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  • Russie-Ukraine: l’UE adopte un sixième train de sanctions

    Russie-Ukraine: l’UE adopte un sixième train de sanctions

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    Compte tenu de la poursuite par la Russie de sa guerre d’agression contre l’Ukraine et du soutien que la Biélorussie continue d’apporter à la Russie, ainsi que des cas signalés d’atrocités commises par les forces armées russes en Ukraine, le Conseil a décidé aujourd’hui d’imposer un sixième train de sanctions économiques et individuelles ciblant tant la Russie que la Biélorussie.

    Avec le train de mesures adopté aujourd’hui, par l’imposition de nouvelles sanctions économiques, nous limitons de plus en plus la capacité du Kremlin à financer la guerre. Nous interdisons l’importation de pétrole russe dans l’UE et tarissons ainsi une importante source de revenus pour la Russie. Nous excluons davantage de banques russes stratégiques du système de paiement international SWIFT. Nous sanctionnons également les responsables des atrocités commises à Boutcha et à Marioupol et nous mettons à l’index des agents de désinformation supplémentaires qui contribuent activement à la propagande de guerre du président Poutine.

    Le train de sanctions adopté comprend une série de mesures destinées à contrecarrer la capacité de la Russie à poursuivre son agression. (Josep Borrell)

    Pétrole
    L’UE a décidé d’interdire l’achat, l’importation ou le transfert de pétrole brut et de certains produits pétroliers de la Russie vers l’UE. Cette interdiction du pétrole russe se concrétisera progressivement, d’ici à 6 mois pour le pétrole brut et d’ici à 8 mois pour d’autres produits pétroliers raffinés.

    Une exception temporaire est prévue pour les importations de pétrole brut par oléoduc dans les États membres de l’UE qui, en raison de leur situation géographique, sont spécifiquement dépendants des approvisionnements russes et ne disposent pas de solution de rechange viable.

    En outre, la Bulgarie et la Croatie bénéficieront également de dérogations temporaires concernant l’importation, respectivement, de pétrole brut importé par voie maritime et de gazole sous vide en provenance de Russie.

    Exclusion d’autres banques russes et biélorusses du système SWIFT
    L’UE étend l’interdiction actuelle de fournir des services spécialisés de messagerie financière (SWIFT) à trois autres établissements de crédit russes – la plus grande banque russe, Sberbank, la Credit Bank of Moscow et la Russian Agricultural Bank – ainsi qu’à la Banque biélorusse pour le développement et la reconstruction.

    Radiodiffusion
    L’UE suspend les activités de radiodiffusion dans l’UE de trois médias publics russes supplémentaires: Rossiya RTR/RTR Planeta, Rossiya 24 / Russia 24 etTV Centre International. Ces structures ont été utilisées par le gouvernement russe pour manipuler l’information et promouvoir la désinformation sur l’invasion de l’Ukraine, y compris la propagande, dans le but de déstabiliser les pays voisins de la Russie ainsi que l’UE et ses États membres. Conformément à la charte des droits fondamentaux, ces mesures n’empêcheront pas ces médias et leur personnel de mener dans l’UE des activités autres que la radiodiffusion, telles que des recherches et des entretiens.

    Restrictions à l’exportation
    L’UE élargit la liste des personnes et entités soumises à des restrictions à l’exportation concernant les biens et technologies à double usage. Des entités aussi bien russes que biélorusses sont ainsi ajoutées à la liste. En outre, l’UE élargira la liste des biens et technologies susceptibles de contribuer au renforcement technologique du secteur russe de la défense et de la sécurité. Seront notamment incluses 80 substances chimiques qui peuvent être utilisées pour fabriquer des armes chimiques.

    Services de conseil
    L’UE interdira la fourniture à la Russie de services de comptabilité, de relations publiques et de conseil, ainsi que de services en nuage.

    Inscriptions individuelles sur les listes
    En outre, le Conseil a décidé de sanctionner d’autres personnes et entités: les responsables des atrocités commises par les troupes russes à Boutcha et Marioupol, des personnalités soutenant la guerre, des hommes et femmes d’affaires influents et des membres de la famille d’oligarques et de responsables du Kremlin inscrits sur la liste, ainsi que des entreprises actives dans le secteur de la défense et un établissement financier.

    L’UE condamne résolument la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. Elle demande instamment à la Russie de cesser immédiatement ses attaques sans discrimination contre des civils et des infrastructures civiles, et de retirer immédiatement et sans condition toutes ses troupes et tous ses équipements militaires de la totalité du territoire de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières reconnues au niveau international. Les atrocités qui continuent d’être commises par les forces russes ainsi que les souffrances et les destructions infligées dépassent l’entendement. L’UE appelle la Russie à autoriser l’accès immédiat de l’aide humanitaire et le passage en toute sécurité de tous les civils concernés. Elle demande également à la Russie de permettre immédiatement le retour en toute sécurité des ressortissants ukrainiens déplacés de force en Russie.

    L’Union européenne est inébranlable dans sa volonté d’aider l’Ukraine à exercer son droit naturel de légitime défense contre l’agression russe et à construire un avenir pacifique, démocratique et prospère.

    Les actes législatifs concernés seront bientôt publiés au Journal officiel.

    Source : Conseil Européen, 03 juin 2022

    #UnionEuropéenne #UE #Russie #Ukraine #Sanctions

  • Ukraine : 100ème jour de guerre

    Ukraine : 100ème jour de guerre

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    L’invasion de l’Ukraine par la Russie entre dans son 100e jour

    3 juin (Reuters) – L’invasion de l’Ukraine par la Russie est entrée vendredi dans son 100e jour sans fin en vue des combats qui ont tué des milliers de personnes, déraciné des millions de personnes et réduit des villes en ruines.

    Après avoir abandonné son assaut sur la capitale, Kyiv, la Russie poursuit son chemin à l’est et au sud face à la montée des sanctions et à une féroce contre-offensive ukrainienne renforcée par les armes occidentales.

    Quelques événements clés du conflit jusqu’à présent :

    * 24 février : La Russie envahit l’Ukraine sur trois fronts dans le plus grand assaut contre un État européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Des dizaines de milliers fuient.

    * Le président russe Vladimir Poutine annonce une « opération militaire spéciale » pour démilitariser et « dénazifier » l’Ukraine. Le président ukrainien Volodymyr Zelenskiy tweete : « La Russie s’est engagée sur la voie du mal, mais l’Ukraine se défend. »

    * 25 février : Les forces ukrainiennes combattent les envahisseurs russes au nord, à l’est et au sud. L’artillerie pilonne Kyiv et sa banlieue.

    * 1er mars : Un responsable américain déclare qu’une colonne blindée russe longue de plusieurs kilomètres qui fonce sur Kyiv est en proie à des problèmes logistiques.

    * La Russie frappe une tour de télévision à Kyiv et intensifie son bombardement à longue portée de Kharkiv dans le nord-est et d’autres villes, dans ce qui est considéré comme un changement de tactique de Moscou alors que ses espoirs d’une charge rapide sur la capitale s’estompent.

    * 2 mars : Les forces russes entament le siège du port sud-est de Marioupol, considéré comme vital pour les tentatives de Moscou de relier la région orientale du Donbass à la Crimée, la péninsule de la mer Noire dont la Russie s’est emparée en 2014.

    * Les troupes russes entrent dans le port de la mer Noire de Kherson, le premier grand centre urbain capturé.

    * Un million de personnes ont fui l’Ukraine, selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés.

    * 4 mars : Les forces russes s’emparent de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, la plus grande d’Europe. L’OTAN rejette l’appel de l’Ukraine pour les zones d’exclusion aérienne, affirmant qu’elles aggraveraient le conflit.

    * 8 mars: Les civils fuient la ville de Soumy, au nord-est, dans le premier corridor humanitaire réussi convenu. Deux millions de personnes ont maintenant fui l’Ukraine, selon le HCR. en savoir plus * 9 mars : L’Ukraine accuse la Russie d’avoir bombardé une maternité à Marioupol, enterrant des gens sous les décombres. La Russie affirme que des combattants ukrainiens occupaient le bâtiment.

    * 13 mars : La Russie étend sa guerre profondément dans l’ouest de l’Ukraine, tirant des missiles sur une base près de la frontière avec la Pologne, membre de l’OTAN.

