenne incluant une étape dans les territoires occupés du Sahara occidental, de « l’implication personnelle de M. Gilles Pargneaux », recensait ses initiatives et déclarations en faveur des positions officielles du Maroc au Parlement européen, relevait un entretien accordé à la MAP dans lequel l’eurodéputé avait exalté « les avancées démocratiques du Royaume ».
Les autorités marocaines savent choyer leurs amis. Ceux qui sont désignés comme des adversaires sont, eux, combattus sans merci.
« Concrètement, lorsqu’on plaide pour l’adoption d’une résolution d’urgence condamnant le Maroc pour des violations des droits humains, des eurodéputés vous répondent : d’accord, je veux bien, mais ça va être très difficile, déplore un cadre d’une grande ONG de défense des droits humains. Pour faire passer un projet de résolution, il faut une masse critique. On ne peut pas l’atteindre car on se heurte systématiquement à l’intérieur du Parlement européen à des groupes d’intérêts défendant le régime marocain. Et ils sont très ancrés : l’investissement du Maroc dans l’endormissement des consciences européennes ne date pas d’hier. »
Une eurodéputée critique envers Rabat fichée et entravée
Une lettre du ministère marocain des affaires étrangères, datée du 1er avril 2014, est de ce point de vue éloquente.
Cette missive attire ainsi l’attention de l’ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne sur la tenue d’un colloque au Parlement européen sur les disparitions forcées, à l’initiative de l’eurodéputée française Marie-Christine Vergiat, affiliée à la Gauche unitaire européenne.
En pièce jointe, une note du ministère marocain de l’Intérieur recense les opposants invités à ce colloque, affirme que l’élue « est connue pour son hostilité à la cause nationale à l’échelle du Parlement européen » et relève qu’elle « s’est opposée ouvertement le 16 février 2012 à la ratification par le Parlement européen de l’accord entre l’UE et le Maroc sur la libéralisation des produits agricole et a voté contre l’accord de partenariat de pêche entre l’UE et le Maroc le 10 décembre 2013. »
La fiche policière souligne ensuite que Marie Christine Vergiat a pris part à une conférence de presse organisée à Rabat par l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et conclut que « la tenue de ce colloque (…) n’est pas sans lien avec les tentatives des ennemis de la cause nationale pour introduire une clause de supervision des droits de l’homme dans le mandat de la Minurso », la force onusienne déployée au Sahara occidental.
Les consignes de Rabat sont alors claires, consignées noir sur blanc : « Je vous saurai gré des démarches que vous voudriez bien entreprendre auprès de nos amis afin de faire avorter ce colloque ».
Contactée par L’Humanité, l’ancienne eurodéputée se dit stupéfaite en prenant connaissance pour la première fois de ces documents.
Ce colloque, dédié aux cas emblématiques de Mehdi Ben Barka et de Hocine El-Manouzi (enlevé en 1972 en Tunisie), s’était finament bien tenu, sans heurts.
C’EST UNE DIPLOMATIE MENÉE PAR LE CONTRE-ESPIONNAGE ET LA DGST. ÇA CONFIRME QUE L’ÉTAT PROFOND, LE MAKHZEN EST RÉDUIT À SA PLUS SIMPLE EXPRESSION : SA DIMENSION POLICIÈRE »
Marie-Christine Vergiat se souvient en revanche d’une autre réunion qu’elle avait organisée trois ans plus tard au Parlement européen pour donner la parole à des opposants marocains dénonçant la répression contre les révoltés du Rif, et pour promouvoir la candidature de Nasser Zefzafi au prix Sakharov.
« Là, les autorités marocaines avaient mobilisé des «amis», dont un universitaire proche de l’Action française et un homme se présentant comme un policier, pour perturber cette réunion, relate l’ancienne élue. L’ambassadeur du Maroc avait ensuite écrit au président du Parlement européen pour exiger des sanctions contre moi. Sans succès. »
Une « lobbyiste » expulsée de Belgique
Un mois plus tard, les 23 et 24 novembre 2017, Gilles Pargneaux se faisait l’hôte, dans la même enceinte, et sans l’ombre d’une perturbation, d’un forum organisé par une brumeuse Organisation internationale des médias africains.
