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  • L’Occident peut-il survivre sans pétrole russe ?

    L’Occident peut-il survivre sans pétrole russe ?

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    Les pays qui demandent un embargo pourraient ne pas trouver d’autres fournisseurs de brut

    L’UE et le Royaume-Uni ont récemment annoncé leur intention d’interdire tous les achats de pétrole russe d’ici la fin de l’année en réponse à l’opération militaire russe en Ukraine. Washington a déjà déclaré une interdiction complète du pétrole russe. Moscou, quant à lui, a prévenu que couper son brut entraînerait « des conséquences catastrophiques pour le marché mondial », une notion approuvée par le chef de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), Mohammed Barkindo, qui a récemment averti les responsables de l’UE que il serait impossible de remplacer les volumes perdus si le pétrole russe était interdit. La Russie est le troisième producteur mondial de pétrole et le deuxième exportateur mondial. Au milieu des inquiétudes mondiales d’une crise énergétique imminente, les pays occidentaux recherchent des fournisseurs alternatifs.

    La Norvège
    Norvège est le deuxième fournisseur de pétrole de l’Europe après la Russie, fournissant 8 % des importations de pétrole de l’UE, contre 27 % pour la Russie en 2021. Elle pompe environ 4 millions de barils d’équivalent pétrole par jour et devrait augmenter sa production de 9 % d’ici 2024. Le pays a annoncé en mars qu’il offrirait de nouvelles licences pour forer du pétrole et du gaz, y compris dans des zones jusqu’alors inexplorées de l’Arctique. Cependant, à plus grande échelle, la production norvégienne ne représente que 2 % de la demande mondiale totale de pétrole brut, ce qui signifie qu’il s’agit d’un petit acteur. Pendant ce temps, les nouveaux sites de forage prennent du temps à explorer et à développer – un temps que l’Europe n’a pas.

    Kazakhstan

    L’ancienne république soviétique possède les plus grandes réserves prouvées de pétrole de la région de la mer Caspienne. La plupart de ses exportations de pétrole brut sont destinées à l’Europe, représentant environ 6 % de ses importations de pétrole. Cependant, le Kazakhstan compte sur la Russie pour exporter la majeure partie de son pétrole brut via un oléoduc depuis ses champs pétrolifères occidentaux via le sud de la Russie jusqu’au terminal pétrolier russe de la mer Noire à Novorossiysk. Cela soulève la question de savoir si le pétrole kazakh serait autorisé à venir en Europe s’il était expédié via la Russie.

    Nigeria
    Le pays fait également partie des fournisseurs de pétrole de l’Europe, couvrant environ 6% des besoins pétroliers du continent. Il fournissait autrefois du pétrole aux États-Unis, mais a été remplacé par le Canada lorsque ce dernier a augmenté sa production de sables bitumineux. Le Nigéria a des réserves prouvées égales à 237,3 fois sa consommation annuelle. Cependant, le pays se débat en raison du manque de raffineries fonctionnelles, alors que le pétrole raffiné représente la plus grande partie de la facture d’importation du Nigeria (environ 17%). Cela peut signifier que le pays serait difficilement en mesure de se concentrer sur l’augmentation de ses exportations de brut alors que les réservoirs à la maison sont vides.

    Moyen-Orient
    Les nations du Moyen-Orient détiennent près de la moitié des réserves pétrolières prouvées du monde et une grande partie de sa capacité de production inutilisée. Cependant, le sous-investissement dans les infrastructures, les conflits politiques et, dans le cas de l’Iran, les sanctions, peuvent entraver la capacité de la région à venir à la rescousse lorsque l’Occident perd le pétrole russe. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, par exemple, constituent la majeure partie de la capacité de production de réserve de l’OPEP. Mais l’Arabie saoudite a rejeté à plusieurs reprises les appels des États-Unis à augmenter la production au-delà de l’augmentation convenue par l’OPEP après la conférence de Copenhague. Selon les analystes, il est également peu probable que les deux pays détournent des expéditions de pétrole de l’Asie vers l’Europe, de peur de perdre le principal acheteur de la région, la Chine. L’Irak et la Libye pourraient augmenter leur production, mais les troubles politiques intérieurs rendent cette éventualité peu probable. Reste l’Iran, qui, bien que parfaitement équipé pour augmenter sa production de brut, est toujours sous le coup de sanctions américaines et les efforts pour relancer l’accord nucléaire de 2015 avec les puissances mondiales continuent de ne porter aucun fruit.

    Brésil
    Onzième exportateur mondial de pétrole, le Brésil a récemment été invité par les États-Unis à augmenter sa production de pétrole. Cela a été provoqué par la flambée des prix de l’essence aux États-Unis suite à son interdiction du pétrole russe. Même si le pétrole en provenance de Russie ne représentait que 8 % des importations américaines de brut, l’incertitude sur les approvisionnements avait fait grimper les prix intérieurs. Cependant, le Brésil a refusé la demande de Washington. La compagnie pétrolière publique du pays, Petrobras, a déclaré que les niveaux de production étaient déterminés par la stratégie commerciale plutôt que par des considérations diplomatiques et qu’une augmentation significative de la production à court terme ne serait pas possible sur le plan logistique.

    Venezuela
    Washington a également approché le Venezuela, qui possède les plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde, s’engageant à assouplir certaines des sanctions imposées au pays en échange d’une augmentation des exportations de pétrole vers les États-Unis. Cependant, Washington aurait plus tard fait marche arrière sur l’offre, bien que Caracas ait déclaré qu’elle pourrait augmenter la production d’au moins 400 000 barils par jour.

    États-Unis
    Les États-Unis sont le premier producteur mondial de pétrole brut, avec une production d’environ 11,6 millions de barils par jour en décembre 2021. Cependant, le pays est également le plus grand consommateur de pétrole au monde, utilisant environ 20 % du total mondial, ce qui en fait un importateur net. Les États-Unis pourraient potentiellement augmenter leur production et vendre davantage de brut à l’Europe, mais le pétrole américain est très léger et inapte à produire le diesel et l’essence nécessaires aux marchés, tant américains qu’européens.

    Canada
    Le Canada est le cinquième producteur de pétrole au monde et possède les troisièmes réserves prouvées de pétrole les plus importantes au monde. Toutefois, la capacité des oléoducs et des infrastructures d’exportation du pays est limitée et la quasi-totalité de son pétrole est acheminée vers le marché nord-américain à bas prix. En mars, le ministre canadien des ressources naturelles s’est engagé à augmenter la production pour aider à résoudre la crise énergétique en Europe, mais on s’inquiète de la quantité de pétrole supplémentaire que le pays peut pomper, étant donné que la production dans l’Ouest canadien était déjà proche des niveaux records l’hiver dernier. Selon les estimations, le Canada ne peut augmenter sa production de pétrole que de 200 000 barils par jour. Cela n’aiderait les États-Unis qu’à compenser une partie du manque à gagner résultant de la perte des 500 000 barils de pétrole russe – et il n’y a pas de calendrier précis quant au moment où le Canada pourrait livrer ces barils.

    Big News Network, 15 mai 2022

    #Russie #Ukraine #Occident #UE #Europe #Pétrole #Gaz


  • Zadira, l’arme laser russe pour brûler des drones

    Zadira, l’arme laser russe pour brûler des drones

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    “La nouvelle génération d’armes laser conduit à la destruction physique de la cible”

    La Russie a déclaré mercredi qu’elle utilisait une nouvelle génération d’armes laser puissantes en Ukraine pour brûler des drones.

    En 2018, le président russe Vladimir Poutine a dévoilé une gamme de nouvelles armes, dont un nouveau missile balistique intercontinental, des drones nucléaires sous-marins, une arme supersonique et une nouvelle arme laser.