    * 16 mars : L’Ukraine accuse la Russie d’avoir bombardé un théâtre de Marioupol où se sont réfugiés des centaines de civils. Moscou le nie.

    * 25 mars: Moscou signale un changement d’orientation vers des gains à l’est, tandis que les forces ukrainiennes font pression pour reprendre les villes à l’extérieur de Kyiv.

    * 30 mars : Plus de 4 millions de personnes ont fui l’Ukraine, selon le HCR.

    * 3/4 ​​avril : L’Ukraine accuse la Russie de crimes de guerre après la découverte d’un charnier et de corps de personnes abattues à bout portant dans la ville reprise de Bucha. Le Kremlin nie toute responsabilité et affirme que des images de corps ont été mises en scène.

    * 8 avril : L’Ukraine accuse la Russie d’une attaque au missile contre une gare de Kramatorsk qui a tué au moins 52 personnes essayant de fuir l’offensive orientale imminente. Moscou nie toute responsabilité.


    * 14 avril : Le principal navire de guerre russe en mer Noire, le Moskva, coule après ce que l’Ukraine qualifie d’attaque de missile. La Russie accuse une explosion de munitions. en savoir plus * 18 avril : la Russie lance ce que l’Ukraine décrit comme la bataille du Donbass, une campagne visant à s’emparer de deux provinces et à sauver une victoire sur le champ de bataille. en savoir plus * 21 avril : Poutine déclare Marioupol « libérée » après près de deux mois de siège, mais des centaines de défenseurs résistent à l’intérieur des immenses aciéries Azovstal de la ville.

    * 25/26 avril : La région dissidente pro-russe de Moldavie en Transnistrie affirme que des explosions ont touché un ministère et deux antennes-relais. Il blâme l’Ukraine voisine. Kyiv accuse Moscou d’avoir organisé les attentats pour tenter d’élargir le conflit.

    * 28 avril: la Russie tire deux missiles sur Kyiv lors d’une visite du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, selon l’Ukraine. Le Kremlin accuse l’Ukraine d’attaquer les régions russes proches de la frontière.

    * 1er mai : Environ 100 civils ukrainiens sont évacués des aciéries en ruine d’Azovstal à Marioupol, dans ce que les Nations Unies qualifient d’ »opération de passage sûr ».

    * 7 mai: Pas moins de 60 personnes sont mortes après qu’une bombe a frappé une école de village à Bilohorivka, dans l’est de l’Ukraine, a déclaré le gouverneur régional.

    * 9 mai : Poutine exhorte les Russes à se battre dans un discours provocant du Jour de la Victoire, mais reste silencieux sur les plans d’une escalade en Ukraine.

    * 10 mai: L’Ukraine déclare que ses forces ont repris des villages au nord et au nord-est de Kharkiv lors d’une contre-offensive. en savoir plus * 12 mai : Plus de 6 millions de personnes ont fui l’Ukraine, selon le HCR.

    * 14 mai: Les forces ukrainiennes ont lancé une contre-offensive près de la ville d’Izium, tenue par la Russie orientale, a déclaré le gouverneur.

    * 18 mai: la Finlande et la Suède demandent à rejoindre l’OTAN, une décision qui conduirait à l’expansion de l’alliance militaire occidentale que Poutine visait à empêcher. e

    * 20 mai: La Russie déclare que les derniers combattants ukrainiens qui ont résisté aux aciéries d’Azovstal à Marioupol se sont rendus. Quelques heures plus tôt, Zelenskiy a déclaré que l’armée ukrainienne avait dit aux défenseurs qu’ils pouvaient sortir et sauver leur vie.

    * 21/22 mai : La Russie lance une offensive à Luhansk, l’une des deux provinces du Donbass, concentrant l’attaque sur les villes jumelles de Sloviansk et Sievierodonetsk.

    * 23 mai : Lors du premier procès pour crimes de guerre du conflit, un tribunal de Kyiv condamne un jeune commandant de char russe à la prison à vie pour avoir tué un civil non armé.

    * 25 mai : Poutine signe un décret simplifiant le processus d’acquisition de la citoyenneté et des passeports russes par les résidents des districts nouvellement capturés dans le but de renforcer l’emprise de Moscou sur le territoire saisi.

    * 29 mai : le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qualifie la « libération » du Donbass de « priorité inconditionnelle » pour Moscou, tandis que les forces russes semblent sur le point de s’emparer de toute la région de Louhansk après des jours de gains lents mais réguliers.

    * 31 mai : Les responsables locaux disent qu’il n’est plus possible d’évacuer les civils piégés à Sievierodonetsk, où les forces ukrainiennes tiennent toujours, mais une grande partie de la ville est sous contrôle russe.

    * 1er juin : La Russie critique la décision américaine de fournir des systèmes de roquettes avancés à l’Ukraine, avertissant qu’elle pourrait élargir le conflit et augmenter le risque de confrontation directe avec Washington.

    * 2 juin: Zelenskiy plaide pour plus d’armes occidentales pour aider l’Ukraine à atteindre un « point d’inflexion » et à l’emporter dans la guerre. L’Union européenne donne son approbation finale à de nouvelles sanctions contre le pétrole russe et la banque Sberbank.

    * 3 juin: L’Ukraine ne prévoit pas d’utiliser des systèmes de lance-roquettes multiples qu’elle reçoit des États-Unis pour attaquer des installations en Russie, a déclaré un conseiller présidentiel ukrainien. Le ministère britannique de la Défense a déclaré qu’au 100e jour de l’invasion russe, Moscou n’avait pas atteint ses objectifs initiaux de s’emparer de Kyiv et des centres du gouvernement, mais qu’il obtenait un succès tactique dans le Donbass.

    Reuters, 03 juin 2022

    #Ukraine #Russie

  • Crises mondiales et nouveaux ordres et désordres sociaux

    Crises mondiales et nouveaux ordres et désordres sociaux

    L’économie de marché, capitalisme, Ukraine, Chine, Russie, crise climatique, globalisation, Occident,

    par Derguini Arezki*

    Ce que je voudrai essayer de traduire dans ce texte qui restera cependant quelque peu sous-jacent, c’est le point auquel, il me semble, sont parvenus des économistes tels Daru Acemoglu et Dani Rodrik : premièrement, derrière le développement de l’économie de marché se trouvent des arrangements sociaux et deuxièmement, ceux-ci ne sont pas exportables.

    Il y a ainsi des arrangements sociaux favorables au développement du marché et d’autres qui le contrarient. Il fut un temps où des socialistes européens à la suite de Karl Polanyi opposaient société et société de marché, se refusant de confondre économie de marché et société de marché. Ils entendaient par société de marché, une société qui pousse toujours plus loin la production, le champ d’action du marché, la marchandisation de ses transactions, sans souci des conditions de reproduction des facteurs (du milieu vivant, humain et non humain) que la production humaine ne produit pas, sans souci du caractère foncièrement destructeur de la production, d’une « destruction créatrice » (J. Schumpeter) toujours plus destructrice.

    La société devait se défendre du marché, défendre les conditions non marchandes de l’économie, la production capitaliste étant devenue dangereusement destruction de son milieu naturel et social. L’économie devait être « réencastrée » dans la nature et la société, mise à sa place et non pas les dominer.

    Soit une économie de marché, une production contenue dans les limites de la reproduction de la société et de la planète et non une société n’obéissant qu’à la compétition et à la croissance de la production marchande. Cette notion déclassée aujourd’hui du fait de l’incapacité du marché à absorber la société, n’en a pas moins laissé derrière elle l’inquiétude qui la justifiait. On est désormais simplement inquiet de la trop grande pénétration sélective du marché dans l’ensemble des domaines de la vie. La production fabrique de plus en plus nombreux hybrides (humains augmentés de non humains), mais aussi de plus en plus de destructions et de déchets humains.

    La morale et le marché

    Un ouvrage célèbre du philosophe américain MICHAEL J. SANDEL en porte le souci : « Ce que l’argent ne saurait acheter. Les limites morales du marché.» Dans cette problématique, c’est la morale qui prendrait la défense de la société, qui mettrait l’économie à sa place. Cela nous rappelle un vieux débat apparu avec la naissance de l’économie politique : la fable des abeilles de Mandeville « les vices privés font la vertu publique » et la main invisible d’Adam Smith. Mais la morale de SANDEL, à la différence de celle de Smith et de Mandeville, reste à l’extérieur de l’économie. Ses limites sont externes, le problème se déplace alors : il faut s’interroger sur la place et le champ d’action de la morale dans la société et non plus sur la place et le champ d’action du marché. Mais il n’est pas traité.

