Étiquette : Sahara Occidental

  • Le Maroc prend l’initiative au Sahara occidental avec l’utilisation de drones israéliens

    Le Maroc prend l’initiative au Sahara occidental avec l’utilisation de drones israéliens

    Les relations militaires entre les deux pays ont été tenues secrètes au cours des dernières décennies et sont mises en scène par des médiateurs.

    Début avril dernier, le chef de la Garde nationale du Front Polisario, Adaj el Bendir, a été tué par une frappe aérienne à Rouss Irni, une zone proche de Tifariti, le principal bastion du Front Polisario. Cette nouvelle s’inscrit dans le contexte de l’escalade du conflit entre le Maroc et le Polisario qui a débuté en novembre 2020, lorsque le cessez-le-feu signé en 1991 a été rompu. Ce qui est frappant dans l’attaque contre la direction du Polisario, c’est la technologie utilisée : des drones israéliens. C’est la première fois que les Forces Armées Royales (FAR) utilisent des avions sans pilote dans une attaque d’une telle ampleur sur la question du Sahara Occidental.

    L’exécution, selon le journal en ligne marocain Le Desk, a été réalisée à l’aide d’un appareil de fabrication israélienne, un drone Heron construit par Israel Aerospace Industries. L’attaque, comme l’indiquent les médias en ligne, a été menée après que la cible a été marquée au laser par le drone, puis abattue par un chasseur marocain. Les FAR n’ont pas confirmé l’attaque, ce qui est habituel lorsqu’il s’agit de ces opérations.

    Les trois drones Heron, reçus par le royaume alaouite début 2020 pour plus de 50 millions d’euros, ont été utilisés par la France en Afghanistan. Les engins sont d’abord passés par le sol gaulois pour être équipés et peints avant d’arriver au Maroc, notant l’existence d’intermédiaires. Le drone a une autonomie de vol de plus de 40 heures et la capacité de monter à plus de 30 000 pieds.

    La défense, un pilier fondamental

    Ces dernières années, le Maroc s’est engagé dans un plan de modernisation de ses forces armées afin de faire face aux défis régionaux tels que l’Algérie ou la question du Sahara occidental. Dionisio García, directeur du magazine de défense Forces militaires du monde, souligne dans des déclarations à Europa Sur que l’utilisation de drones dans le conflit sahraoui est basée sur le maintien d’une bonne opinion publique. « Ce n’est pas la même chose d’utiliser une frappe aérienne ou de mobiliser des troupes que de mener une opération chirurgicale avec des drones », souligne-t-il. M. García soutient qu’il est dans l’intérêt du gouvernement israélien d’entretenir de bonnes relations militaires avec le Maroc afin de maintenir sa présence dans la région, étant donné que les positions politiques entre l’Algérie et Israël continuent d’être en désaccord.

    Le royaume marocain est l’un des rares pays arabes (jusqu’à présent) à posséder des armes israéliennes. Preuve en est que la police marocaine utilise des fusils Tavor X95 fabriqués en Israël ou l’acquisition d’un autre drone, l’Hermes 900 de la société hébraïque Elbit Systems. Les dispositifs sont situés sur les bases de Meknès et Dakhla, où ils sont utilisés par le personnel spécial des FAR.

    Les relations dans un monde nouveau

    Le retour aux relations diplomatiques entre le Maroc et Israël en décembre 2020 (dans le cadre des accords d’Abraham promus par l’administration de l’ancien président américain Donald Trump) a conduit les États-Unis à reconnaître la souveraineté marocaine sur l’ancienne province espagnole du Sahara occidental.

    Nimrod Gore, président et fondateur du groupe de réflexion israélien Mitvim Institute, souligne dans des déclarations à ce journal que le rétablissement des relations avec le Maroc est un pas en avant important pour Israël, car il initie des liens avec un pays qui a une position importante dans le monde arabe, la Méditerranée et l’Afrique. « Ces liens permettront également à Israël et au Maroc de coopérer dans des cadres régionaux, notamment l’Union pour la Méditerranée, la politique de voisinage sud de l’Union européenne et même l’Union africaine », soutient l’expert.

    Bien que les deux pays aient des liens historiques forts, les relations entre le Maroc et Israël remontent à la fin des années 1970, lorsque des experts israéliens ont aidé à construire le mur militaire qui divise le Sahara occidental en deux. À la fin des années 1990, après la signature des accords d’Oslo entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine, des initiatives commerciales ont suivi. En 2003, en plein milieu de la deuxième Intifada, Rabat refroidit les connexions. Dix-huit ans plus tard, un nouveau chapitre s’écrit dans l’histoire diplomatique des deux pays.

    Europa Sur, 04 juin 2021

    Etiquettes : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, Israël, drones,

  • Le jour où le Maroc a été puni par la France

    Le Maroc vient de provoquer une grave crise avec l’Europe à cause de la présence du président sahraoui Brahim Ghali. Pourtant, un épisode similaire se trouve derrière une grande brouille avec la France.

    Les faits ont eu lieu le 20 février 2014. Leur acteur principal s’appelle Abdellatif El Hammouchi, le directeur de la DGSN. Il se trouvait en France dans le cadre d’une visite officielle lorsque quatre agents de la police judiciaire française, envoyés par un juge d’instruction, se sont rendus dans la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris pour lui remettre une convocation dans le cadre d’une plainte contre lui déposée par deux citoyens maroco-français pour des faits de torture.

    El Hammouchi a refusé de se présenter devant la justice française. Selon certaines sources, il est retourné discrètement au Maroc en passant par le territoire espagnol. Suite à cet incident, le roi Mohammed VI a ordonné la suspenstion immédiate de toute coopération judiciaire avec la France.

    Réponse du berger à la bergère, Paris frappe avec l’activation d’un hacker qui se fait appeler Chris Coleman. Des milliers de documents de documents confidentiels de la diplomatie marocaine sont étayés sur la toile.

    L’affaire est devenu un véritable scandale qui a secoué l’Etat marocain. Depuis un compte Twitter, Coleman a frappé là où ça fait mal au Maroc : la question du Sahara Occidental en révélant les pratiques de la diplomatie marocaine basées sur la corruption, les pots-de-vin. Des journalistes français et américains avaient été généreusement payés pour s’en prendre au Front Polisario et l’Algérie et édulcorer le royaume dans leurs écrits.

    Parmi les personnalités visées se trouve particulièrement le ministre marocain des affaires étrangères, Salaheddine Mezouar et son aide de camp la ministre déléguée Mbarka Bouaida. Pour le premier, le public marocain a appris qu’il avait demandé à son homologue français, Laurent Fabius, d’intervenir pour que sa fille de ce dernier reçoive un permis de travail, afin de rejoindre l’équipe de Mckinsey France qui l’avait embauchée. Coleman apporte une lettre dans laquelle Fabius assurait à Mezouar que des ordres ont été donnés dans ce sillage. Il s’agit d’un « trafic d’influence » car il aurait « engagé la société McKinsey pour réaliser une étude destinée à relancer l’économie marocaine ». Le cabinet de conseil américain emploie, selon Coleman, la fille du responsable de la diplomatie marocaine, ce qui permettrait «des versements de commission» pour une étude qui « coûtera certainement aux contribuables marocains des millions de dollars ».

    Une autre lettre révèle des aspects de la vie privée de Mbarka Bouaida et ses problèmes conjugaux.

    L’affaire qualifiée de « Wikileaks marocain » a révélé au grand jours les failles de sécurité à tous les niveaux, y compris les services secrets dirigés par Yassine Mansouri, un ami d’enfance de Mohammed VI.

    Concernant le conflit du Sahara Occidental, Coleman a révélé un accord secret conclu en novembre 2013 entre Barack Obama et Mohammed VI lors de la visite de ce dernier aux Etats-Unis. A l’époque, Washington avait présenté au Conseil de Sécurité une résolution proposant l’élargissement du mandat de la MINURSO à la surveillance des droits de l’homme. Sous pression de la France, les américains ont fait marche arrière, mais Obama a imposé au roi du Maroc trois conditions : il doit arrêter de faire juger les civils par des tribunaux militaires ; faciliter ensuite les visites au Sahara des fonctionnaires du Haut Commissariat aux droits de l’homme et légaliser les associations sahraouies indépendantistes comme le Collectif sahraoui des défenseurs des droits de l’homme (CODESA) et ASVDH.

    Le compte publie également des écrits et des lettres de hauts fonctionnaires étrangers, d’ambassadeurs à Washington, à Genève ou à l’ONU qui font leur travail, c’est-à-dire rassembler des soutiens pour défendre la position du Maroc, notamment sur le Sahara et contre l’Algérie et le Polisario. Cependant, le ton de certains de ces entretiens est incisif et dénigrant, par exemple à l’encontre de Christopher Ross, l’envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Sahara, qui est qualifié d’alcoolique

    Un autre aspect macabre du scandale est celui des pots-de-vin versés à des journalistes internationaux pour qu’ils écrivent en faveur de la thèse marocaine sur le Sahara. L’intermédiaire de ces pots-de-vin n’est autre que le journaliste marocain Ahmed Charai, directeur de l’hebdomadaire L’Observateur, une personnalité influente liée aux services secrets marocains, ayant une affinité non dissimulée avec le roi, le gouvernement et des contacts dans des think tanks américains et juifs. Il a payé jusqu’à 20000 dollars pour un article de presse publié dans un média américain.

