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  • France-Egypte : Les mémos de la terreur (1/2)

    France, Egypte, Al Sissi, Opération Sirli – France-Egypte : Les mémos de la terreur (1/2).

    Disclose a obtenu des centaines de documents « confidentiel-défense » qui dévoilent les dérives d’une opération militaire secrète de la France en Egypte. Révélations sur la complicité de l’Etat dans des bombardements contre des civils.

    En début de matinée, le samedi 13 février 2016, un bus aux rideaux tirés franchit le portail de la base militaire de Marsa Matruh, à 570 kilomètres du Caire. Le véhicule s’arrête devant un baraquement couleur sable. Dix hommes en descendent, des Français arrivés en Egypte quelques jours plus tôt avec des visas « touristes ». Précédé par des militaires locaux, le groupe s’engouffre dans un bâtiment aux équipements rudimentaires, sans point d’eau et à la climatisation défectueuse. Ce sera leur quartier général. Le centre de commandement d’une opération militaire clandestine de la France en Egypte. Nom de code : Sirli.

    Une source a transmis à Disclose plusieurs centaines de documents classés « confidentiel-défense ». Des notes issues des services de l’Elysée, du ministère des armées et de la direction du renseignement militaire (DRM) qui révèlent les dérives de cette mission de renseignement débutée en février 2016, au nom de la lutte antiterroriste. Une fuite inédite de documents qui démontrent comment cette coopération dissimulée au public a été détournée par l’Etat égyptien au profit d’une campagne d’exécutions arbitraires. Des crimes d’Etat dont François Hollande et Emmanuel Macron ont été constamment informés. Sans jamais en tirer les conséquences.

    « Ce qui fait rompre le silence, ce sont les dérives de l’action politico-militaire française qui entachent profondément ce pour quoi des hommes et des femmes sont au service de la France » (La source)

    Le projet de la mission Sirli naît le 25 juillet 2015. Ce jour-là, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la défense de François Hollande, s’envole pour Le Caire en compagnie du directeur du renseignement militaire, le général Christophe Gomart. Il y rencontre son homologue égyptien, le ministre Sedki Sobhi dans un contexte « extrêmement favorable (…) reposant sur les récents succès des contrats Rafale et [frégates] FREMM », souligne une note diplomatique obtenue par Disclose – en avril, l’Egypte a acheté 24 avions de chasse Rafale et deux navires de guerre pour un montant de 5,6 milliards d’euros.

    Ordre du jour du rendez-vous : la sécurisation des 1 200 kilomètres de frontière avec la Libye, en plein chaos. Le ministre égyptien évoque en particulier un « besoin pressant » en matière de renseignement aérien. Jean-Yves Le Drian s’engage alors à mettre en œuvre « une coopération opérationnelle et immédiate », dans le cadre d’une « manœuvre globale contre le terrorisme ». Elle prendra la forme d’une mission officieuse pilotée par la DRM sur une base militaire égyptienne.

    Ne reste plus qu’à signer un accord technique entre les deux pays. Lequel doit préciser l’objectif de l’opération, et permettre aux militaires de s’y référer pour en connaître les contours précis. Selon nos informations, un tel document n’a jamais été signé.

    « Cet accord aurait obligé les deux parties à décrire noir sur blanc le cadre de la coopération, le type de mission et surtout ses limites » (La Source)

    Début 2016, une équipe est secrètement envoyée dans le désert occidental, une zone de 700 000 km2 qui s’étend du Nil à la frontière égypto-libyenne. L’opération Sirli est née. Elle mobilise dix agents : quatre militaires et six anciens de l’armée reconvertis dans le privé – deux pilotes d’avion et quatre analystes. Ces derniers sont employés par CAE Aviation. Spécialisée dans l’imagerie et l’interception des communications, la société, basée au Luxembourg, loue également à la DRM la pièce maîtresse du dispositif : un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR) de type Merlin III. Les yeux et les oreilles des militaires. Sollicitée, la direction de CAE Aviation n’a pas répondu à nos questions.

    En principe, la mission du détachement, baptisé « ELT 16 » pour « équipe de liaison technique 16 », consiste à scruter le désert occidental pour y détecter d’éventuelles menaces terroristes venues de Libye. A chaque sortie, les Français sont accompagnés d’un officier égyptien. Ce dernier est chargé d’écouter en direct les conversations interceptées. Théoriquement, les données recueillies devraient faire l’objet de recoupements afin d’évaluer la réalité de la menace et l’identité des suspects.


    Mais très vite, les membres de l’équipe comprennent que les renseignements fournis aux Egyptiens sont utilisés pour tuer des civils soupçonnés de contrebande. Une dérive dont ils vont alerter leur hiérarchie à intervalles réguliers. Pendant un an, puis deux, puis trois… en vain.

    Les premiers doutes interviennent deux mois à peine après leur prise de fonction, comme l’indique un rapport de la DRM du 20 avril 2016. Dans cette note, l’officier de liaison avertit sa hiérarchie : les Egyptiens veulent « mener des actions directes contre les trafiquants ». La lutte antiterroriste semble déjà loin.

    Quatre mois plus tard, un nouveau rapport confirme les soupçons des militaires français.

    NOTE 15 août 2016
    « Le colonel [égyptien] a insisté sur sa volonté d’effectuer des vols principalement au-dessus de la ‘banane’ afin de réduire sensiblement l’activité des trafiquants transitant entre la Libye et l’Egypte. »

    Ce que le militaire appelle la « banane » est une vaste zone désertique qui va du sud de l’oasis de Siwa aux villes du delta du Nil. C’est là, selon lui, que se concentrent les pick-up de contrebandiers qui franchissent la frontière libyenne en direction du Caire, d’Alexandrie ou de la vallée du Nil. Des véhicules tout-terrain conduits le plus souvent par des jeunes âgés de 18 à 30 ans, des civils qui peuvent transporter des cigarettes, de la drogue ou des armes, mais aussi du maquillage, de l’essence ou encore du riz et des céréales, comme l’indiquent les notes « confidentiel-défense » de la DRM.

    Disclose s’est rendu dans la région de Marsa Matruh, où près de 50 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Sur place, le trafic est perçu par beaucoup comme une échappatoire au travail dans les champs d’olives ou de dattes. « Quand tu travailles du matin au soir dans les champs, tu gagnes juste 120 livres égyptiennes par jour [6,61 euros], témoigne un ancien fonctionnaire qui vit au cœur de la zone frontalière. Avec ça, tu ne peux même pas acheter un kilo de viande. » Alors, ajoute-il, « quand les jeunes du coin, qui n’ont jamais plus de 30 ans, et qui sont parfois mariés avec des enfants en bas âge, voient un gars se construire une villa ou un grand jardin, ils veulent la même chose sans penser au danger ».