    J’opposerai pour ma part, à titre d’hypothèse, à cette morale extérieure/transcendante, une morale dans l’économie et une économie dans la morale. Il ne faut pas s’étonner, à mes yeux, qu’une morale extérieure ait pour résultat de laisser l’économie sans morale.

    L’auteur s’appuie sur un certain nombre d’exemples concrets. Il ne s’interroge pas sur la morale comme il le fait à propos du marché. Voici son exemple emblématique : la crèche israélienne. Celle-ci « a décidé d’appliquer des amendes financières aux parents qui viennent récupérer leur enfant trop tardivement. La conséquence ne s’est pas fait attendre : les retards se sont multipliés. En effet, les parents ont instrumentalisé la mesure prise par la crèche pour l’ériger en tant que nouveau « service » : en échange d’une compensation financière, l’on pouvait arriver en retard tout en ayant bonne conscience. Le fait de payer l’amende les dédouanait de leur obligation d’arriver à l’heure.» L’auteur enferme la question économique dans des limites morales qu’elle n’a pas : avec l’amende, les parents ne sont plus « obligés » d’arriver à l’heure. Les parents n’ont pas confié leurs enfants à la crèche sur la base d’un contrat moral, la crèche n’est pas la famille dont on a abusé des services et vis-à-vis de laquelle on aurait des problèmes de conscience.

    La crèche n’abuse pas de ses employés à la suite de l’abus des parents. Les rapports contractuels entre la crèche, les clients et les employés sont clairs et respectés. Par contre, si la crèche voulait minimiser les heures supplémentaires de ses employés parce qu’elle veut faire respecter des horaires, elle aurait mieux fait de faire « payer » moralement ses clients plutôt que financièrement. Le contrat aurait été autant moral que financier. Mais sinon que diable est allée faire la morale dans cette galère ? Il est vrai que confier ses enfants à d’autres que soi n’est pas toujours une simple affaire économique, mais là n’était pas la question.

    Une morale qui a prise sur l’économie et sur laquelle l’économie a prise est interne à la pratique économique. Il n’y a pas morale d’un côté et économie de l’autre, il y a économie moralement acceptable et une morale économiquement acceptable. Car, comment une morale extérieure peut-elle prétendre régenter l’économie sans être totalitaire ? Prétention totalitaire que de vouloir que des principes, le rationnel, puissent subsumer le réel. La morale devrait être une morale de la pratique économique, autrement dit des mœurs économiques et une morale autant ex ante qu’ex post, des valeurs de la pratique économique, même quand elle est inspirée par des principes et des dogmes qui doivent alors être intériorisés. Ce que l’on peut reprocher à une telle approche morale, sans dénier à l’économie politique une dimension morale, c’est son extériorité, son détachement du souci de la reproduction des conditions d’existence de la vie en général. Le social et le naturel, la morale et l’économie sont ici dissociés, par conséquent les « limites planétaires »[1] de la production et la production de déchets (humains et non humains) sont alors ignorées.

    Ce qui est donc recherché, c’est non pas une société dans le marché, dominée par l’économie de marché où, à la suite de Karl Polanyi, on montre que l’extension de la production marchande détruit société et nature, détruit en consommant des facteurs qu’elle ne reproduit pas (capital naturel), sépare les individus en début de parcours en les spécialisant, mais ne les réunit pas en fin de course pour faire société[2]. Avec le développement de la production marchande, de la division du travail et de la spécialisation, nous dépendons d’un plus en plus grand nombre de personnes qui n’ont nul besoin d’entretenir des rapports de familiarité. Pour beaucoup d’entre eux, les rencontres avec les produits qu’ils vendent sur les marchés qu’ils fréquentent suffisent. Bref, nous dépendons de plus en plus d’étrangers, d’un monde d’une familiarité limitée, sur lesquels nos prises sont incertaines.

    Avec la guerre en Ukraine et la « rivalité systémique » déclarée de la Chine par l’Occident, cette indifférence à l’égard des gens avec qui nous échangeons est mise en cause.

    On s’abstient, ou on veut s’abstenir, d’échanger avec des gens qui désormais entretiennent avec nous des rapports « inamicaux ». La compétition pour l’hégémonie entre la Chine et les USA, la guerre entre la Russie et l’Ukraine, la crise climatique, ont posé la question de savoir à qui profitent les interdépendances créées par la globalisation et pour quelles conséquences. De voir qu’elles ont profité davantage à la Chine et aux pays émergents fait réagir l’Occident de manière guerrière.

    La rivalité systémique et la guerre ont introduit dans les échanges avec les étrangers la différence entre les amis, les ennemis et les autres. Il faut affaiblir celui qui nous combat, porter atteinte à ses ressources. Avec les sanctions économiques, l’économie apparaît pour ce qu’elle est, la servante, la logistique, du militaire.

    Les interdépendances étant ce qu’elles sont, il faut ne pas échanger avec le rival pour l’affaiblir et non s’affaiblir. Les sanctions économiques sont des armes à double tranchant. Il ne faut pas acheter à la Russie son gaz et son pétrole, mais il ne faut pas en souffrir plus qu’elle. Les USA qui crie haut et fort que leur ennemi principal est la Chine, envisage de réduire les taxes sur les produits chinois pour éviter que l’inflation ne réduise singulièrement le pouvoir d’achat des Américains au moment précis où la Chine adopte une stratégie sanitaire qui freine les échanges : la santé d’abord, l’économie ensuite dit-elle dans sa compétition idéologique.

    En effet, en décidant que la santé doit primer sur l’économie avec une politique zéro Covid, elle réduit ses échanges avec le monde extérieur et contrarie la politique de défense du pouvoir d’achat US. Les USA ne manquent pas d’accuser la Chine de ce comportement inamical. En faveur de qui la balance des rapports de forces va-t-elle pencher ? On pourrait dire qu’une telle politique américaine de lutte contre l’inflation va attiser les oppositions au sein des producteurs chinois qui se soucieraient davantage de leur situation matérielle que de la santé d’une société chinoise vieillissante, à la différence du Parti communiste chinois. Certaines réactions chinoises laissent penser une certaine rigidité, une certaine difficulté à se tourner vers le marché intérieur, des producteurs chinois.

    Certains pourront dire que l’opinion occidentale ne doit pas être déçue, elle veut et doit être dupée. Il n’est donc pas sûr que les sanctions économiques contre la Russie, dans le cours desquelles semble s’inscrire la politique zéro-Covid et l’accentuer, ne se retournent pas contre l’Occident lui-même. À moins que l’Europe réussisse à transformer cette crise en opportunité : elle pourrait obtenir de la société une austérité/sobriété qu’elle ne pourrait pas obtenir autrement pour réaliser la nécessaire, mais douloureuse transition énergétique. En effet, face à la crise climatique, les autorités politiques démocratiques doivent faire face aux « rigidités » des puissants producteurs et consommateurs.

    Les sanctions économiques qui ont visé à séparer les sociétés de leurs dirigeants, en leur rendant la vie plus difficile, ont échoué. Les sanctions économiques ont durci le régime iranien, elles ne menacent pas son existence quoiqu’elles puissent affecter ses performances. Elles ont tendance à renforcer le lien entre ses dirigeants et la société engagée.

    Car de vouloir punir les dirigeants, le régime, les sanctions punit d’abord la société qui en retour ne se défait pas comme attendu de ses dirigeants. Les sociétés peuvent refuser de répondre aux « incitations » extérieures. Les sanctions peuvent accroitre la souffrance des uns et la détermination des autres.

    Par ailleurs, les sociétés sous sanctions économiques ne sont plus dupes : les sanctions sont moins conçues pour défaire des autorités despotiques, instaurer la démocratie, que pour soumettre ces mêmes autorités à une volonté extérieure. Il est fort souhaitable que l’Afrique qui s’est abstenue de prendre parti pour les sanctions économiques contre la Russie puisse approfondir sa démarche, profiter du cours des choses pour sortir de la gravitation autour des centres de gravité étrangers. Mais les opportunités arrivent probablement trop tôt.

