Étiquette : Sahara Occidental
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N'est-il pas temps pour l'Espagne de sauver la mise au Sahara Occidental ?
L’Espagne ne peut pas rester à l’écart des développements drastiques qui ont lieu sur les terres de son ancienne colonie adjacente du Sahara Occidental. Il est clair que le Maroc cherche à impliquer des puissances extérieures dans un jeu géopolitique pour compliquer la solution du conflit. Cependant, les obligations de l’Espagne en tant que puissance administrante du territoire lui permettent de plaider pour l’application du droit international afin d’éviter toute escalade dans la région et de sauvegarder ses intérêts.Une initiative opportune visant à pousser le gouvernement espagnol à se conformer à ses obligations envers la décolonisation du Sahara Occidental, a été signée par la majorité des partis politiques représentés au Sénat espagnol le 10 mars, exhortant leur gouvernement à « faciliter activement la réalisation d’une solution politique au conflit du Sahara Occidental ». Dans une motion, promue par le sénateur PNV, Luis Jesús Uribe-Etxabarria, les groupes ont souligné que la résolution du conflit du Sahara Occidental « est essentielle pour la coopération régionale entre les pays du Maghreb et la stabilité, la sécurité et la prospérité de la région. » Plusieurs porte-parole des groupes ont confirmé la « responsabilité historique » du gouvernement de l’Espagne qui continue à être la puissance administrante du Sahara Occidental alors que l’ONU le considère comme un territoire non autonome en attente de décolonisation, ce que le gouvernement de l’Espagne a rejeté à plusieurs reprises.Cette initiative recoupe les appels constants du front Polisario, en tant que représentant légitime du peuple sahraoui, pour que le gouvernement de l’Espagne corrige son erreur historique qui a conduit à beaucoup de souffrance pour le peuple sahraoui depuis plus de 45 ans. En 1975, l’Espagne était sur le point de transférer tous les pouvoirs dans le territoire au Polisario sur la base d’un accord entre eux. En revanche, l’Espagne a poignardé le peuple sahraoui dans le dos en s’accordant avec le Royaume du Maroc pour envahir le Sahara occidental, en violation flagrante du droit international et des résolutions des Nations unies et de l’Organisation de l’unité africaine, prédécesseur de l’Union africaine. Néanmoins, le Front Polisario continue de saluer toute initiative de la part de l’Espagne qui ferait avancer le processus de décolonisation au Sahara occidental.La motion « reconnaît que l’Espagne a un lien historique et affectif dans le conflit politique au Sahara Occidental », par conséquent elle « demande au gouvernement espagnol de soutenir activement et de faciliter au sein de l’ONU, de l’UE et du reste des organisations internationales une solution politique en accord avec le droit international et les résolutions de l’ONU. »Si les sénateurs ont appelé à la « reprise de pourparlers permanents, crédibles et constructifs sous la direction des Nations Unies », ils ont souligné la nécessité d’une « feuille de route efficace, avec des objectifs concrets et des échéances claires. » Ils sont convaincus que « seuls le dialogue, la négociation et l’accord menés de bonne foi et de manière constructive, conformément au droit international et aux résolutions de l’ONU, sont le seul moyen de parvenir à la paix, à la coexistence, à la confiance, à la sécurité et au progrès économique et social dans la région. »La reconnaissance par les groupes politiques du Sénat que la responsabilité de l’Espagne consiste à donner au peuple sahraoui son droit inaliénable à l’autodétermination, une question qui devrait être évidente dans le discours politique espagnol, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Le gouvernement espagnol insiste toujours pour ignorer cette responsabilité, en lançant vaguement la balle dans le but de l’ONU. La ministre des affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, a tourné le dos à ces voix en déclarant simplement, lors d’une interrogation au Sénat espagnol, que « l’Espagne ne promouvra pas une solution concrète, mais soutiendra les efforts des Nations unies pour trouver une solution mutuellement acceptable. » Il semble que l’Espagne, comme d’habitude, parle à peine du Sahara Occidental pour que Paris et Rabat ne se mettent pas en colère !Le peuple sahraoui est fatigué d’attendre un référendum que les Nations Unies ne semblent pas vouloir organiser. L’ONU n’a pas encore condamné la violation par