À la tête de cette structure, et siégeant à la tribune au côté de l’eurodéputé socialiste français, une dénommée Kaoutar Fal, ancienne employée du voyagiste Tui Fly devenue « consultante », « journaliste » et lobbyiste, volontiers mondaine, organisatrice, dans les palaces de Tanger ou de Casablanca, de colloques aux intitulés fumeux (« The Power of One », « Les Nouvelles Configurations du monde actuel »).
Pegasus. Emmanuel Macron trahi par son « allié » marocain
Moins d’un an après ce raout, elle se trouvait contrainte de quitter la Belgique en raison du retrait de son visa, au terme d’un séjour en détention dans un centre fermé.
Traitement justifié, d’après le rapport de la police belge relatif à son arrestation, par ses activités d’espionne présumée : « La Sûreté d’État […] considère que l’intéressée constitue une menace pour la sécurité nationale, car elle a constaté que Madame Fal et ses organisations sont activement impliquées dans des activités de renseignement au profit du Maroc. Par ailleurs, Madame Fal est également en contact avec des personnes qui sont connues de la Sûreté d’État pour leurs activités en faveur de services de renseignements étrangers offensifs ou pour des liens avec ceux-ci. La Sûreté d’État estime également qu’il faut empêcher l’intéressée d’accéder au territoire et de circuler dans l’espace Schengen afin de mettre fin à ses activités et au danger qu’elle représente. » L’un des invités de Kaoutar Fal au Parlement européen se revendiquait ouvertement de la « diplomatie parallèle ».
Pegasus. Le juteux business de l’écoute et des failles de sécurité
« On le voit avec ce scandale qui secoue aujourd’hui le Parlement européen : c’est une diplomatie menée par le contre-espionnage et la DGST. Ça confirme que l’État profond, le makhzen est réduit à sa plus simple expression : sa dimension policière », analyse le journaliste d’investigation marocain Aboubakr Jamai, contraint à l’exil. Contactés par L’Humanité, ni Gilles Pargneaux, ni Kaoutar Fal n’ont donné suite à nos sollicitations.
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« La CNI fait allusion aux activités du plaignant en tant qu’agent local des services de renseignement marocains », indique le juge en chef.
Le Tribunal national a déclaré « conformément à la loi » la décision du ministère de la Justice de refuser la nationalité espagnole à un employé du consulat du Maroc à Séville et résidant dans cette ville, selon un rapport du Centre national de renseignement (CNI) qui confirme son « étroite collaboration avec l’état-major des services de renseignement marocains stationnés en Espagne ».
Plus précisément, dans un arrêt rendu le 14 septembre et recueilli par Europa Press, la chambre contentieuse de la Cour nationale traite d’un recours formé par un homme d’origine marocaine, contre une résolution rendue en 2019 par le ministère de la Justice, lui refusant la nationalité espagnole pour » raisons d’ordre public ou d’intérêt national ».
Selon le ministère de la justice, cet homme « n’a pas justifié la bonne conduite civique qu’exige l’article 22.4 du Code civil , puisque selon le constat obligatoire au dossier, l’intéressé n’accrédite pas ladite exigence pour des raisons d’ordre public. ou d’intérêt national », pesant « la preuve de son étroite collaboration, depuis son arrivée en 2016 au consulat du Maroc à Madrid en tant qu’agent local , avec l’actuel chef des services de renseignement marocains en Espagne ».
Enfants espagnols, « bonne conduite » et « adaptés » à l’Espagne
Face à cela, ledit homme a soutenu dans son recours contentieux contre ladite résolution de refus, qu’il est marié à une citoyenne marocaine naturalisée espagnole et qu’il a deux enfants, « tous deux de nationalité espagnole » ; qu’« il travaille depuis 2010 comme interprète pour le consulat général du Maroc à Séville » ; que le ministère public « ne s’oppose pas à l’octroi de la nationalité espagnole » ; que l’état civil de Séville confirme que cette personne « connaît la langue espagnole, a une bonne conduite, s’est adaptée au mode de vie et à la vie espagnole et dispose de moyens de subsistance » ; en plus du fait que la Police Nationale a émis des rapports selon lesquels « il n’y a pas de trace » de la police sur cet homme.
Ainsi, dans son recours, il a réclamé l’« unanimité » des voix en faveur de sa « bonne conduite civique », à l’exception d’un rapport du Centre national de renseignement (CNI), qui selon lui ne détaille pas une activité de « collaboration ». avec les Renseignements marocains et « ne précise aucune délimitation chronologique, spatiale ou géographique permettant la défense ». « L’imprécision du rapport empêche des poursuites afin d’évaluer l’impact de l’activité sur la sécurité nationale », a-t-il affirmé, réclamant l’annulation de la décision refusant la nationalité espagnole et l’octroi de celle-ci.