    Les arrangements sociaux précèdent les transactions marchandes

    Dans son livre « ce que l’argent ne saurait acheter », le philosophe américain déplore l’absence dans la vie politique de débat qui puisse examiner sérieusement le rôle et le champ d’action du marché. Le rôle du marché est d’effectuer des transactions monétaires. Tant que les transactions peuvent régler les différences de potentiel à la base des échanges (ex. j’ai du temps et pas d’argent, il a de l’argent et pas de temps), le marché est dans sa fonction. Une structure des échanges permet d’établir des rapports sociaux pacifiés, une structure sociale. Tolérer certains échanges, c’est tolérer certains rapports sociaux, une certaine division du travail. Le marché est le visiteur du soir, il arrive quand la société est prête à concéder un rapport social, une transaction. Quand un ennemi est défait et doit accepter un traité, par exemple. Ainsi le gouvernement indépendant d’Haïti qui a dû indemniser les anciens propriétaires d’esclaves des pertes qu’ils ont subies après que les esclaves se soient libérés. Les esclaves devaient racheter leur liberté et ne pouvaient pas réclamer des dédommagements pour leur mise en esclavage. Celui qui ne pouvait nourrir sa famille, autre exemple, pouvait confier un de ses enfants à autrui pour sauver sa vie et celle de son enfant ; ou autre exemple, partir en guerre contre le riche pour lui arracher une partie ou le tout de ses réserves. Une société, comme la société « segmentaire », qui ne pouvait tolérer qu’un individu soit exproprié de sa terre, son moyen de subsistance, et transformé en prolétaire, n’acceptera pas que la terre soit une marchandise. On ne peut pas, à proprement parler, parler de valeurs marchandes, mais de valeurs non marchandes qui rendent possible un échange marchand. Une société qui accepte qu’un individu soit séparé de ses conditions de subsistance (ne puisse pas subsister de par lui-même), mais refuse qu’il puisse disposer d’un autre individu, autrement que d’une partie de son temps, tolèrera le salariat, mais pas l’esclavage.

    Qu’une société qui accepte que certains soient propriétaires de moyens de production et d’autres non, qui décide que la règle qui organise leurs rapports soit le contrat entre parties juridiquement égales, ne tolèrera pas qu’un individu dispose d’un autre individu autre chose que ce que ce dernier et la société lui accordent. Une société qui institue l’école obligatoire ne permet pas que des parents puissent disposer librement de leurs enfants. Elle interdira le travail des enfants et s’indignera de ce qu’un parent fasse travailler son fils ou sa fille. Des arrangements sociaux précèdent les transactions marchandes. Le marché libre n’est libre d’exécuter que les transactions que les arrangements sociaux permettent. Les sociétés africaines sont instables parce que leurs arrangements sociaux le sont et ne permettent pas aux échanges de former des centres de gravité endogènes.

    En vérité ce dont s’indigne SANDEL, c’est le caractère foncièrement esclavagiste de la société américaine, dont l’histoire consiste en un réaménagement permanent de cette société originairement esclavagiste.

    Elle s’est érigée contre le féodalisme, sans toucher à son fondement esclavagiste. Dans une telle société qui tolère une division sociale fondamentale entre possédants et non-possédants, où l’individu jouit d’une propriété privée exclusive et de la liberté de disposer de soi, tout finit par se vendre. Tant que la société butera sur cette division fondamentale, son sens de la justice ne pourra que s’indigner moralement, en essayant de se protéger de la destruction par des limites juridiques.

    Quant au champ d’action du marché, il doit pouvoir être le plus large possible afin de donner une vie matérielle la plus riche possible. Plus nous travaillons pour un nombre important de personnes et plus un nombre important travaille pour nous, plus nous sommes riches et puissants. Dans le passé préindustriel, plus un individu disposait de serviteurs, plus il était « riche ». Les hommes riches étaient des guerriers qui soumettaient les autres à leur propriété. Aujourd’hui, plus on dispose de machines à son service plus on est riche et puissant. Les guerriers doivent se soumettre des machines qui sont et seront fabriquées. Les professionnels de la guerre qui ont voulu se réserver les machines n’ont pas triomphé. Les vainqueurs ont partagé les usages de ces machines avec la société qui supporte leur production en retour. Pour parler comme Pierre Jancovici, on était riche du nombre d’esclaves (de choses humaines) que l’on possédait, on est riche du nombre d’esclaves mécaniques (de choses non humaines) qui sont à notre service. Ici la morale a une place claire : on est riche du nombre d’objets que l’on extrait du monde. Aujourd’hui la nouveauté, c’est que ces objets sont encombrants, c’est que ces « esclaves mécaniques », en se multipliant, consomment plus de vie, de matière et d’énergie fossiles qu’il ne peut en être produit, produisent plus de déchets qu’il ne peut être éliminé, détraquent ainsi les équilibres sociaux et naturels. Ils se substituent au travail humain et fabriquent des populations inutiles. Leur développement ne peut être donc illimité. Le marché rencontre donc des limites externes, les limites planétaires, et des limites internes, l’offre ne produit plus sa demande, crée des congestions dans la circulation et ne distribue plus les revenus qui permettent de l’acheter. Vers quels réaménagements de la société de nature esclavagiste se dirige-t-on ?

    Nous restons dans la même problématique : dans les nouvelles limites de la production, le plus riche et le plus puissant est celui qui peut mettre en œuvre le plus d’esclaves mécaniques. Un continent comme la Russie qui possède la matière et l’énergie non humaine ne doit pas posséder les machines les plus puissantes, si on veut l’empêcher d’être une puissance rivale. Elle doit rester soumise à une division internationale primaire du travail : à elle les matières premières, aux USA, et leurs suivants, les machines. L’Allemagne ne doit pas disposer d’une énergie bon marché pour développer sa puissance industrielle, cela déséquilibre les comptes extérieurs US. La guerre de la Russie contre l’Ukraine est envisagée par les USA comme une politique de réduction de la compétition qui menace l’hégémonie US. On chante l’unité occidentale avec la guerre contre l’Ukraine, en vérité on fait semblant de ne pas voir que les USA travaillent pour une hégémonie anglo-saxonne, jouent des divisions de l’Europe et mettent en demeure cette dernière d’accepter une certaine division du travail avec eux. Certains sont attachés à une telle hégémonie américaine, ainsi de la Pologne et des pays de l’Est qui veulent se protéger de l’Allemagne, alors que cette dernière doit se rappeler qu’elle a été la vaincue de la Seconde Guerre mondiale.

    Le champ d’action du marché doit donc être le plus large possible étant donné des arrangements sociaux acceptables. La compétition internationale dominée par l’Occident doit accepter les arrangements sociaux de celui-ci afin qu’il puisse demeurer le centre de gravité du monde. Il devient de plus en plus net que les arrangements sociaux ne sont pas exportables, les pays qui ont réussi à étendre le champ d’action de leurs échanges, et en voie de développer leur économie de marché, sont ceux qui ont pu définir les arrangements qui ont permis une telle extension.

    Il faut bien constater cependant qu’étendre le champ d’action du marché ne préfigure pas de la distribution de ses centres de gravité. Tous les pays du monde ont connu une extension considérable du champ d’action du marché, mais peu ont réussi à en apprivoiser les forces. On peut dire aujourd’hui que les USA visent à priver la Chine d’une telle intériorité économique en s’efforçant de la faire avorter. Ils poussent la Chine à se priver de la contribution technologique internationale par leur attitude et leurs sanctions afin que ne puissent pas se former et se stabiliser ses centres de gravité intérieurs.

    Extension du marché et configuration de ses centres de gravité

    Un marché étendu ne peut donc se préserver face à des sanctions économiques extérieures que s’il est en mesure de s’auto-entretenir. Ce qu’il ne peut faire que si l’extension de son champ d’action s’est accompagnée de la formation de centres de gravité qui prennent de la consistance avec ces sanctions. Il doit pouvoir comprendre les retournements de situations, tels ceux qui se sont produits entre les puissances émergentes et les anciennes puissances : situations de marché favorables aux dernières au départ puis défavorables, d’amicales au départ puis inamicales. L’économie doit pouvoir être à double circulation, s’étendre au monde pour constituer des centres de gravité, être en mesure de se restreindre autour de centres de gravité endogènes avec la réduction du champ d’action du marché.