    Source : Marocleaks, 06 juin 2021

    Etiquettes : Maroc, France, Abdellatif El Hammouchi, DGSN, DGED, services secrets, Yassine Mansouri, Mohammed VI, Ahmed Charaï, Sahara Occidental, Algérie, Etats-Unis, ONU,

  • Déclarations de Tebboune sur le Maroc : Le Makhzen dans tous ses états

    LES DÉCLARATIONS DU PRÉSIDENT TEBBOUNE SUR LE MAROC ONT FAIT JASER SES MÉDIAS : Le Makhzen dans tous ses états

    Les déclarations du président Tebboune au magazine hebdomadaire français, Le Point, à propos de l’attitude du Maroc vis-à-vis du Sahara occidental, la question des frontières entre les deux pays ainsi que les tensions dans la région, ont fait mouche chez notre voisin immédiat. Preuve en est, l’emballement médiatique de la presse du Makhzen, qui s’est lâchée à son corps défendant contre l’Algérie et son Président. comme si les deux derniers affronts infligés à Rabat, à travers le non-lieu prononcé par la justice espagnole à l’égard du président Ghali et l’exclusion, par l’armée US, d’opérer les manœuvres « African Lion 2021 » dans une partie du territoire sahraoui occupé, n’ont pas suffi, il n’en fallait pas plus à ce propos pour provoquer un séisme dans la maison alaouite. Sinon comment expliquer le déchaînement violent de la presse du Makhzen contre le président de la République, dont le « seul tort » est d’avoir qualifié la monarchie -qu’ il distingue du peuple marocain frère- d’agresseur à l’égard de l’Algérie ?

    Au-delà de l’agression des Sahraouis dans leur territoire occupé, à laquelle avait assisté la communauté internationale le 13 novembre 2020, avec toutes les implications de la violation du cessez-le-feu sur le droit international et la stabilité dans la région, le Maroc n’était pas moins agressif vis-à-vis de l’Algérie. À la traditionnelle « guerre du kif », dont des tonnes de cannabis sont déversées au travers des confins de l’ouest, ô combien périlleux à la société juvénile nationale, le Makhzen opère une nouvelle stratégie consistant à inonder l’Algérie en fausse monnaie dans le but de porter préjudice à son économie. C’est sans compter la campagne médiatique hostile, comme celle que venaient d’enclencher les médias du Makhzen, contre le pays qui reste intraitable sur les questions de décolonisation. Peut-on, dans ses conditions, aspirer à une réouverture des frontières- fermées depuis 1994 sur décision de l’Algérie après les accusations marocaines de terrorisme ? L’Algérie dit « non ! » C’est ainsi qu’à la question de savoir s’il y a à craindre « un conflit armé dans la région » et sur « l’avenir pour l’UMA avec des générations d’Algériens et de Marocains qui ne se connaissent pas », le Président ne pense pas moins que la balle est dans le camp marocain, et que dans cette relation, « le rôle honorable revient à l’Algérie ». En sus, le chef de l’État dit clairement que cette rupture des frontières concerne le régime royal et non pas le peuple marocain, dont l’estime auprès de son frère algérien n’est plus à démontrer.

    Quant à l’Algérie, de par la longue histoire dont la plus récente est la Guerre de libération nationale, qui a forgé sa politique étrangère, elle ne peut en aucun cas attenter à l’intégrité territoriale de ses voisins, le Maroc y compris. Dans ses propos, et à vrai dire, ce n’est pas le fait pour le chef de l’État de dire que l’Algérie « n’agressera jamais son voisin », mais seulement de « riposter » si elle est attaquée, qui dérange tant le Makhzen. Par contre, le fait de considérer les rapports de force dans la région en faveur de l’Algérie fait grincer des dents le palais de Rabat. Autre déclaration qui n’en a pas moins fait mal au Makhzen, le fait de rétablir certaines vérités au sujet du dossier sahraoui. Interrogé à ce sujet, le président Tebboune a, là encore, remis les pendules à l’heure. Car, depuis la violation marocaine du cessez-le-feu suivie par l’épisode d’officialisation des relations Rabat-Tel-Aviv, « certains croient qu’avec l’ouverture de consulats [à Laâyoune et Dakhla, NDLR], le dossier du Sahara occidental est clos », estime le chef de l’État. Or, « ils se trompent », a-t-il affirmé, appelant le Maroc, directement visé, à « revenir rapidement » à la solution édictée par le droit international et des résolutions onusiennes.

    Que vaux la reconnaissance de Trump ?

    S’il est maintenant vrai qu’entre les deux pays, le Sahara occidental « a toujours été une pomme de discorde », les tensions ne peuvent déborder audelà de leur cadre diplomatique. Sur ce d’ailleurs, le chef de l’État invite le voisin immédiat à opter pour la raison. Autrement dit, accepter le fait que le Sahara occidental est la dernière colonie en Afrique qu’il est question de libérer. À ce moment là, le Maroc finira peut-être par croire que l’Algérie n’est pas son ennemi. En revanche, l’ennemi « c’est le sous-développement », et l’Algérie « est en train de se construire avec ou sans le Maroc. », conclu t-il.

    Concernant la supposée reconnaissance de la marocanité du Sahara, le chef de l’Etat a porté un coup de grâce au régime qui a pactisé avec les sionistes en contre-partie du deal avec l’ancien président américain Trump. Ceci, après la levée de bouclier mondiale contre la décision du prédécesseur de Joe Biden. « Comment peut-on penser offrir à un monarque un territoire entier, avec toute sa population ? », ou encore « Où est le respect des peuples ? », s’interroge le président Tebboune, avant d’asséner qu’une telle reconnaissance « ne veut rien dire » face au droit international et des résolutions onusiennes sur le conflit. Mais, derrière ce refus marocain obstiné quant à céder à l’autodétermination des Sahraouis, un « changement ethnique », révèle le chef de l’État. En conséquence de quoi, les Sahraouis à l’intérieur de leur territoire occupé, sont aujourd’hui minoritaires par rapport aux Marocains ainsi fixés par le Makhzen. Dans ce cas, pour le scrutin d’autodétermination, les Marocains installés sur le territoire occupé vont voter pour l’indépendance parce qu’ils ne voudront plus être les sujets du roi ».
    Farid Guellil

    Le Courrier d’Algérie, 05 juin 2021

    Etiquettes : Maroc, Algérie, Abdelmadjid Tebboune, Makhzen, Le Point, Sahara Occidental,

  • Algérie : Des réponses opportunes

    Dans une longue interview accordée à l’hebdomadaire français Le Point, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a répondu, avec beaucoup de franchise et avec la force de ses convictions, aux nombreuses questions qui lui ont été posées par deux journalistes et écrivains algériens, Kamel Daoud et Adlène Meddi. Situation politique et économique en Algérie, rôle de l’ANP, relation avec la France, questions régionales, en particulier le conflit du Sahara occidental et la situation au Sahel ont constitué les sujets les plus saillants qui furent abordés sans demi-mesure, ni faux-fuyant. Les législatives du 12 juin ont suscité un engouement, notamment de la part des jeunes, qui, auparavant, ne s’inscrivaient même pas sur les listes électorales, a relevé le chef de l’État. C’est une réaction positive qui invalide toutes sortes d’allégations et de propos colportés par les adversaires du scrutin. Autre conviction du Président Tebboune : «Le seul Hirak auquel je crois est le Hirak authentique et béni qui a spontanément rassemblé des millions d’Algériens dans la rue. Ce Hirak-là a choisi la voie de la raison en allant à l’élection présidentielle (12 décembre 2019). Ce Hirak n’a pas écouté le chant des sirènes.»

    Questionné sur le classement par l’Algérie de Rachad et du MAK comme mouvements terroristes, il a dit qu’ils se sont eux-mêmes déclarés comme tels.

    Il a indiqué également n’avoir pas été le candidat d’un parti politique, mais celui du peuple et de la jeunesse sur lesquels il mise beaucoup. Abdelmadjid Tebboune a dressé une situation pour le moins alarmante avant la présidentielle de décembre 2019.

    «Le pays était au bord du gouffre, il n’y avait plus d’institutions viables, seuls comptaient les intérêts d’un groupe de kleptocrates. On ressemblait de plus en plus à une république bananière. Les institutions étaient devenues purement formelles, à l’exception de l’armée, qui a pu sauvegarder sa stature. Si nous n’avions pas une armée aussi moderne et aussi professionnelle, la situation en Algérie serait pire qu’en Libye», a-t-il affirmé. L’Algérie restera un État social pour toujours, qui saura préserver ses acquis, consacrés dans la Proclamation du 1er Novembre. L’Algérie continuera de combattre la Covid-19, en déployant tous les efforts nécessaires. Le Président a annoncé le lancement de grandes campagnes de sensibilisation pour la vaccination, et réitéré les efforts engagés dans la lutte contre cette pandémie.
    De la France, il a affirmé que les Algériens attendaient une reconnaissance totale de tous les crimes coloniaux commis par ce pays en Algérie, soulignant que le fait de reconnaître ses crimes est en soi une forme de repentance. Il a également plaidé pour une mémoire apaisée, reconnue.