le Maroc du cessez-le-feu à Guerguerat le 13 novembre dernier, ce qui est compris comme une sorte de collusion contre les droits du peuple sahraoui. Il ne fait aucun doute que l’escalade peut coûter de nombreuses vies et aura des répercussions sur la région, mais cela vaut peut-être mieux qu’une mort lente et impitoyable en attendant le mirage d’une solution politique.Le Maroc n’a pas réussi à prouver ses revendications sur le Sahara Occidental, il a donc recouru au troc, espérant que cela aiderait à retarder son départ imminent. Son accord du 10 décembre avec l’administration américaine de Trump pour reconnaître sa souveraineté sur le territoire n’a aucun effet juridique, mais seulement pour surenchérir sur la position de l’Union européenne et faire chanter l’Espagne en particulier pour qu’elle prenne une mesure ignoble comme celle qu’elle a prise en 1975. L’actuelle crise diplomatique maroco-allemande s’inscrit dans le cadre d’un plan d’extorsion poursuivi par le Maroc pour imposer ses thèses. Mais l’Allemagne persiste à défendre l’application de la légalité internationale au Sahara occidental et critique la décision de Trump.Il existe une intention claire de la part du Maroc de restreindre l’Espagne, non seulement par le biais de vagues de migration illégale ou de bandes de trafiquants de drogue, mais aussi en changeant la nature du partenariat dans la région afin de resserrer son contrôle des deux côtés de l’Atlantique et de la Méditerranée. Ainsi, le Royaume du Maroc hypothèque le Sahara occidental à des pays tels qu’Israël et les EAU en échange de sa protection.Dans ce contexte, le gouvernement espagnol doit bien ouvrir les yeux et se libérer du cauchemar de la peur franco-marocaine toujours présente. Les deux voisins ont profité de la vulnérabilité de l’Espagne en 1975, lors de la mort du général Franco et de la période de transition, pour contraindre le gouvernement de l’époque à abandonner le Sahara occidental, laissant derrière lui le processus incomplet de décolonisation du territoire. Mais les choses ont changé. Aujourd’hui, l’Espagne n’a aucune excuse pour ne pas être aux côtés du peuple sahraoui dans sa lutte pour la libération des territoires occupés par le Maroc.L’expérience du Portugal au Timor Oriental est un véritable exemple que l’Espagne doit adapter pour sauver la situation au Sahara Occidental, étant donné que les deux problèmes sont similaires. Le peuple sahraoui a grand besoin d’un cri fort de la part du gouvernement de l’Espagne afin d’accélérer le référendum d’autodétermination pour éviter la tragédie de la guerre qui a éclaté à nouveau et qui aura sans aucun doute des répercussions très graves sur toute la région de l’Afrique du Nord et du Sahel. L’Espagne est appelée à intervenir rapidement pour protéger les civils sahraouis qui sont soumis à une répression brutale sans précédent dans les territoires occupés du Sahara Occidental, comme le cas de Sultana Sid Brahim Khaya et de sa famille. De même, le gouvernement espagnol est appelé à sauver la vie du journaliste sahraoui prisonnier, Mohamed Lamin Haddi, qui risque la mort suite à sa grève de la faim en protestation contre les mauvais traitements dans la prison marocaine de Teflet2.Il n’est pas nécessaire de rappeler aux peuples, aux partis politiques et au gouvernement espagnol, en vertu de leur étroite coexistence, que le peuple sahraoui est pacifique et garde ses bons voisins, car ils le savent très bien. Mais le Royaume du Maroc a toujours été la source de tous les malheurs, et il est la raison derrière l’instabilité dans la région. Dans ce cas, prendre le bâton du milieu est la position la plus dangereuse que l’on puisse prendre, comme c’est le cas pour le gouvernement espagnol.Il existe de nombreux facteurs qui peuvent aider l’Espagne à jouer un rôle central dans la résolution de la question du Sahara Occidental :1. Le large soutien international pour l’application de la légalité internationale au Sahara occidental, accompagné d’une forte critique de la décision de Trump de ses derniers jours au pouvoir.2. La force du droit, la Cour européenne de justice ayant renouvelé à plusieurs reprises ses arrêts conformément à la Charte et aux résolutions de l’ONU et aux avis consultatifs de la Cour internationale de justice en 1975 et du sous-secrétaire général de l’ONU aux affaires juridiques, Hans Corell, en 2002. La CJCE a conclu que le Royaume du Maroc et le Sahara Occidental sont deux territoires distincts.3. Que le peuple du Sahara Occidental a été capable de résister à toutes les