    Ces deux capacités, s’étendre le plus largement possible en situation de paix et se restreindre à soi-même en situation d’adversité, supposent une certaine capacité d’adaptation, une certaine « flexibilité » des offres et des demandes, soit fondamentalement, une certaine résilience de la société.

    La guerre actuelle en Ukraine, la « rivalité systémique » entre la Chine et les USA et la crise climatique, vont mettre à l’épreuve la résilience de toutes les sociétés du monde, qu’elles soient ukrainiennes et russes, ou européennes, nord-américaines, africaines et autres. Résilience de ces centres de gravité qui exprime la capacité de la société, des sociétés à s’organiser et vivre autour de certains échanges. Le marché ne peut plus se penser autrement qu’à des échelles régionales. Ce qui est en question, c’est la distribution internationale de ses centres de gravité. Les échanges d’une nation ne peuvent dépendre exclusivement de centres de gravité extérieurs, comme ils ne peuvent compter exclusivement sur des centres internes de gravité. Le capital politique d’une nation s’épuise s’il ne s’arme pas des autres formes de capital. Les centres nationaux de gravité se défont s’ils ne sont pas associés à des centres de gravité extérieurs pour constituer une société/économie qui se suffise. C’est dans le cadre d’une configuration des centres de gravité qui peut réaliser une telle suffisance que réside l’autonomie de décision. Nous sommes globalement devant la situation suivante : à l’Occident la technologie, au reste du monde les matières premières, dont les céréales et l’énergie. Si les pays réémergents dont la Chine, l’Inde, la Turquie, l’Iran et émergents tel le Brésil, les Émirats arabes unis pour ne citer que ceux-là, tournent le dos au chantage technologique occidental, s’ils réussissent à produire la technologie dont le reste du monde a besoin, le bloc occidental ne pourra rien faire face au retournement du marché qui leur est défavorable. Il suffit que le monde non occidental refuse l’affrontement qui est proposé par la Russie et les USA, se détache des problèmes de l’Occident pour s’attacher à ses propres problèmes, pour que se dégagent les nouveaux centres de gravité mondiaux dont il a besoin.

    En guise de conclusion. S’attacher à la résolution de ses propres problèmes, c’est définir correctement les arrangements sociaux qui permettront à la société de se mettre en ordre. Sans cette mise en ordre, on ne peut envisager une compétition à la mesure de la compétition internationale. On ne peut pas aussi, sans cela, envisager ni un « encastrement » de l’économie dans la société ni une extension des échanges qui puisse permettre la formation de centres de gravité , soit une transformation de flux externes en flux internes, puis en flux internes s’auto-entretenant.

    Les crises mondiales actuelles offrent des opportunités différentes à chaque région, à chaque pays. Qui sera en mesure de les saisir ? D’établir les bons arrangements sociaux, la bonne extension du marché et la bonne configuration des centres de gravité économiques à même de soutenir l’autonomie de la décision politique ? Certainement pas ceux qui voudront imposer un cours au monde, mais plutôt ceux qui au plus près de ce cours pourront emprunter les bifurcations qui peuvent conduire à la formation d’un nouveau cours. Je parie sur la Chine, l’Inde et l’Europe, si ces régions arrivent à converger quant à la transition énergétique, autrement dit à rester compétitives, c’est-à-dire les moins affectées par les congestions et les inégalités internes, tout en réduisant leur consommation énergétique, le nombre de leurs esclaves mécaniques. L’Afrique peut-être, non par dessein, mais plutôt par nécessité et humilité.

    [1] 9 grands équilibres conditionnent notre vie sur terre.
    [2] La fabrication de l’homme inutile (la pire des inégalités selon Pierre Noël Giraud) et la destruction du capital social de Robert Putnam.
    *Enseignant chercheur en retraite, Faculté des Sciences économiques, Université Ferhat Abbas Sétif ancien député du Front des Forces Socialistes (2012-2017), Béjaia.

    Le Quotidien d’Oran, 02 juin 2022

    #Ukraine #Russie #Economiedemarché #Globalisation #Occident #Chine #PaysEmergents

  • Aggravation

    Aggravation

    France, Russie, Ukraine, embargo, Union Européenne, Marine Le Pen, Bruno Le Maire,

    La guerre d’Ukraine a débuté il y a plus de trois mois et les mesures punitives de l’Europe vis-à-vis de la Russie sont toujours plus sévères, alors que Moscou reste fermement ancré sur ses positions. Pourtant, les décisions de l’Union européenne regardant la situation en Europe de l’Est ne sont pas soutenues par tous. Marine Le Pen a ainsi mis en garde, hier, contre les «conséquences cataclysmiques sur le pouvoir d’achat des Français» du sixième paquet de sanctions contre la Russie décidé en début de semaine par Bruxelles, accusant le gouvernement de «mentir» sur la situation économique du pays. «Cette décision va avoir des conséquences cataclysmiques sur le pouvoir d’achat des Français, ça va contribuer à aggraver le prix évidemment du pétrole et, accessoirement, du gaz et donc de l’électricité», s’est inquiétée la finaliste de la dernière présidentielle.

    Les dirigeants des 27 pays de l’UE ont en effet trouvé un accord lundi qui devrait permettre de réduire de quelque 90 % leurs importations de pétrole russe d’ici la fin de l’année afin de tarir le financement de la guerre menée par Moscou en Ukraine. «Si on n’achète plus le pétrole à Vladimir Poutine, d’autres l’achèteront, c’est aussi simple que cela. En réalité, donc, il y avait d’autres mesures qu’on pouvait mettre en œuvre avec l’effort des pays producteurs dans le monde», a dénoncé la députée du Pas-de-Calais. «C’est le choix du sacrifice du pouvoir d’achat des Français», a-t-elle jugé, soulignant, comme elle l’a martelé pendant la présidentielle, que des familles «n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois».

    La députée du Pas-de-Calais, qui a rencontré le Premier ministre hongrois Viktor Orban à Paris vendredi, partage avec lui l’idée de taxer les pétroliers. «Je vous conseille de ne pas croire un mot de ce que dit Bruno Le Maire et d’ailleurs l’ensemble du gouvernement sur la situation économique du pays, car ils ont par le passé déjà menti». Le ministre de l’Économie a affirmé, hier, sur France Inter, qu’il ne croyait pas à un risque de récession.

    Selon Marine Le Pen, «lorsque le gouvernement dit que le bouclier tarifaire fera que les prix de l’électricité ne font pas l’objet de rattrapage, il ment, il y aura un rattrapage de cela probablement en 2023». «Ils mentent jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus faire autrement que de dire la terrible vérité qui est la conséquence de leur incompétence : on va probablement rentrer en récession», a-t-elle insisté.

    La position de Marine Le Pen se rapproche ainsi plus de celle d’une partie de l’extrême-gauche, notamment La France Insoumise, qui a exprimé à de nombreuses reprises ses objections vis-à-vis de la stratégie de la France et de l’Occident en général face à la Russie de Vladimir Poutine. Toutefois, les Français qui étaient appelés aux urnes il y a un peu plus d’un mois ont choisi d’élire Emmanuel Macron et avec lui sa politique vis-à-vis de la situation en Ukraine et ils devront donc en assumer les conséquences politiques comme financières.

    Fouzia Mahmoudi

    Le Jour d’Algérie, 01 juin 2022

    #France #Sanctions #Russie #Electricité #MarineLePen

  • Les Américains savent jusqu’où ne pas aller en Ukraine

    Les Américains savent jusqu’où ne pas aller en Ukraine

    Etats-Unis, Russie, Ukraine, crise ukrainienne,

    Les autorités américaines ayant fait savoir, par une voie détournée, il y a de cela quelques jours, qu’elles avaient bien l’intention de livrer des lance-roquettes multiples à l’armée ukrainienne, qui les demandait à cor et à cri, seule moyen pour elle de résister au pilonnage infernal russe dans Severodonetsk notamment, sur le point de tomber, il ne restait plus qu’un seul point à tirer au clair : celui de leur portée. Les Américains en enverraient-ils dont les projectiles pourraient frapper l’intérieur de la Russie, ce qui serait de nature à déclencher une réaction russe dirigée contre eux directement, ou ne fourniraient-ils que ceux dont la portée ne dépasserait pas la frontière russe ? Telle était la question. Depuis quelques heures on connaît la réponse, donnée par Joe Biden lui-même, autant dire à la cantonade au moment de sa descente d’avion de retour de Delaware : les Etats-Unis ne fourniront pas aux Ukrainiens des armes avec lesquelles ceux-ci pourraient porter la guerre sur le sol russe. Cette réponse est par un côté une négation, et c’est celle qui vient d’être dite, mais par un autre c’est une affirmation : oui nous allons livrer les armes demandées par les Ukrainiens.

