Étiquette : France

  • France: massacre de Paris et tensions avec l’Algérie

    Algérie, France, 17 ocotbre 1961, massacre de Paris, #Algérie, France, #17octobre1961, #Mémoire,

    Paris, France – Il y a soixante ans, des Algériens de Paris ont été arrêtés, tués et noyés dans la Seine par la police française. Ils manifestaient pacifiquement contre un couvre-feu qui leur était imposé quelques mois avant la fin de la guerre d’Algérie. Les archives estiment qu’entre 100 et 300 personnes ont été tuées, mais il n’existe pas de chiffre exact.

    Selon l’historien Fabrice Riceputi, c’est parce que ce qui s’est passé le 17 octobre 1961 dans le centre de Paris est un « massacre colonial ». « L’une des caractéristiques de tous les massacres coloniaux dans l’histoire est qu’il est impossible de faire des évaluations précises », a-t-il déclaré à Al Jazeera. Largement considéré par les historiens comme la répression la plus violente d’une manifestation dans l’Europe occidentale de l’après-guerre, beaucoup en France refusent encore de l’affronter.

    Mais aujourd’hui, dans le contexte de mouvements sociaux croissants qui réclament la justice raciale et la fin des brutalités policières, la pression est de plus en plus forte pour que la France affronte son passé violent.

    En 2012, François Hollande, alors président, a reconnu la « répression sanglante » de 1961, mais les historiens affirment que le gouvernement n’a pas pris de mesures concrètes et que les informations sur cet événement continuent d’être supprimées.

    « Ce qui est réclamé depuis les années 1990, et demandé par de nombreux groupes, c’est que le chef de la République française, donc le président, reconnaisse officiellement qu’il ne s’agissait pas d’une erreur regrettable, mais d’un crime d’État », a déclaré Riceputi. « C’est ce que nous attendons du président [Emmanuel] Macron pour le 60e anniversaire ».

    L’événement le plus douloureux

    Le 17 octobre 1961, les Algériens de Paris sont appelés à organiser une marche du Front de libération nationale algérien. Des milliers d’entre eux se sont rendus sur place pour réclamer une Algérie indépendante, malgré un couvre-feu imposé.

    La violente répression ordonnée par le préfet de police de Paris de l’époque, Maurice Papon, est sans équivalent.

    « Maurice Papon a appris à appliquer ces méthodes de terreur à Constantine en Algérie pendant plusieurs années, et il les a importées à Paris », a déclaré Riceputi à propos du tristement célèbre Papon, condamné en 1998 pour complicité avec le régime nazi.

    Pour les Algériens de France, le souvenir reste vivace dans la mémoire collective.

    « Pour moi en tout cas, c’est peut-être l’événement le plus douloureux de toute la période coloniale », a déclaré à Al Jazeera l’historienne algéro-américaine Malika Rahal, qui a grandi en France. « Cela ne remet pas en question votre relation à l’Algérie, mais cela remet en question votre relation à la France tous les jours ».

    De la censure des journaux à l’empêchement des procès des accusations déposées par les Algériens, les chercheurs ont déclaré que l’effort de l’État français pendant des décennies pour cacher des informations était institutionnalisé.

    « C’est une partie du crime », a déclaré Riceputi. « Il a été commis et immédiatement nié, et le gouvernement a tout fait pour imposer le silence, pour couvrir l’événement ».

    Rahal a déclaré que lorsqu’elle étudiait l’histoire à Paris dans les années 1990, beaucoup de ses collègues de l’époque ne connaissaient pas le massacre de Paris. Elle en a d’abord entendu parler par sa famille algérienne, mais l’événement a été si traumatisant pour son père qu’il ne s’est jamais ouvert pour parler de ce qui s’est passé.

    Même les historiens étrangers disent avoir eu du mal à accéder à certains documents.

    Amit Prakash, un professeur américain qui écrit sur la décolonisation française, a déclaré que lorsqu’il est arrivé à Paris pour étudier les archives, il a souvent été « bloqué ».

    Ils m’ont donné accès à beaucoup de choses, mais ils m’ont dit : « Le 17 octobre, les dossiers que j’ai demandés ne relèvent pas de cette question », a-t-il déclaré.

    Selon M. Riceputi, le sujet reste tabou car il déclencherait à nouveau une remise en question de l’image publique et des valeurs de la France.

    « Cela signifierait que nous acceptons enfin d’apprendre que la République française n’est pas une entité parfaite par définition. Elle est l’héritière des Lumières, de la Déclaration des droits de l’homme, mais elle est aussi l’héritière de ce passé colonial criminel. »

    Tensions de Macron

    La pression monte sur Macron pour qu’il profite du 60e anniversaire pour reconnaître les violences, une tâche qui, selon les analystes, est loin d’être simple.

    La question de l’Algérie continue de diviser en France. Les politiciens de droite ont par le passé refusé d’en discuter, et les personnalités d’extrême droite sont nostalgiques de la période coloniale de la France.

    Alors que Macron se prépare à l’élection de 2022 et que l’extrême droite monte dans les sondages, les experts estiment que si le président français devait faire un commentaire, il est peu probable qu’il bouleverse le statu quo.

    Dans le même temps, Macron navigue dans des relations diplomatiques tendues avec l’Algérie.

    Fin septembre, la France a déclaré qu’elle réduirait considérablement le nombre de visas accordés à l’Algérie – ainsi qu’au Maroc et à la Tunisie – pour avoir refusé de reprendre les migrants en situation irrégulière.

    Mais ce qui a réellement provoqué l’ire d’Alger, c’est la manière dont Macron a abordé le passé colonial de la France. Le 30 septembre, le président français a invité plusieurs jeunes d’origine algérienne au palais de l’Élysée pour discuter de la guerre d’Algérie.

    Le Monde rapporte que Macron leur a posé la question suivante : « Y avait-il une nation algérienne avant la colonisation française ? »

    Pour Arthur Asseraf, historien et maître de conférences à l’université de Cambridge, Macron a essayé d’être provocateur, mais cette démarche est en fait « la plus vieille ruse du livre » – celle utilisée pour justifier la colonisation.

    Selon des observateurs comme Rahal, la longue occupation de l’Algérie par la France – 132 ans – signifie qu’en fin de compte, même si Macron reconnaît la complicité de la France dans le massacre de Paris, « Alger ne dira jamais merci… parce que les deux pays sont très différents en termes de valeurs. L’Algérie est absolument anticoloniale et la France n’a jamais pris le tournant anticolonial. »

    Macron devrait devenir le premier président français à assister à une cérémonie officielle de commémoration du massacre, bien que l’Élysée, contacté plusieurs fois par Al Jazeera, n’ait pas été en mesure de discuter de plus amples détails.

    Une marche commémorative aura lieu à Paris, organisée par 120 syndicats et organisations.

    Et les militants demandent à l’État français de créer un site officiel de commémoration, d’ouvrir toutes les archives, d’inclure cet événement dans le programme scolaire et d’accorder des réparations aux descendants des victimes.

    « C’est un événement qui n’a peut-être jamais été autant d’actualité qu’aujourd’hui », a déclaré Riceputi. « Parce qu’il s’agit de violences policières. En France, depuis quelques années, on sait ce que c’est. Et c’est aussi une question de racisme systémique, on sait aussi ce que c’est en France (…) donc ça mobilise beaucoup de monde. »

    Aljazeera, 15/10/2021

  • Macron, prêt à une dégradation des relations avec l’Algérie

    Algérie, France, Emmanuel Macron, Mémoire, colonialisme, #Algérie, #Macron, #Mémoire, #Colonialisme,

    POUR CONFORTER SA POSITION DANS LA COURSE À LA PRÉSIDENTIELLE : « Macron est prêt à assumer une dégradation conjoncturelle des relations avec l’Algérie »

    L’historien et politologue français, Olivier Le Cour Grandmaison estime que le président Emmanuel Macron « est prêt à assumer une dégradation conjoncturelle des relations avec l’Algérie » si cela lui permet, a-t-il affirmé, dans un entretien à l’APS, «de conforter sa position de leader dans la compétition électorale en cours », pour la présidentielle française prévue dans six mois. À une question sur l’impact des déclarations du locataire de l’Élysée contre l’Algérie, au lendemain de sa réception d’une délégation de Harkis et dans un contexte politico-médiatique rythmant la campagne de la présidentielle française sur des dossiers chèrs à l’extrême droite et la droite en France, l’historien Le Cour Grandmaison affirme que « Macron, en bon opportuniste se plie au sinistre air du temps politique qui est celui de la France ». L’auteur du livre « La République impériale : politique et racisme d’État » publié en 2009, après avoir relevé, que nul ne lui échappe l’ entrée en course du président Macron dans la campagne présidentielle française, il précise que « Emmanuel Macron est en campagne pour sa réélection dans un contexte de radicalisation des droites de gouvernement qui cèdent toutes aux violents discours racistes, xénophobes et islamophobes d’Eric Zemmour, sans oublier le Rassemblement national » affirme le politologue, Olivier Le Cour Grandmaison.