tentatives visant à contourner ses droits légitimes. Récemment, ils ont célébré le 45ème anniversaire de la proclamation de la RASD (République arabe sahraouie démocratique) à la lumière de grands acquis, auxquels s’ajoute la réalité irréversible de l’Etat sahraoui, qui jouit d’une position prestigieuse au sein de l’Union africaine.Il ne fait aucun doute qu’un État indépendant de l’autre côté de l’Atlantique renforcera les intérêts de l’Espagne, car elle sera le principal bénéficiaire du Sahara occidental après le conflit. La plupart des défis auxquels l’Espagne est confrontée, en particulier ceux liés à la sécurité nationale, à la migration et à la pêche, disparaîtront avec un État indépendant sur ce territoire. Il est grand temps pour le gouvernement espagnol d’annoncer son soutien à la lutte légitime du peuple du Sahara Occidental pour l’autodétermination et l’indépendance. L’Espagne aurait alors ouvert la voie à la décolonisation complète de son ancienne colonie.Deich Mohamed SalehLibres Opinions, 24.03.21Tags : Sahara Occidental, Maroc, Espagne, Front Polisario, -
Ambassadeur d’Algérie : « Une étude est en cours pour l’ouverture d’une agence d’une banque algérienne à Nouakchott ».
Dans une interview accordée à l’agence de presse mauritanienne Al Akhbar, l’ambassadeur d’Algérie à Nouakchott a dévoilé l’intention des autorités algériennes d’ouvrir une agence bancaire à Nouakchott.
Texte intégrale de l’interviex (traduction non officielle)
Ambassadeur d’Algérie : « Une étude est en cours pour l’ouverture d’une agence d’une banque algérienne à Nouakchott ».
L’ambassadeur d’Algérie en Mauritanie, Noureddine Khandoudi, a souligné qu’il est devenu nécessaire de créer une succursale d’une banque algérienne à Nouakchott « pour faire face au grand développement des relations commerciales bilatérales afin de résoudre le problème du paiement et des transferts financiers. » Le texte de l’interview est le suivant :Q : Comment voyez-vous la coopération algéro-mauritanienne, et quels sont ses domaines les plus saillants ?
R : La coopération algéro-mauritanienne est riche en réalisations et bénéficie d’une structure encadrée par des mécanismes : le Comité de concertation politique, le Comité de suivi et la Haute commission mixte de coopération algéro-mauritanienne. Ainsi, la coopération entre nos deux pays est durable et ouverte, puisqu’elle couvre tous les domaines sans exception. Elle se traduit également par des visites bilatérales dans le but d’approfondir et d’élargir la coopération entre les deux pays frères. En ce qui concerne les domaines les plus marquants de la coopération bilatérale, je parlerai des plus importants d’entre eux : les visites du plus haut niveau entre les deux pays frères, malgré les circonstances de la pandémie du COVID 19. En ce qui concerne les visites, je mentionne : – la visite du Ministre des Affaires Etrangères, Mr. Ismail Ould Cheikh Ahmed, en Algérie le 13 février 2020 ; – la visite du ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, à Nouakchott le 10 mars 2020 ; – la visite à Nouakchott en juin 2020 de la délégation ministérielle algérienne de haut niveau conduite par le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, qui comprenait les ministres des Finances, du Commerce et de la Santé ainsi que le directeur général de l’Agence algérienne de coopération internationale ; – le 4 janvier 2021, deux avions ont atterri à l’aéroport de Nouakchott, Oum Al-Tounsi, le premier transportait le ministre de la Santé, le ministre chargé de la réforme hospitalière, des experts du Comité scientifique de surveillance et de suivi du COVID 19, ainsi qu’une délégation médicale de 17 médecins et techniciens, pour aider la Mauritanie à faire face à la pandémie. Le second avion transportait vingt tonnes d’aide, de fournitures et d’appareils médicaux ; – de son côté, Alger a reçu du 5 au 7 janvier 2021 une importante délégation militaire mauritanienne conduite par le général de corps d’armée Mohamed Ould Makt. Au cours du mois de mars 2021, les deux pays ont coopéré dans les domaines suivants : – la pêche, et notamment l’échange de formation ; – la santé, par l’octroi d’une formation de haut niveau dans le domaine paramédical, en plus de la mise en place d’un accord global dans le secteur de la santé en général ; – les énergies renouvelables, l’impression de manuels scolaires, la coopération décentralisée entre Nouakchott et Alger. Tout cela attend la circonstance appropriée pour tenir une nouvelle session de la Haute Commission Mixte à Nouakchott.