« Des liens étroits avec leur pays d’origine »
Toutefois, la Cour nationale indique que « le contenu du rapport de la CNI est suffisamment expressif. A travers celui-ci, la CNI fait allusion aux activités du plaignant en tant qu’agent local des services de renseignement marocains « . « Cette circonstance, jointe au fait que le demandeur a fourni des services au consulat du Maroc à Séville, soit en tant qu’interprète, soit en tant que fonctionnaire, met en évidence les liens étroits de l’intéressé avec son pays d’origine, confirmant ce qui a été rapporté par la CNI. » plaide la Cour nationale.
« Le rapport de la CNI, ainsi que le reste du dossier et les motifs avancés par l’Administration (…) expriment clairement quelle est l’activité de l’intéressé qui permet de s’interroger sur la pertinence d’accéder à la demande de nationalité, pour des raisons de l’ordre public et la sécurité nationale, circonstance qui s’éclaire à l’énonciation des faits : que le demandeur exerce ses fonctions au Consulat du Maroc à Séville et que le CNI vérifie une étroite collaboration avec la Direction des services de renseignement marocains en poste en Espagne. de telles conditions, il est clair que la décision de refus était pleinement justifiée », tranche le Tribunal national, qui rejette ainsi le recours contentieux de celui-ci et déclare « conformément à la loi »la décision rejetant votre demande d’octroi de la nationalité espagnole.
Qatargate et Marocgate ont mis à jour les douteuses stratégies d’influence de ces pays au Parlement européen. Qu’en est-il d’Israël ? Plusieurs discrets lobbys sont à l’œuvre à Bruxelles pour inviter en Israël des élus et faire passer des messages contradictoires avec la politique officielle de l’Union européenne, notamment sur les colonies. Et ça marche : Israël est, avec l’Inde, en tête des destinations favorites des eurodéputés.
NATHALIE JANNE D’OTHÉE
Eurodéputé néerlandais conservateur, (membre du groupe des Conservateurs et réformistes européens – CRE), Bert-Jan Ruissen, 51 ans, est un partisan engagé d’Israël, prompt à afficher bruyamment son soutien sans réserve sur les réseaux sociaux. Vice-président de la délégation des relations avec Israël au Parlement européen (D-IL), il défend sans nuances la colonisation israélienne et reprend systématiquement les éléments de langage sur les « terroristes » palestiniens. Ce que l’on ne sait pas, c’est qu’une organisation très discrète basée à Washington, l’Israel Allies Foundation, qui n’est pas répertoriée dans le registre de transparence du Parlement européen et n’a pas de bureaux à Bruxelles, a pris en charge deux voyages en Israël de cet eurodéputé, en décembre 2019 et mars 2022.
En 2019, le député s’est même rendu dans les colonies, pourtant non reconnues par l’Union européenne. Présidée par Dave Weldon, un ancien représentant de Floride au Congrès, L’Israel Allies Foundation est une organisation de chrétiens évangélistes qui « considèrent l’État moderne d’Israël comme l’accomplissement des promesses prophétiques de Dieu concernant la terre d’Israël pour le peuple juif » et qui se donne pour mission « d’éduquer et de responsabiliser les législateurs pro-israéliens ». Tout un programme…
« L’IMPORTANCE DE RELATIONS ÉTROITES ENTRE L’EUROPE ET ISRAËL »
Si l’Israel Allies Foundation n’est pas représentée à Bruxelles, trois autres organisations le sont, et financent régulièrement des voyages en Israël pour les eurodéputés : l’European Leadership Network (Elnet), très active également en France, le Transantlantic Institute et le B’nai B’rith Europe. Si ces trois organisations sont officiellement indépendantes du gouvernement israélien, elles en défendent invariablement les politiques, suivant un agenda clairement nationaliste. Les objectifs affichés sur leurs sites web respectifs le confirment. L’European Leadership Network (Elnet) est un réseau qui « réunit des dirigeants qui croient en l’importance de relations étroites entre l’Europe et Israël, fondées sur des valeurs démocratiques partagées et des intérêts communs ».