    Des observateurs de la scène française relevant que l’enjeu principal de la future présidentielle, étant l’ombre de l’abstention qui n’a cessé de prendre de l’espace et planer sur les élections en général en France, soulignent que les conditions socio-économiques difficiles des Français, aggravées avec plus de deux ans de pandémie sanitaire ont animé le sentiment de rejet de la classe politique française, qui vacille, selon eux entre le discours de droite et de l’extrême-droite, éviter le débat politique sur les raisons de cette faillite et les questions fondamentales , liées, à la retraite, les pertes d’emplois, le chômage, le recul voire l’abandon de services publics, de la santé, de l’Éducation ect..

    À six mois de la présidentielle alors que les Français sont plongés dans les inquiétudes de la baisse du pouvoir d’achat et qu’aucune perspective de réponses rassurantes en matière d’amélioration de la vie socio-économique, de la majorité des français, le parti du président Emmanuel Macron, se préoccupe des échos et des impacts des propos et de la propagande d’Eric Zemmour. Des médias français rapportent dans ce cadre que le parti de la République en Marche « se réjouit de la montée d’Eric Zemmour, car, plus il affaiblit Le Pen, plus il favorise Macron ». Hier, le spécialiste du train de vie de l’État français, René Dosière, président de l’Observatoire de l’éthique publique a annoncé que « 160 millions d’euros par an, c’est ce que coûterait chaque année la quarantaine de cabinets ministériels du gouvernement de Jean Castex » et de préciser que « cela en ferait le gouvernement le plus coûteux de la Ve République » selon René Dosière, l’ex-député PS et de noter qu’ «qu’il s’agit d’un des gouvernements les plus nombreux : plus de ministres, de collaborateurs, avec des rémunérations toujours élevées mais qui ont tendance à diminuer ces dernières années ».

    Emmanuel Macron et des acteurs politiques reprennent les thèmes de l’extrême-droite en les recyclant dans « un verbiage républicain jugé plus présentable »

    La mise en avant sur la scène médiatique française de voix porteuses de discours de haine et de racisme, notamment à travers celui qui a été le produit final de cercles politico-médiatiques, d’un processus entamé, depuis la fin des années 80, vise le maintien de la surmédiatisation de l’orientation du gouvernail du débat politique de la présidentielle, sur les questions fondamentales de l’extrême-droite, portée depuis les années 80, par Jean Marie Le Pen et son mouvement, avant de les céder en héritage, à sa fille, chef de file du RN, Marine Le Pen. Celle-ci qui tente sa dernière chance d’une présidentielle française, que son père avant elle n’a pas réussi certes à gagner mais dont les campagnes électorales leur ont permis de diffuser leur idéologie d’extrême-droite vient de se voir bousculer par un nouveau son, celui d’Eric Zemmour, mais non une nouvelle voix en faveur de l’extrémisme et la haine et contre la diversité de la société française, pointe le danger de tout ce qui n’est pas français de souche.

    Un contexte qui ne pouvait échapper à celui qui propulsé par les milieux de la finance et du Capital, lors de sa première campagne électorale présidentielle, en s’appuyant sur l’éclatement du parti socialiste PS et les turbulences du centre droit et de la droite, le locataire de l’Elysée semble bien profiter des sorties politico-médiatiques de Zemmour pour s’alimenter et alimenter le débat de la présidentielle et lui donner une orientation, sur des questions en direction exclusivement des électeurs de la droite et l’extrême droite. Pour Le Cour Grandmaison qui a publié en 2005, « Coloniser, exterminer : Sur la guerre et l’État colonial », les déclarations irresponsables et agressives du président de la France sur l’Algérie et son peuple, ce sont « des propos liés à cette conjoncture et à sa volonté de courtiser un électorat de droite dont il a absolument besoin », estimant que le président français « est prêt à assumer une dégradation conjoncturelle des relations avec l’Algérie si cela lui permet de conforter sa position de leader dans la compétition électorale en cours ».

    Poursuivant , l’historien et politologue La Cour Grandmaison, indique que « pour lui (le président Macron) , comme pour beaucoup d’autres, lutter contre les extrême-droites consiste désormais, depuis longtemps hélas , à reprendre certains de leurs thèmes en les recyclant dans un verbiage républicain jugé plus présentable », relevant que « l’ensemble est maintenant désigné par un vocable très en vogue, celui de –régalien- qui inclut évidemment les questions sécuritaires ».

    Les acteurs politiques en France, notamment ceux et celles mis sous les projecteurs des médias, loin d’être dans le cadre de la liberté de la presse et d’opinion, dans un espace médiatique ou la part des grandes marques pèse lourdement. En 2019, les groupes des Arnault, Bolloré, Bouygues, Lagardère, Drahi, Pinault, Niel, Pigasse, Dassault et Baylet ont engrangé plus de la moitié des aides publiques à la presse (61%), soit un peu plus de 54 millions d’euros, dont 13 millions pour le seul groupe de Bernard Arnault, révèle récemment une campagne autour d’ appels à agir pour aider le journalisme indépendant, au service du public, relayé, par Mediapart.

    Des groupes économiques puissants qui sont confortés dans des débats ou les questions de fond préoccupant de larges couches de la société française, de divers horizons, sont absentes, telles le modèle socio-économique, les choix économiques, l’écologie, les changements climatiques ect.. Pour cet universitaire, « ce vocable truffe les discours de ceux qui soutiennent la majorité présidentielle et qui cherchent à passer pour sérieux, responsables et à l’écoute des Français, comme ils disent ». « C’est ainsi que ces thèmes se trouvent aujourd’hui au plus haut de l’agenda politique de nombreux candidats à l’élection présidentielle », a-t-il conclu.
    Karima Bennour

    Le Courrier d’Algérie, 16/10/2021

  • Algérie-France : la chanson douce du déni

    Algérie, France, Emmanuel Macron, Mémoire, Colonialisme, #Algérie, #Macron, #Colonialisme, #Mémoire,

    Les propos d’Emmanuel Macron continuent de faire des vagues. Et non des moindres. Cette fois c’est sur la langue française que le ton monte.

    Ton présent…chaque fois que les relations algéro-françaises sont secouées par le « je t’aime moi non plus ».

    Et c’est dans cette foulée, que le directeur de l’enseignement supérieur au ministère du même nom, a annoncé mercredi passé, que l’essentiel du programme pédagogique des deux écoles supérieures de mathématiques et d’intelligence artificielle, nouvellement créés, sera en anglais.

    Mesure populiste ou rythme ternaire habituel des brouilles et qui se tassera comme d’hab ?

    Sous les fâcheries, le pluriel des discordes et le singulier du butin de guerre, comme disait Kateb Yacine ?

    Mais la vraie question est : a-t-on les moyens, tous les moyens, humains, pédagogiques, techniques pour amorcer un virage à 360°, et troquer l’anglais pour le français dans les plus hauts paliers de notre enseignement supérieur ?

    La réponse envoie paître la langue de Shakespeare avec La Chèvre de Mr Seguin. Et la question paraît aussi improbable que la dissipation du « Fog » dans les hauts du Hurlevent.

    En réalité , pour réaliser la prouesse de congédier le français , il faudrait s’y mettre dès les premières initiations du primaire, après avoir formé pendant des années, les instits, les profs, les S.G, les proviseurs et changer de but en blanc tous les outils pédagogiques en anglais. Ce qui n’est pas une sinécure.

    Butin de guerre a dit Kateb…Alors utilisons le, ce butin.

    Et disons à Macron que ses sonnets et ses alexandrins, récités à des gosses qualifiés de petits enfants de la guerre d’Algérie, sentent la chanson douce du déni que pérore Zemmour et qui lui met l’eau à la bouche.

    Et affrontons le dans sa langue, en lui donnant le la, et lui rappeler que la mémoire ne peut être une rente, car elle est marquée par tant de saloperies coloniales que même Prévert ne pourrait inventorier. Et qui vont de l’enfumade au napalm , du pillage au saccage , de la torture à la corvée de bois.

    Macron voulant à tout prix se faire réélire à l’Elysée ? Il le peut aisément mais sans marcher sur le cadavre encore fumant…d’une mémoire saccagée par 132 ans de génie civilisateur français.

    Madjid Khelassi

    La Nation, 10/10/2021

  • Une « sanglante répression » contre des Algériens à Paris

    Algérie, France, crimes coloniaux, 17 octobre 1961, #Algérie, #Crimes_coloniaux,

    Il y a 60 ans, le 17 octobre 1961, 30.000 Algériens, venus manifester pacifiquement à Paris subissent une violente répression. Bilan officiel : trois morts et une soixantaine de blessés, très loin de la réalité selon les historiens. Nous sommes six mois avant que les accords d’Evian ne scellent l’indépendance de l’Algérie, encore française. Les « Français musulmans d’Algérie » affluent depuis leurs bidonvilles en banlieue ou les quartiers populaires parisiens où ils vivent.