    Une sage décision, a commenté Dmitri Medvedev, mais sans plus, par ailleurs le seul officiel russe à avoir réagi jusqu’à présent. Ce n’était d’ailleurs pas lui qui avait préalablement mis en garde les Américains contre l’envoi d’armes susceptibles d’apporter la destruction dans les villes russes. Ce n’était même pas un officiel, mais une journaliste de télévision proche du Kremlin, qui avait averti les Américains de ce qu’ils encourraient si des roquettes tirées par leurs armes tombaient sur des villes russes. Elle a même été particulièrement claire sur ce point : la riposte russe irait s’abattre droit sur les centres ayant permis que cela se produise. La réponse venant du président Biden en personne montre bien combien les paroles de la journaliste ont été prises au sérieux par son administration.

    Cet épisode est gros d’enseignements. Il dit clairement que les Russes ont tracé une ligne rouge que les Occidentaux auraient intérêt à ne pas dépasser sous peine d’être considérés à leur tour comme des «cibles légitimes». Les Américains avaient déjà semblé disposés à procurer des Mig-29 aux Ukrainiens, qu’ils prendraient chez la Pologne, à laquelle ils livreraient en compensation des F-16, pour finalement abandonner le projet. De là l’idée qu’ils pourraient faire de même avec les lance-roquettes. Dans ce cas, la mise au point de Biden ne serait que négative, c’est-à-dire que le refus qu’elle signifie englobe toutes les portées possibles des armes en question, les longues comme les moyennes, ainsi que les courtes. Mais on n’en est pas encore là. Il faut attendre quelques jours pour en avoir le cœur net.

    Les Occidentaux affirment depuis le début vouloir infliger en Ukraine à la Russie une défaite stratégique. On sait maintenant que ce ne sera surtout pas au prix d’une guerre directe avec elle. Les meilleurs alliés de l’Ukraine, les Etats-Unis les premiers, ne lui livrent pas les armes dont elle a besoin pour être en mesure de gagner la guerre, mais uniquement celles qui lui permettent de la faire durer.

    Le Jour d’Algérie, 31 mai 2022

    #Ukraine #USA #OTAN #EtatsUnis #Russie #Armes

  • La Russie est en train de gagner la guerre économique

    La Russie est en train de gagner la guerre économique

    Russie, Vladimir Poutine, Europe, Occident, Ukraine, embargo, guerre économique, Pétrole, gaz,

    Les effets pervers des sanctions se traduisent par une augmentation des coûts du carburant et des denrées alimentaires pour le reste du monde – et les craintes grandissent d’une catastrophe humanitaire. Tôt ou tard, un accord doit être conclu

    Cela fait maintenant trois mois que l’Occident a lancé sa guerre économique contre la Russie , et cela ne se déroule pas comme prévu. Au contraire, les choses vont vraiment très mal.

    Des sanctions ont été imposées à Vladimir Poutine non pas parce qu’elles étaient considérées comme la meilleure option, mais parce qu’elles étaient meilleures que les deux autres plans d’action disponibles : ne rien faire ou s’impliquer militairement.

    La première série de mesures économiques a été introduite immédiatement après l’invasion, alors qu’il était supposé que l’Ukraine capitulerait en quelques jours. Cela ne s’est pas produit, si bien que les sanctions – bien qu’encore incomplètes – se sont progressivement intensifiées.

    Il n’y a cependant aucun signe immédiat de retrait de la Russie de l’Ukraine et ce n’est guère surprenant, car les sanctions ont eu l’effet pervers de faire grimper le coût des exportations russes de pétrole et de gaz, d’augmenter massivement sa balance commerciale et de financer son effort de guerre. Au cours des quatre premiers mois de 2022, Poutine pourrait se vanter d’un excédent du compte courant de 96 milliards de dollars (76 milliards de livres sterling) – plus du triple du chiffre pour la même période de 2021.

    Lorsque l’UE a annoncé son interdiction partielle des exportations de pétrole russe plus tôt cette semaine, le coût du pétrole brut sur les marchés mondiaux a augmenté, offrant au Kremlin une autre manne financière. La Russie n’éprouve aucune difficulté à trouver des marchés alternatifs pour son énergie, avec des exportations de pétrole et de gaz vers la Chine en avril en hausse de plus de 50 % sur un an.

    Cela ne veut pas dire que les sanctions sont sans douleur pour la Russie. Le Fonds monétaire international estime que l’économie se contractera de 8,5 % cette année à mesure que les importations en provenance de l’ouest s’effondreront. La Russie dispose de stocks de biens essentiels au maintien de son économie, mais avec le temps, ils seront épuisés.

    Mais l’Europe ne se libère que progressivement de sa dépendance à l’égard de l’énergie russe, et ainsi une crise financière immédiate pour Poutine a été évitée. Le rouble – grâce au contrôle des capitaux et à un excédent commercial sain – est fort . Le Kremlin a le temps de trouver des sources alternatives de pièces de rechange et de composants auprès de pays désireux de contourner les sanctions occidentales.

    Lorsque les acteurs mondiaux se sont réunis à Davos la semaine dernière, le message public était la condamnation de l’agression russe et un engagement renouvelé à soutenir fermement l’Ukraine. Mais en privé, on s’inquiétait des coûts économiques d’une guerre prolongée.

    Ces inquiétudes sont tout à fait justifiées. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a donné un nouvel élan à des pressions déjà fortes sur les prix. Le taux d’inflation annuel du Royaume-Uni s’élève à 9 % – son plus haut niveau en 40 ans – les prix de l’essence ont atteint un niveau record et le plafond des prix de l’énergie devrait augmenter de 700 à 800 £ par an en octobre. Le dernier programme de soutien de Rishi Sunak pour faire face à la crise du coût de la vie était le troisième du chancelier en quatre mois – et il y en aura d’autres à venir plus tard dans l’année.

    À la suite de la guerre, les économies occidentales sont confrontées à une période de croissance lente ou négative et d’inflation croissante – un retour à la stagflation des années 1970. Les banques centrales – y compris la Banque d’Angleterre – estiment qu’elles doivent répondre à une inflation proche des taux à deux chiffres en augmentant les taux d’intérêt. Le chômage est appelé à augmenter. D’autres pays européens sont confrontés aux mêmes problèmes, sinon plus, car la plupart d’entre eux sont plus dépendants du gaz russe que le Royaume-Uni.

    Les problèmes auxquels sont confrontés les pays les plus pauvres du monde sont d’un ordre de grandeur différent. Pour certains d’entre eux, le problème n’est pas la stagflation, mais la famine, en raison du blocage de l’approvisionnement en blé des ports ukrainiens de la mer Noire.

    Comme l’a dit David Beasley, le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial : « En ce moment, les silos à grains de l’Ukraine sont pleins. Dans le même temps, 44 millions de personnes dans le monde marchent vers la famine.

    Dans toutes les organisations multilatérales – le FMI, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce et les Nations unies – les craintes grandissent d’une catastrophe humanitaire. La position est simple : à moins que les pays en développement ne soient eux-mêmes des exportateurs d’énergie, ils font face à un triple coup dur dans lequel les crises énergétiques et alimentaires déclenchent des crises financières. Confrontés au choix de nourrir leurs populations ou de payer leurs créanciers internationaux, les gouvernements opteront pour le premier. Le Sri Lanka a été le premier pays depuis l’invasion russe à faire défaut sur ses dettes , mais il est peu probable que ce soit le dernier. Le monde semble plus proche d’une véritable crise de la dette qu’à n’importe quel moment depuis les années 1990.