Le Transatlantic Institute est l’émanation européenne du très connu American Jewish Committee (AJC) qui se présente comme « la principale organisation mondiale de défense des droits des Juifs » et dont l’objectif est de « combattre l’antisémitisme et toutes les formes de haine, renforcer la place d’Israël dans le monde et défendre les valeurs démocratiques ». La branche AJC Project Interchange a la charge de l’organisation des voyages, notamment le Transatlantic Institute.
Enfin, le B’nai B’rith est la plus vieille organisation juive connue et dit « lutter contre l’antisémitisme, le BDS et la négation de l’Holocauste » tout en « défendant les intérêts d’Israël ». Pour rappel, le mouvement Boycott, désinvestissement sanctions (BDS) a été lancé en 2005 par une grande majorité de la société civile palestinienne et a pour objectif de pousser Israël à se conformer au droit international par l’utilisation de méthodes non violentes. Il s’inspire directement des campagnes pacifiques ayant soutenu la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud. Le mettre sur le même pied que la lutte contre l’antisémitisme et la négation de l’Holocauste en dit long sur le programme de l’organisation.
EN TÊTE DES DESTINATIONS PRÉFÉRÉES DES EURODÉPUTÉS
Selon les informations trouvées dans les déclarations des eurodéputés, il semblerait que ces trois organisations aient organisé six voyages en Israël pour des eurodéputés depuis octobre 2019 : trois par Elnet, deux par l’AJC Project interchange et un par le B’nai B’rith. Une performance remarquable, car la période a été marquée par une impossibilité de voyager pendant tout 2020 et une partie de 2021 en raison de la pandémie de Covid-19. Enquêtant sur les suites du Qatargate et du Marocgate au Parlement européen, le journal belge Le Soir publiait lundi 13 février 2023 une enquête approfondie sur les voyages des eurodéputés payés par des tiers. Un article signé par Pauline Hoffman mettait le focus sur Israël, destination préférée des eurodéputés avec l’Inde. Il est rare que l’influence d’Israël au Parlement européen soit abordée dans la presse dans le cadre du Qatargate. Or cette influence est bien réelle, comme l’avait déjà montré un article de Grégory Mauzé publié par Orient XXI en janvier 2019, qui analysait l’activisme à Bruxelles des groupements favorables à Israël.
Pour réaliser son enquête, Le Soir a épluché toutes les déclarations de voyages financés par des tiers déposées par les eurodéputés. Sur les 328 déclarations de voyages analysées, 30 avaient pour destination Israël. Cent quinze nuits ont été offertes à des eurodéputés dans des hôtels de luxe en Israël.
Infographie Le Soir, 13 février 2023
Liste des eurodéputés ayant voyagé en Israël entre le dernier trimestre 2019, 2021 et 2022
Date du voyage
Nom
Groupe
Pays
octobre 2019
Niclas Herbst
PPE
Allemagne
Dietmar Köster
S&D
Allemagne
David Lega
PPE
Suède
décembre 2019
Bert-Jan Ruissen
CRE
Pays-Bas
novembre 2021
Jens Gieseke
PPE
Allemagne
Andreas Schwab
PPE
Allemagne
Assita Kanko
CRE
Belgique
Elena Yoncheva
S&D
Bulgarie
Isabel Benjumea Benjumea
PPE
Espagne
Juan Ignacio Zoido Álvarez
PPE
Espagne
Andrus Ansip
Renew
Estonie
Manolis Kefalogiannis
PPE
Grèce
David Lega
PPE
Suède
Ljudmila Novak
PPE
Slovénie
mars 2022
Bert-Jan Ruissen
CRE
Pays-Bas
mai 2022
Antonio López-Isturíz White
PPE
Espagne
octobre 2022
Javier Zarzalejos
PPE
Espagne
Sven Mikser
S&D
Estonie
Lorant Vincze
PPE
Roumanie
Asger Christensen
Renew
Danemark
José Ramon Bauza Diaz
Renew
Espagne
Anna-Michelle Asimakopoulou
PPE
Grèce
Edina Tóth
Non inscrits
Hongrie
Isabel Wiseler-Lima
PPE
Luxembourg
novembre 2022
David Lega
PPE
Suède
Antonio López-Isturíz White
PPE
Espagne
décembre 2022
Karlo Ressler
PPE
Croatie
Leopoldo López Gil
PPE
Espagne
Inese Vaidere
PPE
Lettonie
Romana Tomc
PPE
Slovénie
LES COLONIES AU PROGRAMME DES VISITES Au-delà d’entretiens variés avec des interlocuteurs gouvernementaux et politiques israéliens, la sécurité d’Israël est centrale dans tous les programmes de voyage. Les eurodéputés ont ainsi l’occasion de visiter les tunnels construits par le Hezbollah à la frontière nord avec le Liban ou encore de visiter la région qui borde la bande de Gaza. Ils font des tours en hélicoptère vers la frontière israélo-libanaise ou au-dessus de Jérusalem. Ils reçoivent également des briefings sur la menace iranienne ou sur le financement du terrorisme. Il n’est étonnamment jamais question de la sécurité des populations palestiniennes, dont la responsabilité selon le droit international revient pourtant à la puissance occupante, donc à Israël.