    «La compensation financière serait un rabaissement, nous sommes un peuple fier et nous vénérons nos martyrs.»
    À propos de la question du Sahara occidental, il a estimé que le Maroc devrait s’en tenir rapidement à une solution acceptable conforme au droit international. Il a pointé du doigt la responsabilité du royaume marocain au sujet des conséquences des tensions qui pèsent sur les relations entre les deux pays.

    EL MOUDJAHID, 04 juin 2021

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  • Sahara Occidental : Depuis plus de 3 mois, la famille Khaya sans électricité (vidéo)

    La militante sahraouie Sultana Khaya a dénoncé jeudi la situation que le Maroc a imposée à sa famille depuis maintenant 199 jours dont trois mois sans électricité.
    Dans une nouvelle vidéo diffusée, Sultana Khaya jette la lumière sur sa situation et celle de sa sœur Louaara et leur vieille mère dans une maison allumée par des bougies depuis que les autorités ont procédé au retrait de leur compteur en guise de punition pour leur détermination à défendre la liberté d’expression dans les territoires occupés du Sahara Occidental.
    Tous les meubles ont été enlevés par des agents de la sécurité marocaine. « Ils sont partis avec le frigo aussi », se lamente Sultana qui signale les fenêtres utilisées par les marocains pour jeter de produits toxiques en vue de contraindre les deux femmes à abandonner la maison.
    « La maison est entourée de gardiens qui veillent jour et nuit de deux lifts pour pouvoir nous harceler lorsque nous sommes sur le toit », dénonce Mme Khaya. « Sans parler des coups et des viols avec des bâtons », a-t-elle ajouté. « Mais cela ne nous empêchera pas de poursuivre notre lutte pour notre terre et nos droits », précise-t-elle.
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  • Tomas Barbulo : « Le Maroc n’est pas un pays ami et a perdu la bataille de l’opinion publique ».

    Le journaliste et écrivain espagnol, Tomas Barbulo, a indiqué dans une interview au site sahraoui, SH24H, que le Maroc avec ses attitudes n’est pas un pays ami de l’Espagne, et a considéré que le Makhzen a perdu la bataille de l’opinion publique après l’utilisation de l’immigration comme une arme de chantage contre l’Espagne et l’Europe.

    Voici le texte intégral de l’interview publiée par SH24H le 30 mai dernier.
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    – Ces derniers jours, la cause et l’histoire du peuple sahraoui ont été au premier plan des débats au niveau national (Espagne). D’après votre expérience en tant que journaliste et chercheur sur le Sahara occidental, comment évaluez-vous les connaissances de l’opinion publique espagnole sur un conflit aussi proche ?

    Jusqu’à il y a quelques mois, il s’agissait d’une connaissance superficielle. Cependant, la récente agression du Maroc à Ceuta, utilisant des centaines de mineurs comme chair à canon sous prétexte que le secrétaire général du Front Polisario se trouvait dans un hôpital espagnol, a contribué à accroître l’intérêt du public pour le conflit.

    – Le Maroc a tenté de braquer les projecteurs sur la figure du président de la RASD, Brahim Ghali, pour justifier l’agression contre la souveraineté du territoire espagnol. Comment évaluez-vous l’approche des médias et quelles sont les intentions du Maroc ?

    Les attaques contre le gouvernement pour avoir accueilli Brahim Ghali sont une manœuvre de diversion. La réalité est que Mohamed VI est très inquiet car l’Union européenne ne suit pas la voie de Donald Trump et rechigne à reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. C’est pourquoi il a créé un conflit diplomatique avec l’Allemagne, qui n’a pas fonctionné, et c’est pourquoi il a également créé un conflit avec l’Espagne. Toutes ces manœuvres visent la même chose : que l’UE viole le droit international et reconnaisse sa souveraineté sur le Sahara occidental. Il y a des médias qui l’ont compris et l’ont dénoncé, et d’autres qui ont décidé de défendre la stratégie de Rabat. Ils sauront pourquoi ils le font.

    – Est-il possible de considérer le traitement médiatique actuel de la question du Sahara Occidental, dicté par le professionnalisme et le suivi régulier et objectif des événements du conflit du Sahara Occidental, ou simplement une circonstance dans laquelle la question du Sahara est exploitée à des fins de pression ou de chantage et tout cela au détriment de la vérité et de la noblesse de la lutte du peuple sahraoui ?

    Il y a tout. Il y a des médias et des professionnels qui rapportent les faits de manière objective et d’autres qui les déforment et les utilisent pour attaquer le gouvernement. Mais, au-delà des misères de certains, l’opinion publique espagnole soutient le peuple sahraoui et rejette les agressions marocaines.

    – Comment définissez-vous la position du gouvernement et des différentes forces politiques face à ces événements ?

    Comme dans presque tout ce qui concerne le Maroc, il y a un manque d’informations pour interpréter les faits avec précision. A première vue, le gouvernement a répondu rapidement et avec force à l’agression marocaine. La position du PP et de son leader, Pablo Casado, me semble incompréhensible. Il affirme qu’avec lui à la Moncloa, l’agression n’aurait pas eu lieu. Pourquoi ? Parce qu’il aurait reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ?

    – En analysant en détail les déclarations de l’ambassadeur marocain de Rabat, on peut percevoir une interférence claire.

    Les déclarations de l’ambassadeur sont inadmissibles dans n’importe quel pays. Pouvez-vous imaginer ce qui se serait passé si l’ambassadeur d’Espagne à Rabat avait tenu des propos similaires ? Il aurait été expulsé du Maroc immédiatement. Cette dame a été invalidée pour représenter son pays en Espagne. J’espère que le gouvernement comprendra cela et refusera son retour à Madrid.

    – Depuis Rabat, ils tentent de marquer les lignes de travail du système judiciaire espagnol, quelle est l’intention et dans quelle mesure cela peut-il lui nuire ?

    Dans ce domaine comme dans d’autres, tels que ceux que nous avons mentionnés précédemment, Mohamed VI se comporte comme une brute de cour d’école, essayant d’intimider les autres avec bravade. Je pense que ce genre d’actions vise à faire voir à ses sujets qu’il est un dur à cuire, mais vu d’Espagne, ses menaces envers la justice sont ridicules.

    – Le Maroc a été sponsorisé par d’importants lobbies politiques et médiatiques espagnols pour dénaturer la lutte sahraouie et blanchir le régime de Rabat. Comment la récente agression contre l’Espagne a-t-elle influencé l’image supposée du « Maroc pays ami » ?

    Je pense qu’il est devenu clair pour l’opinion publique que le Maroc n’est pas un pays ami. Il est vrai que Mohammed VI a un bon nombre de copains dans les médias espagnols. Dans de nombreux cas, il exerce son influence par le biais d’actionnaires qui ont des engagements avec des entreprises françaises ou avec des fonds d’investissement liés à Israël. Maintenant, après l’agression de Ceuta, ces « amis du Maroc » ont beaucoup de mal à le défendre, car cela signifie se ranger du côté de celui qui s’est révélé être un ennemi. C’est pourquoi, au lieu de le défendre, ils attaquent le Polisario et son secrétaire général.

    – On parle d’un « avant et d’un après » dans les relations ou l’image du Maroc. Comment cela peut-il influencer la lutte sahraouie et la position du Maroc en Espagne ?

    Les relations entre l’Espagne et le Maroc sont très complexes. L’Espagne a cédé à de trop nombreuses reprises à la grossièreté et aux caprices de Mohammed VI en échange de sa coopération en matière d’immigration et de terrorisme. Même si je crois que cela doit cesser, je considère que c’est difficile. L’attitude du chef de l’opposition, Pablo Casado, dans cette affaire, en se rangeant du côté de Rabat, est une honte pour ses électeurs. S’il soutient publiquement le Maroc lorsque Mohamed VI fait une monstruosité comme celle qu’il a faite à Ceuta, que pouvons-nous attendre de lui ? Pour le reste, je crois que le Maroc a perdu la bataille de l’opinion publique et que le peuple sahraoui peut profiter de cette occasion pour donner un nouvel élan à la connaissance de sa lutte par le peuple espagnol.

    – Que peut retirer le Maroc, au niveau national et international, des images qui montrent l’utilisation de la population comme outil politique ?

    Condamnation et mépris. En utilisant les personnes les plus vulnérables, dont des centaines d’enfants, comme munitions, Mohammed VI a montré qu’il était un monstre.

    – La potion de l’UE en tant que bloc est un élément clé de la défense des intérêts de l’Espagne et de la défense de Ceuta et Melilla en tant que frontières politiques européennes. Pourquoi le Maroc tente-t-il de se dissocier de l’UE et l’Espagne applaudit-elle les déclarations de soutien reçues de Bruxelles ?

    Le Maroc s’est rendu compte que son agression à Ceuta a causé de graves dommages à son image en Europe, au point de mettre en péril les milliards d’aide qu’il reçoit de Bruxelles, et c’est pourquoi il essaie de faire croire qu’il n’a de problème qu’avec l’Espagne. Mais à cette occasion, le soutien de l’UE aux frontières de Ceuta et Melilla en tant que frontières européennes a été clair. En d’autres termes, cela s’est retourné contre le Maroc.

