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  • Guerre diplomatique entre l’Algérie et le Maroc

    Guerre diplomatique entre l’Algérie et le Maroc

    Algérie, Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, Israël, Normalisation, Etats-Unis, Donald Trump,

    La grave crise entre l’Algérie et le Maroc au sujet du Sahara occidental s’est transformée en une guerre d’usure diplomatique qui dépasse la région et fait craindre une déflagration faute d’issue en vue, selon des analystes.

    Enhardi par la reconnaissance par l’administration de Donald Trump fin 2020 de sa souveraineté sur ce territoire disputé en contrepartie d’un rapprochement avec Israël, le Maroc déploie depuis une diplomatie de plus en plus offensive pour rallier d’autres pays à ses positions.

    Le roi Mohammed VI a averti en août qu’un tel soutien ne devait « prêter à aucune équivoque », affirmant que le dossier du Sahara était « le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international ». En face, le grand rival algérien continue d’afficher son soutien indéfectible aux indépendantistes sahraouis du front Polisario.

    Alger met aussi à profit son statut d’exportateur gazier choyé par l’Europe cherchant à compenser le gaz russe pour marquer des points dans son duel diplomatique à distance avec Rabat, avec lequel il a rompu les relations en août 2021.

    « Nous assistons à une guerre diplomatique dans laquelle les deux parties usent de tous les moyens sans aller jusqu’à un conflit ouvert », estime Riccardo Fabiani, spécialiste de l’Afrique du nord à l’International Crisis Group (ICG).

    Le dernier épisode de cet affrontement diplomatique a eu lieu fin août lorsque le Maroc a rappelé pour consultations son ambassadeur en Tunisie après que le président Kais Saied a reçu le chef du Polisario, Brahim Ghali, à l’occasion d’un sommet économique Japon-Afrique.

    Cet incident montre que « le conflit au Sahara occidental commence à avoir des répercussions en dehors du cadre bilatéral Maroc-Algérie », souligne Ricardo Fabiani. « Le Maroc va désormais considérer la Tunisie comme faisant partie du camp pro-algérien ».

    L’hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne en avril 2021 avait provoqué une grave crise entre Madrid et Rabat, culminant avec l’entrée le mois suivant de plus de 10 000 migrants en 24 heures dans l’enclave espagnole de Ceuta, à la faveur d’un relâchement des contrôles frontaliers côté marocain.

    Madrid a mis fin à cette crise en s’alignant en mars sur le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole contrôlée à 80% par Rabat. Le Polisario réclame un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU.

    En réaction au revirement de Madrid, l’Algérie a suspendu sa coopération avec l’Espagne, rappelé son ambassadeur et évoqué une hausse des prix du gaz algérien livré à l’Espagne.

    Un cessez-le-feu au Sahara occidental en vigueur depuis 1991 avait volé en éclats en novembre 2020 après le déploiement de troupes marocaines à l’extrême sud du territoire pour déloger des indépendantistes qui bloquaient la route, selon eux ouverte illégalement, vers la Mauritanie.

    La tension est encore montée en novembre 2021 après que l’Algérie a fait état d’un bombardement marocain qui a causé la mort de trois camionneurs algériens en territoire sahraoui.

    Pour Ricardo Fabiani, la reconnaissance par Donald Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara en contrepartie d’une normalisation avec Israël, au grand dam d’Alger, a « réactivé un conflit qui était gelé pendant longtemps à la faveur d’une sorte de pax americana ».

    Situé sur la côte Atlantique, le Sahara occidental (266 000 km2) est riche en phosphates et doté d’un littoral très poissonneux de plus de 1 000 km. « Pendant la décennie écoulée, le Maroc a musclé sa diplomatie, notamment en Afrique et envers certains pays de l’Union européenne (UE) alors que l’Algérie était à la traîne », décortique Dalia Ghanem, de l’Institut d’études de sécurité de l’UE (IESUE).

    L’Algérie, forte de sa richesse gazière mise en valeur par le conflit en Ukraine, « entend renforcer son rôle dans la région et devenir leader en Afrique », estime-t-elle. « Nous assistons à une tendance inquiétante qui consiste à tout voir dans la région à travers le prisme de la rivalité algéro-marocaine », note Anthony Dworkin, du Conseil européen pour les relations internationales. « C’est un moment délicat et dangereux ».

    L’émissaire de l’ONU pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura, a effectué ce weekend une nouvelle visite dans la région sans le moindre signe d’une possible reprise du dialogue en suspens depuis plusieurs années.

    « Le risque d’un conflit militaire est faible car aucune des deux parties ne le souhaite. Mais cela ne doit pas être sous-estimé, il suffit d’un incident frontalier et d’un mauvais calcul », met en garde Ricardo Fabiani, l’expert de l’ICG.

    Africanews, 06/09/2022

    #Algérie #Maroc #Sahara_Occidental #Tunisie #Israël #Normalisation

  • Au Maroc, le drapeau israélien brûlé lors d’une manifestation

    Au Maroc, le drapeau israélien brûlé lors d’une manifestation

    Maroc, Israël, normalisation, David Govrin, harcèlement sexuel,

    Une enquête porterait sur des irrégularités financières et sur des abus sexuels à la mission israélienne ; environ 100 manifestants ont dénoncé la normalisation entre les deux pays

    Des dizaines de manifestants ont protesté vendredi contre la normalisation des liens entre le Maroc et Israël devant le Parlement marocain et après le rappel, par l’État juif, de son envoyé à Rabat dans le cadre d’une enquête portant sur des irrégularités financières et des abus sexuels qui auraient été commis au sein de la mission israélienne, qui n’a que récemment rouvert ses portes.

    Environ cent personnes ont scandé des slogans contre le rapprochement qui a eu lieu entre le Maroc et Israël, critiquant le chargé d’affaires israélien David Govrin et le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita.