Plus problématiques sont les parties de programmes qui font découvrir aux parlementaires européens les réalités sécuritaires ou économiques des colonies israéliennes illégalement construites dans le territoire palestinien occupé. Pour rappel, les colonies sont reconnues comme étant une violation grave du droit international, et considérées comme un crime de guerre par le Statut de Rome. Or les deux voyages organisés par l’AJC comprenaient des visites dans des colonies de Cisjordanie, celle de P’duel en octobre 2019 et celle d’Efrat en novembre 2022.
Et si l’Israel Allies Foundation invite avec l’eurodéputé Bert-Jan Ruissen 24 autres parlementaires internationaux en décembre 2019, c’est parce qu’ils défendent « la lutte contre le mouvement BDS et l’étiquetage antisémite des produits israéliens de Judée-et-Samarie ». La Judée-et-Samarie est le nom donné par Israël à la Cisjordanie. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient alors de confirmer, le 12 novembre précédent, que l’étiquetage des produits des colonies est obligatoire pour respecter le droit européen. La fondation chrétienne évangéliste semble vouloir outiller les participants pour qu’ils puissent décrédibiliser toute initiative politique qui porterait préjudice aux intérêts des colons israéliens.
Elle les emmène ainsi à un diner dans la colonie Psagot, magistralement décrite par l’écrivain Yonathan Berg dans Quitter Psagot, (éditions L’Antilope, 2021), qui exporte du vin notamment vers l’Union européenne. Les participants ont également l’occasion de se rendre dans la colonie industrielle de Barkan située dans le nord de la Cisjordanie, dont l’essor économique dépend en partie de sa capacité à exporter vers les marchés européen et américain. Ils ont par ailleurs eu l’opportunité de rencontrer Yossi Dagan, leader du Shomron Regional Council, un conseil regroupant une trentaine de colonies du nord de la Cisjordanie. Les participants ont enfin pu rencontrer le juriste Eugène Kontorovich, dont les théories remettent en cause le fait même que les territoires palestiniens puissent être considérés comme occupés.
LES ABONNÉS DE LA LIGNE BRUXELLES-TEL AVIV
La journaliste Pauline Hoffman le souligne, les 30 déclarations de voyage en Israël épluchées par Le Soir ne recouvrent pas l’entièreté des voyages offerts à des eurodéputés dans le pays. Elle note ainsi que sur les onze participants du voyage organisé par Elnet en novembre 2021, cinq seulement l’avaient déclaré. Cette révélation semble en avoir fait réagir certains. C’est le cas de l’Estonien Andrus Ansip (Renew, centre), de la Slovène Ljudmila Novak (Parti populaire européen, PPE, droite), de la Bulgare Elena Yoncheva (S&D, social-démocratie) et de l’Espagnole Isabel Benjumea Benjumea (PPE) qui ont tous modifié leur déclaration dans les jours qui ont suivi la parution de l’article du Soir. Seuls l’Espagnol Juan Ignacio Zoido Álvarez (PPE) et le Suédois David Lega (PPE) n’ont pas encore à ce jour déclaré ce voyage.
Au côté du pro-colon Bert-Jan Ruissen, le Suédois David Lega est par ailleurs le député ayant réalisé le plus de voyages en Israël, un avec chaque organisation : en octobre 2019 avec l’AJC Project Interchange, en novembre 2021 avec Elnet — le seul qu’il n’ait pas déclaré — et en décembre 2022 avec le B’nai Brith. Ses voyages successifs semblent lui avoir donné accès à des contacts privilégiés avec les dirigeants israéliens. L’eurodéputé s’affiche ainsi avec le président israélien Isaac Herzog en visite fin janvier 2023 au Parlement européen.