    Un ancien trafiquant reconverti dans le tourisme renchérit : « Un conducteur de pick-up chargé de cigarettes gagne 3 800 euros pour un aller-retour entre la Libye et l’Egypte. » C’est près de quarante fois le salaire mensuel moyen en Egypte. De quoi attirer les candidats malgré le risque mortel – en juillet 2020, la présidence égyptienne a annoncé le chiffre probablement exagéré de « 10 000 voitures remplies de terroristes et de trafiquants » détruites en sept ans, soit « 40 000 personnes tuées ».

    Mais selon Jalel Harchaoui, chercheur au sein de l’ONG suisse Global Initiative Against Transnational Organized Crime, la menace terroriste venant de Libye est « largement surestimée par l’armée égyptienne afin d’obtenir du soutien sur la scène internationale ». Depuis 2017, aucun groupe terroriste ou se revendiquant comme islamiste n’est implanté dans la partie est de la Libye. « Il n’y a quasiment aucun élément permettant d’affirmer que l’Etat islamique ou d’autres groupes utilisent le trafic de drogue pour financer leurs opérations en Libye », conclut également un rapport de l’Institut européen pour la paix publié en mai 2020.

    « Il n’y a que des civils qui sont tués. Les terroristes ne courent pas cette partie de désert, ils sont surtout concentrés dans le Sinaï, à l’extrême nord-est du pays » (La Source)

    Source : Disclose

    #Egypte #France #Opération_Sirlo #Abdel_fatah_al_sissi #DRM

  • Les gilets jaunes de retour à la contestation à Paris

    Les gilets jaunes de retour à la contestation à Paris

    France, gilets jaunes, Emmanuel Macron – Les gilets jaunes de retour à la contestation à Paris

    Du gaz lacrymogène a été utilisé, hier, dans la capitale française, Paris, par les forces de l’ordre, lors de la manifestation des gilets jaunes, pour marquer le troisième anniversaire de ce mouvement citoyen, qui ne semble pas reculer, à moins de six mois de la présidentielle en France , dans sa contestation déclenchée, en novembre 2018, sur fond de la dégradation continue des conditions socio-économiques dans le pays.

    C’est aux abords de la station de métro Quai de la gare dans le 13e arrondissement de la capitale parisienne que l’usage de bombes lacrymogènes a été intense selon les médias et les images TV diffusées hier, à travers le monde. Le mouvement des gilets jaunes qui s’est imposé comme une fronde sans précédent, depuis les années 60 avec les évènements de Mai 68, a montré, hier, après trois ans de vie de ce mouvement, ralenti, deux ans durant en raison de la pandémie sanitaire du Covid-19, qu’il a encore non seulement du souffle mais les capacités de mobilisation, d’autant plus que les conditions de vie sont de plus en plus difficiles, avec la chute du pouvoir d’achat des Français. Prévu de prendre son départ de Bercy, dans le XIIe arrondissement de la capitale, un important dispositif de sécurité a été mis en place sur les Champs-Elysées, comme le montre la vidéo d’un des journalistes sur place mise en ligne, ou on pouvait voir des canons à eau, un dispositif important de gendarmes soutenus par des éléments de compagnie d’intervention, tout au long des Champs-Elysees « sous haute protection» précise le journaliste Clément Lanot, dans sa vidéo.

    Dans le sillage de la célébration du 3ème anniversaire du mouvement des gilets jaunes, plusieurs appels au rassemblement ont circulé, sur les réseaux sociaux, invitant les citoyennes et citoyens à manifester, notamment à Paris, qui a vu hier, une participation importante de manifestants portant des pancartes et scandant des slogans contre la politique et les choix socio-économiques adoptés par les responsables politiques, à leur tête le président Emmanuel Macron.

    « Pour une justice sociale », « contre les violences policières », « contre la hausse des prix du gaz, électricité, essence » , « contre l’augmentation des prix des produits de première nécessité » et « pour une démocratie participative et directe » sont les slogans parmi d’autres qui ont été mis en avant lors de la manifestation hier, des gilets jaunes au cœur de Paris.

    Des témoins ont affirmé, hier, sur les réseaux sociaux que « les policiers et gendarmes sont complètement dépassés face à un afflux important de manifestants à Paris » et des tweets faisaient état de soins assurés à des manifestants, par des secouristes, dont celui qui rapportait avec images à l’appui « un homme allongé lors de la manifestation des gilets jaunes à Paris (hier :ndlr), et les causes de l’incident ne sont pas claires » ou un autre ou on pouvait lire « des street medics emportent sur une civière un homme blessé ».

    Il semble que même les mesures prises par le président Macron et son exécutif n’ont pas réussi à apaiser la colère et les inquiétudes des Français, face à la dégradation continue de leurs conditions de vie socio-économiques, qui se sont durement aggravées par la pandémie sanitaire, ayant plongé un nombre important dans la précarité.
    Karima B.

    Le Courrier d’Algérie, 21/11/2021

    #France #GiletsJaunes

  • Bataille d’Alger: Première guerre contre le terrorisme occidental

    Bataille d’Alger: Première guerre contre le terrorisme occidental

    Algérie, colonialisme, impérialisme – Bataille d’Alger: Première guerre contre le terrorisme occidental

    Depuis sa sortie en 1966, « La bataille d’Alger » de Gillo Pontecorvo résonne encore dans l’ère actuelle de la guerre contre le terrorisme, écrit Malia Bouattia.
    Le festival du film War on Terror, présenté par la Coalition pour les libertés civiles (CCF) et parrainé par dix organisations de défense des droits humains et de défense des droits humains, s’est récemment terminé par une discussion sur La bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo.

    L’événement a laissé beaucoup à réfléchir, notamment au niveau des thèmes abordés par le film qui a si puissamment capté le début de la guerre d’indépendance algérienne. La directrice exécutive du CCF, Leena Al-Arian, qui a organisé le festival à l’occasion du 20e anniversaire depuis que les États-Unis ont annoncé leur « guerre contre le terrorisme », a expliqué que La bataille d’Alger avait été spécifiquement sélectionnée « en raison de l’importance continue de ce film car il se rapporte à la guerre contre le terrorisme ».

    Le panel transatlantique, composé du célèbre universitaire américain Sohail Daulatzai, de l’artiste hip-hop britannique Lowkey et de moi-même, a tiré plusieurs volets du film qui nous semblaient pertinents à ce jour, tels que l’état la répression, la violence coloniale, le racisme, le maintien de l’ordre et les formes sexospécifiques que tout ce qui précède a pris et continue de prendre.