    – Depuis 1975, l’Espagne tente de se dissocier de sa responsabilité dans le processus de décolonisation du territoire de la RASD sous occupation marocaine. Combien de temps encore Madrid fera-t-elle profil bas dans une affaire qui relève de sa responsabilité juridique et géostratégique ?

    L’Espagne s’est débarrassée de cette question depuis près d’un siècle. C’est pourquoi il faut dire qu’elle a été complice des massacres que le Maroc a perpétrés dans le passé et de la répression qu’il exerce actuellement contre les Sahraouis. Face à la mort de personnes âgées, de femmes et d’enfants, et face à la torture, il n’y a pas d’excuses : soit vous êtes avec le tortionnaire, soit vous êtes avec la victime. Il n’y a pas de place pour le silence. Mais je crains que la position de l’Espagne ne change pas.

    – Comment les intellectuels et l’opinion publique peuvent-ils influencer les actions politiques de l’Espagne concernant le Sahara Occidental ?

    En expliquant encore et encore les faits qui prouvent la responsabilité de l’Espagne au Sahara. Par le biais d’essais, de romans, de films, d’articles, de pièces de théâtre, de poèmes… Plus l’opinion publique est consciente, plus les gouvernements feront attention à ne pas l’offenser pour ne pas perdre leurs votes.

    SH24, 30 mai 2021

    Etiquettes : Espagne, Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, Ceuta, Brahim Ghali, migration, UE,

  • Maroc-Espagne :Casado se rend à Ceuta

    Deux semaines après l’arrivée massive d’immigrants dans la ville autonome, le chef de l’opposition rencontrera Vivas et des hommes d’affaires

    Le leader du Parti Populaire, Pablo Casado, se rend ce jeudi à Ceuta au milieu de l’escalade verbale entre l’Espagne et le Maroc et au milieu de la controverse créée par la présence en Espagne du leader du Front Polisario, Brahim Ghali, qui est reparti tôt ce matin en Algérie après un mois et demi d’hospitalisation pour coronavirus à La Rioja.

    Au programme de la visite de M. Casado, qui a lieu deux semaines après le débarquement massif d’immigrants à Ceuta, il y a une réunion à 10h45 avec le président de la ville autonome, Juan Vivas, et une réunion avec des hommes d’affaires dans l’après-midi.

    Mardi, lors d’un petit-déjeuner organisé par Europa Press, M. Casado a appelé le gouvernement de Pedro Sánchez à « intensifier » la relation avec le Maroc pour résoudre la crise et ne pas mettre en danger la coopération en matière de politique migratoire, de lutte contre le terrorisme djihadiste et le trafic de drogue ou la collaboration dans le domaine de la pêche ou de l’agriculture.

    Après avoir rappelé que le PP « prévient » depuis un an de ce qui pourrait se passer avec Rabat, le président du PP a qualifié de « formidable maladresse » l’entrée en Espagne avec « fausse identité » du leader du Front Polisario.

    Précisément, le PP a demandé ce mercredi la démission « immédiate » de la ministre des Affaires étrangères, Arancha González Laya, pour sa gestion « infâme » dans la crise diplomatique avec le Maroc et l’ »obscurantisme » dans l’entrée et la sortie d’Espagne du leader du Front Polisario.

    « Je pense qu’il a généré une crise diplomatique de premier ordre et le gouvernement a montré qu’il a un poids nul en politique étrangère », a déclaré le secrétaire général du PP, Teodoro García Egea sur TVE pour justifier la demande de démission lorsqu’il a été interrogé sur le départ du Ghali d’Espagne tôt ce matin.

    M. Casado s’est plaint que, deux semaines après avoir parlé avec Pedro Sánchez à la suite de cette crise avec le Maroc, le chef de l’exécutif ne lui a pas reparlé. « Il m’a dit qu’il allait m’en informer ponctuellement et jusqu’à aujourd’hui », a-t-il déploré mardi.

    Des reproches croisés entre l’Espagne et le Maroc

    Ces derniers jours, la tension s’est aggravée avec Rabat, qui a accusé le gouvernement de Pedro Sánchez d’utiliser la migration comme un « prétexte » pour « détourner l’attention des causes réelles de la crise bilatérale », faisant allusion au fait que la racine de la crise se trouve au Sahara occidental.

    Le chef de l’exécutif, Pedro Sánchez, a déjà déclaré mardi qu’ »il n’est pas admissible » qu’il y ait un gouvernement qui dise que les frontières sont attaquées pour « inonder une ville espagnole d’immigrants à cause de désaccords en politique étrangère ».

    Et ce mercredi, la première vice-présidente du gouvernement, Carmen Calvo, a assuré que l’Espagne continuera à travailler pour récupérer la relation avec le Maroc, tout en précisant que la position de l’exécutif concernant la souveraineté du Sahara Occidental n’a « pas changé du tout ».

    La Vanguardia, 03 juin 2021

    Etiquettes : Pablo Casado, Espagne, Maroc, Ceuta, Sahara Occidental, Front Polisario, Brahim Ghali, PP, Arancha Gonzalez Laya, migration,

  • Maroc : Les limites d’un Etat voyou et manipulateur

    Le Maroc aura tout tenté pour faire croire à une victoire de sa piètre diplomatie, mais la réalité des faits l’a tout simplement remis à sa place. Sa petite place. Dans son bras de fer qu’il a engagé avec Madrid, le makhzen a pu vérifier à ses dépens que sa roublardise, ses mensonges, ses menaces et sa bassesse n’ont fait que le discréditer encore plus aux yeux d’une grande partie du monde.

    Pire encore, le Maroc qui a donné sa diplomatie à un piètre amateur du nom de Nasser Bourita a perdu beaucoup de crédit et de soutien au sein même de ses alliées d’hier et a totalement raté sa campagne auprès de l’Europe surtout. Son coup bas de Ceuta où il a ouvert et orchestré un flux jamais vu de migrants vers les terres espagnoles a été une erreur fatale qui a mis les 27 membres de l‘UE, y compris son fidèle allié français, dans une colère noire. Ce chantage de bas étage a été unanimement condamné par les Européens et le Haut représentant pour la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a été très clair à ce sujet, estimant qu’il était « normal que si un pays rompt un accord de coopération avec l’UE, il y ait des conséquences », avant de rappeler au Maroc que « les frontières de l’UE commencent à Ceuta. »

    Ensuite il y eut ce long feuilleton de la présence du président sahraoui en Espagne et les pressions exercées par Rabat sur Madrid, avec tous les mensonges et les manipulations qui vont avec, et qui toutes se sont révélés vains puisque Brahim Ghali a été entendu par un juge espagnol qui n’ a pris aucune mesure contre lui et le président sahraoui s’est retrouvé ainsi libre de ses mouvements et a pu quitter l’Espagne, car le dossier monté de toutes pièces par le makhzen contre lui était vide et sans aucune consistance.

    Et malgré toutes ces défaites et ces déboires, le Maroc a continué dans sa politique de mensonges, allant cette fois jusqu’à déclarer que l’exercice militaire américano-marocain «African Lion 2021» aura lieu dans le désert du Sahara occidental occupé. Un mensonge qui a vite été démenti par l’armée américaine qui a déclaré que ces manœuvres auront lieu, «à travers le Maroc, de la base aérienne de Kenitra, au nord, à Tan-Tan et au complexe d’entraînement de Guerir Labouhi au sud», donc dans les frontières internationalement reconnues du royaume, excluant de fait les territoires sahraouis occupés.

    Le Maroc s’est vu trop beau et trop grand et a cru pouvoir profiter de sa nouvelle proximité avec Israël et son éphémère rapprochement avec l’ex administration américaine, pour se permettre toute sorte de comportements d’Etat voyou. Mais son différend avec l’Espagne l’a remis à sa place et a aussi sonné le glas d’un ministre amateur qui confond diplomatie et roublardise de bas étage.

    Par Abdelmadjid Blidi

    Ouest Tribune, 03 juin 2021

    Etiquettes : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, Brahim Ghali, diplomatie, Nasser Bourita, Ceuta, Union Européenne, UE, chantage,

  • Algérie : Tebboune dit tout au « Point »

    DANS UN ENTRETIEN EXCLUSIF AU MAGAZINE HEBDOMADAIRE FRANÇAIS, « LE POINT » : Le Président dit absolument tout !

    Quand les équipes du nouveau président entrèrent pour la première fois dans le palais d’El Mouradia, en décembre 2019, l’endroit semblait quasi abandonné. Depuis que le président déchu, Abdelaziz Bouteflika, malade, s’était calfeutré en 2013 dans sa résidence médicalisée à Zéralda, sur la côte ouest algéroise, ce haut lieu du pouvoir s’était transformé en une administration ronronnante, à peine gérée par le frère- conseiller, Saïd Bouteflika, et où régnaient le silence et des ombres pressées.