    Poutine a été condamné à juste titre pour avoir « militarisé » la nourriture, mais sa volonté de le faire ne devrait pas surprendre. Depuis le début, le président russe joue un long jeu, attendant que la coalition internationale contre lui se fragmente. Le Kremlin pense que le seuil de souffrance économique de la Russie est plus élevé que celui de l’Occident, et il a probablement raison à ce sujet.

    S’il fallait une preuve que les sanctions ne fonctionnent pas, alors la décision du président Joe Biden de fournir à l’Ukraine des systèmes de roquettes avancés le fournit . L’espoir est que la technologie militaire moderne des États-Unis réalisera ce que les interdictions énergétiques et la saisie des actifs russes n’ont pas réussi à faire jusqu’à présent : forcer Poutine à retirer ses troupes.

    La défaite complète de Poutine sur le champ de bataille est une façon dont la guerre pourrait se terminer, bien que dans l’état actuel des choses, cela ne semble pas si probable. Il y a d’autres résultats possibles. La première est que le blocus économique finit par fonctionner, avec des sanctions de plus en plus sévères forçant la Russie à reculer. Un autre est un règlement négocié.

    Poutine ne va pas se rendre sans condition, et le potentiel de graves dommages collatéraux de la guerre économique est évident : baisse du niveau de vie dans les pays développés ; la famine, les émeutes de la faim et une crise de la dette dans le monde en développement.

    Les atrocités commises par les troupes russes signifient qu’un compromis avec le Kremlin est actuellement difficile à avaler, mais la réalité économique ne suggère qu’une chose : tôt ou tard, un accord sera conclu.

    Larry Elliot

    Larry Elliott est le rédacteur économique du Guardian

    The Guardian, 02 juin 2022

    Lire aussi : Poutine compte se débarrasser du dollar et de l’euro

    Lire aussi : Poutine: l’OTAN a franchi la ligne rouge

    Lire aussi : Poutine : Biden est un âpre négociateur

    #Russie #Ukraine #Poutine #Guerre_économique #Gaz #Pétrole #Embargo #Occident #Europe #UE

  • Zelensi : « L’Ukraine perd entre 60 et 100 soldats par jour »

    Zelensi : « L’Ukraine perd entre 60 et 100 soldats par jour »

    Ukraine, Volodymyr Zelensky, Russie,

    Entre 60 et 100 soldats ukrainiens meurent chaque jour au combat et quelque 500 autres sont blessés, a assuré le président de l’Ukraine Volodymyr Zelensky au média américain Newsmax dans un entretien publié mercredi.

    «La situation dans l’Est est vraiment difficile», a ajouté Volodymyr Zelenski.

    «Nous perdons de 60 à 100 soldats par jour, tués au combat, et quelques 500 sont blessés», a détaillé le dirigeant de 44 ans, qui s’est exprimé grâce à un interprète. Ce nombre élevé de pertes survient au moment où les troupes ukrainiennes mènent des combats acharnés contre une puissante concentration de forces russes tentant de prendre le contrôle de la région de Lougansk dans l’est de l’Ukraine.

    Les Russes ont aussi subi des pertes importantes selon les informations du front.

    Le Soir d’Algérie, 02 juin 2022

    #Ukraine #Russie

  • UE-Russie. Le dindon de la farce

    UE-Russie. Le dindon de la farce

    Union Européenne, UE, Russie, Ukraine, pétrole, embargo,

    Le conflit opposant l’Occident à la Russie prend une drôle de tournure. Les protagonistes semblent jouer au chat et à la souris dans une joute dont ne sortira vainqueur que celui qui détient les clés de la suprématie stratégique. Hier, lundi soir, l’Union européenne a annoncé être (enfin) parvenue à un « accord de principe » pour se passer du pétrole russe d’ici la fin de l’année. Une annonce qui a eu pour effet immédiat de faire flamber les prix du brut à plus de 123 dollars en pleine saison creuse.

    Une question se pose : comment les 27 comptent-ils concrétiser cet accord, qui a plus l’air d’une promesse politique que d’un engagement ferme ? D’autant que cet accord « de principe », n’a pas reçu l’assentiment de tout le monde. La Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque ont, toutes trois, obtenu des dérogations. L’on se demande alors à quoi rime tout ce manège. Les gouvernements européens se disent que cet embargo, s’il se concrétise, participera à « freiner l’effort de guerre russe », à supposer que cela soit vraiment le cas. Car, Vladimir Poutine n’a pas attendu que les 27 se mettent d’accord sur quoi que ce soit pour agir. Il sait qu’il a en main des armes affûtées dans cette guerre qui se joue plus sur le terrain économique que sur les champs de bataille. Il pose ses conditions et a réussi à retourner l’arme de destruction massive économique contre ses initiateurs.

    Poutine a déjà suspendu les approvisionnements gaziers sur quatre pays européens et promet que d’autres suivront s’ils ne se résolvent pas à payer en rouble. Le plus cocasse est que ces pays qui ont refusé de payer en roubles annoncent déjà qu’ils iront chercher le gaz chez ceux qui le font. Au final, l’entêtement des Occidentaux n’a aucun effet, si ce n’est de donner la migraine aux bureaucrates.

    Et au-delà de l’énergie, cette confrontation entre l’Otan et la Russie a eu pour effet de couper une grande partie des routes pour l’approvisionnement en minéraux de base et en céréales. Les « alliés » devront d’ailleurs montrer patte blanche, lorsque Serguei Lavrov ira en Turquie pour que les routes de commercialisation des céréales soient rouvertes. En attendant, les prix flambent sur les marchés internationaux et l’inflation atteint des sommets et la récession menace, notamment en Europe. Poutine, lui ne s’inquiète pas. Malgré toutes les prévisions pessimistes des institutions de Bretton Woods sur l’économie russe, le rouble ne s’est jamais aussi bien porté et le Kremlin se permet de financer son arsenal de défense contre les sanctions occidentales et multiplie les mesures sociales destinées à en limiter l’impact sur les Russes.

    L’entêtement de l’Otan à vouloir un élargissement vers l’Est fait le lit de la guerre, et l’Union européenne a été mise sur le front avec toutes les conséquences que cela implique, quitte à devenir le dindon de la farce.

    La Sentinelle, 01 juin 2022

    #Russie #Ukraine #UE #Pétrole_russe #Embargo #OTAN

  • UE-Russie. Sabordage

    UE-Russie. Sabordage

    Union Européenne, Russie, Ukraine, embargo, pétrole, gaz,

    Les menaces non voilées de l’Union européenne concernant un boycott du pétrole russe sont actées depuis lundi. L’UE se passera de cette énergie graduellement, avec un clap de fin de 90 % d’ici fin 2022. Un scénario qui se dessinait à mesure que gonflait la guerre en Ukraine. «Le rétablissement de l’ordre» qui ne devait pas excéder quelques semaines traine en longueur et oblige l’Union Européenne à rebattre ses cartes vis-à-vis de la Russie, toutes les tentatives de la mettre au pas ayant échoué.

    Ce boycott du pétrole russe a été le vœu de Washington qui a joué dès le début des hostilités russo-ukrainiennes au va-t-en-guerre économique, mais pas que. La Maison-Blanche n’a pas cessé d’exhorter ses «alliés» à plus de fermeté envers Poutine. Néanmoins, l’ostracisme envers les énergies fossiles russes promet d’être un sabordage des pays de l’UE, tant les décisions se déclinent avec une musique américaine qui ne jure que par le Dollar.

    Les Etats-Unis ont donc donné d’une main à l’Ukraine pour en reprendre davantage à la vieille Europe. Un nouveau plan Marshall en quelque sorte puisque, et comme toujours, Washington monnaye son «aide» en proposant «son» pétrole et son gaz à des prix prohibitifs, et l’affolement des cours de l’or noir n’en est pas la seule cause. Les cours mondiaux de pétrole qui s’affoleraient pour moins que ça reprennent leur tendance haussière en frôlant les 124 Dollars le baril. Les retombées sur l’Europe ne tarderont pas à se manifester à la pompe et dans la vie de tous les jours, les spécialistes envisageant même une crise plus importante que celle des années 70 et 80 et qu’elle prendrait plus d’ampleur temporelle. La crise de l’énergie s’annonce néanmoins avec beaucoup d’inconnus car si l’approvisionnement de l’Europe en pétrole peut se trouver des substituts, celui du gaz s’annonce problématique tant la quantité de gaz russe vers l’UE reste difficile, pour ne pas dire impossible, à mettre en œuvre. Des dissensions, que l’on espère aplanies du côté de Bruxelles, sont toujours présentes comme la livraison de gaz à l’Allemagne, la Hongrie, l’Autriche, ou le paiement en roubles comme exigé par Moscou.