    « Les continuités entre la répression française en Algérie et la répression mondiale sous le couvert de la Terreur de guerre ont frappé tous les participants tout au long de la discussion »

    Les continuités entre la répression française en Algérie et la répression mondiale sous le couvert de la Guerre contre le terrorisme ont frappé tous les participants tout au long de la discussion.

    Dans le film, le colonel Mathieu, qui dirige l’opération française de contre-insurrection, déclare : « Les connaître, c’est les éliminer. Par conséquent, l’aspect purement militaire du problème est secondaire. Plus important est l’aspect policier. »

    Cette citation a capturé pour les panélistes quelque chose de puissant de notre réalité actuelle, dans laquelle un récit très similaire sur la lutte contre le terrorisme et l’élimination de sa menace est mobilisé pour justifier une répression, une surveillance et un contrôle accrus de l’État.

    La pertinence continue du film est un aspect important de son attrait et de son importance. Dans un sens, l’histoire de La bataille d’Alger capture les changements politiques mondiaux entre la période de sa fabrication et le présent ; des mouvements révolutionnaires et anticoloniaux dans le sud global et les mouvements progressistes de masse dans le nord global des années 1960 et 1970, à l’assaut mondial contemporain contre le sud global et principalement les communautés de couleur musulmanes dans le nord global sous le couvert de la guerre contre le terrorisme.

    Comme le souligne Daulatzai dans son livre, Cinquante ans de « La bataille d’Alger » : passé comme prologue, le film est passé d’une célébration de la lutte anticoloniale et d’un outil de mobilisation pour les mouvements révolutionnaires à travers le monde à un outil d’entraînement manuel par le pentagone en contre-insurrection. Les combattants de la liberté algériens sont devenus des terroristes, et les soldats français qui ont franchi les portes de chaque maison de la casbah d’Alger sont devenus les « bons », un exemple à suivre par les troupes américaines et britanniques en Irak et en Afghanistan.

    L’histoire de l’Algérie capture aussi cette transformation globale. Depuis les beaux jours de l’indépendance et de la victoire, d’Alger comme la Mecque des révolutionnaires selon les mots d’Amilcar Cabral, au cours de laquelle le film a été tourné ; la période jusqu’à présent a été marquée par un autoritarisme croissant, la répression et la défaite des ramifications progressistes de cette révolution.

    À bien des égards, la guerre contre le terrorisme a ses racines – au moins en partie – dans la longue guerre civile algérienne, tout au long des années 1990 et au début des années 2000. Durant cette période, la gauche a été décapitée par des attentats – menés, nous a-t-on dit, par le Front algérien du salut (FIS) – tandis que l’État (tant en Algérie qu’en France) a utilisé chaque attentat pour faire reculer davantage les libertés civiles, réprimer mouvements sociaux et réduire l’espace de contestation. Une logique qui s’est ensuite mondialisée dans l’ère post-2001.

    De la même manière que le sens du film était déformé, le pays et les institutions, comme le Front de libération nationale (FLN), également représentés dans le film, l’étaient également.

    Cependant, si nous prenons ces changements au sérieux, il y a aussi un fil rouge d’espoir en cours. Au cours de la dernière décennie, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont été secoués par des soulèvements de masse qui ont et continuent de défier les régimes locaux et les classes dirigeantes ainsi que l’impérialisme occidental. Le cas de l’Algérie n’est pas différent, où le processus révolutionnaire est en cours et où la revendication du mouvement – ​​Yetnahawga3/Ils doivent tous partir – reste le principe organisateur de la lutte.

    Dans ce contexte, le sens social du film peut à nouveau changer, représentant une lutte pour la liberté inachevée, et que les mouvements de masse de la région se mobilisent pour mener à bien.

    « Elle ne peut donc que continuer à se déplacer et à se transformer, au gré des hauts et des bas de cette lutte même, et incarner, à chaque génération, un nouveau sens »

    La vie de Saadi Yacef, récemment décédé, et qui a joué un rôle déterminant dans la véritable bataille d’Alger – le film est en fait basé sur ses mémoires – capture également ces changements. Yacef est passé d’une figure clé du mouvement de libération à un fonctionnaire de l’État indépendant. En tant que responsable du parti, il était, au mieux, un spectateur silencieux pendant la croissance du régime autoritaire et la guerre civile. Cependant, lorsque les gens sont retournés dans la rue ces dernières années, il est sorti avec eux et a dit aux jeunes, littéralement, qu’ils devaient « faire sortir tous les salauds ».

    La bataille d’Alger était un film réalisé avec un objectif politique, non pas une abstraction au-dessus de la réalité historique qu’elle dépeint, mais plutôt dans les tranchées aux côtés du peuple et de sa lutte. Il ne peut donc que continuer à se déplacer et à se transformer, au gré des hauts et des bas de cette lutte même, et incarner, à chaque génération, un nouveau sens.

    En Algérie, de nombreux participants du Hirak ont ​​souligné que leur combat n’est pas seulement pour le régime civil, la justice sociale et la redistribution des richesses. C’est aussi un combat pour récupérer la mémoire de la révolution, volée par le régime et bouleversée. Tout comme à l’époque de la guerre contre le terrorisme, le film a également été déformé.

    En fin de compte, la bataille d’Alger est, à l’écran et dans les rues, en cours.

    Malia Bouattia

    Malia Bouattia est une militante, ancienne présidente de l’Union nationale des étudiants et co-fondatrice du réseau Students not Suspects/Educators not Informants Network.

    The New arab, 19/11/2021

    #Algérie #Colonialisme #Terrorisme #Occidental #Impérialisme

  • Afrique – Maghreb: Fin de la diplomatie française?

    Afrique – Maghreb: Fin de la diplomatie française?

    France, diplomatie, Maghreb, Afrique – Afrique – Maghreb: Fin de la diplomatie française?

    En Afrique de l’Ouest et du Centre, où le ridicule ne fait plus rire personne (fini les traits d’humour involontaires de Idi Amin Dada et de Jean-Bedel Bokassa), la pauvreté rampe et la corruption s’étend, la Chine avale tout ce qui passe (entre parenthèse, c’est très joli de dire que la France ne doit pas faire la loi en Afrique, mais c’est oublier que la jungle est en Afrique !). Au Sahel, la débandade est crépusculaire : on y tourne « Le Dernier Spahi » avec Delon et Bardot (le narratif de Lucchini en est pathétique et les couleurs y sont féériques…). Au Maghreb, la France se couvre de honte à chaque répartie qu’elle donne : on sombre à Paris dans l’idiotisme… le BHLisme et le Zémmourisme. Au Levant, Syrie comprise, la gêne est indicible, tellement on ne s’attendait peu à ce que la France y soit aussi nulle (trois présidents français, trois matamores !). Et jusque dans la Mer du Nord, d’où le continent se voit chassé comme un mendiant. Un remake de… « L’année dernière à Fachoda ».