    On sait peu de choses sur les spécificités des nouvelles armes laser. Poutine a mentionné Peresvet, du nom d’un moine guerrier orthodoxe médiéval, Alexandre Peresvet, qui a péri dans un combat mortel.

    Yury Borisov, le vice-Premier ministre chargé du développement militaire, a déclaré lors d’une conférence à Moscou que Peresvet était déjà largement déployé et qu’il pouvait aveugler des satellites jusqu’à 930 milles au-dessus de la Terre.

    Il a noté, cependant, qu’il existait déjà des systèmes russes plus puissants que Peresvet qui pourraient brûler des drones et d’autres équipements.

    “Si Peresvet aveugle, alors la nouvelle génération d’armes laser conduit à la destruction physique de la cible – destruction thermique, elles brûlent”, a déclaré Borisov à la télévision d’État russe, selon Reuters.

    Lorsqu’on lui a demandé si de telles armes étaient utilisées en Ukraine, Borisov a répondu : “Oui. Les premiers prototypes y sont déjà utilisés.” Il a dit que l’arme s’appelait “Zadira”.

    Presque rien n’est connu du public sur Zadira, mais en 2017, les médias russes ont déclaré que la société nucléaire d’État russe, Rosatom, avait aidé à le développer dans le cadre d’un programme visant à créer de nouveaux principes physiques basés sur les armes, connus sous l’acronyme russe ONFP.

    Aldjazair.org, 19 mai 2022

    #Russie #Ukraine #Drones #Zadira #Laser

  • Les bases de la transition énergétique

    Les bases de la transition énergétique

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    Au moment où l’Algérie s’engage sur la voie des énergies renouvelable, des experts préviennent qu’il existe encore des problèmes en amont qui doivent trouver solutions en parallèle à cet emballement. Faute de quoi, tout ne serait qu’envoûtement par la dynamique en cours dans plusieurs pays, qui s’inscrit sur le registre de la préservation de la nature et est considéré, surtout, comme ressource énergétique renouvelable pour remplacer le plus rapidement possible des énergies fossiles dont ils manquent affreusement. Un manque qui a réduit leur liberté d’action dans leur soutien à l’Ukraine face à la Russie, qui approvisionne l’Europe en gaz à hauteur de 40%.

    Certes, comme le soulignent les spécialistes, grâce à un ensoleillement annuel moyen évalué à 3000 heures, avec un territoire composé de 86% de désert saharien et par son positionnement géographique, l’Algérie possède le champ solaire le plus important au monde, qui doit bien servir ses intérêts dans l’avenir, mais est-ce pour autant une raison d’y aller à la même vitesse que des pays importateurs d’énergie fossile, qui n’ont pas d’autres options que de chercher à s’affranchir de cette dépendance aux pays producteurs/exportateurs de pétrole et de gaz ?

    Les ENR sont l’avenir, mais dans le temps présent, il s’agit de veiller à mettre en place des bases solides pour assurer la transition énergétique carbonée vers le renouvelable, de la manière la plus sûre. Il s’agit de la sécurité énergétique du pays dans trente ans ou plus, le temps d’arriver à l’épuisement des énergies fossiles, et garantir la compétitivité de l’énergie solaire, sur laquelle mise le pays.

    Est-ce que l’Algérie possède les ressources humaines adaptées à la nouvelle vision énergétique ? Pas assez. L’ex-ministre de la Transition énergétique et des Energies renouvelables, le professeur Chems-Eddine Chitour, préconise dans ce sens la création dans le pays d’un institut de la transition énergétique rassemblant les compétences intellectuelles pour œuvrer ensemble à trouver des solutions et des alternatives pour passer des énergies fossiles aux énergies renouvelables dans les prochaines années. Il a souligné, à ce propos, lors d’une rencontre sur la sécurité énergétique, tenue lundi à l’Université Sétif-1, l’importance de former les ressources humaines dans ce domaine pour atteindre cet objectif.

    Il a également appelé à établir des partenariats de coopération avec des pays amis, dont l’Allemagne et l’Italie, pour construire une base dans ce domaine, estimant que l’Algérie «possède tous les moyens pour une transition énergétique véritable vers les énergies renouvelables mais a besoin de la faire méthodiquement». Sans l’énergie des ressources humaines, pas d’énergie naturelle.

    De son côté, l’expert dans le domaine énergétique, Pr. Abdelmadjid Attar, a souligné par la même occasion que la transition énergétique est «une solution qui reste insuffisante sans alternatives économiques», insistant sur «l’importance de créer des ressources nouvelles agricoles, minières, touristiques et de services». L’Algérie a bien commencé à parler des ENR depuis deux décennies, sans avoir mis en œuvre les moyens de cette politique énergétique. Il y a, donc, beaucoup à faire sur le chemin des ENR.

    par Abdelkrim Zerzouri

    Le Quotidien d’Oran, 19 mai 2022

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    #Algérie #Gaz #Energie_renouvelable #Hydrogène #Russie #Ukraine


  • Les deux perdants avec l’invasion de l’Ukraine

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    Il peut être opportun d’analyser la guerre en d’autres termes et d’aller au-delà de la simple confrontation entre la Russie et l’OTAN. Ce qui est en jeu, c’est notre avenir et, sur ce plan, il y a des forces qui gagnent.

    Formulons la guerre en Ukraine en d’autres termes . Un pays dont la force réside dans les armes et les réserves d’énergie, et dont la cohésion nationale dépend d’un nationalisme qui atténue le sentiment d’humiliation, envahit un pays voisin qui, enle passé en faisait partie. La démonstration de force veut montrer au monde que la Russie est redevenue grande. Le principal ennemi dans cette guerre, du point de vue de Poutine , n’est pas le peuple ukrainien, pas même l’OTAN, mais les États-Unis, qui sont le pays qui a mené la réaction, dirigeant et encourageant ses partenaires de l’OTAN, insistant à plusieurs reprises sur la nécessité de découplage avec l’énergie russe, et prônant désormais une longue guerre qui épuise la Russie. Les États-Unis sont un pays qui a ses principaux atouts dans les armes et l’énergie, puisque grâce à la fracturation hydraulique , il a considérablement augmenté sa production de pétrole et de gaz, dans lequel le nationalisme est profondément ancré et dans lequel la moitié du pays estime que l’objectif principal devrait être de redonner sa grandeur à l’Amérique. Nous sommes donc face à des rivaux directs, car ils rivalisent sur le même plan , alors même que la puissance des États-Unis est bien supérieure à celle de la Russie, et ce d’autant plus que sa puissance dans le domaine financier est difficile à égaler.

    Et c’est significatif, car celui qui a remporté les élections, c’est Biden , dont les lignes d’action , claires dès le début de son mandat, semblaient très différentes : renforcement des capacités internes, reconstruction des infrastructures, grand développement des énergies renouvelables et une nouvelle pacte social. Biden représentait le triomphe d’un autre pays , d’un autre USA, qui voulait sortir de la guerre, des énergies fossiles, qui s’était engagé dans de bonnes relations avec l’Europe, et qui voulait tisser un ordre international loin de ce genre d’enfermement insulaire pour lequel Trump avait parié . L’ Union européenne s’est jointe avec joie à la victoire de Biden , en partie parce quecela signifiait un changement qui lui permettait de tisser de nouvelles affinités , en partie parce qu’il coïncidait avec nombre de ses objectifs. Sur certains points , Biden a même semblé plus audacieux que les dirigeants européens, notamment dans les domaines économiques, puisqu’il a mis sur la table une série d’options qui promettaient de réorienter, au moins en partie, les processus de tensions internes et d’inégalités en Occident. .