    « Aujourd’hui, nous nous trouvons devant le parlement pour dénoncer les actes affreux » qui auraient été commis par Govrin, a commenté Amine Abdelhamid, un activiste pro-palestinien opposé à la normalisation entre les deux pays.

    « La dignité du Maroc n’est pas à vendre, la normalisation doit cesser », a-t-il ajouté.

    Un drapeau israélien a été brûlé au cours de cette manifestation.

    L’inspecteur-général du ministère des Affaires étrangères, Hagav Behar, avait été envoyé en toute hâte au Maroc, la semaine dernière, après des accusations lancées contre le chef de la mission, Govrin, concernant des plaintes graves sur le fonctionnement du bureau qui a rouvert l’année dernière.

    « Un haut responsable israélien » de la mission aurait ainsi abusé sexuellement de plusieurs femmes – des faits qui sont susceptibles d’entraîner un incident diplomatique grave avec le Maroc.

    Il y a eu aussi des plaintes concernant des actes de harcèlement sexuel dans la mission.

    Le ministère a également ouvert une enquête sur de multiples problèmes financiers et administratifs, avec notamment la disparition d’un cadeau de grande valeur qui avait été offert par le roi du Maroc à l’occasion de la Journée israélienne de l’Indépendance.

    De tels cadeaux sont enregistrés avec soin et envoyés au gouvernement, mais cet objet précieux semble avoir disparu et il ne figure dans aucun registre.

    Des investigations ont également été lancées contre un homme d’affaires local et l’un des responsables de la communauté juive, Samy Cohen, un ami de Govrin, qui aurait été impliqué dans l’accueil de plusieurs ministres israéliens. Il aurait été à l’origine de rencontres entre ces derniers et des officiels locaux même si lui-même n’est aucunement affilié à la mission.

    L’équipe enquêterait aussi sur un conflit présumé qui opposerait Govrin et le responsable de la sécurité de la mission.

    La décision de rappeler Govrin a été prise par le directeur-général du ministère des Affaires étrangères, Alon Ushpiz, suite à une enquête initiale qui a été menée par une haute-délégation israélienne arrivée au Maroc, lundi, pour recueillir les déclarations du personnel.

    Selon un article paru sur le site d’information Ynet, il y avait un sentiment général de chaos au ministère, mardi – et le site a cité des responsables de ce dernier disant que « tout le monde s’agresse mutuellement ».

    L’article n’a pas fourni les détails de l’enquête mais il a précisé que quelques plaintes avaient été déposées par d’anciens employés de la mission israélienne à Rabat qui avaient été renvoyés par Govrin à différentes occasions.

    Les détails de l’enquête, dont l’existence a tout d’abord été signalée lundi par la chaîne publique Kan, ont été confirmés à Zman Yisrael, le site en hébreu du Times of Israel, par le ministère.

    Pour sa part, Govrin est actuellement au sein de l’État juif et il est impliqué dans l’enquête en cours, a noté une source diplomatique.

    Il n’y a eu aucune réaction du côté des autorités marocaines.

    Le Maroc est devenu le troisième État arabe à normaliser ses liens avec l’État juif dans le cadre des accords signés en 2020 sous l’égide des États-Unis, rejoignant les Émirats arabes unis et Bahreïn.

    Le bureau de liaison israélien à Rabat était fermé depuis la fin des années 2000, quand le Maroc avait décidé de mettre un terme aux relations de bas niveau qui existaient entre les deux pays lorsque la Seconde intifada avait éclaté. Même si les bureaux de liaison des deux nations avaient été fermés il y a environ 20 ans, tout était resté dans l’état dans les missions, ce qui aura permis à Jérusalem et à Rabat de les rouvrir rapidement.

    Le Maroc et Israël avaient initialement prévu d’ouvrir des bureaux de liaison dans leurs pays respectifs mais ils envisagent d’ouvrir de pleines ambassades à l’avenir.

    Il y a eu, ces derniers mois, une série de visites de haut-rang de la part des officiels israéliens au Maroc et les deux pays ont signé des accords économiques, culturels et dans le secteur de la Défense.

    Govrin, 58 ans, est considéré comme un diplomate expérimenté et il travaille au service du ministère des Affaires étrangères depuis 1989. Il parle couramment l’arabe et il a été ambassadeur en Égypte de 2016 jusqu’au mois d’août 2020.

    The Times of Israel, 11/09/2022

    #Maroc #Israël #Normalisation #David_Govrin

  • Maroc: Un activiste convoqué par la police pour une publication

    Maroc: Un activiste convoqué par la police pour une publication

    Maroc, Israël, normalisation, Hassan Bennajeh,

    L’activiste marocain a accusé les autorités « d’utiliser de telles affaires contre des militants et des blogueurs pour restreindre la liberté d’opinion ».

    L’activiste marocain et leader politique islamiste Hassan Bennajeh aurait été convoqué pour une publication en ligne anti-normalisation, a-t-il annoncé lundi.

    « J’ai reçu une convocation de la police judiciaire à Rabat jeudi dernier, et en conséquence je suis venu ce matin à son siège, et j’ai constaté que l’affaire était liée à une plainte du ministère public contre moi en raison d’un article d’opinion que j’ai écrit en mai dernier sur à l’occasion du martyre de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh et sur la normalisation », a écrit lundi Bennajeh dans un post sur Facebook.

    Le message en question a été publié en mai dernier sur le précédent compte Facebook de Bennajeh, qui aurait été supprimé pour ses messages anti-israéliens.