    Bon ! Tout n’est pas perdu ! La France est encore présente avec un petit contingent militaire à Djibouti, où elle conserve l’impression de côtoyer les grands. À force de s’être éparpillée dans des partenariats (comme celui avec l’Angleterre, qui fut pour elle et l’Europe continentale le cheval de Troie le plus magistral des temps modernes), de s’être diluée dans l’OTAN et de se complaire dans la mondialisation aux antipodes et dans le libéralisme économique et la privatisation à domicile, la France a pris de mauvaises habitudes. Elle a surtout manqué des rendez-vous avec l’Histoire et pris des risques considérables. Je donnerai deux exemples paradoxaux dans le registre régalien. Le premier, dans le secteur de l’énergie, est hélas consommé. Le second stigmatise le danger qui guette le pays dans le transport maritime et la gestion des ports.

    Après la Guerre du Golfe, l’Irak offrit aux deux majors français, la Compagnie Française des Pétroles (qui deviendra Total) et ELF Aquitaine, d’opérer chacun un gisement géant de Pétrole Brut – celui de Majnoun pour ELF et celui de Nahr Umr pour Total : un (grand) président de gauche accepta cette main tendue, un (petit) gouvernement de droite la snoba ! Après quatre ans d’intense négociation de contrats de partage de production – ce qui ne s’était jamais vu en Irak depuis la nationalisation – un accord devait être conclu en octobre 1995 sans objection américaine affichée[i]. Or un certain Edouard Balladur, né à Izmir, en Turquie, naturalisé Français en 1932, Premier ministre de cohabitation, traître de Jacques Chirac, lui-même traître de Valéry Giscard d’Estaing, s’y opposa. Balladur ambitionnait la présidence de la République Française ! On ne le savait pas alors. Il cherchait des faveurs Outre-Atlantique et voulait pouvoir disposer du viatique financier que Loïc Le Floch-Prigent pourrait lui refuser, sachant en revanche que Philippe Jaffré – aux ordres – ne lui dirait pas non.

    ELF a disparu corps et âme. TotalEnergies a fini par conclure à Bagdad – 26 ans plus tard – quatre petits contrats d’un montant global de 9 milliards d’Euros (et non pas de 27 comme claironné). C’est accoucher d’une souris. L’âge d’or des hydrocarbures fossiles n’est plus et il ne s’agit pas d’exploration pétrolière mais, principalement, de traitement de l’eau pour la réinjecter dans le sol, de panneaux photovoltaïques et de gaz fatal récupérable à la tête du puits des autres. Bref, rien à voir avec les capacités du groupe en rapport avec les occasions perdues.

    Total, devenu TotalFinaElf puis TotalEnergies, est un groupe florissant. Il poursuit brillamment par sa percée en Russie au sein de plusieurs coentreprises (projets Yamal LNG et Arctic LNG 2) avec les Russes (Novatek), les Chinois (CNPC, CNOOC et Silk Road Fund) et les Japonais Mitsui et JOCMEC, la politique d’investissement initiée par Christophe de Margerie. Mais le groupe ne détient que 20% et 10% dans chacun desdits projets, assortis de transferts de technologie dans la tradition des méga-contrats conclus au cours des trente dernières années par les entreprises françaises en Chine. C’est grâce à ces transferts que les entreprises chinoises sont en mesure de damer le pion à leurs ex-bailleurs de technologie.

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    #France #Diplomatie #Afrique #Maghreb #Françafrique

  • Algérie-France : Le Drian s’exprime à nouveau

    France, Algérie, Jean-Yves Le Drian, Macron – Algérie-France : Le Drian s’exprime à nouveau

    Les relations entre l’Algérie et la France se sont fortement dégradées depuis près de deux mois, pour plusieurs raisons, parmi lesquelles, les déclarations du Président français, Emmanuel Macron…

    Ce dernier avait accusé « le système politico-militaire algérien d’entretenir une rente mémorielle en servant à son peuple une histoire officielle qui ne s’appuie pas sur des vérités ». Le Président français, dont les propos avaient été rapportés début octobre dernier par le journal Le Monde, s’était également interrogé sur l’existence de la « nation algérienne » avant la colonisation française, ce qui a déclenché la colère d’Alger, qui a rappelé son ambassadeur à Paris et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français ralliant le Sahel. Début novembre, dans une interview accordée à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, le président de la République,

    Abdelmadjid Tebboune, a déclaré qu’il ne fera pas « le premier pas » pour tenter d’apaiser les tensions provoquées par des propos critiques d’Emmanuel Macron sur la nation algérienne. « Je ne serai pas celui qui fera le premier pas » « Je n’ai pas de regrets. Macron a rouvert un vieux conflit de manière totalement inutile », a indiqué le Président Tebboune. « Si Zemmour (polémiste de l’extrême droite française, ndlr) dit quelque chose comme ça, qu’importe, personne ne fait attention. Mais quand un chef d’État déclare que l’Algérie n’était pas une nation distincte, c’est très grave », a-t-il dit. « Je ne serai pas celui qui fera le premier pas », a déclaré le chef de l’État. Sinon je vais perdre tous les Algériens, il ne s’agit pas de moi, mais d’un problème national. Aucun Algérien n’accepterait que je contacte ceux qui nous ont insultés », a-t-il expliqué. « On ne touche pas à l’Histoire d’un peuple, et on n’insulte pas les Algériens », a ajouté le Président Tebboune. « Pourquoi (Emmanuel Macron) a-t-il dit ça ? Je pense que c’était pour des raisons électorales stratégiques », a-t-il estimé. « C’est le même discours que le journaliste d’extrême droite

    Éric Zemmour utilise depuis longtemps : l’Algérie n’était pas une nation, c’est la France qui en a fait une nation », a-t-il dit. Selon Tebboune, « avec cette déclaration, Macron s’est placé du côté de ceux qui justifient la colonisation ». Existe-t-il une perspective de dénouement avec la France ? l’interroge Der Spiegel. « Non, si les Français veulent aller au Mali ou au Niger maintenant, ils devront juste faire 9 heures de vol au lieu de 4 », rétorque Tebboune, assurant toutefois qu’une « exception serait faite pour le sauvetage de personnes blessées. Mais pour tout le reste, nous ne sommes plus obligés de coopérer les uns avec les autres, c’est peut-être terminé maintenant », prévientil, accusant Macron d’avoir « porté atteinte à la dignité des Algériens ».