    En cette matinée printanière de mai, le palais d’El Mouradia, niché sur les hauteurs d’Alger-Centre, fait resplendir le jardin de sa résidence, dominé par un ficus centenaire et bercé par la fontaine en cascade aux faïences azur. À l’entrée, l’ancien court de tennis où jouait l’ex-chef de l’État Chadli Bendjedid (1979-1992), le dernier président à avoir mis en place une communication innovante, posant même avec sa famille pour la presse étrangère, avant la glaciation qui s’ensuivit. Depuis, l’image du pouvoir algérien est celle du portrait officiel, raidie, spartiate, « militaire », jusqu’à l’artifice d’un président muet et grabataire. Au bout de vingt ans de règne, Bouteflika sera remplacé, comble du mépris et du surréalisme, par un « cadre », c’est-à-dire un portrait que les « hommes » de l’ex-président brandissaient, extatiques, lors des meetings. Trente ans de grisaille ombrageuse, de rumeurs de décès, d’apparitions fantomatiques, de complots, de théories d’usurpation et, surtout, de silence… le pouvoir en Algérie a des mœurs de clandestinité et des rites d’invisibilité.

    À 11 heures passées, sur une terrasse ombragée, le chef de l’État algérien reçoit ses intervieweurs. Il leur consacre plusieurs heures. Son discret staff, réduit au maximum, s’éparpille sous les arcades mauresques de cette résidence adossée au « cabinet », le bureau du président, un peu plus haut, auquel on accède en traversant le jardin. L’image bucolique tranche avec la double sinistrose de la présidence fantomatique des derniers mandats de Bouteflika et avec le cliché en noir et blanc d’un pouvoir opaque et renfermé. « Vous avez trop de questions », commente, tout sourire, Abdelmadjid Tebboune en invitant à prendre le café.

    Traversée du désert. L’homme revient de loin, et pas seulement d’une longue convalescence après son infection au Covid-19 et une opération au pied en Allemagne, mais d’une traversée du désert, une ostracisation violente après son mandat éclair (trois mois) de Premier ministre en 2017. Un record dans la République algérienne, pour avoir déclaré la guerre aux « forces de l’argent » et à leur clan politique proche du frère de Bouteflika, Saïd. Cet énarque, ce fils du Sud-Ouest saharien qui lui a légué le calme et la cordialité des gens du désert, à la carrière préfectorale qui remonte aux années 1970, sait, depuis la disgrâce subie, que le pouvoir peut aussi être un enfer derrière l’apparat du prestige et de la puissance. Les intrigues le rattrapent, même lors de la présidentielle de décembre 2019, décriée par le Hirak, qui poursuivait ses manifestations antisystème : donné pour favori, il subit une campagne médiatique violente, et une partie du personnel politique hérité de l’ère Bouteflika se mobilise contre lui – aujourd’hui, des officiers du renseignement sont derrière les barreaux pour avoir comploté et tenté de manipuler les résultats de l’élection à ses dépens…

    Pilier. À des intimes, après cette bataille feutrée au sein même du pouvoir, il confie : « Je n’ai plus rien à perdre parce que j’ai tout perdu. Si je suis élu, ce n’est pas pour finir en autocrate. » Abdelmadjid Tebboune assume ses postes de ministre sous Bouteflika, défendant son bilan à l’Habitat par exemple, où il créa une formule d’accès au logement pour la classe moyenne, « pilier de stabilité d’une société », selon lui. À ses yeux, il a servi l’État, pas la fratrie Bouteflika.
    Vis-à-vis de la France, celui qui suivait en même temps les cours de l’école coranique et de l’école française veut imposer une position nuancée : pas d’hostilité automatique, mais pas de rapports de suzerain à vassal. « Il respecte ceux qui le respectent, c’est son principe aussi pour la diplomatie », souligne un proche.

    Sans filet. Ce n’est pas la première fois que Tebboune se prête au jeu des questions-réponses, mais le dispositif est différent : une interview longue et fouillée menée pour un grand hebdomadaire français par deux journalistes et écrivains algériens vivant en Algérie. Au-delà de l’interview, c’est symboliquement une intrusion dans « l’unique et véritable centre du pouvoir en Algérie », pour reprendre les mots d’un conseiller du palais. L’interview est ouverte, sans filet, nous assure-t-on. Notre photographe est autorisé à circuler et à prendre ses propres photos, et Tebboune s’y prête : debout, assis, marchant, souriant ou conversant de façon détendue. Ces gestes de grande banalité pour des Occidentaux ont ici tout leur sens : le pays est cycliquement la proie de rumeurs sur la maladie du président du moment, son état de santé, sa mobilité physique et sa capacité à gérer le pays et ses crises. Il fallait des réponses et aussi presque des « preuves de vie ». Après un long café en « off », le « on » se fait dans le bureau du président. Abdelmadjid Tebboune demande à mener l’entretien sans la présence de ses équipes qui nous laissent presque seuls.

    Le Point : Vous avez repris les rênes du pouvoir neuf mois après la chute d’Abdelaziz Bouteflika, lors de la présidentielle de décembre 2019 : dans quel état aviez-vous trouvé le pays ?

    Abdelmadjid Tebboune : Le pays était au bord du gouffre. Heureusement qu’il y a eu le sursaut populaire, le Hirak authentique et béni du 22 février 2019, qui a permis de stopper la déliquescence de l’État en annulant le cinquième mandat, qui aurait permis à la « issaba » [le « gang », conglomérat d’oligarques et de hauts responsables, NDLR], ce petit groupuscule qui a phagocyté le pouvoir et même les prérogatives de l’ex-président en agissant en son nom, de gérer le pays. Il n’y avait plus d’institutions viables, seuls comptaient les intérêts d’un groupe issu de la kleptocratie. Il fallait donc reconstruire la République, avec ce que cela implique comme institutions démocratiques.

    Touché par le Covid, vous avez été absent d’Algérie. Cette absence a-t-elle affecté votre exercice du pouvoir ?
    Affecté non. Retardé le programme des réformes, oui. Mais nous avons réussi à faire en sorte que l’État fonctionne en mon absence. Preuve en est que la réhabilitation des institutions que j’ai entamée avait fonctionné. Par ailleurs, j’ai pu faire le bilan sur mon environnement immédiat et les projets que nous avons lancés. Certains ont pensé que c’était le naufrage – et vous savez qui quitte le navire dans ces cas-là -, mais j’ai pu constater, avec fierté, toute la fidélité de l’armée, avec à sa tête le chef d’état-major Saïd Chengriha. Nous nous appelions tous les matins.

    Qu’est-ce que votre traversée du désert entre 2017 et 2019 vous a appris sur le pouvoir ?

    Pour avoir exercé un peu plus de cinquante ans au service de l’État, depuis ma sortie de l’ENA en 1969, je sais qu’il est très difficile de faire de l’opposition à l’intérieur même du système. Pourtant, j’en ai fait, j’étais une sorte de mouton noir. On m’a envoyé comme wali [préfet] aux postes où il y avait le plus de problèmes. On m’avait collé une étiquette de « tête dure », parce que je ne me privais pas de dire ce que je pensais.

    En 2017, j’étais déjà convaincu que l’Algérie allait droit dans le mur, que si la déliquescence des institutions se poursuivait, elle allait aussi impacter l’État-nation même, pas uniquement le pouvoir. On ressemblait de plus en plus à une république bananière, où tout se décidait dans une villa sur les hauteurs d’Alger [à Ben Aknoun, lieu de rencontre des oligarques et de leurs relais du pouvoir, NDLR]. Les institutions étaient devenues purement formelles, à l’exception de l’armée, qui a pu sauvegarder sa stature.

    Il fallait donc agir et j’ai proclamé, en tant que Premier ministre, devant le Parlement, que le salut viendrait de la séparation de l’argent et du pouvoir. Ma famille et moi en avons payé le prix, mais cela fait partie du risque de l’exercice du pouvoir.
    Quand le pouvoir est gangrené par les intérêts personnels, il se défend à sa manière. S’attaquer à ce système peut devenir mortel. Très dangereux.

    Comment le président peut-il mener des réformes politiques sans un parti de soutien, sans l’adhésion de l’opposition, sans société civile autonome, et avec une administration héritée de l’ancien système ?

    Une partie de l’administration, censée être neutre et servir les administrés, s’est mise au service des lobbys de la kleptocratie, que l’on appelle à tort « oligarchie », car il s’agit plutôt d’un groupe de voleurs.
    Je n’ai pas été le candidat d’un parti, mais celui du peuple et de la jeunesse, deux piliers sur lesquels je compte beaucoup. Une multitude de nos partis ne sont pas représentatifs d’un courant d’idées, mais sont construits autour d’une personne qui s’éternise à leur tête, sans aucune volonté d’ouverture ou de réforme… Attention, je ne dis pas que je ne crois pas en la classe politique, mais elle représente peu de chose par rapport à un peuple. Tous les partis réunis ne totalisent pas 800 000 militants, alors que nous sommes près de 45 millions d’Algériens ! Plus tard, peut-être, lorsque les institutions auront repris leur place et leurs fonctions, libérées du diktat de l’argent sale, on pensera à créer un parti présidentiel. Mais pas pour le moment.

    Vous dites « plus tard » : justement, pensez-vous avoir besoin d’un second mandat ?

    Très honnêtement, je n’y pense pas. Ma mission est de remettre sur pied mon pays, lutter contre les passe-droits, reconstruire les institutions et faire que la République appartienne à tout le monde. Un autre mandat ? Je ne sais pas. On n’est qu’au début de mon mandat.

