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  • Algérie-France : Indigérable passé, présent brouillé

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    La photo souvenir du 60e anniversaire du massacre du 17 octobre 1961 à Paris est la suivante : en Algérie, une commémoration marquée par le message du chef de l’Etat, samedi 16 octobre, par lequel il rend hommage aux victimes et promet aux Algériens de l’étranger une meilleure écoute et une meilleure prise en charge de leurs besoins au pays comme à l’extérieur.

    Par Lyes Sakhi
    Une annonce que la journée du 17 octobre sera chaque année un moment de souvenir national à la célébration duquel sera observée une minute silence et de recueillement à la mémoire des morts noyés dans la Seine ou assassinés par balles. Le déplacement, enfin, de M. Tebboune, hier, 17 octobre, au sanctuaire du Martyr à Alger, pour s’incliner devant les victimes du massacre et déposer une gerbe de fleurs au pied de la stèle commémorative. Sur la même photo, à l’échelle du gouvernement, la déclaration du Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, que les manifestations du 17 octobre 1961 à Paris marquent «une date sombre dans l’histoire de l’occupation, une date que nul ne peut effacer».

    En France, on retient de cette photo une commémoration marquée par le geste du président Emmanuel Macron de se rendre pour un dépôt de gerbes et une minute de silence sur les berges de la Seine à hauteur du pont de Bezons, le 16 octobre 2021, d’où a commencé la répression par la police parisienne des manifestants algériens pacifiques. A cette initiative, s’est ajouté durant la même journée un communiqué de l’Elysée dénonçant des «crimes inexcusables pour la République». En France, toujours, le 17 octobre, on voit sur cette photo, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, déposer une gerbe de fleurs près de la Seine au niveau du Pont Saint-Michel. On gardera de son geste le fait qu’il est le premier préfet de police de Paris à rendre hommage aux victimes algériennes.

    Pendant sa présence sur les lieux, la sonnerie aux morts a résonné. Puis une minute de silence a été respectée «à la mémoire des morts du 17 octobre 1961», selon les paroles prononcées par une représentante de la préfecture de police au micro. En France, toujours, le défilé de «quelques centaines de manifestants», selon l’AFP, pour scander «17 octobre 1961, crime d’État» et brandir la banderole «pour la reconnaissance d’un crime d’État» à l’appel de «dizaines d’organisations et d’associations (LDH, SOS Racisme, Mrap, Attac, Gisti, etc.), de syndicats et de partis de gauche (EELV, LFI, PCF…)», ajoute l’agence de presse.

    Entre les deux, plusieurs historiens qui considèrent en Algérie comme en France que le geste du président français est «un petit pas de plus», mais que «ce n’est pas satisfaisant», ainsi que le résume l’historien spécialiste de la colonisation Gilles Manceron. «C’est une reconnaissance d’un crime de préfecture. Nous demandons une reconnaissance de crime d’État et l’accès réel aux archives», a-t-il déclaré. Entre les deux, la lecture est que, pour les Etats algériens et français, c’est du «chacun de son côté» pour reprendre la formule d’un observateur du bilatéral algéro-français sur les sensibles questions de l’histoire et de la Mémoire. En France, l’Etat avance sur ce dossier suivant une logique politique claire qui tient compte des courants et des sensibilités encore fortes dans l’Hexagone par rapport à une certaine idée de la France et par rapport à tout ce qui relève de l’héritage colonial, en particulier en Algérie, et de la perspective de la présidentielle de 2022 pour laquelle le président Macron se positionne chaque jour.

    En Algérie, l’Etat, défenseur de l’histoire et de la mémoire nationale qu’il considère attaquée par des nostalgiques de la colonisation et des «lobbies incapables de s’affranchir dans leur extrémisme chronique», est dans une approche «loin de la prédominance de la pensée colonialiste», selon la dernière déclaration du président Tebboune, samedi 16 octobre. Le président de la République a ajouté qu’il est désormais question de «traiter les dossiers de l’histoire et de la mémoire sans complaisances, ni compromissions et avec le sens aigu des responsabilités»… Une déclaration qui confirme le «chacun pour soi» et l’inexistence aujourd’hui de signaux de rapprochement entre l’Algérie et la France officielles sur ce qui est appelée la «guerre» ou le «contentieux» mémoriels depuis l’adoption en France de la loi abrogée du 23 février 2005 portant «reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés».

    Cette perspective est rendue plus éloignée par le calendrier politique et électoral en France, qui ne devrait pas dicter au président candidat Macron de faire avant le printemps 2022 de nouveaux pas vers la «vérité» et la «reconnaissance», selon les termes des historiens algériens et français qui réclament la qualification de «crime d’Etat» pour les massacres d’octobre 1961. Elle ne semble pas envisageable au vu de l’orientation d’intransigeance actuellement audible dans le discours de l’Etat algérien, qui a ses difficultés spécifiques au contexte national actuel, sur la lecture à donner sur la séquence coloniale.

    Pour revenir à la photo, l’image qu’elle renvoie, si on peut dire, est celle d’un indigérable passé et d’un (presque) ingérable présent dont la gestion ne peut qu’évoluer comme toute chose par nature. Mais quand, donc, aura lieu ce rapprochement ? La seule réponse intelligente à cette interrogation est que le débat mémoriel n’a jamais été aussi prépondérant en France comme en Algérie. La logique est qu’il débouche sur des ouvertures certaines contre les tabous politiques qui ont perduré depuis soixante ans.

  • Algérie: Le sujet de la mémoire traité « sans complaisance ni concession »

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    Dans un message que Taboune a adressé ce samedi aux Algériens à l’occasion du 60e anniversaire du massacre commis par la police de Paris contre des manifestants algériens sortis le 17 octobre 1961, le président a affirmé le souci du pays de traiter les dossiers de L’ère coloniale française « sans complaisance ni concession ».