    Avec l’arrivée de la guerre, la carte a complètement changé . Rien de ce programme Biden ne décolle, les combustibles fossiles sont à nouveau au centre des priorités, tout comme l’industrie de l’armement, le nouvel accord est oublié et l’argent des investissements va aider l’Ukraine. Dans ce nouveau scénario, la rhétorique de l’establishment américain diffère peu de ce qu’il pouvait dominer à l’ ère Trump . Et la politique étrangère est à nouveau dominée par les positions néoconservatrices , par les armes, le carburant et l’argent.

    Le mépris de l’Europe

    Pour l’Union européenne, ce virage a des conséquences énormes. En premier lieu, parce que son approvisionnement énergétique va être beaucoup plus cher s’il se découple de la Russie, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes de pénurie d’approvisionnement et de difficultés pour les familles et les entreprises (et, par extension, pour sa place dans les échanges internationaux ). Deuxièmement, parce qu’enraciner la guerre pour affaiblir la Russie. Cela ne peut se faire sans de grands dommages économiques au continent, ce que les Américains ne subiront pas. Les perspectives d’inflation et de hausse des taux d’intérêt constituent une menace sérieuse pour l’économie des pays et des citoyens européens, tandis que les États-Unis sont mieux préparés à résister à cet assaut. Et le boom définitif des énergies renouvelables en Europe devra être mis entre parenthèses, car peut-être qu’à moyen terme cette impulsion se poursuivra, mais à court terme la priorité sera au pétrole et au gaz, et à la sécurisation des approvisionnements, alors que l’avenir semble pour amener le retour du nucléaire. Nous verrons comment les événements se dérouleront, mais les prévisions pour notre continent sont assez sombres.

    Poutine ne veut pas de l’UE comme interlocuteur parce qu’il nous qualifie de simples serviteurs des États-Unis, et Biden veut un alignement transparent sur l’UE.

    La particularité est que, de plus, aucun des deux grands prétendants ne semble montrer une grande appréciation de l’Europe . Poutine ne veut pas de l’UE comme interlocuteur, car il nous traite de simples serviteurs des États-Unis et son attitude depuis un certain temps consiste à nous rabaisser. Le but du président russe est de négocier une sortie de guerre directement avec Biden , qui comprend qu’il est le seul interlocuteur valable. Et les États-Unis ont leur propre programme : leur engagement dans une guerre prolongée, dans laquelle la Russie s’épuise, est particulièrement mauvais pour l’Europe, qui souffrira d’autant plus que la guerre durera. Alors Poutine , dans son idée de négocier directement avec les États-Unisla sphère d’influence, met la pression sur une Europe qui, d’autre part, est poussée à faire siens les objectifs américains . Il n’est pas surprenant que les présidents français, Emmanuel Macron , et chinois, Xi Jinping , aient conjointement appelé à un cessez-le-feu urgent en Ukraine mardi dernier, car les deux pays sont très intéressés à arrêter la guerre rapidement.

    Bref, ce contexte pose deux problèmes importants pour l’Europe, l’un d’influence, l’autre de projet. Au sein de l’Union, les divergences se creusent autour de l’autonomie dite stratégique. Il y a des pro-européens qui croient que les pays devraient être entièrement alignés sur les États-Unis , et une autre partie, avec en tête la France et une partie de l’Allemagne, qui poussent dans le sens de limiter les ambitions atlantistes. Personne ne doute de l’alliance avec les États-Unis, mais ce qui est en jeu, ce sont les termes de ce partenariat. autonomie stratégique cela signifie la possibilité pour l’Europe de poursuivre ses propres intérêts en toute amitié avec les États-Unis, mais sans perdre de vue le fait qu’elle est une entité autonome. Il y a des pays européens qui pensent que c’est une mauvaise idée, que le lien avec les Etats-Unis doit être complet, et d’autres qui prônent l’établissement d’une marge d’action claire et précise. C’est une autre question européenne qui devra trouver une solution. Le sommet de l’OTAN à Madrid sera intéressant dans ce sens. Bien sûr, la façon dont cette tension sera résolue dictera une grande partie de notre avenir.

    Une vieille connaissance retrouvée

    Mais au-delà de cette politique d’alliances, il faut noter le virage idéologique qui s’est déjà opéré, et qui se traduit par un retour aux postulats néoconservateurs : l’union de l’armement, des énergies fossiles, de la défense et de l’expansion de la sphère financière semble avoir gommé les aspirations qui semblaient s’être installées avec Biden . Et puis il y a le retour des questions culturelles et religieuses au premier plan, avec la fuite de la décision de la Cour suprême des États-Unis sur l’avortement.

    La particularité est que ce retour des budgets néoconservateurs se produit avec un président démocrate à la tête de la Maison Blanche.

    Ce retour est curieux, car il évoque l’après 11 septembre 2001. A ce moment-là, les attentats ont servi aux néoconservateurs pour imposer leurs thèses et appliquer leur agenda. L’Europe a accepté ce virage sans problème, et il y a eu très peu de critiques sur la guerre en Afghanistan, mais au fil du temps, les différences sont devenues apparentes. La guerre en Irak a marqué une nette divergence entre l’axe franco-allemand et les États-Unis. Peut-être que la même chose va se passer maintenant, mais ce qui est étrange, c’est que tout cela se passe avec un président démocrate à la tête de la Maison Blanche.

    Les deux victimes

    Cette vision néoconservatrice, qui instaure clairement une nouvelle guerre froide, fait deux victimes : l’Europe et l’idéologie progressiste. Dans un monde de guerre, de lutte pour les énergies fossiles, de renforcement des dépenses de défense, l’UE est mal préparée, car elle a bâti ses dernières années sur le commerce, les exportations et les importations, les règles internationales et les investissements dans le financier. Elle a perdu beaucoup de ses capacités internes, même dans des domaines stratégiques, ce qui rend très difficile vous pouvez donc désormais compter sur l’autonomie que vous souhaitez. Reconstruire toute cette propre sphère nécessite un investissement et une façon de penser très différente de celle qui nous a amenés ici ; et il ne semble pas que les principaux pays de l’UE soient alignés pour mener les actions pertinentes avec l’intensité qui serait nécessaire.

    Et quant à l’idéologie progressiste, le problème avec l’invasion de l’Ukraine et avec le nouvel ordre du jour est qu’elle change complètement leur démarche. Sans aucun doute, le monde vert, numérique et inclusif auquel ils aspiraient , avec le changement climatique comme grande menace, pâlit devant les temps nouveaux. Beaucoup de ses propositions semblent secondaires à notre époque, où les balles, les guerres commerciales et l’inflation menacent une dépression économique. Aucun des grands pays ne considère le changement climatique comme l’objectif ultime , puisqu’il s’agit désormais d’assurer l’approvisionnement.

    On connaît déjà l’articulation interne des sociétés liées aux armes, aux finances et au nationalisme. L’autre est encore à venir.

    L’ère nouvelle a conduit à un terrain, celui du réalisme et de la géopolitique , celui des tensions entre pays et territoires et celui de l’aggravation des différences entre les classes, auquel la vision progressiste n’était pas préparée. Dans ce contexte, le pari vert et numérique est soumis à la géopolitique, et peut être développé, mais à condition qu’il convienne à cette dernière. C’est le cas européen, ou cela devrait l’être, mais pour parvenir à ce développement, il faudrait faire des investissements très importants, qui ne pourraient être mis en œuvre efficacement qu’en mutualisant les prêts, avec un rôle différent pour la BCE et avec la chute du interdiction des aides d’État, entre autres. Une vision qui est loin d’être dominante en Europe.