    Macron regrette les malentendus avec l’Algérie

    Quelques jours plus tard, le Président français avait « regretté les polémiques et les malentendus » avec l’Algérie, et assuré avoir « le plus grand respect pour la nation algérienne et son Histoire ». Le président de la République est « fortement attaché au développement de la relation entre la France et l’Algérie », a précisé un conseiller Afrique et Moyen-Orient du Président français, au cours d’un popint de presse consacré à la conférence sur la Libye organisée le 12 novembre à Paris.

    Selon le même conseiller, Emmanuel avait également invité le Président Tebboune pour prendre part à cette conférence. Si les déclarations du Président français ont été saluées par Alger, le Président Tebboune ne s’est toutefois pas rendu à Paris, pour participer à la conférence sur la Libye. ll y a été représenté par le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra. Ramtane Lamamra avait indiqué que « les conditions ne sont pas réunies pour y participer personnellement à cette conférence, en dépit de son attachement (Président) au rôle actif de l’Algérie aux côtés des frères libyens ainsi qu’au règlement pacifique et démocratique souhaité de la question libyenne ».

    Paris plaide pour une « relation apaisée »

    Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est à nouveau exprimé, ce vendredi 19 novembre, sur la crise entre l’Algérie et la France. Dans un entretien publié dans le journal Le Monde, Jean-Yves Le Drian a été interrogé sur l’existence de la nation algérienne avant la colonisation française. Le MAE français, qui n’a pas répondu directement, a rappelé que le Président Macron « a pris des initiatives fortes, notamment dans le domaine sensible de la mémoire et que l’Algérie et la France ont des liens ancrés dans l’histoire. »

    C’est « logique, quand on connaît notre histoire, qu’il y ait parfois des résurgences de blessures, mais il faut aller au-delà pour retrouver une relation de confiance », a-t-il dit. « C’est ce que nous souhaitons, ce que souhaite le président de la République. Il y a parfois des malentendus, mais cela n’enlève rien à l’importance que nous attachons aux relations entre nos deux pays. Il faut conserver ce lien fait de respect des souverainetés et d’une volonté commune de dépasser les contentieux pour retrouver une relation apaisée », a soutenu Le Drian. Mardi, à l’Assemblée nationale française, Le Drian a fait savoir que « des efforts ont été engagés afin de rétablir les conditions d’une relation apaisée avec l’Algérie ».

    Par : KAHINA HAMMOUDI

    Le Midi Libre, 21/11/2021

    #France #Algérie #Macron #Ledrian

  • Le Drian s’épuise à rectifier les mauvaises épreuves de Macron

    Le Drian s’épuise à rectifier les mauvaises épreuves de Macron

    France, Algérie, Jean-Yves Le Drian, Emmanuel Macron – Le Drian s’épuise à rectifier les mauvaises épreuves de Macron

    S’il est une personnalité française qui essaye de rectifier, rattraper et corriger vainement son président, c’est bien Le Drian. Notamment concernant l’Algérie. Alors que les gestes et actes de Macron enfonce le clou chaque fois plus profondément, élargissant le fossé entre Alger et Paris, le Drian, sans ignorer la passif qui alourdit les discussions et assombrit le ciel commun, tente de regarder vers demain et espérer que tout ira pour le mieux, en s’appuyant sur ce qu’il dir d’intérêts communs sur beaucoup de sujets.

    Ces tentatives de redresser la barre des rapports entre les deux pays intervient à un moment où les relations entre l’Algérie et la France se sont fortement dégradées depuis près de deux mois, pour plusieurs raisons, parmi lesquelles, les déclarations du président français, Emmanuel Macron, qui avait accusé « le système politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » en servant à son peuple une « histoire officielle » qui « ne s’appuie pas sur des vérités ».

    Le président français, dont les propos avaient été rapportés début octobre dernier par le journal Le Monde, s’était également interrogé sur l’existence de la « nation algérienne » avant la colonisation française, ce qui déclenché la colère d’Alger, qui rappelé son ambassadeur à Paris et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français ralliant le Sahel.

    Début novembre, dans une interview accordée à l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel », le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a déclaré qu’il ne fera pas « le premier pas » pour tenter d’apaiser les tensions provoquées par des propos critiques d’Emmanuel Macron sur la « nation » algérienne.

    Pour faire un peu de « nettoyage » dans la macronie, Le Drian est en effet revenu, vendredi dernier, dans un entretien accordé au journal Le Monde, sur les tensions extrêmes qui caractérisent désormais l’Algérie et la France, depuis les impairs commis par le locataire de l’Elysée. Le chef de la diplomatie française s’épuise à en atténuer l’impact, en tentant de minimiser la porté de telles divergences entre deux pays dont l’histoire, la géographie et les intérêts communs « condamnent » à composer ensemble.

    Dans cet entretien, il a affirmé que la France et l’Algérie étaient liées par «liens ancrés dans l’histoire», Le Drian a, en effet, mis en avant «la volonté de la France de nouer un partenariat ambitieux avec l’Algérie, malgré les blessures mémorielles qui peuvent parfois ressurgir», a- t- indiqué. Un partenariat que le chef du Quai d’Orsay estime être «indispensable pour la stabilité de l’espace méditerranéen».

    Dans ce sens, il n’a pas manqué de saluer la position d’Alger, notamment sur la question du Sahel ; rappelant à cet effet les efforts de l’Algérie à aider le pays à sortir de la crise, soulignant que la France ne voyait «que les avantages à ce que l’Algérie s’inscrive plus fortement encore dans la mise en œuvre des accords y afférents», s’est- il félicité.

    En définitive et quand l’Algérie n’attendait pas moins que des excuses publiques et franches au dérapage politique en règle du Président Macron, la diplomatie française botte en touche, semblant plus donner l’encensoir que faire pénitence.

    Le Driant n’arrive pourtant pas à supprimer le lourd contentieux généré par Macron, même s’il estime qu’il s’agit de «résurgences de blessures» et survenant de façon «logique» eu égard à l’histoire commune entre les deux pays, selon Le Drian, ou encore à de simples «malentendus».

    Le fardeau est trop lourd même pour Le Driant, qui, il le sait, a compris que son président est parti trop loin et qu’il est difficile de rectifier tout sur le moment.

    L’Express, 21/11/2021

    #France #Algérie #Macron #Colonialisme #mémoire #Histoire

  • Maroc: Des tractations pour l’extradidion de Goutay

    Maroc, Bénin, France, Hubert Goutay – Maroc: Des tractations pour l’extradidion de Goutay

    Les tractations se poursuivent entre les autorités du Bénin, du Maroc et de la France pour l’extradition du Français Hubert Goutay, accusé dans une affaire de drogue au Bénin.