Q : En 2018, les deux pays ont annoncé l’ouverture de leur premier passage terrestre. Comment cela se reflète-t-il sur les relations entre les deux pays, et sur les échanges commerciaux ?
R : La mise en place du poste frontalier commun et son lancement officiel en août 2018, constitue un changement qualitatif dans les relations entre les deux pays frères. Cet événement important sera suivi par la signature, prochainement, de l’accord portant création de la » Commission frontalière bilatérale « . Cette Commission s’occupera de la coopération économique, culturelle et sécuritaire le long des zones frontalières communes. En attendant l’étape décisive pour l’achèvement de la route stratégique entre Tindouf et Zouirate (environ 900 km), qui changera les caractéristiques de toute la région par son développement et la forte impulsion de l’activité commerciale, économique et culturelle en plus du contact humain entre les deux peuples frères.
Dans le domaine culturel, un certain nombre de manifestations ont été annulées à cause du COVID 19 dont le forum international sur le savant Cheikh Abdelkarim Telemssani dans la ville algérienne d’Adrar, sous le haut patronage du Président de la République, M. Abdelmajid Tebboune. Cette personnalité est un héritage commun dans l’histoire de nos deux pays, avec la participation des pays africains voisins. Quant à l’aspect stratégique et géopolitique, la construction de la route entre la frontière algérienne et Zouirate fera de la Mauritanie le cœur de l’axe Le Caire-Dakar et Alger-Dakar. Ce dernier axe, qui s’inscrit dans les plans de l’Union africaine, est actuellement en cours d’achèvement. Après la réalisation de la route Nouakchott-Rousseau, les travaux du pont Rousseau sur le fleuve Sénégal débuteront. L’achèvement de cette route permettra également à la Mauritanie de communiquer par voie terrestre avec trois pays du Maghreb, à savoir l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Si l’on regarde la carte après la réalisation de cette route terrestre, la connexion entre les quatre pays du Maghreb mettra en évidence les caractéristiques de la construction d’un Maghreb arabe intégré sur le plan économique, commercial, humain et culturel.
Q : L’Algérie a organisé une exposition de ses produits et industries à Nouakchott, décrite comme la plus grande exposition de ce type en dehors de l’Algérie. Quelles sont les conséquences de cette exposition de produits algériens sur le marché mauritanien ?R : L’Algérie a organisé deux expositions à Nouakchott, la plus grande en dehors du pays et la plus grande que Nouakchott a reçu également. La première du 30 avril au 6 mai 2017 et la seconde du 23 au 29 octobre 2018, et cette dernière était la plus grande, puisque 170 entreprises algériennes y ont participé en plus de 400 exposants et 133 hommes d’affaires algériens. En marge de cette exposition, 18 accords ont été signés entre des concessionnaires algériens et mauritaniens. Les deux expositions ont eu des répercussions qui se sont traduites par une forte présence des produits algériens sur le marché mauritanien. Le consommateur mauritanien a admiré ces produits pour leur qualité et leur prix. Nous attendons une percée dans les relations commerciales entre les deux pays, surtout si la route de la frontière à Zouirate est goudronnée.
Q : En octobre dernier, lors de la cérémonie de lancement du groupe parlementaire de l’Amitié Mauritano-algérienne, vous avez annoncé une étude sur la possibilité d’ouvrir une banque algérienne en Mauritanie, où en est cette question ?