    A l’appel de la branche du Front de libération nationale (FLN) installée en France, les manifestants ont bravé l’interdiction décrétée par le préfet de police, Maurice Papon (qui sera plus tard condamné pour complicité de crimes contre l’humanité, dans les années 1990, pour son rôle dans la déportation des Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale). Ces manifestants vont subir la répression la plus meurtrière en Europe de l’Ouest depuis 1945, selon l’historien Emmanuel Blanchard. Quelque 12.000 manifestants sont raflés ce jour-là par la police. Des cadavres criblés de balles ou marqués par les coups seront repêchés dans la Seine les jours suivants. Bien plus que le bilan officiel. En 1988, Constantin Melnik, conseiller au cabinet du Premier ministre Michel Debré pendant la guerre d’Algérie, estimera que les « exactions » de la police ont fait une centaine de morts, tandis qu’un rapport au gouvernement en 1998 en comptabilisera 48.

    Difficiles à établir précisément, les bilans avancés au fil des ans par les historiens vont d’une trentaine à plus de 200 morts. Aujourd’hui, ils s’accordent sur « au moins plusieurs dizaines de morts » du fait de la police le 17 octobre, selon M. Blanchard.

    Une gigantesque rafle planifiée

    En 1961, la Guerre d’Algérie dure depuis sept ans et les « Français musulmans d’Algérie », qui vivent depuis des mois les rafles et contrôles intempestifs de la police ou les « ratonnades » meurtrières d’escadrons clandestins favorables à l’Algérie française, sont soumis depuis le 5 octobre à un couvre-feu à Paris. Le 17 octobre, les manifestants veulent à la fois protester massivement contre ce couvre-feu et témoigner en nombre leur solidarité aux Algériens qui se battent au pays pour l’indépendance. Depuis le début de l’année, plusieurs policiers ont de leur côté trouvé la mort dans des attentats isolés attribués au FLN en région parisienne, « au moins cinq au cours du mois de septembre et début octobre », selon M. Blanchard. Pour le Premier ministre Michel Debré, le couvre-feu vient opportunément empêcher le FLN de collecter le soir des fonds destinés à son combat. Dès le matin du 17, la préfecture de police a réquisitionné le Parc des expositions de Paris, ce qui montre qu’elle ne se plaçait pas dans une logique de « maintien de l’ordre », mais qu’elle « préparait une rafle gigantesque », explique M. Blanchard.

    En quelques heures, des milliers d’Algériens sont brutalement entassés dans des cars de police ou des bus réquisitionnés et rassemblés dans plusieurs lieux de Paris ou de la proche banlieue où leur identité va être vérifiée. Mais avant, les coups pleuvront. Jacques Simonnet, alors étudiant, a raconté en 1999 devant la justice ce qu’il avait lui-même vu au Palais des sports: « Les Algériens étaient sortis à coups de poing des cars, ils se ramassaient par terre et là, passaient entre une haie de policiers qui les recevaient à coups de pieds, de poings, de bâtons, de bottes. La violence est arrivée à un point que je n’arrivais pas à imaginer ». La majorité des blessés ne sont pas dirigés vers des hôpitaux. Une fois identifiés, certains sont expulsés vers l’Algérie, d’autres internés dans des camps et les derniers, renvoyés chez eux.

    « Répression coloniale »

    Dès les premiers manifestants engagés sur le pont de Neuilly, à l’ouest de Paris, des coups de feu mortels sont tirés par des membres de la Force de police auxiliaire (FPA), mais aussi par des gardiens de la paix, sur une foule calme, endimanchée et parfois venue en famille, et surtout non armée, rappelle M. Blanchard.

    La violence des policiers se déchaîne à l’écoute de messages radio mensongers de la police annonçant à tort la mort par balles de collègues. Tirs et charges ont lieu aussi dans plusieurs lieux de la capitale, comme sur les Grands boulevards, où un badaud aura les cervicales brisées par des coups de matraques.

    « De nombreuses victimes sont mortes sous les coups de bidules (matraques, NDLR) portés par les agents, des dizaines d’autres furent jetés dans la Seine, plusieurs périrent par étouffement après avoir été jetés à terre et recouverts par des amas de corps », détaille le Musée de l’Histoire de l’immigration sur son site internet.

    « Ce que les historiens montrent aujourd’hui, c’est que la violence de la répression le 17 octobre dépasse les techniques de maintien de l’ordre classique et qu’elle est à mettre en regard avec les techniques de répression coloniale qui ont cours dans l’Empire », explique-t-il. Il faudra attendre 2012 pour qu’un président, François Hollande, rende « hommage aux victimes » d’une « sanglante répression » qui s’abattit sur ces hommes manifestant pour « le droit à l’indépendance ».

    L’Est Républicain, 15/10/2021

  • Conséquences du silence de la France sur les crimes coloniaux

    Algérie, France, crimes coloniaux, Macron, #Algérie, #Macron, #Crimes_coloniaux,

    Alors que le silence de la France sur son rôle colonial en Algérie peut fonctionner au niveau national, l’avenir des relations européennes et nord-africaines est étroitement influencé par le silence de Paris.
    Les relations algéro-françaises sont embourbées dans la controverse après que la question persistante de la responsabilité des crimes coloniaux a refait surface.

    La querelle diplomatique en cours intervient après que des commentaires négatifs attribués au président français Emmanuel Macron concernant l’Algérie ont été publiés dans un article du Monde le 2 octobre. La controverse ne montre aucun signe d’apaisement, le gouvernement algérien accusant la France de « génocide » le 2 octobre, avant d’interdire aux avions militaires français de survoler son espace aérien un jour plus tard. Macron a exprimé des souhaits d’ »apaisement », mais peu ou pas de mesures ont été prises de part et d’autre pour remédier à la crise franco-algérienne. La Turquie a également critiqué la déclaration française , en particulier sa description de 300 ans de régime ottoman-algérien comme du colonialisme, suggérant que cette « approche bon marché » n’aiderait pas Macron avant les élections françaises d’avril 2022.

    « L’Algérie est pleinement consciente des opinions françaises de droite envers les Arabes. Musulmans comme algériens. Il s’agit d’une escalade inacceptable de la rhétorique et de la politique, avec de fausses critiques adressées au mouvement algérien du Hirak et à l’histoire algérienne, note un attaché diplomatique algérien basé dans le Golfe arabe qui s’est entretenu avec TRT World, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat.

    « Il n’est pas déraisonnable de s’attendre à des regrets et à des réparations pour la mort de millions de personnes, et il est parfaitement raisonnable de s’attendre à ce que la mort de plus d’un million d’Algériens ne soit pas utilisée comme une puce pour les prochaines élections. J’ajoute, si la France peut présenter des excuses aux Polynésiens, pourquoi pas aux Algériens ? Sommes-nous moins humains ou jouissons-nous de droits différents ? », s’interroge l’attaché algérien.

    L’Algérie a rappelé son ambassadeur de France, son retour étant conditionné au « respect total de l’Etat algérien », a déclaré le président Abdelmadjid Tebboune.

    Traumatisme générationnel

    En Algérie, les effets du colonialisme français persistent encore dans la mémoire collective. En aucun cas un concept nouveau, le psychanalyste français Franz Fanon a été le premier à documenter l’étendue du traumatisme colonial dans son livre Les damnés de la terre (1963).

    Fort de son expérience clinique en Algérie, Fanon lie la violence coloniale à la montée de multiples comportements pathologiques.

    La psychanalyste algérienne contemporaine Karima Lazali fait également un cas similaire dans son livre The Colonial Trauma (2018), et un déballage plus récent de ses impacts dans un autre livre publié en 2021 .

    Lazali soutient que la violence coloniale a suscité un malaise constant, une suspicion persistante, une automutilation, une perte de la figure paternelle et même une « pulsion de mort » collective, tout en permettant « l’inertie sociale » et « l’abandon de l’être ».

    Elle note que si de nombreux Français se sentent accablés par leur conscience d’une histoire coloniale qu’ils n’ont jamais connue, les Algériens luttent toujours contre les effets des générations plus tard . Cela inclut le traumatisme des politiques coloniales françaises qui ont imposé de nouveaux noms aux personnes et à la terre, brisant les familles et les groupes.

    Lazali souligne également les politiques coloniales françaises intentionnelles visant à rompre les liens entre les Algériens et leur culture, tradition, religion, communauté, histoire, langue et généalogie, donnant lieu à des sentiments de perte, d’injustice et d’abandon.

    Un os à cueillir

    Alors que la position de Macron semble être en corrélation avec la montée de l’extrême droite au sein de la République française et la prévalence croissante de l’islamophobie systémique et sociétale, il existe des différends plus profonds entre les deux nations.