    Ainsi, le Président de la République algérienne, Abdelmadjid Tebboune, « a instauré de nouvelles règles pour les relations algéro-françaises, basées sur la réciprocité, l’égalité et le respect de la souveraineté et de la décision de l’Etat et du peuple algériens ».

    Cela est venu dans un message que Tebboune a envoyé aux Algériens à l’occasion du 60e anniversaire du massacre commis par la police de Paris contre des manifestants algériens sortis le 17 octobre 1961 pour réclamer pacifiquement l’indépendance de leur pays du colonialisme français.

    Dans sa lettre, Tebboune a déclaré : « Cette occasion me permet de confirmer notre souci de traiter les dossiers de l’histoire et de la mémoire, loin de tout relâchement ou concession, et dans l’esprit de responsabilité qu’exige un traitement objectif et impartial.

    Il a souligné que cela « sera loin des influences des caprices et de la domination de l’idéologie colonialiste sur des lobbies incapables de se libérer de leur extrémisme chronique », évoquant les partis français.

    La commémoration a coïncidé avec une escalade de la crise entre l’Algérie et la France, où le président français Emmanuel Macron a accusé les autorités algériennes, il y a quelques jours, de « garder rancune contre la France », et a contesté l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation de l’Algérie par la France ( 1830-1962), il eût demandé : «Si la nation algérienne elle existait, avant le colonialisme français » ?!

    La présidence algérienne a répondu le 2 octobre, en annonçant le rappel de son ambassadeur à Paris pour consultations, en signe de protestation contre ces déclarations qu’elle a qualifiées d’ »offensives » et représentaient une « insulte inacceptable » à la mémoire de plus de 5 millions de résistants. Tués par le colonialisme français.

    L’Algérie a également fermé son espace aérien aux avions militaires français opérant dans le cadre de l’opération Barkhane dans la région du Sahel africain.

    De son côté, Macron a déclaré, samedi, lors d’une cérémonie dans la capitale française, Paris, à l’occasion, de l’anniversaire des massacres du 17 octobre 1961 que les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon (le préfet de police de Paris à l’époque) étaient injustifiables pour la République ». Le communiqué ajoute que Macron « a reconnu les faits : les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République », a souligné un communiqué de l’Elysée.

    « La répression fut brutale, violente, sanglante. Près de 12 000 Algériens furent arrêtés et transférés dans des centres de tri au stade Pierre-de-Coubertin, au Palais des sports et dans d’autres lieux. Outre de nombreux blessés, plusieurs dizaines furent tués, leurs corps jetés dans la Seine. De nombreuses familles n’ont jamais retrouvé la dépouille de leurs proches, disparus cette nuit-là. Le président de la République rend hommage à la mémoire de toutes les victimes. »

    C’est la première fois qu’un président français se rend sur les lieux du massacre, dont le nombre de victimes est estimé par les historiens à au moins plusieurs dizaines, alors que le bilan officiel ne fait état que de trois morts.
    Le 17 octobre 1961, la police française, sur ordre du préfet de police de Paris, Maurice Papon, attaque une manifestation pacifique de milliers d’Algériens venus à l’époque réclamer l’indépendance du pays.

    A cette époque, la police a délibérément tué des dizaines de manifestants algériens dans les rues et les stations de métro, et a jeté un certain nombre de blessés des ponts dans la Seine, ce qui a entraîné leur mort, connue sous le nom de « massacre de Paris de 1961 ».

    Evoquant la survenance de « crimes » et se mobilisant pour une minute de silence sur les lieux, Macron a pris une position qui va au-delà de ce que son prédécesseur, François Hollande, avait admis en 2012 lorsqu’il évoquait une « répression sanglante ».

    « Est-ce que le président français va avoir le courage politique de reconnaître et de condamner ce crime d’État ? Ou va-t-il encore une fois rester au milieu du gué pour prôner l’apaisement et le recueillement ? »

    Tarek Benaldjia

  • Macron et sa prose

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    Le rivage de la réconciliation mémorielle entre l’Algérie et la France est si lointain. Le « nouveau geste» d’apaisement annoncé en grande pompe à l’occasion de la célébration du massacre du 17 octobre 1961, tant attendu lors de la sortie du président français, n’a pas eu lieu. Déception totale à Alger qui n’a vu aucune évolution positive dans l’attitude de la France officielle. En affirmant «reconnaître les faits» dont il attribue la responsabilité au préfet de police, Maurice Papon, le chef de l’État français entretenant l’amalgame entre le bourreau et sa victime et en reniant les faits pourtant clairs, finit, en bout de course, par s’enfermer lui-même dans les «conflits de mémoires» qu’il perpétue. Comme un crabe, le président Macron avance à reculons.

    C’est à peine qu’il reconnaît du bout des lèvres la tragédie du 17 octobre 1961et s’interdit de présenter des excuses au peuple algérien, mais pour les harkis il s’est bien excusé. Plus encore, il impute la tragédie au préfet de l’époque, Maurice Papon alors que c’est un crime d’État qui implique la République française avec ses rouages administratifs et policiers. Papon dirigeait une police républicaine au nom de laquelle il a commis un carnage. Les propos de Macron sonnent alors comme une fuite en avant, une esquive qui consiste à exonérer les responsables politiques de toute culpabilité dans les crimes commis au nom de la République française.

    Le préfet Papon n’est qu’un rouage dans l’appareil d’État français qui a froidement planifié et exécuté une campagne massive d’arrestations et d’exécutions.

    Cette nouvelle posture de l’Hexagone n’ est pas faite pour primer l’apaisement et la réconciliation qui vont panser les profondes déchirures mémorielles qui traversent les sociétés algérienne et française. Mais faisons l’hypothèse charitable qu’il est écrit quelque part que les dirigeants français ont un goût immodéré de la controverse. Macron ne déroge pas à cette culture héritée du général de Gaulle qui a toujours excellé dans cet «art».