    Opposition et activistes dénoncent les arrestations dans les rangs du Hirak et les entraves au travail des médias…
    Je n’utilise plus ce mot (Hirak) parce que les choses ont changé. Le seul Hirak auquel je crois est le Hirak authentique et béni qui a spontanément rassemblé des millions d’Algériens dans la rue. Ce Hirak-là a choisi la voie de la raison en allant à l’élection présidentielle. Il n’a pas écouté le chant des sirènes qui le poussait à aller vers une période transitoire, et dix millions d’Algériens sont allés voter. Une minorité a refusé l’élection. Je pense que tout Algérien a le droit de s’exprimer, mais je refuse le diktat d’une minorité.

    De plus, je m’étonnerai toujours du fait qu’un démocrate, qui se définit comme tel, rejette les urnes et prône la désignation. Quand il ne rejette pas l’opinion de la majorité, ce qui est en soi antidémocratique. Pourquoi voulez-vous désigner des personnes pour diriger le pays ? Qui êtes-vous ? Qui vous a fait roi ? « Qui t’a rendu si vain/Toi qu’on n’a jamais vu les armes à la main », pour reprendre Le Cid !

    Aujourd’hui, dans ce qui reste du Hirak, on trouve de tout, il y en a qui crient « État islamique ! » et d’autres qui scandent « pas d’islam ! ». Les manifestants expriment peut-être une colère, mais ce n’est pas le Hirak originel. C’est très hétéroclite.

    En février, vous avez libéré la quasi-totalité des détenus du Hirak. Pourquoi ce raidissement actuellement ?
    Lorsque les marches, après la présidentielle, rassemblaient encore de 20 000 à 25 000 manifestants à travers le pays, j’ai été le premier à tendre la main aux gens du Hirak et à les recevoir. Dans mon premier gouvernement, on compte cinq ministres qui en sont issus. Des personnes que j’avais vues m’insulter dans des vidéos ! Ensuite, on a commencé à libérer des détenus pour arriver à 120 relaxés. Les gens continuaient à me critiquer, mais j’ai continué à faire des gestes. J’ai l’impression que cela a été interprété comme une faiblesse. Les gens pensaient qu’on était dos au mur. Ils se trompaient. Pour moi, le manifestant et le policier qui maintient l’ordre public sont les enfants de la même République. Je n’ai pas le droit de les laisser s’affronter. D’autant plus que les appels à la violence étaient clairs. Tant qu’on était au stade des idées, il n’y avait pas de problème, mais les appels à la violence, c’est autre chose.

    Pourquoi Rachad (mouvement d’opposition en exil formé notamment des ex-FIS) et le MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) ont-ils officiellement été déclarés mouvements terroristes ?

    Parce qu’ils se sont eux-mêmes déclarés tels. Rachad a commencé à mobiliser tous azimuts, à donner des instructions pour affronter les services de sécurité et l’armée. Le MAK a tenté d’agir avec des voitures piégées. Face aux appels à la violence, la patience a des limites.

    Comment se présentent les élections législatives du 12 juin alors qu’une bonne partie de l’opposition a choisi de boycotter le scrutin ?

    On ne voit pas les choses de la même manière. Ce que j’observe à travers tout le pays ne dit pas que les Algériens, dans leur majorité, sont opposés aux élections législatives.
    Vous me dites une « bonne partie de l’opposition » : combien sont-ils ? Au vu des instruments de mesure dont nous disposons, il s’agit d’une minorité qui se présente comme une majorité grâce à une médiatisation à outrance, notamment outre-mer. Certains ambassadeurs, malheureusement, ne voient que cette minorité et ne vivent qu’avec elle, et ignorent la majorité des Algériens, induisant en erreur les pays auxquels ils appartiennent…
    Je sais qu’il y a un engouement pour ces législatives, notamment chez les jeunes, alors que tout récemment, ils ne s’inscrivaient même pas sur les listes électorales.

    Il n’y a pas d’autre issue. Et tous ceux qui veulent entraîner le pays vers l’aventure sont en train de perdre leur temps.
    Quand j’étais malade et que les rumeurs enflaient, me donnant même comme décédé, la plupart des Algériens étaient angoissés, même parmi ceux qui n’ont pas voté pour moi ou qui ne m’apprécient pas. Parce qu’ils veulent que le pays reste sur la voie de la légalité.

    Le correspondant du journal « Liberté » à Tamanrasset a été arrêté et placé sous mandat de dépôt pour un article de presse. Comment est traité son cas alors que la Constitution interdit l’emprisonnement d’un journaliste qui exercice son métier ? Peut-on espérer une évolution positive de sa situation ?

    Il a joué à tort au pyromane sur un sujet très sensible. Très grave.

    Le Parlement ne risque-t-il pas de se retrouver avec une majorité parlementaire – et donc gouvernementale – islamiste, comme au début des années 1990 ?

    Quelle est la définition de l’islamisme ? L’islamisme en tant qu’idéologie, celle qui a tenté de s’imposer au début des années 1990 dans notre pays, n’existera plus jamais en Algérie. Maintenant, l’islam politique a-t-il bloqué le développement de pays comme la Turquie, la Tunisie, l’Égypte ? Non. Cet islam politique-là ne me gêne pas, parce qu’il n’est pas au-dessus des lois de la République, qui s’appliqueront à la lettre.

    Parler de l’Algérie, c’est évoquer le poids de l’armée et des services de renseignement. Qu’en est-il réellement, sachant que l’armée a arbitré le départ de Bouteflika ?

    Le poids de l’armée est une réalité positive. Si nous n’avions pas une armée aussi moderne et aussi professionnelle, la situation en Algérie serait pire qu’en Libye ou en Syrie. Je rappelle que l’armée s’est retirée de la politique depuis la fin des années 1980. L’époque où des officiers de l’armée siégeaient au comité central du FLN (ex-parti unique) est terminée. L’armée ne fait plus de politique.

    Pendant le Hirak, certains, y compris dans les rangs de ceux qui se prétendent démocrates, ont demandé à l’armée d’intervenir. Elle a refusé, préférant protéger le pacifisme du mouvement.

    Si elle avait voulu prendre le pouvoir, elle l’aurait fait. C’était une demande populaire, le peuple l’appelait à faire cesser la comédie du cinquième mandat et la déliquescence de l’État. L’armée n’a pas pris le pouvoir et ne le prendra pas, parce qu’elle est légaliste.

    Les poursuites contre les oligarques ont traumatisé les milieux d’affaires en Algérie. Comment rassurer les patrons algériens ?

    Nous avons déjà fait plus que le nécessaire pour les rassurer. Nous avons réuni, à deux reprises, les patrons algériens ; nous avons pris des mesures dans les lois de finances. S’ils ont des choses à se reprocher, je n’y suis pour rien. La justice a pris tout son temps pour juger ceux qui ont indûment touché à l’argent public, on n’accuse personne à la légère.
    Des voix s’élèvent pour dénoncer les blocages dans l’administration, des responsables qui ont peur d’assumer des décisions, une fiscalité qui encourage l’informel, des banques méfiantes, etc.
    La situation n’est pas aussi catastrophique. Il y a des problèmes, des difficultés, peut-être aussi des blocages à cause de la bureaucratie, contre laquelle je lutterai avec toute mon énergie. Je l’ai dit aux hommes d’affaires et aux start-up : la bureaucratie est notre ennemi commun. Pour le reste, les gens continuent à travailler et à investir, le pays n’est pas à l’arrêt. Mais il est vrai que nous avons une économie sous-développée et désarticulée, tournée vers l’importation, sans aucun échange intersectoriel.
    Prenez l’exemple des kits – dans l’automobile, l’électroménager, etc. -importés pour être montés en Algérie : nous avons réussi à mettre sur le marché des voitures plus chères que les voitures importées ! Et tout cela pour créer à peine 400 emplois alors que le projet a coûté à l’État 3,5 milliards de dollars. Ça, ce n’est pas de l’économie ! Ceux qui veulent se lancer dans la construction mécanique, en respectant les cahiers des charges, sont les bienvenus. Pour les industries légères, comme l’électroménager, l’intégration devrait être, au départ, d’au moins 70 %.
    Ce que nous voulons, c’est construire une économie dans laquelle les besoins de notre pays soient satisfaits par notre propre production.

    Des milliers d’Algériens attendent impatiemment leur retour en Algérie : après l’annonce de l’ouverture partielle du ciel prévue le 1er juin, quelles seront les prochaines étapes ?

    L’ouverture ou la fermeture des frontières est dictée par le Conseil scientifique, suivant l’évolution de la pandémie. Si nous avons fermé les frontières, ce n’est pas pour sanctionner la population, mais pour la protéger. L’Algérie a été le premier pays à imposer les tests dans ses aéroports, à fermer les crèches, les écoles, les mosquées, à interdire le public dans les stades…
    Aujourd’hui, nous recensons environ 200 cas par jour, alors que des pays plus développés en sont à 20 000, voire 30 000 cas par jour. Mais le virus est là, et à tout moment, les chiffres peuvent remonter. Si cela arrive, les Algériens nous en voudront d’avoir commencé à rouvrir les frontières. Et si la situation se dégrade, nous refermerons.
    Même avec les frontières fermées, nous avons rapatrié un peu plus de 80 000 Algériens. Aux frais de l’État. Aucun pays n’a fait ça.