    D’une part, les administrations françaises ont historiquement évité de reconnaître le rôle de la France dans la colonisation de l’Algérie, entraînant la mort d’au moins 1 million d’Algériens au cours de sa seule guerre d’indépendance, de 1954 à 1962.

    Alors que Macron a précédemment décrit le colonialisme comme un « crime contre l’humanité », reconnaissant l’utilisation de la torture par la France, les Algériens estiment que les déclarations sont loin d’être un véritable regret ou une action.

    Plus de cinq millions d’Algériens sont morts aux mains des colonialistes français en l’espace d’un siècle et quart, selon le président algérien Abdelmajid Tebboune. La Ligue algérienne de défense des droits de l’homme en chiffre cependant le nombre à 10 millions dans un rapport qu’elle a publié en 2017.

    « Nous savons tous qu’un discours n’est pas contraignant et ne signifie pas politique. Être honnête. Parlez à votre peuple des centaines de milliers d’Algériens torturés au nom de « l’ordre public » et de la « contre-insurrection ». Parlez-leur de la déshumanisation des Arabes « barbares », des décharges électriques sur les organes génitaux. Qu’en est-il du viol, de l’enterrement de vieillards vivants, des guillotines, des pendaisons, du waterboarding, de la privation de sommeil et des incendies ? », a déclaré Ahmed Soufianne, un récent diplômé en droit de l’Université algérienne de Guelma qui a parlé à TRT World.

    En 132 ans de colonisation française, au moins cinq millions d’Algériens ont perdu la vie. L’historien algérien Mohammed al-Amin estime que le nombre de morts pourrait atteindre 10 millions , en contraste frappant avec les 400 000 morts admis par les historiens français.

    Tout comme les autres colonies britanniques ou françaises, les Algériens ont été contraints de servir de soldats consomptibles dans les guerres de France, dès 1830. Ils ont combattu dans la guerre franco-prussienne (1870) et la Première Guerre mondiale qui a vu près de 100 000 Algériens mourir en combattant l’Impériale Armée allemande.

    Pendant la Seconde Guerre mondiale, près de 233 000 Algériens se sont battus pour la libération du sud de la France du régime de Vichy en 1944, y compris des campagnes en Italie et en Allemagne de 1944 à 1945.

    Lors d’une récente conférence tenue à l’université Emir Abdelkader, Constantine a estimé que la France a également pillé près de 180 milliards de dollars de trésors, d’or et d’argent tout au long de sa colonisation de l’Algérie.

    De plus, alors que la France ne fait que commencer à s’engager dans son histoire de 193 essais nucléaires menés en trois décennies dans son ancienne colonie la Polynésie française, elle doit encore reconnaître ou admettre ses essais nucléaires en Algérie.

    Les Algériens font face à des incidences plus élevées de mutations congénitales, de cancer et de troubles thyroïdiens à ce jour. En mars 2021, une ONG française a sonné l’alarme sur des niveaux élevés de poussières radioactives atteignant la frontière franco-suisse, portées par les vents du sud « Sirocco » du désert algérien.

    Le 21 janvier, Macron a répondu à un rapport de 145 pages de l’historien français Benjamin Stora en déclarant qu’il n’y aurait pas d’excuses pour la colonisation française.

    L’une des recommandations formulées par le rapport était le retour de l’épée de l’émir Abdelkader, qui reste en France, y compris l’aveu d’assassinats et d’enlèvements d’Algériens notables.

    Commandé au cœur de la crise des gilets jaunes pour apaiser les électeurs de gauche, le rapport omet néanmoins de mentionner les atrocités commises pendant la guerre de conquête de la France en Algérie, notamment le recours à la politique de la terre brûlée. Le rapport est également accusé de prendre une position anti-décoloniale sur les crimes de guerre.

    Un responsable du gouvernement Macron a été sans équivoque qu’il n’y a « pas question de repentir. La repentance est vanité », a déclaré l’un d’eux.

    L’année dernière, la France a rendu 24 crânes d’hommes morts en combattant l’occupation française, après avoir été exposés dans un musée parisien à Paris, avec peu d’excuses ou de reconnaissance, et seulement après des années de campagne et d’activisme.

    Des ramifications géopolitiques

    Dans une déclaration de suivi de la controverse, Macron a souligné que Tebboune était « piégé dans un système qui est très dur ».

    Alors que le Hiraak en cours a perdu de son élan en Algérie au milieu de la pandémie de Covid-19, le gouvernement algérien au pouvoir est de plus en plus prudent vis-à-vis d’une population plus autonome et plus bruyante.

    Le président Tebboune, qui est déjà perçu comme un leader indésirable par une grande partie de l’opposition, pourrait difficilement se permettre d’éviter la confrontation face aux propos de Macron.

    Alors que le mouvement algérien Hirak fait campagne depuis plus d’un an sur la nécessité de restaurer la dignité, de renforcer la responsabilité et de lancer des réformes, les commentaires de Macron à visée nationale semblent avoir négligé une nouvelle Algérie, par rapport à il y a seulement quelques années.

    « Nos partenaires étrangers doivent décoloniser leur propre histoire », a déclaré le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra lors d’un voyage au Mali.

    « Ils ont besoin de se libérer de certaines attitudes, de certains comportements, de certaines visions qui sont intrinsèquement liées à la logique incohérente mue par la mission revendiquée de l’Occident d’apporter la civilisation », a-t-il ajouté.

    Les récentes escalades pourraient être révélatrices d’une scène géopolitique en mutation alors qu’une Algérie en mutation s’engage de plus en plus dans la région.

    Ce changement est marqué par des développements internes, notamment la formation d’une Agence algérienne de coopération internationale (AACI) en avril 2020, dirigée par l’ancien colonel senior du renseignement, le Dr Mohamed Chafik Mesbah, titulaire d’un doctorat en sciences politiques et relations internationales.

    Cette nomination intervient alors que Tebboune chercherait à ramener les problèmes antérieurs dominés par l’armée à une présidence dirigée par des civils, en mettant l’accent sur la politique étrangère africaine qui a connu un déclin majeur sous l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.

    Le pivot pourrait conduire à de nouvelles tensions régionales, en particulier si la politique étrangère algérienne avait un impact sur l’hégémonie française en Afrique occidentale ou subsaharienne.

    Développement régional

    La pandémie mondiale de Covid-19 a posé de graves défis économiques à l’État algérien, qui connaît un déclin constant depuis 2018.

    « N’oubliez pas que la France craint également que les récents développements ne voient l’Algérie s’enfoncer davantage dans les camps chinois et russe. La plupart des achats de sous-marins et d’avions de combat proviennent de Russie », note l’attaché diplomatique algérien basé dans le Golfe.

    « La marine algérienne se modernise et se développe à une vitesse incroyablement rapide même si elle est restée jusqu’à présent à l’écart de tous les différends méditerranéens, et c’est une priorité interne depuis 1993. Bien qu’elle soit loin de la France, elle vise la suprématie navale en Afrique du Nord à le moins », ajoute-t-il

    Les marchés de la défense algérienne montrent également des liens plus étroits avec la Chine , suite à l’achat d’un certain nombre de frégates, de missiles antichars et de drones CH-4. Le Maroc a depuis investi dans des drones turcs TB2 , en plus d’ une commande plus récente de drones kamikazes israéliens .

    L’Algérie est le plus ancien partenaire de la Chine dans la région, ce qui suggère que les tensions nord-africaines pourraient rapidement prendre une nature par procuration entre les grandes puissances.

    La croissance navale algérienne est présentée au niveau national comme une mesure nécessaire contre l’homme, ses 1440 kilomètres de côtes, la plus longue côte de tous les pays africains.

    Son importante tradition navale historique est souvent laissée sous silence, car elle a vu l’Algérie dominer la Méditerranée occidentale entre le XVIe et le XVIIIe siècle, jusqu’à ce qu’une série désastreuse de guerres navales avec les États-Unis et le Portugal naissants réduise définitivement son influence navale.

    Des capacités plus récentes telles que des missiles de croisière à moyenne portée lancés par des sous-marins , ainsi que des exercices d’entraînement avec la flotte russe de la mer Noire et les groupes maritimes de l’OTAN indiquent une empreinte navale croissante dans la région qui a traditionnellement été dominée par les intérêts navals britanniques et français.

    Clash inévitable

    Les tensions entre la France et l’Algérie deviennent de plus en plus insolubles, la France évitant de s’engager directement sur les questions de violence coloniale passée et de réparations.

    « C’est un lit de clous pour tout président français, considéré comme un bagage des administrations précédentes, en fait une forme de suicide politique pour tout homme politique français de parler d’excuses ou de réparations », explique Mark Jefferson, analyste pour Stratton Consulting Group.

    « Les politiques français ne sont pas dans le déni. Il est juste profondément impopulaire de s’y attaquer de front étant donné le polarisme actuel de la politique intérieure française. Jusqu’à ce qu’il soit résolu, il continuera à jouer dans d’autres arènes », ajoute Jefferson.