    Saluant «l’immortel génie de la France, (…) pour élever les hommes au sommet de la dignité…», en 1944, lors de la conférence de Brazzaville, le général cautionne vaillamment la déportation de Messali El Hadj la même année et dans la même ville. Le général n’avait-il pas lancé le plan de Constantine, proposé la paix des braves et accepte de négocier avec le GPRA, tout en rappelant 15 000 militaires réservistes, et ordonnant au général Challe «d’écraser la rébellion du FLN».

    La France de Macron n’a pas encore trouvé le courage collectif pour affronter ses crimes. «Tendre la main, retisser les liens, ce n’est pas s’humilier par je ne sais quelle repentance, c’est se grandir, c’est être fort.», c’est la prose du président Emmanuel Macron. Y croit-il vraiment?

    Brahim TAKHEROUBT

    L’Expression, 18/10/2021

  • Existe-t-il des crimes justifiables ? Sur les 17 octobre 1961 et 2021

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    Les évocations du 17 octobre 1961 dans les médias français ont été davantage multipliés dans la perspective de la démarche présidentielle que par le soixantième anniversaire ou par le « devoir de mémoire ». Emmanuel Macron dirait-il « crime d’État » ?
    Question et attente absurdes, quelle qu’en soit la réponse, puisqu’on ne peut qualifier autrement une tuerie massive perpétrée par les forces dudit État dans le contexte de sa politique de l’époque.
    La question du nombre de victimes décédées reste ouverte et les estimations dans les médias ces jours-ci oscillent entre quelques dizaines et environ deux cents. On évoque plus rarement 300, chiffre retenu par Jean-Luc Einaudi. En se basant sur les historiens institutionnels, des journalistes demeurent approximatifs, ajoutant à l’occasion que « certaines » victimes ont été jetées à la Seine sans témoigner à ce propos d’une lecture exhaustive des livres qu’ils évoquent.
    Cette lacune me semble plus partagée qu’on ne croit, y compris parmi les spécialistes de la mémoire.
    J’ai tenté un tableau des groupes de victimes décédées (je le précise car le nombre de blessés est incommensurable) en me basant sur les témoignages évoqués pour l’essentiel dans les livres de Jean-Luc Einaudi, qui marquent une évolution au cours de vingt ans de recherches.
    1. Au pont de Neuilly, pour empêcher environ dix mille manifestants venus des bidonvilles au nord-ouest de Paris, la FPA principalement a effectué de longs mitraillages, au fur et à mesure qu’avançaient les vagues successives, de 18 h à 21 h environ. On a évoqué une centaine de morts avant le pont.
    2. Cependant des groupes de manifestants ont réussi à franchir la première partie du pont. Ils se sont trouvés coincés avant d’en sortir vers Neuilly par un autre barrage constitué de policiers (on avait placé les supplétifs en première ligne, comme d’habitude). Les manifestants pris dans cette nasse ont été matraqués à outrance et jetés à la Seine. Selon le tract des « policiers républicains », il s’agit là d’une « bonne centaine » de tués.
    3. Cette nasse est connue par ailleurs, par des captations radios des réseaux de la police, évoquées par un conscrit opérateur officiant au centre de diffusion. Il saisissait ce que les policiers se disaient entre eux d’unités à unités répandues dans Paris et sa banlieue. Leurs propos portaient sur deux à trois cents victimes jetées à la Seine : parmi celles-ci, figurent la « bonne centaine » du groupe 2. Il faut donc ajouter donc cent à deux cents jetés ailleurs. Ce témoignage sur le moment même ne peut se confondre avec ceux portant sur ce qui s’est passé ensuite ailleurs.
    4. Les vagues de manifestants venus du nord-ouest ont été pourchassées et dispersées dans les rues de Puteaux et de Courbevoie (de chaque côté de la grande avenue allant du rond-point de La Défense à Neuilly). Charges, tirs à balles. Selon un témoignage de l’AGTA, un long mitraillage a visé environ 200 manifestants réfugiés dans un terrain vague clos. On ignore le chiffre des victimes plausibles de ce groupe.
    5. Il faut envisager que la poursuite systématique des groupes de manifestants désorganisés dans Paris et ses banlieues a donné lieu à des tirs à balles, des charges y compris par véhicules, etc. Une rumeur de militaires porte sur environ 200 tués par balles, parmi lesquels figurent possiblement ceux des fusillades au pont de Neuilly. Ce seraient donc une centaine de tués qui s’ajoutent à eux.
    6. La « farce » des policiers dans l’une des cours de la Préfecture a été mentionnée maintes fois à l’époque. L’estimation minimale de tués est d’une cinquantaine. Une émanant de policiers porte ce chiffre à 80.
    7. Un autre témoignage de policier a recensé 40 noyés dans le canal près de Bastille. Ils ne peuvent provenir de la Seine, ce ne sont donc pas des manifestants du pont Saint-Michel ni de la banlieue nord.
    8. Témoignage policier encore d’une centaine « au moins » (et sans doute « beaucoup plus ») de corps apportés à l’Institut médico-légal jouxtant la Préfecture et jetés immédiatement à la Seine voisine, sans enregistrement administratif. Ces corps peuvent être une part des tués par balles (ou matraqués) par-ci par-là dans Paris au cours des chasses à l’homme. Et aussi des morts dans les commissariats divers ou autres lieux de détention mineurs, comparés à celui de la porte de Versailles. Il s’agit donc partiellement de victimes plausibles en plus de celles assurées.
    9. Un témoignage évoque les corps emportés par les Algériens dans le cours de la nuit. Il avait compté 78 corps. Or ce militant n’évoque en cela qu’une seule équipe de recherche, alors qu’il y en eut sans doute d’autres.
    10. Un récit plus tard d’un manifestant estime à 150 les blessés graves qui moururent les jours suivants dans leur baraques ou garnis.
    Les groupes 6, 7, 9 et 10 approchent 350 décès en plus des 400 des groupes 1 à 5. Les victimes plausibles alourdissent forcément ce bilan. Les rejoignent encore :
    – les chasses à l’homme éparses en banlieue nord, qui durèrent toute la nuit (tirs à balles, corps ramassés dans des fourgons);
    – une carence statistique du Centre d’identification de Vincennes, d’environ 200 personnes;
    – les déclarés expulsés vers l’Algérie dont une part fut assassinée en route, ou en vol, ou là-bas;
    – des traces de fosses communes retrouvées tardivement et demeurées inexpliquées.
    C’est pourquoi, en conclusion de ma démarche, je soutiens que l’échelle d’un millier de morts le 17 et les jours suivants est une estimation beaucoup plus réaliste que les recensements statistiques encore possibles dans un univers fermé où beaucoup s’effectua sans consignation (ni ordres officiels).
    Le journal Vérité-Liberté, dont j’ai édité un recueil des articles principaux, notamment la totalité du numéro de novembre 1961 consacré au 17, citait une estimation des Algériens : 400 morts et 600 disparus. Les recoupements présentés ici confirmeraient cette échelle.
    Dix mille policiers organisés dans Paris pour disloquer vingt à trente mille manifestants (répartis en différents cortèges ou systématiquement embarqués à leur sortie du métro ou dans le métro) et déchaînés dans une violence meurtrière intentionnelle, douze mille incarcérés recensés, des brutalités omniprésentes et continuelles : envisager cette réalité pratique ne me semble pas contredire mes conclusions. Elles sont tirées, je le rappelle, de la lecture précise de livres accessibles à tous, et dont on honore l’auteur.
    Jean-Louis Mohand Paul
  • Macron s’est excusé aux Harkis, mais pas aux algériens