    Certains médias marocains ont déclaré que le message de Bennajeh disait : « Ils [les responsables israéliens] ont tué Shireen dans les terres occupées là-bas et reçoivent un accueil en héros dans les terres occupées ici [Maroc]. Ciblage, ciblage. Que Dieu ait pitié de vous. La normalisation est un trahison. »

    L’utilisation des mots « ciblage » dans le dialecte marocain ( teniash ) pourrait être utilisé dans différents contextes l’un d’eux est « tirer »

    Bennajeh, qui est membre du secrétariat général du mouvement Al Adl Wal Ihsan, un mouvement islamiste interdit par les autorités marocaines, a déclaré que son message « a été interprété différemment de mon intention, (…) le contexte prouve mon intention et réfute toute autre dénaturation interprétation, que j’ai expliquée dans le procès-verbal. »

    L’activiste a accusé les autorités marocaines « d’utiliser de telles affaires contre des activistes et des blogueurs pour restreindre la liberté d’opinion ».

    La solidarité avec l’activiste islamiste a afflué de différentes factions politiques, à savoir le mouvement marocain contre la normalisation, l’un des seuls groupes qui rassemblent conservateurs et progressistes au Maroc.

    « Nous condamnons la politique de normalisation du régime marocain, qui a traversé toutes les frontières, dans la mesure où la solidarité avec les martyrs palestiniens, dénoncer les crimes de l’entité sioniste et s’opposer à la normalisation avec elle est devenu un crime dans notre pays », écrit le mouvement.

    Le Maroc et Israël ont normalisé leurs relations sous les auspices des États-Unis. L’accord a également accordé au Maroc la souveraineté des États-Unis de Rabat sur le territoire contesté du Sahara occidental.

    L’accord a été qualifié de mouvement national pour gagner le différend de longue date sur le Sahara occidental, qui est collectivement considéré comme une cause nationale soutenue par toutes les factions politiques marocaines.

    Cependant, certains mouvements marocains, à savoir Al-Adl Wa Lihssan, ont refusé d’approuver l’accord, arguant que les causes nationales ne peuvent être résolues en raccommodant les liens avec un État d’apartheid.

    Les récentes allégations d’agressions sexuelles et d’exploitation de femmes marocaines travaillant au bureau israélien de Rabat ont suscité la colère contre la présence de responsables de Tel-Aviv dans le Royaume.

    The New Arab, 07/09/2022

    #Maroc #Hassan_Bennajeh #Israël #Normalisation

  • Tunisie-Maroc : Dilemme diplomatique

    Tunisie-Maroc : Dilemme diplomatique

    Tunisie, Maroc, Algérie, Sahara Occidental, TICAD 8, Israël, normalisation,

    Faouzi Bouzaiene

    De mémoire d’homme, jamais il n’y a eu une telle tension entre la Tunisie et le Maroc. Les deux pays respectant, chacun de son côté, la souveraineté de l’autre.

    Ceci dit, que le Maroc prenne mal que Brahim Ghali soit accueilli à l’aéroport peut se comprendre, ce qui ne l’est pas, c’est la réaction plus que disproportionnée qui en a résulté et qui relève plus de l’ingérence dans les affaires internes de notre pays qui reste souverain et en droit de recevoir qui il veut sur son territoire.

    En fait, la réaction marocaine a dévoilé que la crise couvait depuis longtemps et l’incident diplomatique provoqué à l’occasion de la TICAD 8 n’aura été que l’étincelle pour allumer la mèche.

    Disons-le d’emblée, le Roi du Maroc a le vent en poupe depuis qu’il a consolidé les relations de son pays avec l’entité sioniste dans tous les domaines, y compris militaire. Et partant, avec l’Occident, en tête les Etats-Unis d’Amérique. Donc, il décide et impose ses choix. En interne, cela ne concerne que les Marocains. Hors des frontières marocaines, il y a, forcément, problèmes. Tous les pays n’ont pas les mêmes intérêts que lui, ni les mêmes objectifs, sans pour autant être hostiles ou inamicaux. Cependant, pour le souverain marocain, cette règle ne s’applique pas au dossier du Sahara occidental, qu’il considère désormais clos et pour lequel il appelle et exhorte tous les pays à trancher entre lui et les séparatistes sahraouis en affichant une position claire « sans équivoque ».

    Il s’agit de soutenir sa vision pour le Sahara occidental, c’est-à-dire un territoire autonome sous souveraineté marocaine contre celle des séparatistes du Front Polisario (soutenus par l’Algérie) qui réclament un référendum d’autodétermination. Le roi du Maroc a multiplié les initiatives pour mobiliser le maximum de reconnaissance à l’échelle mondiale autour de sa vision depuis que l’ancien président des Etats-Unis a reconnu « la marocanité » de ce territoire en échange de la normalisation du royaume avec l’entité sioniste dans le cadre des Accords d’Abraham (décembre 2020), un processus soutenu par Washington. Le Maroc est un pays souverain, ses décisions sont souveraines, la Tunisie n’a exprimé ni son avis, ni fait des commentaires, ni sur cette affaire, ni sur les Accords d’Abraham, sachant que la Tunisie se réserve le droit d’être pour ou contre la normalisation sans avoir à donner des justifications pour qui que ce soit. D’autant que cette normalisation s’est faite avec une entité ennemie qui avait bombardé la Tunisie en 1985 (Hammam Chott). Notre pays a respecté la souveraineté de ce pays ami et son droit de nouer des relations avec qui il veut en n’émettant aucune réserve. Il n’a pas non plus rappelé son ambassadeur.

    Idem pour le Sahara occidental que l’ONU considère comme un territoire « non autonome », et n’ayant jamais reconnu « la marocanité » de ce territoire contrôlé à 80% par le Maroc. En octobre 2021, le Conseil de sécurité des Nations unies avait prorogé d’un an le mandat de sa Mission pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. La résolution 2602 (2021) avait été adoptée par 13 voix, zéro contre, 2 abstentions (la Tunisie et la Russie). Le renouvellement du mandat n’a donc pas fait l’objet de consensus et a suscité des critiques. La résolution réitère « la nécessité de parvenir à une solution politique réaliste, pragmatique et durable » qui repose sur le compromis. Le Conseil indique, en outre, appuyer pleinement les efforts du Secrétaire général des NU et de son envoyé spécial « pour faciliter les négociations afin de parvenir à un règlement de la question du Sahara occidental ». La Tunisie s’est abstenue de voter. C’est clair. Le mobile peut être le choix de la neutralité ou le soutien à des négociations qui conduiraient à une solution acceptable par toutes les parties. C’est cette dernière voie qui semble être celle retenue par Kaïs Saïed et qui a été indiquée dans le communiqué du ministère des Affaires étrangères en réponse à celui du royaume du Maroc.