R : Il est impératif d’établir une succursale d’une banque algérienne à Nouakchott pour faire face au grand développement des relations commerciales bilatérales et résoudre le problème de paiement et de transfert d’argent. Une étude est en cours en Algérie sur la possibilité d’ouvrir une succursale de la banque algérienne en Mauritanie et ailleurs.
Q : Deux nouveaux présidents ont pris le pouvoir dans les deux pays au cours des deux dernières années : Mohamed Ould Cheikh Al-Ghazouani en Mauritanie, et Abdelmajid Tebboune, alors comment ces nouvelles personnalités ont-elles affecté les relations des deux pays, et était-ce un impact positif ou négatif ?R : Les relations entre les deux pays frères se sont accrues et étendues. Parmi les nombreuses preuves de ce rapprochement je mentionne : les conversations téléphoniques entre les deux présidents sur la situation du COVID 19 dans les deux pays et les questions d’amélioration des relations ainsi que l’échange d’envoyés spéciaux entre les deux pays.
Q : La région a connu des développements sécuritaires depuis octobre dernier, notamment ce qu’on appelle le passage de Guerguerat. Comment l’Algérie voit-elle cette question ? Et comment voyez-vous la position mauritanienne à ce sujet ?
R : La question du passage dit de Guerguerat doit d’abord être abordée du point de vue du droit international et de l’accord de cessez-le-feu de 1991 entre le Maroc et le POLISARIO. La problématique est de savoir comment une brèche dans le « mur de sable » que le Maroc a construit au Sahara Occidental après son occupation, s’est transformée en « passage », puis en « traversée » ? L’accord de paix qui a suivi un cessez-le-feu entre les deux parties stipule que les forces des deux parties doivent rester à l’intérieur des frontières dessinées par la carte de cessez-le-feu selon l’accord militaire numéro 1 signé le 24 décembre 1997 entre le Général Bernd Lubenik pour la MINURSO et Brahim Ghali pour le POLISARIO d’une part et le même Général et un représentant pour le Maroc, le 22 janvier 1998. L’accord définit la bande tampon. Il est interdit aux forces armées et aux véhicules militaires de pénétrer dans cette zone. Lorsque le Maroc a essayé de paver la route de Guerguerat à la frontière mauritanienne en 2016, l’ONU a refusé et l’a appelé à arrêter les travaux, ce qu’il a fait en février 2017. La brèche de Guerguerat a été créée par des contrebandiers et des trafiquants de drogue. C’est ce qu’a justifié le Maroc lorsque ses forces de gendarmerie ont franchi le mur de Guerguerat, le 11 août 2016, en soulignant que cette action s’inscrivait dans le cadre de la « lutte contre la propagation de la contrebande et du trafic de drogue. » Cette position déclarée peut être revue dans toutes les sources médiatiques de l’époque. D’autre part, la MINURSO utilise les brèches dans le mur de sable pour se déplacer entre les deux zones, contrôlées par le Maroc et la RASD, à ma connaissance Mahbas, Tafariti, Guelta et Awserd. Quant à Guerguerat, elle ne fait pas partie des brèches utilisées par la MINURSO. Comme chacun sait, l’établissement d’un passage légal entre deux pays voisins est une question qui doit être négociée et aboutir à un accord. Lorsque l’Algérie et la Mauritanie ont voulu créer un passage frontalier entre elles, elles ont négocié et se sont rencontrées pendant deux ans (2017-2018), après quoi l’accord pour établir le passage a été signé par les ministres de l’intérieur des deux pays. Autant que je sache, la Mauritanie reconnaît la RASD, et dans les documents officiels de la Mauritanie, il est indiqué qu’elle est bordée au nord par le Sahara occidental. En ce qui concerne l’Algérie, l’attaque contre des manifestants sahraouis pacifiques, en plus du franchissement du mur susmentionné, est une violation flagrante de l’accord de cessez-le-feu de 1991.