    L’union de l’Occident «démocratique» annoncée en grande pompe face à l’autocratie du tsar russe ne promet pas une pérennité. Ce même Occident qui n’était pas assez courageux pour «avoir froid» en hiver en boycottant le gaz russe, le serait-il assez pour mettre ses moyens de locomotion au garage et de payer plus un blé qui ne sera pas russe ? Rien n’est moins sûr même si l’oncle Sam promet des compensations, à la sauce US, bien sûr.

    Par Hamid Bellagha

    Sanctions des pays de l’UE contre les hydrocarbures russes : Embargo progressif sur le pétrole, «pause» sur le gaz

    Les pays des Vingt-sept sont d’accord pour se passer progressivement du pétrole russe, optant pour un embargo en deux étapes. Les sanctions qu’ils prévoient contre le gaz s’avèrent «compliquées» et plus difficiles à appliquer sur le terrain…

    Les Vingt-Sept de l’Union européenne (UE) se sont accordés, dans la nuit du lundi 30 mai, sur le choix d’un embargo progressif sur le pétrole russe. Cette mesure comprise dans le «sixième paquet» de sanctions de Bruxelles contre Moscou va être appliquée en deux temps : d’abord un embargo sur les livraisons maritimes d’ici la fin de l’année, puis un autre «aussi vite que possible» sur le pétrole livré par oléoduc. Elle répond au souci de ménager la Hongrie et la Slovaquie, deux pays enclavés et fortement dépendants de la ressource fossile russe. Comme l’Allemagne et la Pologne se sont engagés à ne plus acheter de pétrole russe transporté par oléoduc d’ici la fin de l’année, «l’UE va donc tarir de 90 % les livraisons de pétrole russe d’ici la fin 2022», a déclaré Charles Michel, le président du Conseil européen, autour de minuit (heure algérienne). Pour acter cette décision, les ambassadeurs des Vingt-Sept auprès de l’UE se réunissent aujourd’hui. Ils doivent valider aussi le reste du «sixième paquet» de sanctions proposé par la Commission début mai : exclusion de trois nouvelles banques russes du système de messagerie financière Swift, et notamment de la Sberbank, première banque domestique avec 37 % du marché ; interdiction de diffusion dans l’UE de trois radiodiffuseurs russes ; allongement de la liste noire des personnalités sanctionnées ; interdiction des services de conseil ou de comptabilité à des entités russes. Ils devront déterminer également la façon de mettre fin aux importations de pétrole russe via les oléoducs. La Hongrie réclame des garanties de livraisons alternatives en cas de rupture de l’oléoduc Droujba, critique pour son approvisionnement en énergie. Elle exige aussi des aides financières pour adapter ses raffineries, qui à l’heure actuelle ne peuvent traiter que du brut russe et devront à terme pouvoir fonctionner avec le pétrole reçu via l’oléoduc Adria en provenance de Croatie. D’autres Etats membres demandent des clauses dérogatoires, notamment la Bulgarie et la Croatie. Ce traitement à la carte pourrait donner un avantage concurrentiel aux pays bénéficiaires, un facteur qui devra être pris en considération. Après l’accord sur un embargo sur le pétrole russe, quid du gaz ? «Le sixième paquet de sanctions est un grand pas en avant. Et je pense que nous devrions faire une pause maintenant», a déclaré hier le Premier ministre belge Alexander de Croo. «Ce paquet, mettons-le d’abord en pratique (…) Le gaz, c’est beaucoup plus compliqué. C’est donc une étape importante. Arrêtons-nous là pour le moment et voyons quel est l’impact», a-t-il expliqué. «Nous devrons parler d’un septième paquet de sanctions parce que la situation ne s’améliore pas en Ukraine. Mais le gaz est bien sûr beaucoup plus difficile que le pétrole», a souligné la Première ministre de l’Estonie Kaja Kallas. «Le gaz doit faire partie du septième paquet, mais je suis également réaliste, je ne pense pas qu’il y sera», a-t-elle estimé. «Il y a un problème technique qui a été résolu avec Viktor Orban. Avec le gaz, c’est tout à fait différent. Par conséquent, l’embargo sur le gaz ne sera pas dans le prochain train de sanctions», a renchéri le chancelier autrichien Karl Nehammer.

    L’UE, qui a déjà décidé de se passer de charbon russe à partir du mois d’août, a trouvé d’autres fournisseurs aux Etats-Unis pour un tiers de ses achats de gaz russe. En 2021, la Russie a fourni 30% du brut et 15% des produits pétroliers achetés par l’UE. Elle fournit annuellement 150 milliards de m3 de gaz, soit 40% des importations de l’UE.

    L’Union européenne refuse de payer les achats de gaz à la Russie en roubles, comme l’a exigé le Kremlin, estimant qu’il s’agit d’une violation des sanctions. Les compagnies énergétiques sont tenues de respecter les conditions de paiement des contrats conclus avec Gazprom (97% prévoient un règlement en dollars ou en euros), sous le contrôle des Etats membres. La Pologne et la Bulgarie, qui ont refusé d’ouvrir un second compte en roubles, ont cessé d’être livrées par Gazprom qui a considéré que le règlement n’avait pas été effectué. Mais tous les Etats membres ne respectent pas l’interdit. Le groupe autrichien «OMV a eu des discussions bonnes et constructives» avec la compagnie russe, a confirmé Karl Nehammer. Le chancelier allemand Olaf Scholz a annoncé que le sujet ne serait «pas discuté au cours du sommet». «Personne ne veut acheter de l’énergie à la Russie. La Russie, un pays barbare, un pays sur lequel on ne peut compter en aucune façon», a lancé mardi le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.
    «C’est pourquoi nous discutons de la manière de nous éloigner rapidement non seulement des hydrocarbures russes comme le charbon ou le pétrole, mais aussi, à plus long terme, du gaz», a-t-il expliqué.

    Anis Remane

    Reporters.dz, 01 juin 2022

    #Russie #Ukraine #UE #Embargo #Pétrole #Gaz

  • Gazprom suspend les livraisons de gaz aux Pays-Bas

    Russie, Gazprom, Gaz, Pays Bas, Ukraine,

    Le gazier russe Gazprom a annoncé avoir suspendu, ce mardi, les livraisons de gaz au fournisseur néerlandais GasTerra face à son refus de payer en roubles, litige né de l’offensive militaire russe contre l’Ukraine. « Gazprom a cessé totalement ses livraisons de gaz à la société GasTerra B.V. (Pays-Bas) du fait du non-paiement en roubles », a annoncé le géant russe dans un communiqué sur sa messagerie Telegram.

    En réplique aux sanctions imposées par l’Union européenne à la suite de l’offensive russe en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a réclamé que les acheteurs de gaz russe de pays « inamicaux » payent en roubles depuis des comptes en Russie sous peine d’être privés d’approvisionnements, en dépit de contrats prévoyant des paiements en euros ou en dollars.

    Le groupe GasTerra avait refusé, réclamant le respect d’obligations contractuelles et notant que des versements tels que le réclame le Kremlin présentaient « un risque de violation des sanctions élaborées par l’UE ».

    Les Néerlandais dépendent de la Russie pour environ 15% de leurs approvisionnements en gaz, soit quelque six milliards de mètres cubes par an, selon le gouvernement. C’est moins que la moyenne européenne de 40%, mais comme d’autres pays européens, les Pays-Bas s’efforcent de réduire leur dépendance à l’énergie russe.

    La décision du géant russe de l’énergie signifie que deux milliards de mètres cubes de gaz ne seront pas fournis aux Pays-Bas d’ici octobre, avait prévenu GasTerra, ajoutant avoir « anticipé cela en achetant du gaz ailleurs ».

    La Russie avait déjà coupé le gaz pour la même raison à la Finlande, la Bulgarie et la Pologne.

    (Agences)

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