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    L’historien Ouddène Boughouflala : « Il faut en finir avec le néocolonialisme masqué»

    Entre Alger et Paris, le  poids de l’histoire demeure toujours présent, alors que pour une certaine classe politique française de gauche ou de droite, la nostalgie de l’Algérie française continue d’animer les ambitions politiques à l’approche des élections. L’historien Ouddène Boughoufala ne cache pas son exacerbation face aux surenchères politiciennes de la France. «Paris a toujours cette nostalgie d’un passé colonial qui l’empêche de saisir le fait que l’Algérie de 2021 n’est ni celle de 1830 ni celle de 1962», assène-t-il.Le chercheur au Laboratoire des études historiques et archéologiques d’Afrique du Nord est des plus explicites  : «Si la France veut établir des relations politiques solides avec l’Algérie, elle doit de prime abord revoir sa présence en Algérie comme pays colonisateur, qui a commis les crimes les plus odieux et barbares.» Ensuite, «comprendre le fait que la diplomatie passe également par l’histoire», poursuit-il, avant de préciser que «l’acharnement de la France de Macron s’explique par des facteurs internes liés à l’approche de l’élection présidentielle et la tentative de gagner l’adhésion de l’électorat de l’extrême droite».

    Le chercheur explique, dans le même sillage, que la pression exercée par l’Algérie concernant la question de la mémoire et de la reconnaissance des crimes coloniaux«n’a pas réjoui apparemment les apôtres du néocolonialisme en France». Boughoufala rappelle que «Macron a présenté les excuses de la France aux harkis et non pas aux Algériens victimes de la barbarie des léopards français, ni les victimes de la torture et ni celles des essais nucléaires». Une attitude que l’historien n’hésite pas à qualifier de «pernicieuse qui illustre parfaitement le complexe des acteurs politiques français et leur nostalgie coloniale». En référence aux déclarations du chef de l’Etat, le chercheur fait savoir que «le dossier de la mémoire continue de miner les relations entre les deux pays», en raison, dit-il,«des lobbies exerçant leur influence sur la sphère politique à Paris».

    Le Pr. El Houcine Hammache, spécialiste en psychologie sociale : «Le message de Tebboune a été clair»

    Le spécialiste en psychologie sociale, le Pr El Houcine Hammache, a relevé que, dans son message à l’occasion de la Journée nationale de l’émigration, le président de la République n’a pas fait dans le politiquement correct, dans le sens où il a affirmé que l’Algérie est un état souverain. «Les déclarations du chef de l’Etat ont un effet immédiat à l’encontre d’une impulsivité politique d’un Macron à la recherche d’un électorat supplémentaire.

    Le Pr. Hammache affirme que par son «intransigeance», le président français rappelle aux Français que l’Algérie possède des arguments valables qui fortifient ses positions» et surtout, poursuitil,«son exigence de la réouverture de tous les dossiers concernant la barbarie coloniale». Pour le chercheur, les déclarations du chef de l’Etat sont claires dans le sens où il refuse de faire des concessions et exige la reconnaissance par la France de ses crimes de guerre, qui ont débuté avec le début de leur colonialisme, soit de 1830 à 1962.

    «Le président de la République a réagi tout simplement aux déclarations du président français, en démontrant que nous avons beaucoup d’arguments qui sont justes et valables sur les plans politique, social et psychologique. L’Algérie n’a pas bénéficié de ses droits comme nation victime d’une longue nuit de colonialisme», ajoute-t-il. En effet, le dossier de la mémoire hante les esprits des néocolonialistes français dans leur quête d’un passé qu’ils estiment glorieux, mais qui n’était au final qu’un épisode de terrorisme civilisationnel.