    Réinvention

    Cependant, maintenant que les États-Unis ont abandonné les projets que Biden avait en tête, l’ Europe pourrait jouer ses tours et promouvoir d’autres types de politiques. Il n’y a pas que l’énergie, la défense ou l’approvisionnement alimentaire qui sont en jeu, ce qui est suffisant. Il s’agit aussi du type de valeurs, d’économie et de société qu’il faut construire dans cette nouvelle époque qui émerge après la guerre. L’Europe prétendait jouer le rôle de pourvoyeuse de normes, source de règles, de lien international par les valeurs libérales, de paix construite par le commerce et la finance. Cependant, ce rêve a non seulement disparu avec l’invasion de l’Ukraine, mais c’est précisément la confiance aveugle dans cette perspective qui a affaibli la position européenne et l’a conduite à une situation dans laquelle elle n’est pas préparée à affronter les temps présents. L’Europe devrait se réinventer pour qu’en plus de l’armement, de l’énergie et de la finance, il y ait d’autres valeurs dans le monde déglobalisé, pour que cet élan éclairé prenne une nouvelle expression. Cependant, sa situation existentielle est compliquée : alors que la guerre s’éternise, que les hostilités s’intensifient et que le découplage énergétique russe est complet, lachoc en Europe peut être très grand. Soit une nouvelle Europe émerge, soit elle se rétrécit complètement.

    De la même manière, il reste à savoir quelles idéologies seront en jeu dans ces temps à venir. Nous avons déjà la proposition d’articulation interne des sociétés liée à la prééminence de l’armement, des finances et du nationalisme, l’autre reste à venir .

    Quelque chose de curieux est arrivé au progressisme : il parlait constamment du pouvoir, celui exercé par les hommes sur les femmes, celui de la race blanche sur les gens d’une autre couleur de peau, celui de la religion sur les coutumes sociales, celui des vieux sur les jeunes, mais il a oublié de penser au pouvoir des armes, de l’argent et de la géopolitique. Et, dans une certaine mesure, elle entend rester ancrée dans son cadre quand ce n’est plus possible : elle tord les crocs, refusant d’intégrer la nouvelle perspective au moment où elle est dominante.

    Cela arrive aux progressistes comme aux libéraux qui se soucient du maintien des équilibres de pouvoir institutionnels, mais qui ignorent tout ce qui les survole, et que c’est justement ce qui détermine la possibilité de ces équilibres. Il leur est arrivé la même chose à tous les deux : le pouvoir semblait désagréable, dépassé, intrinsèquement négatif : tous deux avaient pour fonction de réguler, d’ordonner et de normaliser. Mais ils ont oublié que seul ce que vous avez est réglementé ; sinon, le pouvoir vous régule. Et cette fois le montre douloureusement.

    Par conséquent, les idéologies dans lesquelles nous avons évolué sont en train de se réinventer. Mais pas parce que la guerre de Poutine a conduit à une époque où tout est nouveau. Au contraire, il signifie le triomphe d’une idéologie spécifique. L’autre, qui était représenté par une double expression, celle de progressisme et celle de libéralisme naïf, est celui qui a perdu et, donc, celui qui devra récupérer, s’il le peut, le terrain perdu par un processus de évolution.

    Esteban Hernández

    Source : El Confidencial, 15/05/2022

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    #Ukraine #Russie #France #Allemagne #OTAN #EtatsUnis

  • Vidéo : Le lapsus fort révélateur de George Bush

    Vidéo : Le lapsus fort révélateur de George Bush

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    W. Bush a commis un lapsus le 18 mai 2022 en confondant l’Irak et l’Ukraine.

    19 ans après le déclenchement du conflit en Irak par les Etats-Unis, George W. Bush a commis un malheureux lapsus lors d’un discours à Dallas, qui visait à dénoncer l’offensive russe en Ukraine. Lors d’un discours prononcé à Dallas le 18 mai, George W. Bush s’est livré à un réquisitoire ferme contre la Russie, fustigeant un pays qu’il estime être non-démocratique. Voulant commenter l’offensive russe en Ukraine, l’ancien président étasunien a cependant commis un malheureux lapsus, parlant de l’«invasion totalement injustifiée et brutale de l’Irak».

    «Le résultat est l’absence d’équilibre des pouvoirs en Russie et la décision d’un seul homme de lancer une invasion totalement injustifiée et brutale de l’Irak», a lancé le 43e président des Etats-Unis, provoquant un silence gêné.

    George W. Bush a tenté de se rattraper en corrigeant : «Je veux dire, de l’Ukraine».

    Source : RT

    #EtatsUnis #Irak #GeorgeBush #Ukraine #Russie

  • Le cas apparemment désespéré de la Suède et de la Finlande

    Le cas apparemment désespéré de la Suède et de la Finlande

    Suède, Finlande, OTAN, Russie, Ukraine, Etats-Unis,

    Les dirigeants des deux pays européens candidats à l’entrée dans l’Otan par ces temps de guerre, la Première ministre de Suède Magdalena Andersson et le président de Finlande Sauli Niiniströ, devront se trouver aujourd’hui à la Maison-Blanche pour obtenir de Joe Biden l’assurance que malgré l’opposition réitérée de la Turquie, leurs pays seront reçus bien et à «bras ouverts» dans l’Otan, pour reprendre une expression qu’ils n’ont pas peu entendue ces derniers jours. Le moment est d’une importance capitale pour leurs deux pays qui parce qu’ils ont rompu avec la politique de neutralité, suivie par eux depuis si longtemps qu’elle a semblé faire partie de leur ADN, se sentent aujourd’hui à découvert, exposés de leur propre initiative à connaître un sort similaire à celui de l’Ukraine. Ils pensaient qu’ils couraient le danger d’être attaqués même en l’absence de la moindre opposition interne à l’Otan, et cela du seul fait qu’il est d’usage que leur demande d’intégration soit examinée avant d’être approuvée.

    Dans l’intervalle en effet, ils se trouveraient dans quelque chose ressemblant à une zone de non-droit international, dépourvus de toute garantie et de toute protection, aussi bien de celles que confère le statut de neutralité, dont ils se sont librement dépouillés, que de celle qu’accorde l’Article 5 de la charte de l’Otan, dont par la force des choses ils ne sont pas encore membres.

    Ils avaient calculé que cette période de tous les dangers prendrait place entre le moment du dépôt officiel de la demande d’intégration et celui où elle est acceptée solennellement, forcément à l’issue d’un sommet de l’Otan, le prochain étant prévu en juin prochain à Madrid. Il leur fallait déjà prendre un risque énorme indépendamment de tout contretemps par définition imprévisible. Or voilà que la Turquie leur signifie qu’elle opposerait son veto à leur entrée, quoi qu’ils fassent pour la convaincre de les laisser passer.

    Lors d’un point de presse tenu en présence du président algérien, en visite à Ankara, Recep Tayyip Erdogan a eu à leur égard des mots peu faits pour les rassurer sur son intention : vous voulez nous rendre visite, grand bien vous fasse, mais si c’est pour nous convaincre de vous céder le passage, je vous conseille de ne pas même vous donner cette peine. Et il a ajouté : avec vous dans l’Otan, c’est comme si celle-ci devenait un nid de terroristes. Evidemment, ce ne sont pas les Suédois et les Finlandais qui sont en l’occurrence les terroristes, mais du point de vue d’Erdogan les Kurdes du PKK et les partisans de Fethullah Gülen qu’ils abritent chez eux, et dont ils ont toujours refusé l’extradition.