    La politique intérieure en France a conduit à la fermeture de près de 30 mosquées en moins d’un an grâce aux pouvoirs offerts par sa « loi anti-séparatisme », surnommée un projet de loi « anti-islam » , avec 6 autres mosquées devant être fermées pour prétendument logement des « extrémistes ».

    Avec plus de 50 milliards de dollars d’échanges commerciaux entre l’Algérie et l’UE, et une présence algérienne énergétique, navale et politique de plus en plus visible dans la région, les tensions avec l’Algérie ont un coût économique et politique qui s’étend désormais au-delà des relations bilatérales directes.

    Pour la plupart des Algériens, les actions françaises récentes évitent non seulement de reconnaître les méfaits du passé, mais reflètent également une rhétorique et une politique islamophobes et xénophobes croissantes à l’approche des prochaines élections françaises ; lui-même le résultat du racisme systémique historique et moderne en France.

    Alors que la politique française envers le colonialisme est inévitablement affectée par ses pressions et priorités de politique intérieure, une chose reste certaine ; éviter un passé sombre qui continue d’avoir un impact sur la vie quotidienne des Algériens n’est pas durable, et peut avoir un impact irréparable sur les liens.

    « Les priorités nationales changent à chaque cycle électoral, et les politiciens français doivent non seulement s’attaquer aux conséquences de leur héritage, mais aussi se demander quel genre de pays ils pensent être. Le devancer pourrait atténuer les dommages. L’alternative est de suivre une voie plus sombre et non démocratique avec des lois antireligieuses, des citoyens de seconde zone et un racisme systémique », note Jefferson, analyste.

    Indépendamment de qui a été au pouvoir, les Algériens ont toujours demandé la reconnaissance de leurs expériences douloureuses sous la domination française, soutenues depuis par un nombre croissant d’études sociologiques, psychologiques, historiques et ethnographiques détaillant la vie sous la colonisation. Au moins, ils attendent du respect.

    Alors que les présidents français ont évité le sujet en raison des pressions internes, une résolution est peu susceptible d’apparaître dans un proche avenir, rendant la confrontation continue entre l’Algérie et la France sur la question presque inévitable.

    TRT World, 14/10/2021

  • Algérie-France: Témoignages et vérités

    Algérie, France, Macron, Colonisation, mémoire, #Algérie, #Macron, #Mémoire, #Colonisation,

    En ces temps de vives tensions entre l’Algérie et la France, dues aux propos de certains dirigeants français en mal d’électoralisme, il convient de séparer le bon grain de l’ivraie. S’il existe un bon nombre (bon est, ici, un terme impropre) de Français qui nourrissent une haine viscérale envers l’Algérie pour des raisons évidentes, il existe, aussi, un plus grand nombre de Français qui n’ont aucun a priori vis-à-vis du peuple algérien. Et pour cause, combien n’ont-ils pas hésité, au prix de leur carrière, et même de leur vie, à soutenir la cause de l’indépendance et à contribuer à son triomphe! Qu’ils soient éternellement remerciés pour cet engagement dont témoignent l’«Appel des 100», les «porteurs de valise» du réseau Francis Jeanson, Robert Barat dont l’épouse Denise a subsisté grâce au soutien de l’Amicale des Algériens en Europe (AAE) et de Témoignage Chrétien, les contributions méconnues de personnalités comme Yves Montand, Simone Signoret, Serge Reggiani, Picasso, et bien d’autres.

    Pour avoir vécu en France plus de deux décennies, je peux témoigner du fait que la majorité des Français porte une amitié, sinon une sympathie, authentiques envers notre peuple et notre pays. Tel n’est pas le cas de la classe dirigeante? Là aussi, il faut relativiser.

    J’ai connu certains comme Daniel Junqua (red-chef au Monde, puis directeur du CFPJ), Claude Angeli (red-chef du Canard enchaîné, que j’eus bien du mal à consoler, après une charge terrible de mon regretté ami et père spirituel, Me Mourad Oussedik, contre les Lambertistes du PS, lors d’un procès intenté par l’Algérie), Françoise Gaspard, députée PS d’Eure et Loir, Paul Quilès, député-maire PS du XIIIème arrdt de Paris, puis ministre des Transports, de l’Intérieur, etc, dans le gouvernement Rocard – que j’ai, tous deux, interviewés pour le compte d’Algérie – Actualités, Jean-Pierre Goetzinger, maire PR du XIème arrdt de Paris, et son épouse Jeannie, dont j’étais l’invité du dimanche pendant de nombreuses années, et tant d’autres, anonymes, comme Félix et Nicole Szempruch, Michel et Chantal Poillot. En les côtoyant, j’ai eu la chance de vérifier, maintes fois, que tout n’est pas blanc ou noir, au pays de Voltaire.

    Tous savaient que j’étais un cadre de l’AAE, héritière de la Fédération de France du FLN, dont le travail et la vigilance, au sein de notre communauté, ont donné à notre pays une jeunesse flamboyante qui fait, actuellement, le bonheur des Fennecs. Cette casquette ne les gênait nullement et je ne manquerai pas de dire que beaucoup, inoubliables dans mon coeur et dans mon esprit, ont fortifié ces certitudes.

    Alors, de grâce, pas plus que le peuple marocain n’est responsable des turpitudes du Makhzen, ne cédons pas à l’amalgame et à la vindicte aveugle, et souvenons-nous que nous avons, toujours, en France, des amis sincères et exemplaires, à bien des égards. Gardons-nous de la confusion des genres dans laquelle se noient, avec allégresse, certains politiques qui en font leur fonds de commerce et dont la principale vertu est d’imiter les girouettes.

    Chaabane BENSACI

    L’Expression, 14/10/2021

  • Algérie-France : « L’accès aux archives est nécessaire »

    Algérie, France, Macron, Colonialisme, #Algérie, #Macron, #Colonialisme,

    Selon Slimane Benaïssa, les récents propos du président français, Emmanuel Macron, rentrent dans le cadre d’un vieux problème profondément ancré. Dans des propos relayés par le quotidien algérien Horizons, Benaïssa a déclaré qu’en France, la guerre a été gérée par les socialistes et elle a été conclue par la droite de Charles de Gaulle. Pendant toute l’alternance, aucun des deux partis ne pouvait entamer une politique d’apaisement sans que l’autre ait à lui reprocher quelque chose. C’est en partie la raison pour laquelle notre Révolution a été mise sous une chape de plomb en France.

    Ajoutons à cela les actions engagées plus tard par l’Algérie indépendante pour asseoir sa souveraineté telle que la nationalisation du pétrole et des ressources naturelles, qui n’ont pas amélioré le climat avec la France.

    Aujourd’hui, c’est évident, il faut aller vers un solde tout compte de cette guerre. La question est: quelle mémoire a été construite en 60 ans depuis l’indépendance, d’un côté comme de l’autre?

    «Aujourd’hui, pour moi, le problème n’est pas le combat libérateur en tant que telle, c’est est le problème des historiens qu’on le veuille ou non».

    «Une bonne partie des documents est archivée en France. L’urgence et la véritable nécessité résident dans l’accès à toutes les archives afin que l’Algérie puisse comprendre et éclairer ses contradictions.»

  • Tebboune a instauré les règles de la réciprocité

    Algérie, France, Emmanuel Macron, Abdelmadjid Tebboune, #Algérie, #Macron, #Mémoire,

    Le Président de la République algérienne, Abdelmadjid Tebboune, « a instauré de nouvelles règles pour les relations algéro-françaises, basées sur la réciprocité, l’égalité et le respect de la souveraineté et de la décision de l’Etat et du peuple algériens », a estimé le rédacteur en chef du quotidien tunisien « Al-Chourouk », Abdelhamid Riahi.

    Dans un éditorial paru mercredi sous le titre « L’Algérie des Libres…l’Algérie des valeurs et des principes », le journaliste a salué « l’Intifada » du président Tebboune en réaction aux déclarations récentes du président français, Emmanuel Macron, à l’encontre de l’Algérie et ses institutions.

    « Cette +Intifada+ a posé de nouvelles règles pour les relations algéro-françaises, basées sur la réciprocité, l’égalité et le respect de la souveraineté et de la décision nationales de l’Etat et du peuple algériens, et ce, en remettant les descendants de Jules Ferry +théoricien de la colonisation+ dans la réalité des choses et dans leur véritable dimension », a-t-il écrit.

    « Au-delà du président et de l’Etat français, +l’Intifada de l’Algérie+ est un message à toutes les forces de l’arrogance dans le monde, qui se croient au-dessus du droit international (…) et qui se permettent de faire fi des règles de bienséance et des us des relations internationales ».

    Soulignant que l’Algérie « a de tout temps été une grande Nation, un Etat de principes et un peuple épris de justice, de bravoure, de fierté et d’altruisme », l’auteur de cet éditorial affirme que « ces valeurs ont été pour le colonisateur français une leçon de lutte et de défense de la patrie, et pour les peuples du Tiers-monde un modus opérandi du sacrifice pour la terre et pour l’honneur ».