    Samira Azzegag

    Horizons, 18/10/2021

  • El Moudjahid : Macron disculpe l’Etat français

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    En n’assurant n’avoir aucune attache avec les partisans de la « nostalgérie » le président français veut résumer par ce barbarisme la douleur et l’émotion des proches des victimes tout en affirmant s’engager résolument dans la voie de la réconciliation des peuples français et algérien. La peine des gens qui ont vu mourir les leurs, jetés dans la Seine, les mains attachées, peut-elle être réductible à de la nostalgie. Il y a des mots qui blessent autant que les balles quand on se moque du respect.

    L’auteur de la Gangrène et l’oubli aura bien du mal à le convaincre de franchir le Rubicon, car Emmanuel Macron ne cesse de mettre de la politique dans son vin mémoriel.

    C’est un véritable déni de vérité, une hallucinante disculpation de l’Etat français qu’a accomplis le Président Macron en lavant cet Etat de la responsabilité des horribles crimes perpétrés en ce 17 octobre 1961.

    Il s’est contenté de faire porter la responsabilité de ces assassinats sur le seul préfet de Paris, Maurice Papon, évitant également de les qualifier de crime d’État.

    Il faut être absolument naïf pour croire que Papon pouvait avoir pris la décision de donner ordre à la police parisienne de réprimer avec une extrême sauvagerie, des manifestants pacifiques et sans armes.

    En vérité, le préfet, dont ce n’est pas la première équipée sanglante, ne pouvait qu’être missionné par les très hautes sphères du régime gaulliste pour accomplir la sale besogne.

    Se rendre sur un lieu de mémoire, observer une minute de silence et lancer une gerbes de fleurs dans la Seine, témoin éternel de la nuit d’horreur, ne trompe personne. L’acte, aussi solennel soit-il, est totalement improductif.

    On comprend bien que le crime d’Etat n’entre pas dans la volonté de ce président. Faut-il le répéter. Il y a là, tout au plus, un clin d’œil évident en direction d’un électorat qu’il courtise dans la course à l’Elysée.

    Tout compte fait, Macron s’inscrit dans la continuité de la politique française et ne change dans le fond, rien à l’affaire.
    Que vaut, en réalité, la portée de son «geste» ? Presque rien. Contrairement à de nombreux pays qui ont reconnu les crimes perpétrés au cours de leur histoire coloniale, contre les autochtones, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, sans oublier les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie ou le Canada, la France se signale par cette attitude inacceptable pour les victimes et leurs descendants, ainsi que pour le peuple algérien.

    Encore une fois, elle se dérobe en accomplissant un acte, sur le pont de Bezons, historiquement et politiquement irrecevable.

    Pour Mehdi Lallaoui, cinéaste et auteur d’un excellent documentaire sur la douloureuse tragédie du 17 octobre 1961, président de l’Association Au nom de la mémoire, « c’est une occasion ratée, très en-deçà de ce que l’on attendait ». « Les assassins ne sont pas nommés. Il n’y a que Maurice Papon qui l’est. C’est insupportable de continuer dans ce déni, que l’on ne puisse pas nommer la police parisienne, que l’on ne puisse pas citer Michel Debré, Premier ministre à l’époque, ou le général de Gaulle ».

    EL MOUDJAHID, 18/10/2021

  • Le conflit franco-algérien expliqué aux naïfs

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    Pour les naïfs, les causes de la tension entre Paris et Alger sont :

    • Les déclarations de Macron sur l’histoire de l’Algérie et la question des visas ne passent pas
    • L’Algérie de la France attend des excuses pour les crimes coloniaux
    • La France n’a pas pardonné au FLN son départ de l’Algérie
    • L’Algérie exige « respect total » de la France, à la suite d’une querelle diplomatique sur les visas et des commentaires critiques de Paris sur le pays d’Afrique du Nord.
    • L’Algérie accuse l’ancienne métrople de « génocide » et a rappelé son ambassadeur de Paris le 2 octobre en colère contre ce qu’elle a qualifié de propos « inadmissibles » attribués au président français Emmanuel Macron.
    • Le rappel immédiat de l’ambassadeur d’Algérie de France pour « consultations » est intervenu dans un contexte de tension autour d’une décision française de réduire fortement le nombre de visas qu’elle accorde aux citoyens algériens, marocains et tunisiens.

    La réalité :

    L’Algérie désire mettre fin à la source de tous les problèmes de l’Afrique du Nord : La politique de tension de la France:

    -Son soutien au statu quo au Sahara Occidental, sa guerre contre Kadhafi et les problèmes qui en ont résulté, son soutien aux mercenaires de Haftar en Libye, son échec au Mali…)

    -Son silence sur les scandales du Maroc : Espionnage, Pegasus, terrorisme, chantage à l’émigration
    -Les attaques des responsables et des médias dirigées contre l’Algérie accompagnées de louanges et des déclarations mielleuses à l’adresse du Maroc.
    -Ses critiques à la « répression en Algérie » et son silence sur le supplice du peuple marocain

    En France, la vision de l’Algérie est celle d’un pays acculé depuis le dénommé Printemps Arabe et tremble face à l’idée de suivre le sort de la Libye de Kadhafi. De ce fait, le président Abdelmadjid Tebboune, après avoir renforcé l’Etat algérien avec des institutions démocratiques soutenues par la jeunesse du Hirak authentique, est déterminé à rendre à l’Algérie le rôle qui lui correspond en tant que première puissance militaire et économique du Maghreb. Dans cette voie, le courage et la détermination du président turc Tayyip Erdogan en Syrie, en Libye et en Chypre est un exemple à suivre pour l’équipe de Tebboune.

    La situation politique et sociale des peuples de la région restera une utopie en raison des velléités colonialistes et impérialistes de la France. Par conséquent, la solution passe par la lutte contre toute trace de la France. Dans ce contexte, les pas suivis par Alger sont :

    -La prise en main du contentieux du Sahara Occidental utilisé par la France pour régler ses comptes avec l’Algérie

    -La rupture avec le Maroc.