    Faut-il souligner ici que de Bourguiba à Béji Caïd Essebsi en passant par Ben Ali, l’affaire du Sahara occidental est presque un sujet tabou dont on évite de parler et la diplomatie tunisienne a toujours su, voire réussi, à ménager Algériens et Marocains à travers l’adoption d’une politique de neutralité prudente que les défunts grand père et père de Mohammed VI respectaient.

    Un nouveau Conseil de sécurité devrait toutefois, se pencher à nouveau sur la question en octobre prochain (2022), et la Tunisie aura ainsi tout le temps de réfléchir et de peser le pour et le contre de la position la plus adéquate à adopter, celle qui tienne compte de ses intérêts d’abord.

    Mohammed VI a sans doute ses raisons pour chercher à gagner du temps, mais ses desiderata ne sont en aucune manière des ordres, sauf pour ses sujets. Le Roi du Maroc ne se soucie que de ses propres intérêts et ne fait preuve d’aucune compréhension pour les intérêts et les contraintes des autres pays. En déclarant dans son discours de la fête de la Révolution du Roi et du Peuple (20 août 2022) que « le dossier du Sahara occidental est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international… » et que « c’est… l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats… », Mohammed VI fait tout simplement du chantage, autant à ses amis qu’aux autres, les neutres et les contre. Le chantage, personne n’aime cela et bien souvent il suscite des réactions non spontanées.

    Quant à l’incident diplomatique, il résulte d’une réaction démesurée des dirigeants marocains contre un geste de Kaïs Saïed, que l’on peut interpréter différemment selon que l’on se range derrière le Maroc ou en face, dans cette affaire du Sahara occidental. Kaïs Saïed était peut-être de bonne foi puisque Brahim Ghali était dans le même avion que le président du Burundi et a ainsi bénéficié du même accueil réservé à un chef d’Etat. Son geste peut être aussi considéré comme un faux pas diplomatique dont la responsabilité est à chercher ailleurs.

    Ceci dit, la campagne au ras du caniveau menée par certains médias marocains contre la Tunisie et le président de la République tunisienne ne mérite même pas de contre-campagne. Les mouches à m…, il faut les éviter pour ne pas être infectés.

    Maintenant, faut-il regretter cet incident diplomatique ? Sans doute. Comme on regrette la mort clinique d’un Maghreb arabe qui a tout pour être une région unie, prospère, où il fait bon vivre. Cela restera un rêve désormais inaccessible dès lors que l’entité sioniste y a posé le pied, sans doute pas pour apporter la paix et la prospérité.

    Quant au Maroc, il pourrait préserver certaines amitiés de proximité s’il cessait de voir l’Algérie dans la Tunisie et vice-versa. L’Algérie et la Tunisie sont deux pays indépendants et souverains et leurs deux peuples tiennent à le rester.

    Réalités online, 03/09/2022

    #Tunisie #Maroc #Algérie #Sahara_Occidental #Israël #Normalisation

  • Panique au Maroc

    Panique au Maroc

    Maroc, Sahara Occidental, Algérie, Occident, Israël, normalisation,

    par Rabah Toubal*

    Profitant de l’offensive entreprise par l’administration Trump, dans le cadre de son «plan Abraham» lancé, il y a quelques années, en direction des pays arabes pour normaliser leurs relations diplomatiques avec Israël, en contrepartie de promesses économiques et financières vaporeuses, le roi Mohammed 6 avait obtenu contre la sienne, le soutien officiel par les Etats-Unis d’Amérique et Tel-Aviv aux thèses de la «marocanité du Sahara Occidental, développée par le Maroc.

    Sous la pression conjointe de Washington et de Tel-Aviv, l’Espagne a emboîté le pas à ces deux pays pour entériner cette option.

    Par ailleurs, toutes sortes d’influences sont actuellement exercées sur le SG de l’ONU, le Portugais M. Antonio Guterres, pour apporter la bénédiction de cette organisation internationale à ce plan dont le modus operandi et l’évolution ont été complètement remis en question après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, en mars 2022, que l’Occident et son bras armé l’OTAN n’ont rien fait pour l’éviter. Bien au contraire !

    Ils sont co-responsables de ses conséquences désastreuses sur l’équilibre géostratégique du monde et la paix et la sécurité internationale car leur alignement diplomatique sur les provocations répétées et les positions extrémistes du gouvernement ukrainien et leur assistance militaire massive font peur à la majorité des pays des cinq continents, qui désapprouvent cette montée dangereuse d’arrogance et de mépris de l’Occident, sous la houlette d’une Amérique guerrière, en mal de conquêtes.

    C’est cette évolution imprévue de la situation mondiale et la guerre froide subséquente, notamment contre la Russie et la Chine principalement visées par les pays occidentaux, en plus de la détérioration visible à l’œil nu, de l’état de santé du monarque Mohammed 6 et les risques certains de plonger le royaume dans une crise politique, économique et sociale, qui l’ont poussé à pratiquement sommer, samedi 20 août 2022, dans le discours prononcé à l’occasion de la «fête de la Révolution du roi et du peuple», «certains pays, qui comptent parmi nos partenaires traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l’affaire du Sahara sont ambiguës à clarifier et à revoir le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque».

    Le long discours, prononcé à l’occasion de la fête du trône, le 31 juillet 2022, dans lequel le roi Mohammed 6 cherche à vendre à notre pays le fait accompli de ses thèses et les récentes déclarations enflammées contre notre pays du président de l’Association des oulémas musulmans, le cheikh Ahmed Raïssouni, certainement effectuées avec le feu vert du palais royal, qui demande aux oulémas marocains «à marcher sur Tindouf pour la libérer», procèdent également de cette logique d’une peur certaine de l’avenir et donc de clore le plus tôt possible ce dossier.