    « Ces valeurs de l’Algérie et la dignité et la fierté de son peuple se sont illustrées récemment face à la résurgence de la nostalgie coloniale (…) chez le président français », a-t-il relevé mettant en avant le rôle de l’Algérie au sein de l’ONU, depuis son indépendance, en faveur des pays du Tiers monde et du Mouvement des non-alignés.

    « Sa voix est demeurée pesante dans les fora internationaux pour la défense des opprimés et le triomphe des causes justes pour la liberté et l’émancipation », a-t-il ajouté.

    Evoquant « l’élan » de solidarité de l’Algérie, sous la conduite du président Tebboune, avec la Tunisie « face aux mêmes forces de l’arrogance qui tentent de faire pression sur notre pays », le journaliste tunisien a indiqué que le président algérien « a été clair et audacieux en affirmant que quiconque serait tenté de menacer la sécurité de la Tunisie, devra compter avec l’Algérie et en conseillant aux adeptes de l’ingérence dans les affaires internes, de la Tunisie ou de l’Algérie, de balayer plutôt devant leurs portes et de s’abstenir de donner des leçons (…) ».

    En conclusion, il a exhorté « ceux qui, parmi les Tunisiens, ont vendu leur conscience en faisant appel aux appuis étrangers contre leur pays à écouter la voix de l’Algérie, la voix de la sagesse et du courage (…) et à y puiser, ne serait ce que peu, de ses valeurs de patriotisme sincère, de fierté et de dignité ».

    Horizons, 15/10/2021

  • Riposte algérienne à Macron :Une nouvelle approche selon les politologues

    Algérie, France, Macron, Colonialisme, #Algérie, #Macron, #Colonialisme,

    L’Algérie fait montre d’intransigeance et sort, si besoin est, ses griffes pour recadrer toute incartade commise vis-à-vis de sa souveraineté nationale et sa dignité qui ne peuvent faire l’objet d’aucun marchandage. Quant à l’existence de l’Etat algérien et son histoire millénaire, la réponse a été désarmante à travers la visite du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, à la prison où se trouvait le roi numide Jugurtha au cœur de Rome.
    L’universitaire et spécialiste des relations internationales Mohammed Hassène Daouadji voit en les déclarations du ministre de la Communication, Ammar Belhimer, concernant les propos tenus par le président français Macron, une réponse à la mesure des graves dérapages d’Emmanuel Macron. La réaction officielle des autorités algériennes affirme, analyse-t-il, qu’il y a désormais une nouvelle manière de gérer les relations bilatérales entre Alger et Paris basée sur le principe d’égal à égal et d’Etat à Etat.
    Ce nouveau cadre devant régir les relations des deux pays se veut un signe de changement de la gestion des questions stratégiques et sécuritaires, notamment celles impliquant la France dans les pays du Sahel et le dossier libyen. «La France, qui considérait l’Afrique comme son pré-carré et agissait comme bon lui semblait, est appelée aujourd’hui à revoir ses cartes face à la restitution d’Alger de son rôle pivot dans la région», précise-il.
    L’Algérie, qui se contentait de son rôle leader dans la lutte contre le terrorisme et sa présence sur le marché pétrolier mondial, tend aujourd’hui à jouer un rôle géopolitique inhérent à son statut dans la région. Pour ce faire, Alger devrait, d’abord, contrecarrer le réseau tentaculaire d’influence tissé dans la région par la France, explique l’expert des relations internationales. Quant à la souveraineté nationale, elle fait partie des constantes et d’un dogme sacrosaint et il ne sera accepté aucune concession et encore moins le marchandage, ajoute l’analyste.
    LAMAMRA DÉSARME MACRON DEPUIS ROME
    De son côté, le politologue Abdellah Houadef constate que la diplomatie algérienne a toujours été «équilibrée et sereine». C’est d’ailleurs ce que laisse comprendre, poursuitil, la visite du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, au site archéologique de la prison du roi numide Jugurtha où il est mort de faim à Rome. «Il s’agit d’une réponse qui a désarmé le locataire de l’Elysée faisant feu de tout bois afin de briguer un deuxième mandat présidentiel. Ce dernier verse dans la diversion pour évacuer la colère interne à l’extérieur après un chapelet d’échecs qu’a dû essuyer son pays, dont l’affaire des accords des sous-marins avec l’Australie», rappelle-til.
    Selon Houadef, le geste du chef de la diplomatie algérienne est plein de sens et de messages. Il signifie que l’Etat algérien existe depuis des milliers d’années avant même l’existence de la France actuelle et que l’Emir Abdelkader a relancé en 1832. Nul besoin, de son avis, d’une personne comme Macron, qui éprouve de la faiblesse en communication politique et d’importantes carences en termes d’Histoire pour réaliser le statut qui sied à l’Algérie.
    Dans ce sillage, l’universitaire relève que l’Algérie n’hésite pas à rappeler à l’ordre toute partie faisant montre de graves dérives concernant sa souveraineté et son histoire, appuyant les propos du ministre de la Communication, Belhimer, qui a indiqué que les cercles officiels à Paris sont prisonniers de la mentalité coloniale.
    L’analyste conclut en disant que Lamamra a mis les points sur les «i», en soulignant que l’Algérie ne peut compromettre sa dignité pour la coopération, et qu’elle n’aura plus besoin d’intermédiaire pour entretenir ses relations avec ses alliés et partenaires.
    A.Mehdid
    Horizons, 15/10/2021
  • La France, pays ami ou ennemi ?

    Algérie, France, Emmanuel Macron, Histoire, colonialisme, Mémoire, #Algérie, #Macron, #Mémoire, #Colonialisme,

    La réponse à cette question ne souffre d’aucun doute pour l’ancien ministre du Travail de la République Algérienne Démocratique et Populaire, qui a qualifié la France « d’ennemi éternel et traditionnel » le 7 avril 2021 lors d’une question parlementaire sur le déficit actuel de la Caisse de retraite algérienne.

    Un vrai vent de franchise et de courage qui tranche avec la langue de bois dont usent tous les responsables algériens depuis la disparition de Boumediène et la soumission frisant la servilité qu’ils ont adoptée devant l’ancien colonisateur. C’est peut-être pour cela que son expression a suscité cette incroyable levée de boucliers en France et aussi, bizarrement, en Algérie où on lui a reproché d’avoir fait intrusion dans un domaine qui n’était pas celui de ses compétences ministérielles. Comme si, lorsqu’on on est ministre, on devait se départir de ses convictions et même de ses attributs d’homme et de citoyen !

    Définitions

    Selon le dictionnaire  » Le Robert « , l’amitié est un sentiment réciproque d’affection et de sympathie qui ne se fonde ni sur les liens du sang, ni sur l’attrait sexuel. Quand il s’agit de relations entre pays ou entre collectivités,  » Le Larousse « , définit l’amitié comme  » des relations fondées sur une bonne entente « , au contraire de l’ennemi entre nations, celui à qui on s’oppose constamment.

    A la lecture de ces définitions données par les références mêmes de la langue française, il est évident que, sans parler d’éternité, la France n’a jamais été une amie de l’Algérie à n’importe quel moment de l’Histoire et de quelque manière que ce soit. Et surtout après l’indépendance algérienne, tout en minimisant l’ampleur de sa défaite et sa piteuse débâcle, cherchant même à les transformer en acte volontaire conforme au  » courant de l’Histoire « , avatar français du fameux  » déterminisme historique  » marxiste.

    Jusqu’à nos jours, la France n’a jamais donné sa voix à une seule initiative menée par l’Algérie indépendante dans le cadre de ses activités diplomatiques et de sa participation dans les instances internationales. Elle a toujours voté contre et, dans les cas où c’était incompréhensible, sinon indécent de voter contre, elle s’abstenait.

    Aux origines de cette hostilité

    L’Histoire nous dit que tout cela a commencé il y a bientôt 1000 ans, en novembre 1095 plus exactement, après le concile de Clermont mené sous la houlette du pape français Urbain II, et au cours duquel la religion chrétienne subit la plus profonde métamorphose de son histoire : son passage d’une religion de paix et de fraternité en la religion la plus belliqueuse, la plus violente et la plus cupide de toutes les religions monothéistes.