    -La fermeture du ciel algérien aux aéronefs militaires françaises en solidarité avec le Mali qui tente de sortir de l’emprise de la Françafrique.

    Et ce n’est que le début. Il faut s’attendre à davantage de rebondissement du réveil algérien qui promet des changements décisifs dans la région.

  • Comment un massacre d’Algériens à Paris a été dissimulé

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    « C’est un miracle que je n’aie pas été jeté dans la Seine », se souvient l’Algérien Hocine Hakem à propos d’un massacre tristement célèbre mais peu connu dans la capitale française il y a 60 ans.

    Environ 30 000 Algériens étaient descendus dans les rues de Paris pour protester pacifiquement contre un couvre-feu et réclamer l’indépendance, près de sept ans après le début de la guerre contre la domination française en Afrique du Nord.

    La police a tué des centaines de manifestants et des dizaines d’autres ont été jetés dans la Seine, ce qui en fait l’une des pages les plus sombres de l’histoire coloniale mouvementée de la France.

    M. Hakem avait 18 ans à l’époque et il a raconté son histoire au journal L’Humanité des décennies après l’événement, qui a été peu rapporté à l’époque. Il faisait partie des quelque 14 000 Algériens arrêtés pendant l’opération.

    Le gouvernement de l’époque a censuré l’information, détruit de nombreuses archives et empêché les journalistes d’enquêter sur cette histoire. Les bulletins d’information contemporains font état de trois morts, dont un ressortissant français. L’affaire n’a pas été couverte par la presse internationale.

    Brigitte Laîné, qui était conservatrice aux archives parisiennes, a déclaré en 1999 que certains documents officiels avaient survécu, révélant l’ampleur des meurtres. « Il y avait beaucoup de corps. Certains avec le crâne écrasé, d’autres avec des blessures de fusil de chasse », a-t-elle déclaré.

    Une photo illustre les sentiments effrayants de l’époque, montrant des graffitis griffonnés le long d’une section de la berge de la Seine, disant : « Ici, on noie les Algériens. »

    C’est le titre du nouveau livre de l’historien français Fabrice Riceputi, qui raconte comment un homme – le chercheur Jean-Luc Einaudi – a cherché inlassablement à recueillir des témoignages, publiant son récit 30 ans après le massacre policier.

    On estime aujourd’hui qu’entre 200 et 300 Algériens ont été tués ce jour-là.

    Au total, 110 corps ont été rejetés sur les berges de la Seine au cours des jours et des semaines qui ont suivi. Certains ont été tués puis jetés, tandis que d’autres ont été blessés, jetés dans les eaux froides et abandonnés à la noyade.

    La plus jeune victime était Fatima Beda. Elle avait 15 ans et son corps a été retrouvé le 31 octobre dans un canal près de la Seine.

    Racisme anti-arabe

    L’une des premières descriptions de l’événement a été publiée en 1963 par l’écrivain afro-américain William Gardner Smith dans son roman Stone Face – bien qu’il s’agisse d’un récit romancé, qui n’a jamais été traduit en français.

    Elle témoigne du racisme anti-arabe de l’époque.

    M. Riceputi estime que l’État français refuse toujours de faire face à cet héritage raciste.

    À l’approche du 60e anniversaire de la tuerie, les relations souvent tendues entre la France et l’Algérie – qui avaient fait l’objet d’un lent rapprochement – ont une fois de plus fait tache d’huile.

    La querelle a commencé le mois dernier lorsque la France a réduit le nombre de visas accordés aux Algériens, accusant son ancienne colonie de ne pas reprendre ceux qui se sont vu refuser un visa.

    Mais c’est une audience du président Emmanuel Macron avec de jeunes descendants de ceux qui ont combattu pendant la guerre d’Algérie qui a suscité le plus de colère.

    Il a demandé si la nation algérienne existerait sans les colonisateurs français.

    Cette question a peut-être été posée dans un esprit de débat, mais elle a provoqué une réaction brutale de la part des Algériens qui y voient un symptôme de l’insensibilité de la France et de la dissimulation des crimes coloniaux.

    Pas d’excuses

    En ce qui concerne le massacre de Paris, l’État a fait très peu.

    En 2012, François Hollande a reconnu que le massacre avait eu lieu – c’était la première fois qu’un président français le faisait.

    Dans une déclaration à l’occasion du 60e anniversaire du massacre, le président Macron a déclaré que les crimes commis sous l’autorité du chef de la police étaient « inexcusables ».

    Pourtant, ces deux déclarations n’ont pas répondu aux attentes de ceux qui ont demandé des excuses et des réparations, et aucune n’a reconnu le nombre de morts ou le rôle de l’État.

    Les partis de gauche français, qui étaient dans l’opposition à l’époque, ont également été critiqués pour ne pas avoir condamné le massacre. Ils ont été considérés comme complices de la dissimulation, étant donné qu’ils ont intenté une action en justice contre la police pour avoir ouvert le feu sur des manifestants anti-guerre, principalement français, tuant sept personnes quelques mois plus tard, tout en restant silencieux sur le massacre des Algériens.

    M. Riceputi affirme que la nature raciste de l’opération ne peut être ignorée – toute personne ayant l’air algérienne était visée.

    La campagne menée contre les Algériens à Paris était officieusement appelée la « ratonnade », qui signifie « chasse aux rats ».

    La recherche d’Algériens s’est poursuivie pendant plusieurs jours après le 17 octobre, la police procédant à des arrestations dans les transports publics et lors de perquisitions.

    Selon certaines informations, les Marocains ont dû apposer le signe « Marocain » sur leurs portes pour éviter d’être harcelés par les descentes de police répétées.

