Étiquette : limogeage

  • Algérie/ Les « bons mots »: « limogeage », « lynchage », « complot »…

    par Belkacem Ahcene Djaballah

    «Limogeage»: Voilà donc un terme jamais usité par l’Administration et qui se retrouve, au moindre changement, repris en boucle par la presse, donnant ainsi l’impression que la «purge» est devenue la seule médication pour une bonne gouvernance des hommes et des institutions. Le terme est médiatiquement repris et travaillé en surface et en profondeur, en largeur et en longueur, bien souvent avec une délectation presque sadique et perverse, comme si le journaliste ou le metteur en images ou en pages trouve enfin le moyen de se venger du «cadre» qui, peut-être, un certain moment, l’a ignoré, ou ne l’a pas aidé, ou n’a pas tenu compte de son existence, ou a trop bien réussi, ou…

    En général (Général ! voilà un autre mot qui, lui aussi, après un long règne de «Colonel», s’est retrouvé quasi-totalement banni du vocabulaire quotidien tant la connotation péjorative a pris le dessus dans l’esprit de bien de nos concitoyens), le limogeage est accompagné ou suivi d’un «lynchage», ne serait-ce que dans les analyses et les commentaires qui s’escriment à trouver des fautes et des erreurs ou de l’incompétence là où, parfois, elles n’existent pas. Démarche lourde de conséquences sur la vie et le moral de la victime. Mais, aussi, sur celui de l’entourage. Un «limogé-lynché» est, durant une certain temps, si ce n’est un bon bout de temps, «évité» comme la peste, tout particulièrement par ceux qui ont des liens (matériels ou non) avec le «limogeur» (supposé car, comme toujours dans ces cas-là, généralement on ne fait que supputer). Des drames sont même possibles.

    Durant un certain temps, si ce n’est un bon bout de temps, le «limogé-lynché» se retrouve rasant les murs – pour certains, ceux de leur cellule -, gérant presque seul son stress ou sa rancune, en en voulant bien plus à ceux qu’il a (bien ou beaucoup ) servis qu’à ceux qui le «descendent en flammes» pour le simple plaisir de remplir du papier ou du temps d’antenne ou une conversation autour d’un verre ou lors d’une «halqua».

    Il n’y a pas que le limogé qui soit lynché. Il y a, aussi, celui ou celle qui a réussi, celui ou celle qui n’a aucune fil à la patte, celui ou celle qui fait preuve d’autonomie et /ou d’indépendance matérielle ou intellectuelle, celui ou celle qui fait preuve d’initiative et présente des idées originales susceptibles de changer le cours insipide ou improductif des choses de la société (je ne parle pas, ici, des affairistes et autres «chhkaristes» et des «voleurs» déclarés qui, pour leur part, savent y faire).

    Des exemples à foison :

    – Par le passé, R. Boudjedra a été une cible favorite. Il y eut Kateb Yacine, Ouettar en leur temps et Zaoui. Toujours ou presque dans des moments de succès. On a même eu Assia Djebar et Mohamed Dib et Arkoun. On a eu Sansal et Khadra. On a même eu Khaled et Mami au tout début du raï et des succès rencontrés à l’étranger. On a, depuis peu, Daoud Kamel et Djabelkheir.

    – Durant les moments de réformes profondes pouvant toucher les intérêts égoïstes et immédiats d’individus ou de groupes, on a eu Lacheraf, avant-hier, Benghebrit hier

    – En économie, on a eu d’abord Zeggar accusé d’être un «parapluie», puis Rebrab, accusé de tous les maux capitalistes.

    – En politique, on a eu S. Sadi, le «laïc», puis les Boutef’ and Co, les «maîtres du moment», accusés de «monarchisme déguisé» et d’autres et d’autres. On a eu les communistes et les arabo-bâathistes, les arabistes, les berbéristes, les évangélistes. Que des «istes».

    A tort ou à raison, là n’est pas le propos. Le drame, c’est la forme et la virulence des attaques, c’est la fausse information et l’information détournée, c’est l’information frisant parfois l’insulte et la diffamation. Avec des accusations de toutes sortes, pour certaines aussi débiles ou injustes les unes que les autres, avec une politisation ou une idéologisation à outrance et, surtout, avec une tendance lourde à inscrire toute action originale ou novatrice dans de vastes «complots ourdis» quelque part. Par les «ennemis de l’intérieur» manipulés par le néocolonialisme et l’impérialisme. Par les «ennemis de l’extérieur» manipulés par… Ces derniers sont nombreux, allant du capitalisme prédateur au sionisme en passant par le francophilisme, l’islamophobisme, l’arabophobisme. Dernier argument-choc, «les phrases qui veulent tuer» : c’est l’«irrespect de la souveraineté nationale», des «constantes de la personnalité nationale» ou pire encore, la «traîtrise à la nation». Les dernières en date : l’«atteinte aux préceptes de l’Islam et au Prophète», «l’offense et le dénigrement du dogme».