    Au vu d’arguments aussi radicaux de la part des Turcs, à l’appui de leur refus annoncé de l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Otan, l’affaire semble entendue. On voit mal comment leurs auteurs pourraient se laisser fléchir après les avoir assénés. C’est pourtant pour rassurer les Suédois et les Finlandais que le président américain a invité à la Maison-Blanche leurs dirigeants. L’idée vient tout naturellement à l’esprit qu’il doit disposer des moyens à même de faire revenir Erdogan à de meilleurs sentiments. Il se pourrait bien toutefois qu’il soit en train tout simplement de prendre ses désirs pour des réalités. A moins qu’il soit disposé à user de son influence pour faire en sorte que les demandes du pouvoir turc se rapportant à ses opposants soient satisfaites, sinon toutes du moins pour les plus importantes d’entre elles. Qu’il soit lui-même prêt à livrer Gülen, la bête noire d’Erdogan.

    A ce prix, la Turquie voudrait sans doute lever son opposition. Mais à moins que cela, probablement non.

    Mohamed Habili

    Le Jour d’Algérie, 18 mai 2022

    #Finlance #Suède #OTAN #EtatsUnis #Turquie #Gülan #Russie #Ukraine

  • « Alger peut compter sur le soutien militaire de la Russie »

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    L’Algérie en tant que partenaire prioritaire peut compter sur le soutien technique et matériel de la Russie pour le développement de son armement afin de préserver son indépendance et son intégrité, notamment en cette période d’instabilité à l’échelle mondiale. C’est ce qu’a déclaré mardi soir au Jeune Indépendant, le colonel-général Viktor Bondarev, président de la Commission de défense et de sécurité au Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de Russie qui effectue une visite en Algérie.

    M. Bondarev a fait savoir au cours d’un entretien accordé au Jeune Indépendant, lors d’une cérémonie organisée en son honneur par l’ambassadeur de la Fédération de Russie en Algérie, Igor Beliaev à sa résidence, que la Russie et l’Algérie travaillent actuellement pour le développement de leur coopération militaire, soulignant que la Russie est prête à faire profiter davantage la partie algérienne de l’expérience de ses spécialistes pour l’entretien et la réparation du matériel militaire russe.

    « L’Algérie, qui fait face à de nombreux défis sécuritaires, est appelée constamment à œuvrer au développement de son armement », a-t-il souligné, rappelant le rôle stratégique de l’Algérie dans la stabilisation de la région maghrébine et du Sahel.

    “L’Algérie a une armée qui veille à la paix et à la stabilité de la région et apporte une contribution majeure à la communauté internationale dans la lutte contre l’insécurité et le règlement des conflits notamment dans son voisinage “, a poursuivi M. Bondarev.

    L’ancien commandant des forces aérospatiales russes s’est dit satisfait des rencontres avec les responsables algériens organisées lors de sa première journée de la visite, qu’il a qualifié de très concluante.

    “Les récents contacts entre les président Abdelmadjid Tebboune et Vladimir Poutine ont consacré la qualité des relations fraternelles et stratégiques entre l’Algérie et la Russie”, a-t-il ajouté.

    Viktor Bondarev, accompagné d’une importante délégation, est en visite de quatre jours à Alger à l’invitation du Conseil de la nation, en vue de renforcer et intensifier les relations et la coopération algéro-russes dans le domaine sécuritaire.

    Cette visite, qui coïncide avec le 60ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre l’Algérie et la Russie, permettra de redynamiser le protocole de coopération parlementaire signé entre le Conseil de la nation et le Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de Russie, le 13 mai 2014, et notamment du mémorandum d’entente conclu entre les administrations des deux institutions le 11 décembre 2010. La dernière visite de Viktor Bondarev en Algérie remonte à novembre 2018.

    Interrogé sur la question ukrainienne, le haut responsable russe a expliqué que l’opération spéciale russe vise la dénazification de l’Ukraine, déplorant l’usage de civils innocents comme bouclier par les nazis ukrainiens. “Ces agissements irresponsables ne font que retarder l’avancée de l’armée russe, dont la priorité demeure la préservation de la vie des civils.”, a-t-il expliqué.

    « L’armée russe travaille d’une manière sélective lors des opérations militaires afin d’épargner les civils utilisés comme bouclier par les nazis ukrainiens », a-t-il fait observer, précisant que les frappes russes sont minutieusement étudiées.

    Bondarev n’a pas manqué également de mettre en exergue « la suprématie de l’armement russe, face aux armes occidentales fournies massivement aux ukrainiens », une suprématie confirmée par les succès réalisés lors de l’opération spéciale en Ukraine.

    Le 24 février dernier, la Russie a annoncé une opération militaire spéciale en Ukraine visant à démilitariser et dénazifier ce pays voisin, et surtout défendre les républiques de Donetsk et de Lougansk. Cette opération est intervenue une semaine (le 17 février) après les début des bombardements massifs.

    Mohamed Mecelti

    Le Jeune Indépendant, 18 mai 2022

    #Algérie #Russie #Ukraine

  • L’Europe, le gaz russe et la course contre l’hiver

    L’Europe, le gaz russe et la course contre l’hiver

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    Alors que les Européens se prélassent dans la chaleur du printemps, les gouvernements sont dans une course contre l’hiver.

    L’Europe essaie de réduire l’utilisation du gaz naturel russe à cause de la guerre en Ukraine, mais trouve toujours suffisamment de carburant pour garder les lumières allumées et les maisons au chaud avant qu’il ne refroidisse à nouveau.

    Cela a poussé les responsables et les services publics à se précipiter pour remplir le stockage souterrain avec des réserves rares de gaz naturel provenant d’autres producteurs – une concurrence qui fait encore augmenter les prix déjà élevés à mesure que les factures de services publics et les coûts des entreprises montent en flèche. L’Italie a annoncé de nouveaux approvisionnements en provenance d’Algérie, tandis que l’Allemagne a esquissé un partenariat énergétique avec le Qatar, un important fournisseur de gaz liquéfié qui arrive par bateau.

    Bien que ces accords offrent un coup de pouce à long terme, ils auront probablement peu d’impact sur les approvisionnements hivernaux cruciaux qui seront décidés au cours des prochains mois. Pour l’instant, la bousculade en Europe est un jeu à somme nulle : il n’y a que peu ou pas de gaz de rechange disponible à récupérer, et tout approvisionnement qu’un pays parvient à obtenir se fait au détriment de quelqu’un d’autre en Europe ou en Asie.

    Le nombre limité de terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié au Qatar, aux États-Unis et dans d’autres pays exportateurs de GNL est complet, et il faudra des années et des milliards pour en construire de nouveaux. En plus de cela, un plan pour que l’Union européenne des 27 nations achète conjointement du gaz semble bon sur le papier, mais se heurte à des obstacles pratiques.

    « Il n’y a pas d’approvisionnement supplémentaire », a déclaré James Huckstepp, responsable de l’analyse du gaz pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique chez S&P Global Commodity Insights. « L’augmentation du GNL que nous avons reçu est principalement due à la destruction de la demande et à la commutation en Asie. Et il y a des limites à cela. »

    Les utilisateurs asiatiques se sont tournés vers le pétrole ou le charbon, et la demande chinoise a chuté au milieu des blocages de COVID-19.

    La ruée vers l’énergie en Europe s’est concentrée sur l’apport de GNL, les approvisionnements atteignant un record de 10,6 milliards de mètres cubes en avril. Mais il reste encore un long chemin à parcourir – la Russie envoyait chaque année 155 milliards de mètres cubes de gaz naturel en Europe avant la guerre. L’Europe veut réduire cela d’environ 100 milliards de mètres cubes d’ici la fin de l’année et rester au chaud cet hiver.

    La commission exécutive de l’UE a proposé la conservation, le développement des énergies renouvelables et d’autres mesures pour atteindre cet objectif, l’Allemagne et d’autres pays fortement dépendants du gaz russe s’opposant aux appels à une coupure immédiate du gaz. S&P Global Insight s’attend à ce que l’Europe n’élimine pas la plupart du gaz russe avant 2027.