    Les uns après les autres, les BRICS et même les pays du G20 et la majorité des pays sont de plus en plus excédés par les agissements néo-coloniaux et néo-impérialistes des pays occidentaux, dont le soutien inconditionnel aux régimes ukrainien et taïwanais, entre autres, et des initiatives comme celles de «Jérusalem capitale de l’Etat hébreux» ou celle relative à la «marocanité du Sahara Occidental», qui incarnent les abus démentiels de l’Occident, dont les valeurs politiques, sociales et morales sont de plus en plus contestées en son sein et ailleurs dans le monde.

    En tout état de cause, le camp des pays, qui comme le nôtre, ont résisté à ces aberrations, ne fera que s’élargir et se renforcer pour tempérer les ardeurs malsaines, cupides et obstinées d’un Occident malade, plus que jamais violent et dangereux, qui ne ménage aujourd’hui ni individus ni peuples.

    En conclusion, pour paraphraser les célèbres paroles d’un diplomate et homme politique algérien, M. Réda Malek, en l’occurrence, un des grands négociateurs des Accords d’Evian, je dirai : «Le doute est en train de changer de camp».

    Les idéaux et principes respectés finiront par triompher un jour ou l’autre, et l’Algérie, fidèle aux valeurs universelles de sa glorieuse révolution du 1er novembre 1954, n’a jamais cessé de soutenir les causes justes.

    *Diplomate à la retraite et écrivain

    #Maroc #Algérie #Sahara_Occidental

  • Maroc : La triste fin d’un monarque

    Maroc : La triste fin d’un monarque

    Maroc, Union Européenne, France, Occident, Mohammed VI, diplomatie, Israël, normalisation,

    Au bord de la rupture diplomatique avec la Tunisie, en froid avec l’Union européenne et très énervé contre la France et l’Italie, le Royaume marocain ne sait plus où donner de la tête. Cet isolement diplomatique aggrave une situation interne au bord de l’explosion, aux plans social, politique et économique.

    L’actualité de ces derniers jours démasque un régime aux abois et sans aucune ressource pour rebondir. Avec un roi malade qui ne gouverne plus, une armée trop muette face au déferlement humiliant d’Israël et une répression systématique de toute expression démocratique, le Makhzen court à sa perte et risque de perdre le seul lien avec le peuple marocain, autour de la prétendue marocanité du Sahara occidental.

    Les derniers événements démontrent en réalité que Rabat a été dénudé par la communauté internationale. Son activisme, jusqu’à il y a quelques semaines « débordants » sur la scène régionale depuis la normalisation des relations avec l’entité sioniste pour faire oublier le régime de l’Apartheid dans les territoire occupés du Sahara occidental, est tombé au niveau zéro. Le Makhzen en arrive à annuler une rencontre avec le responsable des Affaires étrangères à l’Union européenne et lâché ses relais, dans une tentative de noircir l’image de la France, dont le président a conclu une visite réussie en Algérie. Autant dire que les gesticulations du Palais royal, dans une tentative désespérée de maintenir le couvercle démocratique, auront eu un effet contraire.

    La stratégie du chantage et du mensonge éhonté adopté par le Maroc en guise d’actions diplomatiques a été un énorme ratage. Mohamed VI apprend à ses dépends que les relations internationales ne se règlent pas par des méthodes mafieuses. La diplomatie est un métier noble, dont le chef de la diplomatie marocaine en ignore les règles et les us. L’erreur du Makhzen a consisté à vouloir vendre aux grandes puissances quelques illusions passagères, sachant que les grands de ce monde n’ont rien à faire des histoires de droits de l’homme tant que leurs intérêts sont saufs dans une région du monde. Mais le roi a oublié que ces intérêts-là peuvent évoluer et prendre en considération des aspects plus stratégiques que de simples calculs immédiats.

    Il semble donc que l’erreur du Maroc a été de compter exclusivement sur la normalisation avec Israël comme l’axe central de son action, au point d’être totalement isolé au plan africain et méditerranéen. Mohamed VI, comme son père Hassan II, s’est cru plus proche des occidentaux que des «indigènes» d’Afrique et d’ailleurs. Son comportement, depuis son accession au pouvoir, donnait la nette impression d’une volonté de se dissocier de ses racines pour s’offrir à l’Occident. Pour se faire, il n’a pas hésité à faire concession sur concession, jusqu’à en perdre son identité. Il a oublié que les occidentaux n’ont que faire des largesses royales. Ils ont des desseins eux. Et force est de constater que le moment de voir ailleurs est arrivé pour eux. Mohamed VI, c’est déjà du passé.

    Par Nabil G.

    Source

    #Maroc #Mohammed_VI #Occident #Diplomatie

  • Maroc : Le joint du Makhzen est grillé

    Maroc : Le joint du Makhzen est grillé

    Maroc, crise socio-économique, Israël, normalisation, Ghaza, Palestine,

    A bout de souffle, le Makhzen ne sait plus sur quel pied danser. Empêtrée jusqu’au cou dans une crise socioéconomique sans précédent, la monarchie multiplie les faux-fuyants et la fuite en avant dans l’espoir de trouver la parade pour calmer la rue, échaudée, celle dernière, notamment depuis la normalisation avec l’entité sioniste.

    La précipitation de l’Etat à Rabat à se mettre sous l’aile de ses protecteurs sionistes illustre parfaitement le délitement qui désagrège ses structures. Sinon que dire des responsables marocains paradant avec officiers de l’armée bourreau sioniste, au moment même où des centaines de civils palestiniens, dont plusieurs enfants, croulaient à Ghaza sous les bombes ? Que dire aussi de la réaction honteuse du ministre marocain des Affaires étrangères, mettant sur le même pied d’égalité les résistants palestiniens et les criminels sionistes, si ce n’est les signes d’une fin inéluctable d’un royaume rongé par tant de compromissions.