    Des travailleurs immigrés portugais, espagnols et italiens aux cheveux bouclés et au teint foncé se sont plaints de contrôles et de fouilles systématiques, la police les prenant pour des Algériens.

    Les chercheurs affirment également que la police et les forces de sécurité n’ont pas été les seules à prendre part à l’opération : des pompiers et des groupes d’autodéfense y ont également participé.

    Des milliers de personnes ont été expulsées illégalement vers l’Algérie où elles ont été détenues dans des camps d’internement alors qu’elles étaient des citoyens français.

    Une réputation effrayante

    À l’époque, le président Charles de Gaulle est en négociations avancées avec le Front de libération nationale (FLN) d’Algérie pour mettre fin à la guerre et accepter l’indépendance. La guerre prend fin cinq mois plus tard et l’indépendance suit en juillet 1962.

    Mais en 1961, les tensions sont vives et le 5 octobre, les autorités parisiennes interdisent à tous les Algériens de sortir de chez eux entre 20 heures et 5 h 30.

    La marche est organisée pour protester contre le couvre-feu. Les organisateurs ont voulu s’assurer qu’elle soit pacifique et les personnes ont été fouillées avant de monter dans les trains et les bus de la banlieue délabrée pour se rendre dans le centre de Paris.

    Les instructions exactes données aux forces de sécurité n’ont pas encore été établies, mais le chef de la police parisienne de l’époque, Maurice Papon, avait une réputation notoire.

    Il avait servi à Constantine, dans l’est de l’Algérie, où il avait supervisé la répression et la torture de prisonniers politiques algériens en 1956.

    Il a ensuite été condamné par les tribunaux français pour avoir supervisé la déportation de 1 600 Juifs vers les camps de concentration nazis en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il était un haut responsable de la sécurité sous le gouvernement de Vichy.

    C’est ce procès, qui s’est déroulé entre 1997 et 1998, qui a permis de lever le voile sur certaines archives classées secrètes relatives au massacre du 17 octobre et d’ouvrir la voie à des recherches approfondies sur cette extraordinaire dissimulation.

    Des enquêtes officielles préliminaires sur les événements ont été menées – et un total de 60 plaintes ont été rejetées.

    Personne n’a été jugé, le massacre étant soumis à l’amnistie générale accordée pour les crimes commis pendant la guerre d’Algérie.

    Pour M. Riceputi, l’espoir est que ce 60e anniversaire contribuera aux efforts visant à établir la vérité et à déterminer les responsabilités dans l’un des massacres policiers les plus sanglants de l’histoire de France.

    Par Ahmed Rouaba

    BBC News, 16/10/2021

  • Macron doit qualifier le massacre de Paris de crime d’État

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    Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers de citoyens français et algériens sont descendus dans la rue pour protester contre un couvre-feu imposé à Paris et dans sa banlieue. Des dizaines d’entre eux ont été abattus, battus à mort ou noyés dans la réponse brutale de la police.

    Le 17 octobre 1961, les partisans du mouvement d’indépendance algérien protestent contre un couvre-feu imposé par la préfecture de police à Paris et dans sa banlieue, qui vise les « travailleurs musulmans algériens », les « musulmans français » et les « musulmans français d’Algérie ». Lorsque la police a réagi avec brutalité, la manifestation s’est terminée en carnage.

    « La police a créé un bain de sang, utilisant tout ce qui lui tombait sous la main, des barres de fer aux matraques », a déclaré Saad Ouazene, l’un des 30 000 manifestants qui ont pris part à la marche pacifique sur Paris, à la télévision française dans les jours précédant le 60e anniversaire du massacre.

    Le nombre exact de victimes n’est toujours pas connu à ce jour. Mais on estime qu’au moins plusieurs dizaines de personnes – et peut-être plusieurs centaines – ont été abattues, battues à mort ou noyées dans la Seine. Plus de 10 000 manifestants ont été détenus pendant plusieurs jours.

    Un événement « impensable » dissimulé pendant des décennies

    Pendant des décennies, l’État français a dissimulé l’ampleur des violences et le nombre de victimes, en recourant à des lois d’amnistie pour empêcher toute enquête indépendante. Le premier chiffre officiel publié faisait état de trois manifestants tués – plus tard, ce chiffre a été porté à six.

    Etienne François, historien de 78 ans et expert de la culture du souvenir, a déclaré qu’à l’époque, les médias ne parlaient pas du massacre. À l’époque, il était étudiant à Nancy et a entendu parler de la manifestation par un maître de conférence.

    « Depuis la guerre d’Algérie, nous savions que les conditions de vie en Algérie étaient dures et cruelles – mais qu’elles puissent s’étendre à la France elle-même, à la capitale, Paris, était impensable à l’époque », a-t-il déclaré.

    Les fonctionnaires qui ont orchestré le massacre n’ont pas eu à rendre de comptes – et ont continué à occuper des postes gouvernementaux importants. Roger Frey, ministre de l’intérieur au moment du massacre, est devenu président du Conseil constitutionnel français. Le préfet de police Maurice Papon a été nommé ministre du budget sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing à la fin des années 1970.

    Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, il y a eu un désir dans la société française d’ »oublier l’ignoble gâchis de la guerre d’Algérie », a déclaré l’historien Fabrice Riceputi. Le conflit ne figure dans les manuels scolaires français que depuis 20 ans, et l’on enseigne encore peu de choses sur la brutale conquête de l’Algérie par la France en 1830.

    Riceputi fait partie d’un groupe d’universitaires, de politiciens et de militants qui ont appelé à une réévaluation majeure de la guerre d’Algérie dans la société française. Ils veulent que le président Emmanuel Macron reconnaisse le massacre de Paris comme un crime d’État.

    François partage ce point de vue. « Je pense personnellement qu’une telle classification serait utile car elle correspondrait à la réalité de ce massacre », a-t-il déclaré.