Autre grand voyageur, Antonio López-Isturíz White (PPE) a aussi effectué trois voyages en Israël en une année (novembre 2021, mai et novembre 2022) à chaque fois invité par Elnet (en coordination avec l’AJC en novembre 2022). Un vrai abonnement ! Son rôle de président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec Israël pourrait le justifier. Mais le rôle de président d’une délégation avec un pays tiers n’inclut cependant pas d’en être le un fervent défenseur. C’est pourtant ce qu’est Antonio López-Isturíz White (PPE) qui, tout comme l’ancien président de la délégation (2014-19) Fluvio Martusciello (PPE), prend systématiquement des positions pro-israéliennes dans son travail au Parlement.
En témoigne la prise de parole de López-Isturíz White lors d’un débat sur la stabilité et la sécurité au Proche-Orient en novembre 2022 où l’eurodéputé fustige « l’obsession malsaine (du Parlement européen) pour le seul pays démocratique de la région, Israël ». Quant à Fulvio Martusciello, son commentaire dans un interview en octobre 2018 sur l’opposition de l’UE à la démolition prévue du village palestinien de Khan al Ahmar est éloquent : « Il ne serait pas correct, de la part des dirigeants occidentaux, de porter un jugement sur une question interne à Israël et nous devons respecter pleinement la souveraineté de l’État d’Israël ». Rappelons que le transfert forcé de populations occupées par un occupant représente une violation grave du droit international.
UN PARLEMENT EUROPÉEN SOUS INFLUENCE
Les voyages semblent une occasion de nourrir les eurodéputés déjà convaincus, mais aussi de progressivement en engager d’autres. S’ils se montrent intéressés et réceptifs, il leur sera ensuite peut-être proposé de faire partie d’un groupe d’amitié. Fondé en 2006, le réseau des European Friends of Israel prétendait rassembler tous les groupes d’amitié avec Israël, qu’ils soient des parlements nationaux ou du Parlement européen. Mais il semble avoir cessé de fonctionner depuis. Il est remplacé depuis juillet 2019 par le réseau Transatlantic Friends of Israel que l’AJC se vante d’avoir mis en place et qui regroupe 32 eurodéputés. L’Autrichien Lukas Mandl (PPE) en assure la présidence.
On y retrouve également les grands voyageurs, Ruissen (CRE) et Lega (PPE), ainsi que les présidents de D-IL, ancien et nouveau, Fluvio Martusciello (PPE) et López-Isturíz White (PPE). On y retrouve aussi deux vice-présidentes du Parlement européen, Nicola Beer (Renew) et Pina Picierno (S&D). Le Transatlantic Institute se vante de l’influence de son réseau au Parlement, notamment dans ce tweet où il loue l’initiative de Bert-Jan Ruissen de demander le conditionnement d’une partie de l’aide européenne à l’Autorité palestinienne à la suppression « de manuels scolaires antisémites ». La proposition de Ruissen prend place dans le débat général sur le budget de l’Union, alors que la question des livres scolaires a déjà contribué à retenir l’aide européenne à l’Autorité palestinienne entre septembre 2021 et juin 2022. Une étude commandée par la Commission européenne à l’Institut Georg Eckert avait pourtant réfuté les allégations d’incitation généralisée à la haine et à la violence dans les manuels scolaires palestiniens, et estimé que ceux-ci respectaient les standards de l’Unesco. Alors que la colonisation du territoire palestinien avance à grands pas, que la violence des colons ne fait qu’augmenter et que 2022 a été l’année la plus meurtrière pour les civils palestiniens en Cisjordanie, la focalisation de nombreux eurodéputés sur cette question représente sans aucun doute la quintessence de ce que l’influence pro-israélienne peut avoir comme impact au Parlement européen.
LA DÉFENSE OUVERTE DES INTÉRÊTS DES COLONS
Durant la précédente législature (2014-2019), un groupe des Amis de la Judée-et-Samarie avait été fondé par l’ancien eurodéputé tchèque Petr Mach, en collaboration avec le leader du Shomron Regional Council, Yossi Dagan. Le groupe était ainsi autorisé à défendre de manière ouverte les intérêts des colons israéliens au sein du Parlement européen. Si le groupe d’amis a cessé d’exister à la fin de la précédente législature, Dagan est encore invité au Parlement européen par des eurodéputés amis. Le 11 janvier 2023, les fidèles partisans d’Israël que sont le Néerlandais Bert-Jan Ruissen (CRE) et le Tchèque Tomas Zdechovský (PPE) coorganisaient ainsi une conférence au Parlement européen avec le Shomron Régional Council de Dagan, qui faisait ainsi un retour remarqué à Bruxelles.