    Arrêté le 13 octobre 2021 au Maroc en application d’un mandat d’arrêt international émis par le Bénin pour des faits de « trafic de drogue », le ressortissant français Hubert Goutay est en détention à Rabat. Le dossier de l’opérateur économique suspecté dans l’affaire de trafic de drogue au Bénin est suivi de près par les autorités du Bénin et les services de renseignements et du Ministère de la Défense en France.

    Les sources proches du dossier informent que des tractations sont en cours pour l’extradition de Hubert Goutay.
    Vers quel pays les autorités marocaines accepteraient-elles d’envoyer Hubert Goutay, si des sources proches de Paris mettent en doute les accusations de la justice béninoise contre le mis en cause ? Le sort de Hubert Goutay dépendra de l’issue des négociations entre les autorités françaises, marocaines et béninoises. Pour l’heure, les tractations se poursuivent.

    M. Goutay est un homme d’affaires spécialisé dans le négoce de matières premières, patron de la société Goodness SAS.

    Le Français est recherché par la justice béninoise pour une affaire de 145 kg de cocaïne saisis dans un conteneur au port de Cotonou. Plusieurs personnes sont inculpées dans l’affaire dont Séraphin Yèto, PDG de Sonimex, une entreprise spécialisée dans le commerce de matériaux de construction.
    M. M.

    24h au Bénin, 19/11/2021

    #Hubert_Goutay #Maroc #Bénin #France #Cocaïne

  • Pegasus: Paris a mis la pression sur Israël au lieu du Maroc

    Pegasus: Paris a mis la pression sur Israël au lieu du Maroc

    Maroc, France, Israël, Espionnage – Pegasus: Paris a mis la pression sur Israël au lieu du Maroc

    En dépit des révélations du consortium d’investigation créé par Forbidden Stories sur l’affaire Pegasus, la France n’a pour l’instant pas souhaité incriminer le Maroc, officiellement par manque de preuves. Elle a en revanche mis la pression sur Israël.

    Le 20 juillet 2021, 18 heures. L’organisation Forbidden Stories et ses 16 partenaires internationaux, dont la Cellule investigation de Radio France, Le Monde, The Guardian ou le Washington Post, révèlent que l’un des portables du président français Emmanuel Macron figure dans une liste de 50 000 numéros de téléphone ciblés par un redoutable logiciel espion : « Pegasus ». Les services de renseignement français, qui connaissaient ce logiciel pour avoir failli l’acheter à la société israélienne NSO, « tombent de l’armoire », nous confie-t-on au sommet de l’État. Déjà, parce que le contre-espionnage n’avait pas repéré l’activité de Pegasus en France. Surtout, parce que le pays qui aurait visé un millier de citoyens français – dont une bonne partie de la classe politique – serait, selon nos révélations, le royaume du Maroc, allié fidèle de la France.

    Immédiatement, Rabat dément : le Maroc n’a jamais acquis ou utilisé ce logiciel espion, tout ceci ne serait que calomnies. À l’Élysée, on élabore les éléments de langage. « Si les faits sont avérés, ils sont d’une extrême gravité. Toute la lumière sera faite sur ces révélations », martèlent les membres de l’exécutif. Mais, en coulisses, on nous avertit qu’il faudra se montrer très patients : « Si l’enquête aboutit, ce ne sera certainement pas avant plusieurs années. »

    Fin juillet, Emmanuel Macron convoque un conseil de défense extraordinaire. Paris concentre son offensive diplomatique sur Israël, dont le gouvernement concède les autorisations pour exporter les cyberarmes comme Pegasus. Le ton monte entre les deux pays. Selon les informations de la Cellule investigation de Radio France, le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin a même suspendu un projet de voyage officiel à Tel Aviv cet automne. En octobre, le conseiller israélien à la sécurité se rend à l’Élysée pour tenter de désamorcer le conflit. La France présente une exigence : que ses ressortissants ne puissent plus se retrouver espionnés par des logiciels fabriqués en Israël. Les États-Unis disposent par exemple d’une telle exemption. Tel Aviv s’exécute et promet qu’à l’avenir, les numéros dont l’indicatif est « +33 », ne pourront plus être visés. « L’accord conclu prévoit que dans tout contrat futur entre une société de cyberespionnage israélienne et un autre gouvernement, il y aura une clause spéciale qui dira que le logiciel ne pourra pas être utilisé contre des cibles françaises », explique le journaliste spécialiste du renseignement israélien Barak Ravid.

    Cette tension diplomatique avec Israël tranche avec l’apparente inertie diplomatique dont fait alors preuve la France à l’égard du Maroc, pays pourtant soupçonné par les 17 médias du Projet Pegasus d’être impliqué dans cet espionnage à grande échelle. « Il est extrêmement troublant qu’il n’y ait à ce jour aucune réaction politique digne de ce nom à propos de ce scandale », lâche Rosa Moussaoui, journaliste à l’Humanité, dont le numéro de téléphone figure dans la liste des victimes présumées du Maroc. « Devant la gravité de ces faits, je ne comprends pas ce silence, cette complaisance des autorités », ajoute la reporter chevronnée.

    Selon nos informations, Emmanuel Macron n’a, durant l’été, pas décroché son téléphone pour demander des éclaircissements au roi Mohammed VI. Comment l’expliquer ? Il semble que la France considère qu’à ce stade, aucune preuve incontestable ne peut être fournie. Mais peut-être aussi parce qu’ »il s’agit de pays alliés, amis, qui de temps en temps se font de mauvaises manières. Et donc on étouffe l’affaire, selon l’historien Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb. On a déjà fait l’expérience d’une crise diplomatique très sévère sous François Hollande entre la France et le Maroc. Cela avait entraîné une rupture complète des relations entre les services de renseignement avant les grands attentats de 2015. » Selon Pierre Vermeren, dans un contexte de terrorisme international, « les pays travaillant main dans la main ne peuvent se permettre de couper leurs relations ».

    Une enquête ouverte, mais des victimes qui se sentent « abandonnées »
    L’enquête ouverte à Paris a été confiée à la direction centrale de la police judiciaire, qui bénéficie d’un appui technique de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). L’examen par les enquêteurs de nombreux téléphones a déjà permis de conforter le travail du consortium formé par Forbidden Stories avec l’ONG Amnesty international. Des traces du logiciel Pegasus ont été trouvées dans les téléphones de cinq ministres en exercice, comme l’a révélé Mediapart.

    Selon des témoignages que nous avons recueillis avec nos confrères du Monde, les services français ont la certitude que le Maroc utilise Pegasus depuis plusieurs années, et pas uniquement contre des cibles dites « légitimes ». Mais pour autant, on ne souhaite pas l’accuser publiquement d’espionnage. D’autant moins qu’ »on n’arrive pas encore à imputer une responsabilité derrière les attaques », nous répond-on dans les services de renseignement.