    Le drame, c’est la «couverture» du discours politique sérieux et de l’information générale qui, sous couvert d’objectivité, fait (veut faire) «passer» toutes les pilules auprès d’opinions publiques pour la plupart frustrées et rancunières quelque part, en tout cas toujours s’estimant lésées dans leurs «droits». Il est vrai qu’elles ont été bien «éduquées» (déformées ? formatées ?) par les discours officiels populistes, égalitaristes, dialoguistes et (ré-) conciliateurs. Et, c’est se bercer d’illusions que de croire que «la société s’engage dès que l’on explique, avance dans la transparence et donne toutes les données nécessaires». D’abord, le processus de la communication politique n’est pas celui que l’on croit ni même celui que l’on a appris dans les livres. Il a grandement évolué et change sans cesse. Aussi vite que les Tic. Ensuite, il y a trop d’habitudes aux pratiques, trop de réflexes conservateurs et trop de «fragilité» politique des pouvoirs de décision, face aux pressions médiatiques et/ou publiques, même les plus farfelues !

    Seuls rayons de soleil dans ce paysage communicationnel maussade, pessimiste et déprimant, le discours informatif volontairement polémique et franchement critique des chroniqueurs, des caricaturistes et des humoristes. Il a l’avantage d’annoncer, à l’avance, la couleur, et ses prouesses dans la dérision font rire (parfois bien jaune) les «victimes» elles-mêmes. Il est vrai qu’elles gagnent (les moins crapules encore que, chez nous, les «gangsters» sont souvent adulés bien plus que les honnêtes investisseurs et gestionnaires, il n’y a qu’à voir une récente publicité – au sein d’une campagne assez débile, pour débiles – d’un opérateur téléphonique faisant «poser» le «Boss» de la série «Takious et Makious») en notoriété. Hélas, le rire et l’humour politique ne sont pas acceptés par tous, surtout par ceux qui, lugubres impénitents, pensent bien plus à la mort qu’à la vie, au passé bien plus qu’à l’avenir, à eux-mêmes bien plus qu’à leur descendance, à leur «clan» bien plus qu’à leur pays, et surtout à la «chkara».

    Le Quotidien d’Oran, 08 mai 2021

    Etiquettes : Algérie, limogeage, lynchage, complot, corruption, malversation, gabégie,

  • Algérie : Le mouvement dans l’immobilisme

    par El-Houari Dilmi


    A rebours des lois de la physique, «c’est le mouvement qui crée l’immobilisme en Algérie» avait un jour commenté un ancien haut cadre de l’Etat, la veille d’un remaniement ministériel.

    Nombre de wilayas sont laissées sans responsables à la tête des directions de wilaya relevant de plusieurs départements ministériels. L’action de l’Etat, dans ses démembrements locaux, se trouve ainsi paralysée. Une situation si pénalisante que même les employés ne perçoivent pas leurs salaires à cause d’un directeur muté ou limogé. Cette valse des responsables, que ce soit au niveau local ou central, a pour effet mécanique de provoquer une paralysie de l’activité de plusieurs secteurs en lien direct avec la vie quotidienne du citoyen. Même les walis de la République, qui guettent le prochain mouvement, sont comme des commis chargés d’expédier les affaires les plus urgentes sans vraiment prendre en charge les préoccupations de leurs administrés, tant ils ont du mal à se projeter dans le futur proche parce que assis sur un siège éjectable. D’autres hauts cadres de l’Etat rechignent même à signer un simple document de peur de se voir traîner devant les prétoires.

    Inscrit dans les «gènes politiques» du pays, l’on a pendant longtemps cassé du cadre pour plaire au maître du moment. Le recours excessif aux valses-hésitations a durant longtemps valu aux autorités cette propension à vouloir favoriser les cadres dits «disciplinés» au détriment de ceux jugés moins «lisses» et, donc, mis de facto sur la voie de garage. Si le changement a quelque chose de bon, trop de changement tue le changement. Lutter contre l’usure du temps et l’influence sournoise du milieu dans lequel évolue le commis de l’Etat a certes un côté positif, mais l’Algérie a cette «faculté» unique de créer le mouvement pour générer de l’immobilisme. L’occasion peut-être de s’interroger à juste titre si le changement ou la permutation des hommes signifie pour autant la rupture avec des modes de pensée et de gestion qui ont causé tant de mal au pays et la fin des pratiques d’un passé irréversiblement révolu.

    Le Quotidien d’Oran, 25 mars 2021

    Tags : Algérie, changement, remaniement, limogeage, administration, cadres,