Sur l’affiche de l’événement (ci-contre) apparaît le logo du Golden Gate Public Affairs. L’organisation, fondée par Jenny Aharon qui se présente sur Twitter comme conseillère sur les relations UE-Israël, a récemment fait l’objet d’une enquête du site d’info belge Apache. L’article soulignait la capacité d’influence de l’organisation au sein du Parlement européen ainsi que du Parlement belge. Jenny Aharon est actuellement financée par le Shomron Regional Council de Dagan, et elle l’était auparavant par le puissant think tank israélien Kohelet Policy forum. Les informations trouvées en janvier dernier à propos de Golden Gate dans le registre de transparence du Parlement européen ne s’y trouvent désormais plus. Difficile de dire si cette disparition est due à l’article d’Apache ou simplement à une attitude plus discrète des lobbies à l’heure du Qatargate et du Marocgate.
UN RÉSEAU POUR DÉFENDRE LES ACCORDS D’ABRAHAM Les programmes des derniers voyages organisés pour des eurodéputés en Israël, que ce soit par Elnet, AJC ou B’nai Brith, présentent une particularité commune : l’organisation de briefings sur les Accords d’Abraham, accords de normalisation conclus par Israël avec les Émirats arabes unis et Bahrain en août 2020. Ils étaient complétés quelques mois plus tard par un accord de normalisation entre Israël et le Maroc, consenti par le Royaume chérifien en échange d’une reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Ces accords font partie d’une offensive diplomatique israélienne visant à normaliser ses relations avec ses voisins arabes, tout en mettant sous le tapis la question du droit à l’autodétermination des peuples.
Et cette offensive semble soutenue par certains eurodéputés. Lors d’un débat sur les implications géopolitiques des Accords d’Abraham au Parlement européen en novembre 2020, Antonio López-Istúriz White se disait reconnaissant du soutien marqué par Josep Borrell à ces accords, mais déplorait par ailleurs que 80 % du discours du haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères « fasse référence aux colonies et aux conflits entre Israël et la Palestine ». Lors du même débat, Bert-Jan Ruissen estimait que les Accords d’Abraham mettaient en lumière le fait que « l’Europe ne joue pour l’instant aucun rôle important dans le processus de paix » et cela parce qu’elle « continue à critiquer unilatéralement Israël ».
Et les voyages en Israël semblent en avoir inspiré d’autres. Un récent article du journaliste David Cronin, spécialiste du lobby pro-israélien à Bruxelles, sur Electronic Intifada révèle ainsi le malaise autour de la création au sein du Parlement européen du réseau des accords d’Abraham. Il serait présidé par l’eurodéputé voyageur suédois David Lega. Cronin indique que la création de ce réseau a été « inspirée » à Lega lors d’un de ses voyages en Israël. Mais l’ambiance post-Qatargate ne semble pas favorable aux réseaux d’influence étrangers. Annoncé depuis décembre, le lancement du réseau des accords d’Abraham tarde. Interrogé par Cronin, le bureau de Roberta Metsola semble avoir effacé l’événement de l’agenda de la présidente du Parlement européen, pourtant prévue au programme. Il est vrai qu’assister au lancement d’un tel réseau alors qu’on prétend lutter contre les influences étrangères au sein de l’hémicycle pourrait sembler incohérent.
Même s’il n’est pas question de valises de billets, Qatargate et Marocgate semblent avoir rendu les méthodes d’influence pro-israéliennes un peu moins acceptables. D’autant moins acceptables que les violations israéliennes du droit international et des droits humains sont de plus en plus nombreuses et apparentes, au point d’être aujourd’hui qualifiées par de nombreuses organisations de défense des droits humains de crime d’apartheid. Voyages, lobbies et groupes d’amitié pro-israéliens résisteront-ils aux efforts dans lesquels s’engage aujourd’hui le Parlement européen pour renforcer son indépendance et la transparence de ses travaux ? Mais surtout, le Parlement européen aura-t-il un jour le courage de traiter l’influence israélienne en son sein de la même manière qu’il traite aujourd’hui les influences qataries et marocaines ? Espérons-le.