    Si toutes les victimes de la société civile présentent un lien avec le Maroc, ce n’est pas sur ce point précis que la police aurait pourtant souhaité les entendre. « J’ai été auditionnée pendant deux heures, on m’a posé des questions très techniques sur les usages de mon téléphone, sur les dysfonctionnements que j’ai pu constater, raconte la journaliste Rosa Moussaoui. On m’a en revanche posé beaucoup moins de questions sur le possible auteur ou commanditaire de cette action de piratage. C’est mon avocat et moi qui avons apporté les informations sur les soupçons que nous pouvions avoir au sujet du Maroc. » Un récit d’audition qui coïncide avec celui de Claude Mangin, une habitante d’Ivry-sur-Seine mariée à un militant sahraoui condamné à 30 ans de prison au Maroc. En juillet 2021, nous avions révélé qu’elle avait fait l’objet d’un espionnage constant. « C’est moi qui ai amené sur le tapis la question du Maroc et le fait que cet espionnage avait provoqué plusieurs événements graves, empêchant mon travail de militante », se désole l’ancienne professeure d’histoire. Elle raconte avoir fait l’objet d’un article dans un journal marocain réputé proche du royaume, où sa vie à Ivry-sur-Seine était « étalée ».

    Claude Mangin a acquis la conviction que des informations ont bien été volées dans son iPhone. « Je ne vois pas comment il peut en être autrement. Qui peut connaître des choses aussi précises sur ce qui se passe chez moi ? », se demande-t-elle. Comme d’autres victimes de la société civile, elle dit ne pas se sentir soutenue ni protégée par l’État français. « Moi qui n’ai pas de casier judiciaire, qui suis chevalier dans l’Ordre national du Mérite, qui travaille dans des domaines sociaux… Là, je suis complètement abandonnée. »

    Aucune suite, ni à l’Assemblée, ni au Sénat
    Le silence de la classe politique française surprend aussi le directeur de Forbidden Stories. « C’est assez étonnant, alors que le sujet provoque un vrai débat dans le monde entier, qu’en France il n’y ait aucune commission d’enquête parlementaire qui soit créée, lance Laurent Richard. Pendant ce temps-là, il y a beaucoup de victimes. Notre enquête a montré qu’on pouvait quitter un pays et se retrouver ensuite traqué, même en France, même à Paris, par de terribles régimes. »

    Un silence identique règne en effet au parlement. Si la délégation parlementaire au renseignement – seule instance politique ayant le pouvoir de demander des comptes à nos services de renseignement – a bien été saisie, elle n’a procédé, jusqu’à présent, qu’à quelques auditions. Mais ni l’Assemblée, ni le Sénat n’ont demandé une enquête sur Pegasus. Là encore, comment l’expliquer ? Dès le début de l’affaire, le président de la puissante commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées au Sénat, Christian Cambon – qui est par ailleurs l’un des membres de la délégation parlementaire au renseignement – avait qualifié le travail du consortium formé autour de Forbidden Stories de « campagne de dénigrement » visant « à déstabiliser le Maroc ».

    Or Christian Cambon préside aussi le groupe d’amitié France-Maroc du Sénat. Aujourd’hui, l’élu Les Républicains campe sur ses positions. « Comme je préside le groupe France-Maroc au Sénat, il est assez normal que ma première réaction soit : a-t-on les preuves ?, se justifie-t-il. J’ai trouvé positif que l’ambassadeur du Maroc en France ait initié des procédures auprès du tribunal de Paris pour que des enquêtes soient lancées. » Les « enquêtes » auxquelles il fait référence sont en fait des plaintes en diffamation, distinctes de l’enquête ouverte sur le fond par le parquet de Paris. « Je suis un ami du Maroc, poursuit Christian Cambon. Donc je n’en rajoute pas ! »

    De son côté, le Maroc nie toujours être un client de la société NSO. « Je vous affirme de manière solennelle, que le Maroc n’a jamais utilisé le logiciel Pegasus », nous a encore dit l’avocat du Royaume, Olivier Baratelli.

    D’autres victimes ciblées par d’autres États
    Les services de renseignement français ont par ailleurs découvert, depuis le mois de juillet, que Pegasus avait fait d’autres victimes que celles qui figuraient sur la liste à laquelle Forbidden Stories, Amnesty international et leurs partenaires ont eu accès. Les services de l’État ont procédé à une campagne de vérification des téléphones « de personnes proches du pouvoir, qui travaillent notamment sur la préparation de dossiers sensibles, autour du conseil de défense, explique une source ayant connaissance des résultats de cette campagne. Deux iPhone présentaient des marques d’actions malveillantes de Pegasus. »

    Le renseignement intérieur a également détecté depuis juillet sur notre sol une dizaine de victimes de Pegasus, qui pourraient être des ressortissants étrangers présentant « un intérêt légitime » pour certains États. Les services peinent encore à comprendre le fonctionnement de ce logiciel « furtif, très difficile à détecter ». Et la France ne peut pas vraiment compter sur ses voisins pour l’éclairer. Une majorité de pays européens ont en effet acquis Pegasus pour des activités de renseignement ou pour des actions judiciaires.

    Franceinfo, 20/11/2021

    #France #Maroc #Pegasus #Espionnage #Israël

  • Algérie-France : Les relations au point mort

    Algérie, France, Emmanuel Macron – Algérie-France : Les relations au point mort

    Le Drian veut renouer les liens
    Par la voix de son chef de la diplomatie, la France reconnaît son erreur, fait amende honorable et espère renouer de meilleures relations avec l’Algérie. Pour l’heure les multiples tentatives françaises de relancer le dialogue entre les deux pays n’a pas reçu de réponse de la part de la Présidence de la République.

    En l’espace de quelques jours, le ministre français des Affaires étrangères a évoqué par deux fois la question des relations algéro-françaises, très mal en point depuis les déclarations du président Macron qui avait nié l’existence de la nation algérienne avant la colonisation et accusé l’Etat algérien de vivre de «la rente mémoriel».
    La difficile mission de M.Le Drian de renouer le fil du dialogue avec Alger l’a amené à répondre à une députée française, mardi dernier, en mettant en exergue le respect de la France à l’Histoire de l’Algérie. Un rétropédalage plus qu’évident du chef de la diplomatie française, réitéré au journal Le Monde, dans un entretien, paru hier, sur le site du quotidien français. Le ministre français des Affaires étrangères a souligné au Monde que l’Algérie et la France ont «des liens ancrés dans l’histoire.» Dans une tentative de faire oublier la sortie controversée du président Macron, M.Le Drian mise sur l’avenir économique commun entre les deux pays.