    Macron : « Répression violente »

    Macron a critiqué la colonisation plus que tout autre président français précédent. Lors d’une visite en Algérie pendant sa campagne électorale de 2017, il a même qualifié cette époque de « crime contre l’humanité. » Il a également déjà évoqué le massacre, le décrivant sur Twitter en 2018 comme une « répression violente. »

    La relation entre la France et l’Algérie a récemment sombré à un nouveau niveau après que Macron a parlé de la guerre d’Algérie et des événements de 1961 avec un groupe de jeunes, descendants de personnes impliquées dans le conflit. Au cours de la discussion, le président a laissé entendre que le discours officiel algérien sur le soulèvement n’était « pas fondé sur des vérités », mais sur « une haine envers la France ». Depuis 1962, a-t-il dit, les dirigeants politiques et militaires algériens ont rendu la France responsable des problèmes.

    L’Algérie a réagi en retirant son ambassadeur de Paris et en fermant son espace aérien aux avions militaires français, qui utilisent cette route pour approvisionner les troupes combattant les jihadistes dans la région du Sahel, au sud.

    La France et l’Algérie partagent des décennies d’histoire
    M. Macron a exprimé son désir d’être le premier président français à réévaluer l’héritage de l’histoire coloniale de son pays en Algérie et le conflit de 1954-1962. Les historiens ont estimé que plus de 7 millions de personnes vivant en France aujourd’hui ont des liens avec l’Algérie, soit en tant que descendants de colons français qui ont dû partir en 1962, soit en tant qu’Algériens qui se sont installés en France pour diverses raisons.

    La France et l’Algérie doivent s’entendre, a déclaré l’historien François : « Les liens entre l’histoire et le présent des deux pays sont si profonds que l’on ne peut pas dire que les deux pays sont complètement séparés et différents. »

    Pour commencer, Macron a chargé l’éminent historien Benjamin Stora, lui-même né dans une famille juive en Algérie et contraint de partir après 1962, de rédiger une « évaluation juste et précise » de l’héritage colonial de la France en Algérie et de la guerre, qui a fait plus d’un million de morts, selon certaines estimations.

    M. Stora a présenté son analyse au début de l’année, recommandant la création d’une commission « Mémoire et vérité » chargée de recueillir les rapports des témoins oculaires. Il a également demandé l’ouverture des archives et une commémoration officielle des atrocités commises par les deux camps. Le 17 octobre 1961 est l’une des dates qui, selon l’historien, doit être ancrée dans la mémoire collective française.

    Pas d’excuses officielles

    Avant l’anniversaire, M. Macron a réagi au rapport en déclarant qu’il y aurait des « actes symboliques » pour reconnaître les crimes, mais qu’il n’y aurait pas d’excuses officielles ni d’expression de regrets. Et, en effet, samedi, Macron a assisté à une cérémonie de commémoration du massacre, mais son gouvernement n’a pas présenté d’excuses officielles.

    Stora lui-même a déclaré qu’il ne pensait pas que le moment était propice à la présentation d’excuses, suggérant que les remords pourraient être exprimés à la fin du processus d’évaluation, mais pas au début.

    Bien que l’État ait empêché le public d’accepter le massacre du 17 octobre 1961 pendant des décennies, plus de 50 villes françaises ont déjà installé des plaques commémorant les victimes de cette journée.

    Le prédécesseur de Macron, François Hollande, a reconnu publiquement la souffrance du peuple algérien en 2012, mais est resté silencieux sur la responsabilité de l’État.

    « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour leur indépendance ont été tués dans une répression sanglante », a écrit Hollande dans un communiqué officiel. « La République reconnaît ces faits avec lucidité. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes », a-t-il ajouté – laissant à son successeur le soin de faire le pas suivant.

    DW, 16/10/2021

  • France-Algérie : Le jeu de Macron

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    Après ses provocations envers l’Algérie en allant jusqu’à remettre l’histoire d’une Nation pour légitimer indirectement la colonisation en Algérie, Macron a prôné, dans un entretien diffusé mardi, un apaisement dans les relations entre Paris et Alger. « Mon souhait, c’est qu’il y ait un apaisement parce que je pense que c’est mieux de se parler et d’avancer. Il y a sans doute des désaccords mais la vie, c’est fait pour parler des désaccords et aussi les partager », a déclaré le chef de l’Etat, dans un entretien accordé lundi soir à France Inter et diffusé mardi matin.

    « Il y aura immanquablement d’autres tensions, mais je pense que mon devoir, c’est d’essayer de faire cheminer ce travail» de mémoire, a-t-il ajouté. Mais, Macron est allé au-delà de la mémoire commune entre l’Algérie et la France, en évoquant la question des «Ottomans» en Algérie. Déjà, cette question des Turcs en Algérie est, avant tout, une affaire algérienne dont le dossier doit être traité par des Historiens et non par des politiques. «Des tensions, il y en aura…».

    C’est comme si l’Histoire allait déranger les politiques. Or, depuis l’événement du malaise Zeroual-Chirac, il n’y a pas eu de tension entre l’Algérie et la France. Déjà, le travail de mémoire est une source d’apaisement et non de tension.

    La « provocation » de Macron était délibérée, d’ailleurs il ne s’est même pas excusé. La France a peur que l’Algérie se rapproche trop de la Chine. Et cette «provocation» viserait, en premier lieu, la Turquie qui s’est rapprochée de la Russie.

    La «provocation» de Macron qui est non pas vers le régime mais vers tout un peuple, est aussi une stratégie électoraliste pour «rassurer» la droite et l’extrême droite en France.

    La meilleure réponse de l’Algérie est de donner la parole et d’ouvrir les espaces aux Historiens afin de traiter les questions d’Histoire et de crimes contre l’humanité durant la période coloniale.

    Le Carrefour d’Algérie