    Jamais, depuis des décennies, ce régime n’a été aussi vulnérable, au point que ses fondements menacent de vaciller à tout moment sous les coups de boutoir de la protestation populaire qui écume les grandes villes. Aujourd’hui plus qu’hier, le peuple marocain semble déterminé à poursuivre la contestation jusqu’à lui porter l’estocade. Le contexte s’y prête opportunément. Intra-muros, la misère se répand de façon inquiétante et gagne même certaines couches sociales qui s y étaient, jusque-là, prémunies. Les corolaires politico-économiques (gaz, blé…) de la crise ukrainienne ne finissent pas, à leur tour, d’enfoncer le système en place. Des médias locaux ont tiré, mercredi dernier, la sonnette d’alarme, en précisant que le Maroc sera confronté à une grave crise alimentaire dans les prochains mois, en raison d’une récolte céréalière jugée catastrophique et des difficultés d’approvisionnement sur le marché international, ont alerté mercredi des médias locaux. La FAO assure, de son côté, que les besoins d’importations du royaume devront encore augmenter pour 2022-2023. L’économie marocaine bat de l’aile et les clignotants sont au rouge. Des organismes locaux se sont inquiétés récemment des indicateurs relevant une hausse du déficit budgétaire et commercial du pays à plus d’un milliard de dollars et 4,75 milliards de dollars respectivement à fin juin dernier.

    La faillite économique n’est pas loin. La cour à Rabat semble désarmée, voire désorientée. A défaut d’un plan d’urgence ad hoc, celle-ci s’enfonce chaque jour davantage dans les abysses d’une fin fatale.

    Amine Goutali

    Horizons, 13 Août 2022

    #Maroc #Crise_économique #Crise_sociale #Inflation #Pénurie

  • Les peuples exigeront des comptes

    Les peuples exigeront des comptes

    Ghaza, Palestine, Israël, Maroc, normalisation, Cisjordanie,

    Deux jours après les raids meurtriers sur Ghaza qui ont fait 47 morts, dont 16 enfants,l’armée israélienne a mené une autre opération en Cisjordanie tuant trois Palestiniens et faisant plus de 60 blessés parmi les civils. Les sionistes se permettent ainsi tous les dépassements contre les Palestiniens, tuant sans distinction et spoliant les terres palestiniennes où sont édifiées de nouvelles colonies juives, alors que les prisons ne désemplissent pas et souvent sans aucun jugement.

    L’impunité dont jouit l’entité sioniste ne semble désormais avoir aucune limite. Toutes les lignes rouges ont été dépassées face au silence assourdissant de la fameuse communauté internationale. C’est même plus qu’un silence mais une complicité tacite qui ne dit pas son nom. Pour preuve la dernière réunion du Conseil de sécurité de l’ONU n’a accouché sur rien de tangible. Car comme à chaque fois qu’il s’agit des brutalité de l’entité sioniste, rien de concret ne sort de ces réunions qui sont plus faits pour la forme que pour un vrai travail permettant de changer les choses.

    La Palestine et les Palestiniens sont tout simplement livrés à eux-mêmes, et il est clair qu’Israël ne sera jamais inquiété de quelque manière que ce soit. Mais comment peut -il en être autrement quand les régimes arabes eux-mêmes jouent des coudes et font la course vers la normalisation avec Israël. Ils le font au moment où Israël n’a jamais été aussi agressif envers les Palestiniens. Au moment où les sionistes clament haut et fort qu’ils ne céderont rien aux Palestiniens et qu’ils n’accepteront jamais la solution à deux États, ni ne reconnaîtront les frontières d’avant juin 1967.

    Et en celà, ils sont grandement encouragés et appuyés par la capitulation de capitales arabes à l’image de Rabat où le régime du Makhzen a fait clairement son choix en appuyant sans contrepartie toutes les thèses sionistes et en livrant et la Palestine et le Maroc aux premiers ennemis de la nation arabe.

    La cause palestinienne connaît sans doute l’une de ses pires périodes. Mais cela n’est pas dû uniquement à la barbarie des sionistes, mais surtout à la lâcheté de ces régimes arabes qui ont monnayé la première cause arabe pour sauver leurs régimes pourris, traîtres et honnis. Ces capitales ont fait le choix de s’allier à Israël et décidé que la Palestine n’est plus leur cause, mais la cause des seuls Palestiniens. Une grave erreur stratégique, car un jour ils devront bien rendre compte à leurs peuples qui ne leur pardonneront jamais leur trahison et leur traîtrise.

    Par Abdelmadjid Blidi

    Ouest Tribune, 13/08/2022

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    #Palestine #Ghaza #Cisjordanie #Israël #Maroc #Normalisation

  • La nouvelle constitution tunisienne cimente l’autocratie

    La nouvelle constitution tunisienne cimente l’autocratie

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    As`ad AbuKhalil dit qu’une véritable démocratie arabe limiterait l’influence américaine et criminaliserait la normalisation avec Israël.

    Par As`ad AbuKhalil

    Le président tunisien conçoit sa propre république selon ses propres intérêts et caprices.

    Kais Saied était à peine connu en dehors de la Tunisie avant son élection en 2019 et les Tunisiens ne le connaissaient que comme professeur de constitution qui commentait les questions politiques à la télévision. Il ne parlait pas comme un politicien moyen ; d’une part, il parlait l’arabe classique et d’une manière boisée (il est articulé en arabe mais pas éloquent).

    Il apparaissait comme un honnête homme sans aucun bagage politique et n’était redevable d’aucun intérêt local ou régional. Lorsqu’il s’est présenté aux élections en 2019, son élément de base était sa réponse sévère aux questions sur la normalisation avec Israël. Il était souvent interrogé à ce sujet et parlait de manière rafraîchissante dans un langage brutal peu connu dans une région où les dirigeants ont trop peur d’offenser les États-Unis et le lobby israélien.