    C’est là que fut initiée et lancée, sous couvert de l’alibi religieux, la plus grande agression impérialiste jamais menée contre le monde arabo-musulman par l’Occident chrétien : les Croisades. Le concile de Clermont, par la voix du pape Urbain II, dit  » Le Bienheureux « , a transformé la religion chrétienne, cette religion dont la devise était  » Tu ne tueras point « , en une religion qui autorisait et poussait ses adeptes à tuer en son nom ; et même de bénéficier des récompenses divines pour avoir tué d’autres humains qui ne partageaient pas leur foi, les Musulmans en l’occurrence. Les Croisades seront le précurseur de l’autre génocide planétaire, celui des peuples amérindiens, toujours mené sous l’égide de la  » vraie religion  » et son corolaire, l’or et l’argent. Les Croisades durèrent deux siècles et se terminèrent officiellement en 1270 après la mort peu glorieuse du roi de France Louis IX, dit  » Saint-Louis « , (dont les Francs ramenèrent le squelette, démembré après avoir bouilli le corps pour le débarrasser des parties putrescibles afin de résister aux aléas du transport et éviter ainsi qu’il ne soit enterré en terre d’Islam), même si deux autres expéditions furent mises sur pied ultérieurement et qui firent long feu. Et, convenons-en, même si elle revêt d’autres formes, la série est actuellement toujours en cours avec les drames irakiens, libyens, syriens, afghans, yéménites, l’agression continue contre l’Iran et les catastrophes annoncées au Mali, Burkina-Faso, Tchad et Niger et, bien sûr, le drame palestinien dans lequel la France est, proportionnellement à sa taille et à sa population de confession hébraïque, le premier soutien mondial de l’Entité sioniste, tant sur le plan diplomatique, technique ou financier, que sur celui de la fourniture de conscrits au service de l’entreprise génocidaire que le monstre sioniste mène contre le peuple palestinien. Ces croisades, même si elles ont bénéficié d’une participation européenne, ont, en réalité, toujours eu pour principal maître d’œuvre le royaume des Francs. Et, d’ailleurs, les Musulmans ne se sont jamais trompés sur l’identité réelle de leurs agresseurs qu’ils ont toujours nommés  » al Franj « ,  » les Francs « .

    Pierre, tout comme Aïssa (Jésus), était palestinien, Paul et Jean étaient syriens, Constantin était romain, Augustin était algérien et Clovis, le premier roi de France chrétien ne s’est converti au christianisme qu’au début du VIème siècle, soit plus de 500 ans après la mort du christ, mais c’est la France qui se proclame jusqu’à ce jour  » fille aînée de l’Eglise  » et défenseuse d’une religion venue d’autres lieux, appartenant à d’autres peuples et à l’émergence de laquelle elle n’a que très peu contribué. Cela semble anecdotique et incroyable aujourd’hui mais la  » défense  » de la religion catholique face à la montée en puissance de l’Islam et la lutte implacable et sans merci que mène le monde occidental chrétien depuis des siècles contre l’émergence d’un Etat arabe ou musulman puissant, n’importe où qu’il soit dans le monde, et surtout au sud de la Méditerranée, reste un des moteurs principaux de la politique extérieure actuelle de la France et d’une partie du monde occidental chrétien et, certainement, pour longtemps encore. Mais cette persistance et ces réminiscences du passé ne peuvent expliquer à elles seules toute l’hostilité que la France a toujours manifestée à l’encontre de l’Algérie indépendante. Et les explications simplistes, naïves, voire infantiles, avancées par l’Algérie officielle à propos de l’existence d’un lobby pied-noir revanchard et nostalgique du paradis perdu qui imposerait ses quatre volontés à la France, cet Etat puissant, centralisé et jacobin, disposant d’une administration et de forces de sécurité hors du commun, dans ses relations avec un pays majeur, ne tiennent pas la route à notre époque. En fait, les enjeux sont ailleurs.

    Pour comprendre les enjeux

    Sur le plan historique, notre pays a constitué depuis des siècles une cible privilégiée pour la France, comme pour d’autres puissances en désir d’hégémonie, parce qu’il est le mieux doté par la nature de ce côté-ci de la Méditerranée, disposant de très grands espaces regorgeant de ressources et, surtout, défendu depuis des millénaires par son propre peuple, quel que soit le nom que les uns et les autres lui ont donné. Sans négliger les motivations religieuses avec leur désir aussi féroce qu’insensé de faire revenir à la foi chrétienne ce rivage sud de la Méditerranée, cette patrie de Saint Augustin, le père de l’Eglise latine dont la France nous envie tant la paternité jusqu’à nous la dénier, et, surtout, celle de Tarik ibnou Ziyad, le conquérant de la Péninsule Ibérique et de la France méridionale. Cela sans oublier les motivations bassement cupides et leur soubassement raciste et suprématiste, et que la France n’a jamais formellement reniés malgré les oripeaux humanistes dont elle se drape. Et, aussi, malgré le fait que, durant des siècles, la France ait bénéficié de généreuses concessions commerciales accordées par les différents pouvoirs algériens, comme l’établissement de comptoirs, ces zones franches avant l’heure,sur de nombreux points de la côte algérienne, rien ne l’a empêchée de mener l’agression ultime qui a débuté un certain juillet 1830 et qui ne s’est achevée que 132 années plus tard après qu’elle ait dévasté le pays, volé tout ce qui pouvait l’être et saboté tout ce qui ne pouvait pas être emporté. Pour rappel, la France a emporté tous les plans des VRD (voiries et réseaux divers) des grandes villes algériennes, incendié la bibliothèque universitaire d’Alger après l’avoir délestée de ses trésors, des ouvrages et manuscrits uniques et emporté avec elle les plans de minage de milliers de kilomètres carrés qui continueront à faire des milliers de victimes avant que l’Armée Nationale Populaire ne parvienne à nettoyer la terre des chouhada.

    Que craint donc la France de l’Algérie ?

    Objectivement, que peut craindre la France de l’Algérie aujourd’hui ? Que peut craindre une des premières puissances économiques, industrielles, financières, militaires et impérialistes du monde actuel de la part d’un pays empêtré dans les affres du sous-développement et du réchauffement climatique, submergé par sa démographie, trahi par ses propres dirigeants, cerné de toutes parts par des ennemis féroces ; bref, un pays qui a gâché la quasi-totalité des valeurs fondatrices de son identité, qui a perdu deux fois son élite en l’espace de 40 années (l’hécatombe de la guerre coloniale et celle de la folie islamiste), dont 87% des étudiants ne rêvent que de partir ailleurs, une fois leurs études (entièrement gratuites et même rémunérées !) terminées ? Sans parler de cette tragique propension à jouer son avenir à la roulette russe à chaque échéance électorale depuis bientôt 33 années. Pas grand-chose mais cela ne veut pas dire que la France n’a rien à craindre de l’Algérie. Là est la nuance.

    L’Algérie constitue un des centres de préoccupation et de fixation les plus importants de sa politique étrangère, un pays qu’elle scrute et surveille comme le lait sur le feu, une obsession qui arrive juste derrière les grands complexes existentiels qu’elle nourrit envers quelques rares autres pays, l’Allemagne et les U.S.A. en tête.

    Depuis 1830, l’exploitation effrénée de l’Algérie a permis à la France de se renflouer alors qu’elle était en faillite, traversant une phase de déclin dramatique, menacée de dépeuplement après des décennies de guerres qui ont exterminé une grande partie de sa population mâle. Elle a trouvé dans l’eldorado algérien tous les ingrédients pour sa survie et même pour sa renaissance : argent, espaces, main d’œuvre laborieuse et rustique et des contingents militaires qui ont constitué le fer de lance de toutes ses aventures guerrières ou coloniales, depuis la guerre de Crimée au milieu du XIXème siècle jusqu’à la seconde guerre mondiale en passant par la guerre de 1870 contre la Prusse, la première guerre mondiale ou la conquête de Madagascar, sans oublier les aventures mexicaines de Napoléon III (1862-1867).

    Les 132 années de relations extrêmement intenses, même si elles ont été imposées par les crimes les plus atroces qu’un être humain pouvait imaginer ont tissé des liens innombrables, variés et intenses qui ont rendu la situation inextricable et complexe des deux côtés de la Méditerranée. Mais, une fois le divorce prononcé, au lieu que ces relations soient refondées et les liens renforcés sur une base apaisée, c’est l’inverse qui s’est produit car, visiblement, la France ne conçoit d’autres relations avec un pays faible, proche d’elle et musulman de préférence, que dans un rapport de suzerain face à des vassaux.

    Cependant, personne ne peut effacer d’un trait de plume les conséquences incommensurables que ce passé commun a laissées sur le plan humain, social et culturel et on nous dit aujourd’hui que l’Algérie est le deuxième pays francophone du monde et que la France compte aujourd’hui 5 à 6 millions, sinon plus, de citoyens d’origine algérienne, un chiffre énorme qui montre que, jamais la population française ne s’est autant mélangée à une autre population depuis l’Antiquité et la fameuse période gallo-romaine.

    Les Algériens sont présents en masse dans le pays et y sont vitaux en termes économiques, démographiques et culturels. Dans le climat de méfiance, voire d’hostilité permanente, qui sévit depuis des décennies, que faire pour éviter qu’une telle force sociale et économique aussi imposante par son nombre, et irrépressible dans sa progression, ne se double d’une force politique capable d’influer sur la marche du pays comme le font actuellement les citoyens juifs au profit de l’Entité sioniste alors qu’ils sont dix fois moins nombreux que les Algériens?