    En parlant de la crise sanitaire, qu’en est-il du rythme des vaccinations ? Y a-t-il eu un manque d’anticipation ?

    L’Algérie a commencé à vacciner en janvier, avant presque tous les pays africains. Les vaccins sont justement là pour ceux qui en font la demande. Quant au rythme de la vaccination, il suit le bon vouloir des Algériens, car nous ne voulons pas l’imposer. Mais nous allons lancer de grandes campagnes de sensibilisation, car le fait que l’Algérie ait été relativement peu impactée dissuade les gens d’aller se faire vacciner.

    L’Algérie se prépare à réformer sa politique de subvention des produits de première nécessité, avec un ciblage d’aides aux plus défavorisés : comment aborder ce virage dans un pays attaché au caractère social de son État ?
    L’Algérie sera un État social ad vitam aeternam, parce que c’est une exigence de ceux qui se sont sacrifiés pour ce pays. La déclaration du 1 er novembre 1954 préconisait la création d’un État démocratique et social. Tel était le vœu de nos martyrs.
    Aux premières années de l’indépendance, les millionnaires se comptaient sur les doigts d’une main. Maintenant, l’Algérie compte des centaines de milliardaires. L’État social reste un principe valable pour les classes moyennes et démunies, mais les plus riches ne doivent plus être concernés par les subventions.
    Le projet est en cours d’élaboration, j’attends l’élection des assemblées – Parlement et assemblées locales – pour entamer une réflexion nationale, notamment avec les syndicats, le Conseil national économique et social et environnemental et les élus.

    Après la révision de la règle du 49/51 (partenaire algérien majoritaire obligatoire pour une entreprise) que reste-t-il à faire pour améliorer le climat des affaires ? Un partenaire étranger peut-il gagner de l’argent en Algérie ? Réaliser des bénéfices et en jouir ?

    La logique du Doing business instaure certains paramètres pour capter les investissements directs étrangers. Parce que les opérateurs investissent là où il y a le minimum d’État. Certains pays l’acceptent, à défaut d’avoir d’autres moyens de création d’emplois, devenant presque des protectorats d’autres pays, où on peut, par exemple, prohiber l’action syndicale.
    En Algérie, c’est impossible. Il y a une demande d’État et de protection sociale assez forte. Ce n’est pas très attractif. Mais quand il s’agit d’investir dans les hydrocarbures, cela ne gêne personne. Ajoutez à cela un pays solvable non endetté et qui compte 45 millions de consommateurs.

    Vous avez instauré, avec le président Macron, une approche apaisée de la question mémorielle, et en juillet 2020, vous avez déclaré, sur France 24 : « On a déjà reçu des demi-excuses. Il faut faire un autre pas… On le souhaite. » Quels gestes concrets attendez-vous de Paris ?

    Les Algériens attendent une reconnaissance totale de tous les crimes. Dans l’histoire de la colonisation, il y a eu trois étapes douloureuses pour nous : le début de la colonisation, avec l’extermination, pendant quarante ans, de tribus entières, des villages entiers décimés et les enfumades. Ensuite, il y a eu la période de la spoliation, quand les terres étaient confisquées aux Algériens pour être distribuées à des Européens. L’horreur du 8 mai 1945 avec 45 000 morts. Enfin, il y a eu la guerre de libération, quand les Algériens ont pris les armes pour libérer leur pays.

    Tout cela ne concerne pas la génération du président Macron, ni celle de certains intellectuels français, qui sont irréprochables, mais reconnaître ces faits est important. Car pourquoi tient-on à la reconnaissance de ce qu’ont subi les Arméniens, les juifs, et ignore-t-on ce qui s’est passé en Algérie ?

    Ce que nous voulons, c’est une mémoire apaisée, reconnue. Qu’on sorte de cette fable d’Algérie terra nullius où la colonisation aurait apporté la civilisation. Cela dit, ce n’est pas la France de Voltaire, la France des Lumières que l’on juge. C’est la France coloniale. Nous n’oublierons d’ailleurs jamais que de nombreux Français ont rejoint le combat des Algériens, et aujourd’hui nous nous inclinons devant leur mémoire.

    Le passif, une fois réglé, permettra une amitié durable entre les deux nations. Boumédiène avait dit à Giscard qu’on voulait tourner la page mais sans la déchirer. Et pour ce faire, il faut des actes.

    Attendez-vous des réparations ou des compensations de la France, notamment concernant les essais nucléaires et leurs retombées ?

    Nous respectons tellement nos morts que la compensation financière serait un rabaissement. Nous ne sommes pas un peuple mendiant, nous sommes un peuple fier et nous vénérons nos martyrs.
    Nous demandons à ce que la France vienne nettoyer les sites des essais nucléaires, une opération qui est en bonne voie. Parce qu’aujourd’hui encore, la contamination fait des victimes. Que la France soigne les victimes des essais nucléaires.
    Le monde s’est mobilisé pour Tchernobyl alors que les essais nucléaires en Algérie provoquent peu de réactions. Ils ont pourtant eu lieu à ciel ouvert et à proximité des populations.

    Comment évaluez-vous le rapport de Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie ?

    Benjamin Stora est un historien qui n’a jamais été dans l’excès, toujours proche de la vérité. Il a rédigé un rapport destiné à son président mais qui ne nous est pas adressé.
    Mais si on compare ce qu’ont fait les présidents français et ce que fait Emmanuel Macron aujourd’hui, on a l’impression que c’est ce dernier qui a été le plus loin…
    Oui, on doit le rappeler et l’écrire. Macron a toute mon estime. C’est le plus éclairé d’entre tous. Les autres présidents avaient tous une histoire avec l’Algérie.
    Ceux qui en veulent à sa politique envers l’Algérie ne représentent qu’une infime minorité. Ils gardent des relais mais sont rejetés par l’opinion française en général, car la plupart des jeunes Français d’aujourd’hui sont moins directement concernés par l’histoire algérienne.
    Si nous n’arrivons pas à jeter des passerelles solides entre les deux pays sous la présidence Macron, cela ne se fera jamais, et nos pays garderont toujours une haine mutuelle.

    Vous parlez finalement davantage de reconnaissance plutôt que de repentance ?

    Reconnaître, c’est une forme de repentance.

    Mi-avril, la cinquième session du Comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien (CIHN) a été reportée. Y a-t-il un agenda pour la reprise des contacts à un haut niveau ?

    La représentation française, composée au départ de dix ministres, avait été réduite à six, puis à quatre et enfin à deux ministres, pour discuter avec… dix ministres algériens !
    Celui qui a pensé que cela pouvait se faire ainsi ne connaît rien ni à l’Algérie ni à la manière de travailler en bilatéral. La balle est dans le camp du gouvernement français pour organiser un autre rendez-vous.

    Depuis le dernier CIHN, en décembre 2017, un seul projet économique (privé-privé) entre la France et l’Algérie, sur onze, a été concrétisé. Le dossier de l’usine Peugeot reste lettre morte ainsi que le partenariat entre Sanofi Pasteur et le groupe algérien Saidal… Comment redynamiser ces dossiers ?

    Je ne pense pas que le bilan soit aussi négatif. De plus, le CIHN n’est pas uniquement une rencontre d’affaires, nous nous réunissons aussi pour parler d’autres dossiers.
    Notez que 80 % de l’activité de Sanofi en Afrique est réalisée en Algérie et il n’y a pas de contentieux avec cet associé. Le partenariat avec Saidal est en train de se concrétiser. Pour d’autres – comme Suez ou la RATP -, les partenariats battent de l’aile. Nous pourrions aller plus loin mais des lobbys français [les nostalgiques de l’Algérie française et les réseaux marocains, NDLR], très puissants, criminalisent pratiquement le fait de travailler avec l’Algérie. C’est une réalité et pas un complexe de persécution.
    Les relations ne se construisent pas de souverain à suzerain, mais d’égal à égal. Vous avez des intérêts que nous reconnaissons, que vous défendez, et nous avons des intérêts que nous devons défendre. Il faut sortir du mythe que les investisseurs français ont été malheureux en Algérie. Renault, Legrand et Schneider ont prospéré. Lafarge et Knauf ont exporté. BNP, SG, Natexis, Crédit agricole, Air France… ont acquis des parts de marché aussi, plus de 450 PME françaises sont présentes en Algérie.

    L’usine Peugeot va-t-elle ouvrir ?

    C’est un dossier en maturation. Le mérite de Peugeot, c’est de ne pas avoir accepté de verser de pot-de-vin [sous Bouteflika, NDLR]. Et pour cette raison, nous avons beaucoup de respect pour ce partenaire. Seulement, l’usine projette une production de 76 000 véhicules alors que l’Algérie consomme un minimum de 350 000 véhicules par an. Nous voulons aussi augmenter le taux d’intégration, à 30-35 %.

    L’Algérie a une longue et tragique expérience dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Pensez-vous que cette expérience soit utile pour la France ?

    En Afrique et dans le monde arabe, nous sommes leaders dans la lutte contre le terrorisme. Cette expertise a bénéficié à tous les pays occidentaux, y compris aux États-Unis. Nous avons fait éviter des tragédies à la France, à la Belgique et à d’autres. Nous préférons garder cette coopération discrète, car il s’agit de sauvegarder des vies humaines en Europe et partout.