    Pour soutenir cet effort, le Premier ministre italien Mario Draghi a signé le mois dernier un accord entre la société énergétique italienne Eni et la Sonantrach algérienne pour augmenter le gaz via un gazoduc sous la mer Méditerranée. Eni a déclaré que l’accord augmenterait les volumes cette année et atteindrait jusqu’à 9 milliards de mètres cubes par an en 2023-24.

    Huckstepp a déclaré que l’accord n’aboutirait probablement pas au montant total « sans réduire les exportations ailleurs ou les ventes au comptant ailleurs ».

    Les contrats gaziers signés par des pays individuels n’indiquent pas si les nouveaux volumes sont une nouvelle production ou seraient soustraits du gaz qu’un autre pays s’attend à recevoir, a déclaré Matteo Villa, analyste au groupe de réflexion ISPI à Milan.

    « Et vous ne savez pas, est-ce que le nouveau gaz est dû au fait que l’Algérie produit plus ou parce qu’ils le prennent à l’Espagne? » dit Villa. « S’ils ne parviennent pas à augmenter la production, ils devront la voler à l’Espagne. »

    L’Italie a également conclu des accords avec l’Azerbaïdjan, l’Angola et le Congo, mais Villa a des doutes : « Ils arriveront quand ils arriveront ici ».

    Le partenariat énergétique de l’Allemagne avec le Qatar, quant à lui, n’a pas encore abouti à des contrats signés ou à des livraisons spécifiées et semble viser des approvisionnements à plus long terme plutôt que ceux de cet hiver.

    La clé de l’approvisionnement futur est de nouveaux investissements, tels que les installations d’exportation prévues sur la côte américaine du golfe. Mais ceux-ci ne commenceront pas à être mis en ligne avant 2024 au plus tôt.

    Pour compliquer la course contre l’hiver, plusieurs interruptions mineures mais inquiétantes. L’opérateur de pipeline ukrainien a interrompu l’approvisionnement via un pipeline menant à l’Europe la semaine dernière, affirmant qu’il avait perdu le contrôle d’une station de compression sur le territoire sous contrôle russe.

    Peu de temps après, le fournisseur public russe Gazprom a déclaré qu’il n’enverrait plus de gaz via un gazoduc à travers la Pologne après que Moscou ait sanctionné certaines sociétés énergétiques européennes. Les quantités de gaz perdues sont faibles mais soulèvent la possibilité d’une escalade des perturbations avant les mois froids.

    « Les niveaux de stockage sont actuellement suffisants pour durer pendant la majeure partie de 2022, même si les flux russes devaient s’arrêter instantanément, sauf événements météorologiques inattendus – mais les perspectives d’approvisionnement pour l’hiver 2022 sont désormais beaucoup plus pessimistes », a déclaré Kaushal Ramesh, analyste principal chez Énergie Rystad.

    Le niveau de stockage collectif de gaz en Europe est de 37 %, soit une amélioration de 5 % par rapport à la même période l’an dernier. Le temps doux a permis au continent de traverser l’hiver dernier.

    Tous les pays ne sont pas au même endroit dans les réserves. La Pologne a rempli 84% de son stockage. Et pas trop tôt. Gazprom a coupé le gaz à la Pologne et à la Bulgarie après avoir refusé les demandes de paiement en roubles.

    Le stockage de l’Allemagne n’est que de 38 %. Le droit de l’UE prévoit un partage en cas de crise, mais cela dépendrait de la disponibilité de pipelines circulant dans la bonne direction, ce qui n’est pas toujours le cas.

    Ramesh a déclaré que les récentes perturbations pourraient accélérer les plans d’une alliance d’acheteurs au niveau de l’UE, qui pourrait utiliser la taille du bloc pour tirer parti d’un approvisionnement fiable et de prix stables auprès des fournisseurs.

    La « plate-forme commune » pour les achats de gaz a tenu une première réunion avec des représentants des 27 États membres de l’UE. Le panel devrait coordonner la sensibilisation des fournisseurs étrangers et « permettre, le cas échéant, d’évoluer vers des achats conjoints ». Ce cadre soulève plusieurs questions, notamment la manière dont le gaz acheté conjointement serait distribué.

    Draghi, dirigeant italien et ancien président de la Banque centrale européenne, a également lancé l’idée de créer des cartels d’acheteurs qui utiliseraient leur pouvoir d’achat pour fixer des plafonds de prix pour le gaz naturel.

    Le marché tendu « va signifier des prix élevés pour les utilisateurs finaux en Europe pendant un certain temps encore, et nous commençons seulement à en voir le début », a déclaré Huckstepp.

    Les prix élevés de l’essence alimentent l’inflation et frappent progressivement les factures de services publics.

    « Ce sera certainement un hiver intéressant l’hiver prochain », a-t-il ajouté.

    Associated Press, 18 MAI 2022

    #UE #Gaz #Russie #Ukraine #Hiver

  • Déclaration de Borrell sur les capacités militaires de l’Europe

    Déclaration de Borrell sur les capacités militaires de l’Europe

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    Défense: remarques du haut représentant/vice-président Josep Borrell lors de la conférence de presse sur les déficits d’investissement de l’UE dans le domaine de la défense et les mesures pour y remédier

    Cette communication conjointe [sur l’analyse des écarts d’investissement dans la défense et la voie à suivre] de la Commission européenne et du haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité porte sur l’état de l’art des capacités de défense européennes et sur la différence entre ce que nous avons et ce que nous devrions avoir. C’est l’écart. L’écart est une brèche, c’est une différence entre nos capacités et les capacités que nous devrions avoir pour faire face aux menaces et aux défis auxquels les Européens sont confrontés.

    Lorsque nous avons présenté la boussole stratégique, le titre était « L’Europe est en danger ». Et, à cette époque, avant l’agression de la Russie contre l’Ukraine, les gens souriaient. Maintenant, malheureusement, le danger est très évident, et l’attaque impitoyable de la Russie contre l’Ukraine a rendu évident pour tous les citoyens européens que la guerre est à nos frontières. La guerre est une réalité qui nous affecte tous – et principalement les Ukrainiens, certainement. Mais cela montre clairement que la guerre n’est pas quelque chose que nous [pouvions] oublier pour toujours, malheureusement.

    Rien de comparable à ce qui se passe en Ukraine ne s’est produit en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En termes de coûts humains, des milliers de soldats ont été tués. En termes de nombre de moyens militaires impliqués, des centaines de chars ont été détruits, et avec les conséquences mondiales de ce conflit.

    Et cela s’applique également à la réponse de l’Union européenne en termes de soutien politique, financier, humanitaire et militaire à l’Ukraine. Mais pour soutenir l’Ukraine et pour nous soutenir, nous devons accroître notre capacité d’action et assumer davantage la responsabilité de notre sécurité.

    Les Européens se sont sentis à l’aise sous l’égide des États-Unis et de l’OTAN, et nous avons eu un certain sentiment de confort. Et le message d’aujourd’hui – ce message figurait également dans la boussole stratégique – est que nous devons faire plus. Nous devons faire plus, et cette communication conjointe sur l’analyse des lacunes en matière de défense, que nous avons adoptée aujourd’hui, est un appel à renforcer les capacités de défense des États membres de l’Union européenne, car la défense dans l’Union européenne reste une compétence des États membres, il est une compétence nationale. Et les États membres doivent se réveiller et accroître leurs capacités.