    La parade française

    La France a rapidement pris conscience de l’arme redoutable que constituait pour l’Algérie cette présence massive de citoyens d’origine algérienne chez elle, et elle est passée à l’action dès que Boumediène a commencé à afficher sa volonté de construire un état puissant, respectable et respecté et totalement dégagé de son emprise, la nationalisation des hydrocarbures ayant constitué le déclencheur de sa parade et de sa riposte . En plus des mesures économiques et financières tant médiatisées, celles-ci comportaient des mesures anodines ou anecdotiques en apparence, mais redoutables dans leurs effets :

    – Limitation puis suspension de l’appel à la main-d’œuvre algérienne, qui sera rapidement remplacée par l’immigration portugaise et marocaine,

    – Détection, isolement et élimination du champ politique ou associatif français, de toute personnalité française d’origine algérienne pouvant contribuer, par son action ou ses positions, à créer un lobby français en faveur de l’Algérie ;

    – Et, sur le long terme : saturation médiatique, désinformation tous azimuts, campagnes de dénigrement continues, mise en exergue des échecs algériens, même les plus minimes, et négation de tous les succès et de toutes les réussites. Et pourtant, Dieu sait que ces réussites sont innombrables, ne serait-ce que par le taux d’alphabétisation de la population qui est passé de 7% d’hommes et 3% de femmes alphabétisées en 1962, à 97% et 95% aujourd’hui !Avec un nombre d’étudiants dans les universités algériennes équivalent à celui de la France.

    Même si les moyens mis en œuvre étaient exclusivement puisés dans la panoplie de qu’on appelle aujourd’hui la  » soft-power « , la France venait de déclarer la guerre à l’Algérie de Boumediène et qui ne s’arrêtera pas à la disparition de ce dernier.

    Bien au contraire, celle-ci n’a jamais cessé de prendre de l’ampleur et d’user les armes nouvelles que le monde occidental chrétien ne cesse de mettre au point dans ses labos et d’expérimenter sur ses cibles, la France cherchant visiblement toujours à porter l’estocade à l’occasion des crises qui ont secoué et secouent périodiquement l’Algérie.

    Pour cela, elle a accueilli et accueille toujours sur son sol tout ennemi de la République Algérienne, tout voleur avec son butin, tout traître ou gredin ayant nui, ou voulant nuire d’une façon ou d’une autre à l’Algérie, tout en lui assurant la protection et toute l’assistance politique, administrative, policière et financière nécessaire à la poursuite de ses nuisances ; du terroriste islamique le plus sanguinaire au séparatiste le plus enragé.

    La diaspora algérienne et surtout sa descendance, a subi de plein fouet les effets de cette politique et, lentement, imperceptiblement, elle est passée d’un soutien sans failles au pays de ses racines pour glisser dans un scepticisme méfiant et critique, avant d’arriver à l’hostilité féroce envers tout symbole des institutions algériennes, en premier lieu celles qui sont à leur service immédiat, tout en limitant leur apports, surtout pécuniaires, déjà historiquement bien maigres, en les immergeant dans le circuit informel, cet autre redoutable ennemi de la RADP.

    L’Algérie, par l’arrogance et la suffisance de ses dirigeants auxquelles s’ajoutent la myopie et la servilité de leurs assistants, par la trivialité des discours et du comportement de la majorité de ses représentants à l’étranger qui ont reproduit le schéma de ce qui se pratiquait au pays, a fini par retourner contre elle l’arme absolue dont elle disposait face à l’ancien colonisateur.

    En plus de ça, et comme un malheur ne vient jamais seul, la pandémie du Covid 19, avec toutes les restrictions de déplacement, même si elles sont tout à fait logiques, légitimes et justifiées qui en ont découlé, ont été perçues comme des mesures d’hostilité supplémentaires de l’Algérie vis-à-vis de sa diaspora, diaspora qui voue aujourd’hui une haine de plus en plus marquée au pays de ses racines, pays qu’elle dit par ailleurs tant aimer. Quel gâchis! La France a compris tout ça et ne tardera pas à user de cette arme qu’elle a patiemment construite depuis des décennies.

    La situation actuelle

    Après avoir vécu de bout en bout et sans trop de dégâts la première phase du processus dit  » démocratique  » et exécuté dans ses moindres détails le scénario pensé et écrit il y a des décennies par l’Occident féroce, l’Algérie est à nouveau en train de vivre une période extrêmement difficile car assaillie de toutes parts : pandémie, sécheresse, incendies canicule, crise financière, voisinage instable et même souvent agressif, le tout dans un climat de défiance interne que le pays n’a jamais connu auparavant, même du temps du FIS. Pris en étau, le pouvoir clame et affiche sa bonne foi, son patriotisme, son engagement de faire de l’Algérie un pays fort, respectable et social.

    Il donne des gages et promet d’exécuter toutes les demandes et desiderata du peuple, lequel peuple voudrait bien s’extirper de la situation de citoyen d’un pays sous-développé et arriéré dans beaucoup de domaines dans laquelle il se réveille et qu’il découvre un peu tard, une fois le festin du baril à plus de 100 dollars terminé.

    Malheureusement, tous ces signaux sont perçus comme des signes de faiblesse, très loin du message que le pouvoir voudrait faire passer. Le peuple veut que tout change sans que lui ne change d’un iota.

    Et sans faire d’efforts, sans examen de conscience : personne n’est coupable à partir du moment où d’autres le sont parce qu’ils ont commis des actes plus répréhensibles que les siens, personne n’a volé à partir du moment où d’autres ont volé plus que lui, et seul l’Etat est chargé d’en faire ! Comment sortir de ce cauchemar? La tentation autoritaire est là, elle est latente et elle se manifeste d’une manière sporadique, parfois brutale mais, visiblement, elle n’a aucune portée réelle sur l’état d’esprit de la majorité du peuple et, surtout, de la jeunesse. Et, plus grave, l’Etat a perdu le contrôle de l’administration locale, celle qui constitue la courroie de transmission et le fer de lance de la volonté centrale pour faire appliquer les lois et les règles de la République au pays profond.

    Ses lois, ses instructions et ses ordres ne sont même pas pris en compte et quand ils le sont, ils sont accommodés à la volonté du fonctionnaire ou de l’employé qui est chargé de les appliquer. Cela n’est pas nouveau et a toujours survenu dans les Etats défaillants ou trop présomptueux de leur force.

    Personne ne sait ni n’ose prédire sur quoi tout cela va déboucher. Même la France, notre ennemi éternel et traditionnel, semblait à un moment indécise et quasi désemparée : que faire si l’Algérie basculait à son tour dans le chaos après la cuisante désillusion subies en Afrique et ailleurs ?Mais ces interrogations ne sont que passagères et ont été vite balayées par des motifs de politique interne, d’échéances électorales et, bien sûr, l’élément central et structurant qu’est la haine que l’ancien colonisateur a toujours vouée à ses anciens départements une fois indépendants.

    Et la France a repris comme jamais ses manifestations ouvertement hostiles, insultantes et mensongères par la bouche même de son premier magistrat.

    Et pis, elle dévoile au grand jour sa volonté d’utiliser la descendance de l’émigration algérienne comme arme de destruction de l’Etat algérien ! Du côté algérien, un président qui essaie de calmer le jeu et qui louvoie face à un ennemi puissant et féroce, quelques réactions de la part de quelques responsables politiques ou personnalités intellectuelles exaspérés par la férocité des médias et hommes politiques français, mais qui ne restent que des réactions individuelles, isolées et ne relevant aucunement d’un plan global étudié et mis en œuvre pour contrer notre ennemi éternel et traditionnel. Même l’expression  » se regarder en chiens de faïence  » ne peut plus qualifier les relations entre les deux pays car, parmi eux, il y a un chien méchant, féroce et agressif, celui de la France.

    L’Algérie possède chez elle et ailleurs les femmes et les hommes qui peuvent la sortir la tête haute du caniveau dans lequel ses dirigeants et son peuple l’ont enfoncée. Il suffit de leur faire confiance et de les écouter et, surtout, de les associer à la réflexion et à l’élaboration de la décision politique, économique et culturelle.

    Parmi les urgences, il faudra renouer les liens et le dialogue avec la diaspora algérienne, les rétablir avec elle, partout où elle se trouve dans le monde et particulièrement en France, là où elle est la plus nombreuse, et la former, la politiser, lui faire comprendre les enjeux pour former une ligne de front capable de défendre les intérêts de l’Algérie et d’endiguer les manœuvres agressives de ses ennemis à la tête desquels se trouve l’ancien colonisateur.

    Nous sommes loin de l’explication infantile de l’existence d’un lobby pied-noir qui s’opposerait et bloquerait la soi-disant volonté française d’établir des relations saines et amicales avec l’Algérie.

    Mohamed Chouieb*

    *Retraité, ancien cadre technique Sonipec

    Le Quotidien d’Oran, 17/10/2021