    «Nous souhaitons que le partenariat franco-algérien soit ambitieux», a-t-il dit. Selon lui, il est «logique, quand on connaît notre histoire, qu’il y ait parfois des résurgences de blessures, mais il faut dépasser cela pour retrouver une relation confiante». Et d’insister : «C’est ce que nous souhaitons, ce que souhaite le président de la République». Une manière indirecte de présenter les excuses de Macron pour son écart de langage. M.Le Drian va plus loin en affirmant qu’« il y a parfois des malentendus, mais cela n’enlève rien à l’importance que nous attachons aux relations entre nos deux pays». Comprendre que le lien entre les deux pays est plus grand que le président français en exercice. «Il faut conserver ce lien fait de respect des souverainetés et d’une volonté commune de dépasser les contentieux pour retrouver une relation apaisée», a soutenu le ministre français.

    La France semble avoir un grand besoin de renouer avec l’Algérie, notamment pour des raisons géostratégiques. Son ministre des Affaires étrangères ne s’en cache pas et évoque le traitement de la crise malienne. L’arrivée dans ce pays de la société privée russe de sécurité, Wagner, ne plaît pas à Paris qui n’a d’autres pays-partenaires sérieux dans la région que l’Algérie pour stabiliser le Mali. Ceci explique l’empressement de Paris à vouloir trouver avec Alger une possibilité de mieux gérer la crise malienne. Sur ce dossier précisément, la France voudrait enfin s’associer à Alger pour une véritable solution pacifique au conflit dans ce pays subsaharien. Le Drian reconnaît le succès diplomatique algérien à travers «la signature des accords d’Alger en 2015» sur le Mali. Il admet que «ces accords (…) restent aujourd’hui encore la base des discussions. » Et le ministre français dit ne voir «que des avantages à ce que l’Algérie s’inscrive plus fortement encore dans la mise en œuvre de ces accords».

    Ainsi, par la voix de son chef de la diplomatie, la France reconnaît son erreur, fait amende honorable et espère renouer de meilleures relations avec l’Algérie.

    Pour l’heure les multiples tentatives françaises de relancer le dialogue entre les deux pays n’a pas reçu de réponse de la part de la Présidence de la République. A ce jour, l’Algérie s’en tient à sa position, à savoir rupture des relations diplomatiques.

    Nadera Belkacemi

    Ouest Tribune, 20/11/2021

    #Algérie #France #Macron #Mémoire #Colonialisme #Histoire

  • Le parlement français approuve les indéminsations aux harkis

    Le parlement français approuve les indéminsations aux harkis

    Tags : France, Algérie, Harkis – Le parlement français approuve les indéminsations aux harkis

    La chambre basse de la France a voté un projet de loi prévoyant une compensation pour les harkis, des musulmans algériens qui ont combattu aux côtés de la France pendant la guerre d’indépendance algérienne. La loi sur les réparations, promise par le président Macron, passe désormais au Sénat.

    Les députés de l’Assemblée nationale française ont approuvé un projet de loi ouvrant la voie aux harkis et à leurs descendants pour recevoir une compensation pour la façon dont ils ont été traités à la fin de la guerre d’indépendance algérienne en 1962.

    Le président Macron a promis une telle législation lors d’un discours qu’il a prononcé en septembre, dans lequel il a également demandé pardon aux harkis et à leurs descendants après avoir été « abandonnés » par la France.

    Le projet de loi a été voté jeudi en première lecture par 46 voix (1 contre et 6 abstentions) et passe désormais au Sénat pour approbation.

    Camps sordides
    Le projet de loi a à la fois une dimension mémorielle et compensatoire.

    Sur le plan symbolique, il reconnaît « les services rendus en Algérie » par les 200 000 harkis qui ont servi comme auxiliaires dans l’armée française de 1954 à 1962 et « qui ont été abandonnés lors du processus d’indépendance ».

    Il reconnaît également les conditions « indignes » dans lesquelles vivaient quelque 90 000 harkis et leurs familles après avoir fui l’Algérie pour la France.

    Environ la moitié d’entre eux ont été contraints de vivre dans des camps sordides entourés de barbelés et dans des hameaux forestiers.

    Le projet de loi prévoit une indemnisation pour le préjudice qu’ils ont subi, avec une somme forfaitaire qui tient compte du temps qu’ils ont passé dans ces camps.

    Geneviève Darrieussecq, ministre du Souvenir et des Anciens Combattants, a insisté sur le « préjugé spécifique » des 50 000 Harkis qui ont été relégués dans « six camps », « 69 hameaux forestiers » et « plusieurs autres lieux » où ils ont été « privés de liberté ».

    Elle a qualifié cela de « particulièrement contraire à nos principes républicains ».

    Elle a reconnu qu’il y avait des « zones d’ombre, même 60 ans plus tard », et a déclaré que si des lieux de détention supplémentaires étaient identifiés, ils seraient intégrés dans le projet de loi.

    Certains députés de l’opposition avaient fait pression, sans succès, pour que les 90 000 harkis et leurs descendants puissent prétendre à une indemnisation et pas seulement ceux détenus dans des camps de transit et des hameaux forestiers.

    302 millions d’euros au total
    Un fonds de prévoyance a été créé en 2018 pour les descendants des combattants harkis, dont beaucoup sont encore aujourd’hui confrontés à la marginalisation et à la pauvreté. Quelque 50 millions d’euros ont déjà été alloués dans le projet de budget 2022 pour compléter cela.

    La facture porte sur un montant global de 302 M€, étalé sur plusieurs années.

    « Nous estimons que 6 000 demandes d’indemnisation pourraient être ouvertes à partir de 2022 », a déclaré la députée Patricia Marallès du parti au pouvoir LREM, et qui a porté le projet de loi devant le Parlement.

    Mais les réparations « n’effacent pas les souvenirs douloureux », a souligné Geneviève Darrieussecq, qui a appelé à « vérité et honneur » pour tourner l’une des « pages les plus sombres de l’histoire de France ».

    Le projet de loi contient également des mesures d’aide aux veuves d’anciens combattants Harki et prévoit une commission chargée de travailler à la collecte et à la transmission des souvenirs des familles Harki.

    En 2003, la France a célébré chaque année la Journée nationale de reconnaissance Harki le 25 septembre.

    Dans un geste symbolique, les députés ont voté jeudi pour que la date du 25 septembre soit explicitement « inscrite dans la loi ».

    RFI, 19/11/2021

    #France #Algérie #Harkis #Mémoire #Colonialisme