    En ce qui concerne les dépenses de défense, la vice-présidente [exécutive] [Margrethe] Vestager a présenté des données très intéressantes et convaincantes. Si nous avions dépensé depuis 2008 jusqu’à aujourd’hui, le même montant qu’avant la crise de l’euro, nous aurions dépensé 160 milliards d’euros de plus dans la défense. Ces 160 milliards d’euros, on voit maintenant qu’ils manquent. Ils manquent tandis que d’autres ont beaucoup augmenté, comme l’a dit le vice-président [exécutif] Vestager, bien plus que nous. Les différences entre les États-Unis et l’Europe sont évidentes. Nous avons augmenté [nos dépenses de défense] de 20 %, les États-Unis les ont augmentées de 66 % – trois fois plus.

    Un problème important avec ces dépenses est qu’elles sont faites principalement sur une base nationale. Les investissements collaboratifs – je veux dire l’investissement qui se fait tous ensemble – ne sont que de 11% alors qu’ils devraient être d’environ 35% selon nos plans. Nous dépensons moins ensemble à chaque fois. Il a diminué, malgré les appels à unifier nos capacités et malgré les appels à dépenser ensemble, à dépenser mieux, à éviter les doubles emplois, à éviter les lacunes. Malgré cela, nous avons diminué le montant des investissements coopératifs.

    Cette tendance doit être inversée. Des années de coupes budgétaires et de sous-investissement doivent être récupérées. Nous devons avoir des économies d’échelle, nous devons réduire la fragmentation et les lacunes critiques que nous avons aujourd’hui dans nos forces armées. Prenons un exemple : les USA n’ont qu’un seul type de char de combat, nous en avons 12. Les coûts logistiques, les doublons, le manque d’interopérabilité sont évidents. C’est évident dans nos forces aériennes, dans nos marines. Partout, nous avons la fragmentation et la duplication. Donc, nous devons dépenser plus mais, surtout, nous devons dépenser ensemble pour dépenser mieux. Et aujourd’hui, avec cette communication – et je parle autant en tant que vice-président de la Commission qu’en tant que chef de l’Agence européenne de défense -, nous avons réuni.

    Le problème le plus important et le plus immédiat est très pratique. Nous devons reconstituer nos stocks, notre matériel militaire, car nous avons fourni beaucoup de soutien à l’Ukraine en matière de munitions, de transport, de protection des forces et nous devons reconstituer nos stocks. Cela peut se faire facilement à court terme, mais ce sera bien mieux de le faire ensemble. Nous devons acheter ensemble, comme nous l’avons fait avec les vaccins et comme nous voulons le faire avec le gaz. Et c’est [pour cela] que nous proposons un groupe de travail conjoint sur les marchés publics au sein duquel les États membres devraient s’engager dans les besoins en matière de marchés publics à court terme. Et nous proposons également des incitations financières pour que l’État membre y participe.

    A moyen terme, nous devons augmenter nos capacités existantes et combler les lacunes – en termes de qualité et en termes de quantité. Nous avons besoin de défenses aériennes modernes, nous avons besoin de drones, nous avons besoin de capacités de ravitaillement en vol, nous avons besoin de chars et de véhicules blindés, nous avons besoin d’une défense côtière, nous avons besoin de capacités cyber et spatiales – pour n’en nommer que quelques-unes.

    Nous le savons. L’Agence européenne de défense s’est efforcée ces dernières années d’expliquer ces lacunes, d’expliquer comment nous pouvons et devons combler ces lacunes. Mais à vrai dire, nous n’avons pas eu beaucoup de succès et personne ne nous écoutait. Si je peux faire une blague. J’espère qu’à présent, avec la Commission, rejoignant la direction de la Commission, le Service [européen] pour l’action extérieure et l’Agence européenne de défense, les États membres seront plus attentifs à nos avertissements. Ils comprendront quels sont nos problèmes et quelle pourrait être la solution.

    A long terme, nous devons moderniser nos forces armées européennes, nous devons augmenter nos capacités. Nous devons mieux définir nos besoins et apporter des réponses à ces besoins par une industrie de défense européenne plus forte. Il n’y a pas d’autonomie sans une base industrielle solide. Là-dessus, l’Agence européenne de défense a également travaillé. Nous avons produit cette CARD, la Revue annuelle coordonnée sur la défense. Dans les mois à venir, le dernier de ces rapports sera publié. Nous avons fourni un plan de développement de la capacité de défense. C’est le moment pour les États membres de lire ces documents et d’agir. Ces documents sont ajoutés en tant qu’annexe à la présente communication et j’espère que le cadre politique fort que la Commission fournit à cette question la rendra beaucoup plus compréhensible. C’est un signal d’alarme. Nous devons agir.

    Il est temps d’agir. Parce que nous devons réagir rapidement à la situation actuelle, du côté industriel à l’opérationnel, les capacités militaires concrètes pour mettre – si nécessaire – des bottes sur le terrain. Le commissaire [au marché intérieur, Thierry] Breton développera à coup sûr tous les enjeux de l’industrie, qui est la base la plus solide de nos capacités militaires.

    Et chère vice-présidente [Margrethe Vestager] et cher commissaire [Thierry Breton], permettez-moi de dire un mot sur l’action extérieure en matière de politique énergétique que j’ai présentée aujourd’hui. C’est une partie soutenant les efforts de RePower afin de travailler avec nos partenaires dans le monde et de développer ensemble l’objectif de réduction de la dépendance aux hydrocarbures et de lutte contre le changement climatique.

    Et aussi, le Partenariat Stratégique avec le Golfe afin de partager la prospérité, la transition verte, la sécurité, le développement et la coopération avec un ensemble aussi important de pays. Important aujourd’hui pour la sécurité mondiale, l’énergie, mais aussi la sécurité – bref -, car ils sont impliqués avec nous dans la situation créée par l’absence d’accord avec les Iraniens dans le Golfe, sur le nucléaire, sur la guerre au Yémen et tant d’autres questions sur lesquelles nous voulons travailler avec les États du Golfe.

    Questions et réponses

    Q. On peut se réjouir de la coordination, de même que ce qui est arrivé pour les vaccins. Vous le proposez pour la défense mais en même temps, il semble qu’il y ait beaucoup de citoyens qui s’inquiètent de cette espèce de course aux armements de la part de l’Europe, mais aussi des États-Unis. Plusieurs personnes, plusieurs observateurs y voient un engrenage aussi pouvant mener à une 3e guerre mondiale, et préféreraient que l’accent soit mis davantage sur la diplomatie. Qu’en pensez-vous?

    Exactement. L’autre jour, on me disait que je ne devais pas oublier que je suis responsable de la diplomatie européenne, puisque j’ai parlé de la défense et des armées. Mais celui qui l’a dit se trompe, parce que je suis à la fois, le responsable de la diplomatie au niveau européen, et de la construction de l’Europe de la défense. Parfois, il faut agir du côté diplomatique et parfois du côté des capacités militaires. Non, on ne va pas vers la 3e Guerre mondiale – sans doute, pas nous. Mais il faut expliquer aux citoyens européens, que depuis la crise de l’euro en 2008, l’Europe est passée par un processus silencieux de désarmement. On s’est désarmés sans le dire, parce qu’on a réduit nos capacités militaires entre 2008 et 2018 d’une façon vraiment choquante. Et cela s’est fait de façon non coordonnée – parce que la coordination est aussi nécessaire quand on diminue les capacités. Chacun a fait cela de son côté et le résultat est que l’Europe, du point de vue militaire, comme un ensemble de 27 différentes armées, se déforme. On a des duplicités, on a des « gaps » (des écarts), des choses qui nous manquent, énormément.