    La réponse de Saied sur la normalisation a été un succès parmi les Tunisiens : il a promis qu’il criminaliserait la normalisation avec Israël et que l’entité sioniste ne devrait pas être reconnue. Il a parlé de l’expulsion des Palestiniens de leur patrie. Ce type de langage a été la norme pour une grande partie de l’histoire arabe contemporaine jusqu’au nouveau millénaire, lorsque l’Arabie saoudite – sous les auspices des États-Unis – a introduit en 2002 « l’initiative de paix arabe ».

    Cela promettait une normalisation arabe avec Israël en échange de la création d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. (Israël étudie toujours l’offre arabe et les États-Unis recommandent à Israël de prendre son temps pour l’étudier). Saied est allé jusqu’à appeler la normalisation avec Israël une trahison. Son engagement sur la Palestine a contribué à son ascension lors de l’élection présidentielle.

    Il s’est insurgé contre diverses menaces et a même condamné l’homosexualité, qu’il a liée à des conspirations étrangères. Il n’était pas progressiste sur les questions de genre et soutenait l’iniquité de l’héritage conformément à la loi religieuse. Il a proposé un nouveau système politique et a proposé sa candidature comme alternative aux partis politiques fatigués.

    Élites laïques

    Kaïs Saïed arrivant en tant que président au Palais de Carthage en octobre 2019. (Houcemmzoughi, CC BY-SA 4.0, Wikimedia Commons)

    Saied a attiré l’élite laïque de Tunisie : des gens qui se méfient des islamistes et qui – au lieu d’une compétition électorale – voulaient un homme fort (pas une femme forte) pour éliminer la menace islamiste. Les laïcs arabes sont déçus des masses arabes et de leurs choix électoraux et ont tendance à favoriser les dirigeants militaires et autocratiques qui peuvent réprimer les islamistes. Le dictateur égyptien Abdul-Fattah Al-Sissi ne peut gouverner sans le soutien de l’élite culturelle, politique et artistique qui se plaint de la culture que les islamistes apporteraient. Les laïcs arabes sont désormais le principal véhicule de la guerre autocratique contre les islamistes.

    Le tissu social de la Tunisie est différent de celui de la plupart des pays arabes : il a une classe moyenne importante et une société civile forte. (La société civile en Tunisie – contrairement à d’autres pays arabes, dont le Liban et la Palestine – ne se limite pas aux ONG financées par l’Occident, mais comprend des syndicats progressistes et des associations civiques comme l’Association tunisienne de droit constitutionnel, que Saied dirigeait avant d’assumer la présidence) .

    Dès que Saied a pris ses fonctions, il était clair qu’il y avait deux centres de pouvoir en concurrence en Tunisie : l’un résidait avec le parlement, qui était contrôlé par le parti politique EnNahda (la branche locale des Frères musulmans) dirigé par Rashid Ghannoushi ; et l’autre pouvoir était représenté par le président lui-même, qui a des inclinations laïques – en partie laïques pour être exact. Saied a été aidé dans son pouvoir en jouant avec les forces armées tunisiennes affiliées aux États-Unis. Les forces armées sont formées (par les États-Unis) pour combattre les islamistes et les rebelles, pas pour défendre la frontière contre les menaces étrangères.

    En juillet 2021, Saied avait suspendu le Parlement à la suite de manifestations anti-gouvernementales. Il en avait marre et voulait gouverner par décret. Il a été graduel dans son coup d’État extraconstitutionnel parce qu’il voulait examiner les réactions étrangères. Naturellement, les régimes du Golfe (qui n’avaient pas été satisfaits de sa position ferme contre la normalisation avec Israël) ont rapidement exprimé leur soutien et leur sympathie car il sapait le pouvoir des islamistes, qu’ils considèrent (en dehors du Qatar) comme leur ennemi mortel, juste derrière l’Iran.

    Tolérance de la répression

    Les puissances occidentales ont également eu des réactions similaires; bien sûr, il y avait des déclarations boiteuses sur la nécessité de respecter le processus démocratique et que la constitution tunisienne devait être respectée. Mais ce sont des déclarations qui reflètent généralement la tolérance politique américaine à l’égard de la répression dans les pays arabes. Chaque fois qu’il y a une élection au Liban, par exemple, les États-Unis et la France publient des déclarations qui insistent sur le vote rapide parce qu’ils espèrent généralement que leurs propres clients seront élus.

    Dans le cas de la Tunisie, il y a eu une indulgence significative pour le coup de Saied. Les gouvernements occidentaux et du Golfe trouvent plus facile – beaucoup plus facile – de faire affaire avec des autocrates qu’avec des dirigeants démocratiques élus qui doivent naviguer à travers des processus constitutionnels complexes et prêter attention aux souhaits du peuple. Une véritable démocratie arabe criminaliserait la paix et la normalisation avec Israël, et limiterait l’influence américaine.

    Dans son état d’urgence, Saied a renvoyé plusieurs politiciens devant les tribunaux pour « violations électorales » et s’est engagé à éliminer la corruption du système politique. Ce professeur de droit constitutionnel a même dissous le Conseil supérieur de la magistrature. C’est désormais lui seul qui peut déterminer l’interprétation exacte de la constitution. Saied n’était pas satisfait de la constitution actuelle, celle qui l’a ironiquement porté au pouvoir. Il a conçu sa propre constitution.

    Il a été approuvé lors d’un référendum le 25 juillet par 94,6 % des électeurs, bien que le taux de participation ait été faible. La nouvelle constitution reconnaît clairement le style très arabe du président lui-même, qui l’a écrite lui-même. Il fait passer la Tunisie d’un système parlementaire à un système présidentiel. La nouvelle constitution manque d’exactitude, permettant la prolongation du mandat du président en cas de « danger imminent ». Ce terme, ( khatar dahim en arabe) apparaît plus d’une fois dans le nouveau document. Mais qui déterminerait si un danger menace – ou non – autre que le président ? En d’autres termes, le président a conçu une nouvelle constitution qui lui permettrait de la violer pour ce qu’il considère comme un « danger imminent ».