    Les tensions pèsent entre le Maroc et l’Algérie, et le Front Polisario a opté pour l’action militaire. Faut-il craindre un conflit armé ouvert dans la région ? Quel avenir pour l’Union du Maghreb arabe avec des générations d’Algériens et de Marocains qui ne se connaissent pas ?

    Dans cette relation, le rôle honorable revient à l’Algérie. La rupture avec le Maroc – et je parle de la monarchie, pas du peuple marocain, que nous estimons – remonte à tellement longtemps qu’elle s’est banalisée.
    Le Maroc a toujours été l’agresseur. Nous n’agresserons jamais notre voisin. Nous riposterons si nous sommes attaqués. Mais je doute que le Maroc s’y essaie, les rapports de force étant ce qu’ils sont.

    Les frontières avec le Maroc resteront-elles fermées ?

    Oui. On ne peut pas ouvrir les frontières avec un vis-à-vis qui vous agresse quotidiennement.

    Et sur le dossier du Sahara occidental ?

    Il y a huit mois, j’avais exprimé ma crainte à des ambassadeurs que le Front Polisario reprenne les armes et qu’un accrochage sérieux puisse faire basculer la situation. Les jeunes du Sahara occidental ne ressemblent pas à leurs aînés : ils sont nés dans les camps de Tindouf et ont maintenant 40 ans, ils refusent cette situation et veulent reprendre leurs territoires. Il a été très difficile pour le Front Polisario de mener à bien son dernier congrès face à cette génération impatiente.
    Certains croient qu’avec l’ouverture de consulats [à Laâyoune et Dakhla, NDLR], le dossier du Sahara occidental est clos, mais ils se trompent. Le Maroc devrait revenir rapidement à une solution acceptable conforme au droit international. Entre l’Algérie et le Maroc, le Sahara occidental a toujours été une pomme de discorde mais pas un casus belli. Le Maroc devrait opter pour la raison : son ennemi, comme pour l’Algérie, c’est le sous-développement. L’Algérie est en train de se construire avec ou sans le Maroc.
    Défi. « Si nous n’arrivons pas à jeter des passerelles solides entre la France et l’Algérie sous la présidence Macron, cela ne se fera jamais », estime Tebboune.

    Pensez-vous que l’administration Biden devrait revenir sur la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par Trump ?

    Comment peut-on penser offrir à un monarque un territoire entier, avec toute sa population ? Où est le respect des peuples ? Cette reconnaissance ne veut rien dire. Toutes les résolutions du Conseil de sécurité concernant le Sahara occidental sont présentées par les États-Unis. On ne peut pas revenir, verbalement, sur tout ce qui a été fait par Washington pour faire plaisir à un roi.
    Pourquoi les Marocains refusent-ils l’autodétermination ? Parce qu’ils ont procédé à un changement ethnique qui a ses conséquences : les Sahraouis à l’intérieur du Sahara occidental sont aujourd’hui minoritaires par rapport aux Marocains qui s’y sont installés. En cas de vote pour l’autodétermination, les Marocains installés sur le territoire sahraoui vont voter pour l’indépendance parce qu’ils ne voudront plus être les sujets du roi. Il est paradoxal d’avoir une majorité marocaine et de refuser le vote d’autodétermination.

    Comment l’Algérie perçoit-elle l’offensive turque au Maghreb ?

    Cela ne nous dérange pas. Le litige entre la Turquie et certains pays arabes est principalement lié au dossier des Frères musulmans. L’Algérie a d’excellents rapports avec les Turcs, qui ont investi près de 5 milliards de dollars en Algérie sans aucune exigence politique en contrepartie. Maintenant, ceux que cette relation dérange n’ont qu’à venir investir chez nous !

    La force du G5 Sahel est-elle à la hauteur du combat antiterroriste dans le Sahel ? Est-ce que les forces de Barkhane devraient se retirer du Sahel ?

    Le G5 pourrait être plus efficace s’il avait plus de moyens. Or le G5 n’en a pas, il a été créé pour contrer le Cemoc [état-major basé à Tamanrasset en Algérie, regroupant Algérie, Mali, Mauritanie et Niger, NDLR], qui était mieux doté.
    Dans ce territoire, certains s’opposent [le Maroc, NDLR] au avancées de l’Algérie, essentiellement sur le dossier malien. Pour nous, il existe une volonté de saboter les accords d’Alger (accord pour la paix et la réconciliation au Mali de 2015). Je crois aussi que le G5 ou Barkhane sont des solutions partielles.
    Le Sahel est composé de pays que l’Algérie a l’obligation d’aider dans la reconstruction de leurs États. Il ne s’agit pas uniquement d’un programme de lutte antiterroriste.

    Si jamais Barkhane se retirait, quel rôle pourrait jouer l’Algérie ? Une intervention militaire en Algérie à l’extérieur est-elle envisageable ?

    La Constitution algérienne autorise désormais ce type d’intervention, mais la solution n’est pas là. L’Algérie ne laissera jamais le nord du Mali devenir un sanctuaire pour les terroristes, ni ne permettra une partition du pays. Pour régler le problème au nord du Mali, il faut y redéployer l’État. Via les accords d’Alger, nous sommes là pour aider Bamako, ce que nous faisons déjà avec la formation des militaires maliens.

    L’Algérie a dénoncé la normalisation avec Israël de certains pays arabes. Comment, selon vous, maintenir une cohésion arabe – notamment dans le cadre de la Ligue ?

    Il n’y a plus de cohésion. Et la Ligue arabe est à réformer, totalement. Nous le demandons depuis trente ans. Il existe un plan de paix auquel ont adhéré tous les pays arabes : les territoires contre la paix.
    Chaque pays est libre de normaliser ses relations avec Israël, mais l’Algérie ne le fera pas tant qu’il n’y aura pas d’État palestinien.

    Avez-vous prévu de vous rendre à l’étranger ?

    C’est une nécessité et je me rendrai d’abord en Tunisie, j’ai donné ma parole au président Kaïs Saïed. Je suis aussi invité en Russie, en Turquie, en Italie, au Qatar. Pour la France, l’invitation est mutuelle.

    Peut-on être heureux en Algérie ?

    L’Algérie est un pays facile à vivre. Notre culture de la solidarité est exceptionnelle, on l’a vu pendant la crise sanitaire : les citoyens ont multiplié les initiatives pour s’entraider. La santé et l’éducation sont gratuites. Comparativement aux pays voisins, nous avons eu peu de candidats dans les rangs du groupe État islamique, et nous comptons moins de harraga [migrants clandestins, NDLR], selon les statistiques des centres de rétention en Espagne et en Italie. On peut être heureux, mais il faut avoir le courage de voir son pays autrement. On peut détester Tebboune, mais pas détester son propre pays »
    In Le Point

    Le Courrier d’Algérie, 03 juin 2021

    Etiquettes : Algérie, Abdelmadjid Tebboune, Hirak, situation politique, Maroc, Sahara Occidental, élections législatives, Abdelaziz Bouteflika,

  • La compagnie israélienne Israir va lancer ses vols vers le Maroc en juillet.

    La compagnie israélienne Israir a déclaré mardi qu’elle commencerait ses vols de Tel Aviv à Marrakech le mois prochain, suite à l’amélioration des relations entre Israël et le Maroc au cours des derniers mois.

    Israir a précisé que les vols de six heures sans escale débuteraient le 19 juillet et seraient assurés cinq fois par semaine.

    « Nous estimons que la demande sera élevée et que des centaines de milliers de passagers d’Israël visiteront la destination dans le cadre de forfaits vacances ou de voyages organisés », a déclaré le vice-président du marketing d’Israir, Gil Stav.

    Israël et le Maroc ont accepté en décembre de reprendre leurs relations diplomatiques et de relancer les vols directs – dans le cadre d’un accord négocié par les États-Unis qui comprend également la reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

    Le Maroc a accueilli l’une des communautés juives les plus importantes et les plus prospères d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient pendant des siècles, jusqu’à la fondation d’Israël en 1948. Alors que les Juifs fuyaient ou étaient expulsés de nombreux pays arabes, on estime qu’un quart de million d’entre eux ont quitté le Maroc pour Israël entre 1948 et 1964.

    Aujourd’hui, il ne reste plus qu’environ 3 000 Juifs au Maroc, tandis que des centaines de milliers d’Israéliens revendiquent une ascendance marocaine.

    En mars, la ministre marocaine du tourisme, Nadia Fettah Alaoui, a déclaré qu’elle attendait 200 000 visiteurs israéliens au cours de la première année suivant la reprise des vols directs. Ce chiffre est à comparer aux quelque 13 millions de touristes étrangers annuels totaux avant la pandémie. Les recettes du tourisme ont chuté de 53,8 % pour atteindre 36,3 milliards de dirhams (3,8 milliards de dollars) en 2020. en savoir plus

    La compagnie nationale israélienne El Al (ELAL.TA) a déclaré qu’elle espérait également commencer ses vols vers le Maroc en juillet et qu’elle attendait les approbations finales.

    Reuters, 01 juin 2021

    Etiquettes : Maroc, Israël, Israir, vols, voyages, Sahara Occidental, normalisation,