    Alors, ce processus ne veut faire autre chose que mettre nos capacités militaires à la hauteur de nos défis, parce que les défis existent qu’on le veuille ou non, et il faut y faire face. Et pour y faire face, il nous faut une base industrielle [et technologique de défense], sans doute. Un pays, qui n’aurait pas une industrie de défense capable de fournir des armes de façon autonome, perdrait une partie très importante de son indépendance, en termes pratiques. Donc il faut développer l’industrie de défense – bien sûr que oui. Actuellement, comme a dit le Commissaire [Thierry] Breton, on achète à l’extérieur 60% de nos capacités militaires. C’est trop, c’est trop. Il faut diminuer notre dépendance à l’égard de l’extérieur.

    Et alors, ce n’est pas la course aux armements, c’est l’arrêt du désarmement et commencer à mettre les choses à leur juste hauteur, à la hauteur de nos besoins. Vous seriez, bien sûr, beaucoup plus heureux si on n’avait pas de menaces sur nous, mais on en a. Et il faut y faire face, en ayant les capacités nécessaires pour le faire, et pour aider nos pays amis qui eux aussi y font face. Comme le cas de l’Ukraine – c’est un cas dramatique, mais il y en a beaucoup d’autres, moins dramatiques mais aussi dangereux. Donc non, il faut dire aux citoyens européens qu’il ne s’agit pas d’une course aux armements, qu’il ne s’agit pas de générer, de développer un nouveau conflit mondial – au contraire, il faut le prévenir. Il faut être capable d’agir dans le domaine militaire comme on le fait dans le domaine diplomatique. Une chose n’exclut pas l’autre, bien sûr que non. On travaille sur les deux fronts. On s’engage diplomatiquement mais comme pour danser le tango, il faut au moins deux personnes. Si le président [Vladimir] Poutine dit à tous les gens qui vont le voir qu’il n’est pas prêt à arrêter la guerre, qu’il va continuer à la faire, alors il y a peu d’espace pour la négociation. Mais on est toujours prêts à s’asseoir à la table, et chercher un cessez-le-feu et une paix négociée. Mais tant que la guerre dure, il faut aider les Ukrainiens. Et pour les aider, il faut avoir les moyens. Et les moyens s’épuisent, il faut les remplir à nouveau. Et il faut être à la hauteur des défis. Ça, c’est un message que, je pense, les citoyens européens doivent entendre.

    Pour dépenser mieux, il faut dépenser ensemble, mais il faut dépenser. Il faut dépenser parce qu’entre l’année 2008 et l’année 2018, on est passé par un processus de désarmement en Europe, non coordonné, chacun de son côté, en faisant des coupes claires dans le budget de la défense, sans savoir ce que faisait le voisin. Et le résultat est désordonné. Et maintenant, pour monter en gamme, il faut le faire de façon coordonnée. C’est très simple, si chaque pays européen – chacun d’eux, les 27 – augmente ses capacités militaires en multipliant par X ce qu’ils ont et qu’ils font tous – justement – un croisement homothétique – on multiplie par une certaine quantité, ce qu’ils ont chacun de leur côté -, le résultat serait un énorme gaspillage et un gaspillage d’argent. Ce serait jeter par la fenêtre des milliers d’euros, parce qu’on aurait la même structure difforme que nous avons aujourd’hui, mais plus grande. Les « gaps » (les écarts) seraient plus grands, et les duplications encore plus grandes.

    Donc, la tâche de coordination est absolument nécessaire si on veut bien défendre l’intérêt des citoyens et le bon usage de l’argent public.

    Q. On entend votre discours extrêmement volontariste, Monsieur Borrell et Monsieur Breton. En même temps, vous citez vous-même le chiffre de 11% d’investissements communs pour le moment. Et par ailleurs, pour ce qui est des développements de projets, il y en a deux qui sont structurants, très importants – le projet de Char du futur et le projet d’Avion du futur, le SCAF – qui sont à l’heure actuelle, et depuis un long moment, totalement bloqués par des divergences à la fois entre les Etats et entre les industriels chargés de les développer. Comment pensez-vous que votre plan peut contrer cet état d’esprit qui est assez contradictoire effectivement avec l’optimisme que vous affichez, la volonté que vous affichez ?

    Nous ne sommes pas des optimistes, nous ne sommes que des militants. Il y a une tâche à accomplir. Écoutez, permettez-moi de dire cela en espagnol, car je m’exprime beaucoup mieux.

    L’armée est, pour ainsi dire, le noyau de l’indépendance nationale. Les Forces armées sont, pour chaque pays, l’expression vivante de sa souveraineté. La monnaie l’est aussi, mais moins. Et nous avons renoncé à la monnaie de chaque pays pour avoir une monnaie commune et unique – les deux. Avant on avait l’écho, qui était une monnaie commune, mais pas unique. Car chaque pays gardait le sien et, en plus, ils en avaient un en commun.

    Nous ne voulons pas créer l’armée européenne, qui serait l’équivalent militaire de la monnaie commune unique. Non. Nous savons très bien que les armées européennes continueront d’appartenir à chaque Etat. Mais si nous voulons profiter de notre Union, nous devons faire évoluer ces armées nationales de manière coordonnée. Et précisément parce que les armées sont l’expression vivante de la souveraineté, il est plus difficile d’entrer dans la coordination. Il est plus difficile de dire à un État : « vous avez trop de sous-marins et peu d’avions ». Et à l’autre « vous avez trop d’avions et trop peu de sous-marins ». Et entre nous tous, nous n’avons pas de porte-avions. La France en a un, l’Espagne en a aussi un plus petit, mais nous n’avons pas la capacité aéronavale dont disposent les États-Unis, même pas à côté.

    Diriez-vous que nous le faisons tout aussi efficacement ? Eh bien, du point de vue de l’efficacité dans le cas de l’armée russe, il y aurait beaucoup à dire, car ils n’ont manifestement pas montré grand-chose. Mais il est clair que si nous dépensions de manière coordonnée, nous serions plus efficaces. Et cela, que tous les citoyens comprennent, doit être mis en pratique en convainquant les gouvernements. L’Agence européenne de défense essaie de le faire depuis des années. En fait, il a été créé pour cela. Les gouvernements l’ont créé pour les encourager à rendre leurs dépenses de défense plus coordonnées, plus efficaces, plus interopérables.

    Eh bien, maintenant, avec l’aide de la Commission [européenne] et des capacités financières dont dispose la Commission et pas l’Agence [européenne de défense], nous pouvons tous ensemble aller plus loin dans cette direction. C’est la force de cette communication. Nous avons l’Agence d’un côté, la Commission de l’autre, le Service européen pour l’action extérieure. Certains ont des ressources, d’autres ont une longue expérience. Nous devons unir nos forces et nos capacités. C’est ce que les chefs d’État et de gouvernement à Versailles nous ont demandé de faire. Et c’est la réponse à cette demande et un guide pour l’action. Maintenant, réussirons-nous ou non ? Eh bien, cela dépendra de la pression politique et du sentiment d’urgence des États membres. Avant la guerre d’Ukraine, ce sentiment d’urgence était très faible. Maintenant, sans aucun doute, il est plus grand.

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    EEAS, 18 mai 2022

  • Représailles de la Russie: expulsion de 34 diplomates français

    Représailles de la Russie: expulsion de 34 diplomates français

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    18 mai (Reuters) – Le ministère russe des Affaires étrangères a annoncé mercredi l’expulsion de 34 diplomates français en guise de représailles.

    En avril, la France a expulsé 35 Russes ayant un statut diplomatique dans le cadre d’une vague d’expulsions plus large qui a vu plus de 300 Russes renvoyés chez eux par les capitales européennes.

    Plus tard dans le mois, le ministère français des affaires étrangères a déclaré six agents russes se faisant passer pour des diplomates « persona non grata », après qu’une enquête des services de renseignement nationaux a conclu qu’ils travaillaient contre les intérêts nationaux français.