    Sur la normalisation avec Israël, le président s’est inversé. Voici un président qui a en fait été élu sur la promesse de « criminalisation de la normalisation avec Israël » et qui l’a maintenant rétractée par peur de déplaire aux gouvernements occidentaux et du Golfe. La nouvelle constitution parle de la cause palestinienne dans le préambule et proclame le soutien de la Tunisie aux « droits légitimes du peuple qui a le droit, selon cette [légitimité internationale] de déterminer son propre destin et le premier d’entre eux est le droit du peuple palestinien à son terre volée et d’y établir son état après sa libération avec Jérusalem sainte comme capitale ».

    Cette référence peut sembler impressionnante selon les normes occidentales, mais elle ne correspond pas à la promesse même que Saied lui-même avait faite lorsqu’il s’est présenté à la présidence. Saied a fait la même concession que le parti islamiste EnNahda a faite lorsqu’il est arrivé au pouvoir. Il avait promis de criminaliser la normalisation, mais leur chef Ghannoushi l’a renié sous la pression des États-Unis après avoir visité DC et pris la parole lors d’une session à huis clos au Washington Institute for Near East Policy.

    Saied n’est plus qu’un des nombreux autocrates arabes, et son emprise sur le pouvoir est facilitée par l’ordre tyrannique régional contrôlé par les États-Unis et les régimes du Golfe. Il n’ose pas offenser les monarchies du Golfe et s’abstient de condamner l’alliance des Émirats arabes unis avec Israël. Sa priorité absolue est d’assurer un vernis de légitimité électorale dans un pays où la participation électorale est en baisse.

    Pourtant, il reste la figure la plus populaire en Tunisie, en grande partie en raison d’un manque d’alternatives. De plus, le règne d’ EnNahda n’était pas impressionnant du point de vue du peuple. Alors que la Tunisie progresse rapidement vers l’autocratie, le Liban reste le pays le plus ouvert où des élections ont encore lieu, malgré les protestations occidentales contre les résultats lorsque le Hezbollah et ses alliés remportent des sièges.

    Saied fête l’approbation de sa constitution. Les célébrations de Saied restent permises dans une république de plus en plus répressive.

    As`ad AbuKhalil est un professeur libano-américain de sciences politiques à la California State University, Stanislaus. Il est l’auteur du Dictionnaire historique du Liban (1998), Ben Laden, Islam and America’s New War on Terrorism (2002) et The Battle for Saudi Arabia (2004). Il tweete en tant que @asadabukhalil

    Consortium news, 10/08/2022

    #Tunisie #Kaïs_Saïed #Israël #Criminalisation

  • Ghaza : La soumission des traîtres

    Ghaza : La soumission des traîtres

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    46 morts, dont 15 enfants et plusieurs femmes et plus de 360 blessés. C’est le bilan de l’agression sioniste sur la bande de Ghaza qui a été prise dans un déluge de tonnes de bombes pendant plus de 72 heures, sans interruption. Des dizaines de maisons et d’immeubles se sont abattus sur des familles palestiniennes apeurées et sans défense.

    L’Occident et ses médias ont fait peu de cas de cette agression et de tous ces morts qu’ils rangent dans la banalité des choses. Il faut dire qu’il y a un moment déjà que la mort d’un arabe n’émeut plus. Pire encore, ces mêmes médias qui font des Unes ininterrompues et des débats sans fin sur deux ou trois morts en Ukraine, se rangent systématiquement du côté des thèses israéliennes et mettent sur le même pied d’égalité les roquettes de la résistance palestinienne, dont aucune n’a atteint ses objectifs, et les redoutables frappes de l’armée israéliennes qui ont détruit des quartiers entiers. Pire encore, ils balayent le nombre impressionnant des morts palestiniens et s’attardent sur l’hypocrite peur des israéliens et leur stress face « aux ripostes palestiniennes».

    A côté de cela, aucune capitale occidentale n’a jugé utile de condamner l’agression sioniste, mettant le bourreau et la victime sur le même pied d’égalité. Mais en cela, il n’y a rien de nouveau. Israël jouit de l’impunité totale et a même carte blanche pour tuer sans distinction ni aucune pitié un peuple que l’on veut tout simplement chasser de ses terres et priver de ses moindres droits.

    Mais comment prétendre à une quelconque compassion ou justice de la part des Occidentaux quand des capitales arabes penchent presque à justifier la barbarie sioniste, comme le clame, toute honte bue, Rabat. Le Makhzen a ainsi jugé qu’il n’est plus le temps aujourd’hui aux condamnations d’Israël ni surtout à un quelconque soutien des Palestiniens. Bourita, le tristement célèbre ministre marocain des Affaires étrangères, a ainsi mis au même niveau le bourreau et sa victime appelant à arrêter la violence des deux côtés. Comme si les Palestiniens auraient agressé les Israéliens et comme si les 46 morts palestiniens n’existaient pas.

    Face à cela et face à toutes ces lâchetés, Israël ne peut que continuer ses massacres, encouragé qu’il est par des régimes arabes honnis, comme celui du Maroc, qui cautionnent de la manière la plus honteuse qui soit la barbarie sioniste. Pire que cela, ils se pavanent d’être les premiers alliés de ceux qui massacrent leurs frères palestiniens et se mettent à leur service espérant jouir de la mansuétude de l’Occident pour sauver leur régime face à la colère de leur peuple qui gronde de plus en plus.

    Par Abdelmadjid Blidi

    Ouest Tribune, 10/08/2022

    #Maroc #Palestine #Ghaza #Israël #Normalisation