Quant à la position de la Mauritanie, c’est une position souveraine, basée sur la « neutralité positive ». Je comprends personnellement de la neutralité que la Mauritanie reconnaît à la fois le Royaume du Maroc et la RASD, traite avec eux, et reçoit leurs émissaires. Nous avons un grand espoir que la Mauritanie joue un rôle positif dans ce conflit, surtout pour amener les frères marocains et sahraouis à négocier une solution au conflit en tenant compte des résolutions de l’ONU et du droit international.Q : Quelle est la position de l’Algérie sur le groupe des cinq pays du Sahel, et sur la force conjointe de ce groupe ? Quelle est sa relation avec ce groupe dans le contexte de la sécurité et de la stabilité dans la région ?
R : D’emblée, je dois saluer le fait que l’Algérie entretient des relations fortes, fraternelles et historiques avec les pays africains qui ont formé le G5 Sahel. La position de l’Algérie concernant la sécurité dans les pays voisins est fondamentale. Notre pays est convaincu que ces pays peuvent coopérer entre eux pour relever les défis posés par les problèmes de sécurité. L’Algérie est connue pour son rejet de l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures des pays du continent. D’autre part, l’armée algérienne assume constitutionnellement les tâches de défense de la souveraineté nationale, de l’unité et de la sécurité du pays. Les actions et les mouvements des forces algériennes sont soumis au Président de la République, Commandant suprême des forces armées, ainsi qu’au ministre de la Défense nationale.
Q : L’Algérie a rejoint plusieurs organismes concernés par la sécurité régionale dans la région du Sahel (Pays du champ – Amis du Mali -), avant la disparition de ces formations. L’Algérie a-t-elle préféré maintenir une coopération et une coordination bilatérale avec chaque pays séparément plutôt qu’une coordination multilatérale ?
R : L’Algérie travaille sérieusement à renforcer la coopération militaire avec la Mauritanie, le Mali et le Niger pour faire face aux défis sécuritaires imposés à la région. La création du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) en 2019, basé à Tamanrasset, en Algérie, est un pilier fondamental pour répondre aux menaces et aux risques sécuritaires par la coopération et l’échange de renseignements pour coordonner les actions de part et d’autre des frontières communes des quatre États membres, et pour s’appuyer sur leurs propres capacités et leurs forces. L’Algérie reste convaincue que le CEMOC constitue un mécanisme efficace et utile pour la coopération avec d’autres partenaires. Il convient de rappeler que le 9 février 2021, Bamako a accueilli une réunion des chefs d’état-major du CEMOC, en présence de tous les États membres. Cela indique que les pays concernés adoptent toujours le CEMOC comme un moyen de coopération entre eux. La Mauritanie assure actuellement la présidence tournante de ce comité.
Q : La France travaille au déploiement d’une force européenne dans la région du Sahel, plus précisément dans le nord du Mali. Quelle est la position de l’Algérie par rapport à cette force ?
R : Dans mes réponses aux deux questions précédentes, j’ai indiqué que les positions de l’Algérie sont fondées sur des principes et découlent du rejet de toute forme d’intervention militaire étrangère pour résoudre les problèmes sécuritaires et militaires des pays de la région, au Sahel, en Afrique en général, ou au Moyen-Orient. L’expérience a montré que les interventions militaires étrangères ne résolvent pas les problèmes. Elles compliquent plutôt les problèmes et les approfondissent.
Source : Al Akhbar, 22 mars 2021Tags : Mauritanie, Algérie, Maroc, Sahara Occidental, coopération,
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La bataille diplomatique pour le Sahara occidental en Europe : le Maroc perd des positions
Le conflit du Sahara occidental a de multiples facettes : la guerre qui a suivi l’occupation marocaine (1975-1991) s’est développée parallèlement à une bataille diplomatique constante, parfois plus dure et aux conséquences plus dommageables que sur le terrain militaire.Cette bagarre diplomatique, à la différence du conflit armé, n’a connu ni trêve ni cessez-le-feu. Durant ces plus de 40 ans de conflit, les structures diplomatiques marocaines et sahraouies, bien huilées, ont lutté sans discontinuer dans toutes les sphères internationales, soit directement, soit indirectement par l’intermédiaire de leurs alliés respectifs.L’Union européenne est un élément clé du conflit : le siège de la France au Conseil de sécurité des Nations unies, le rôle de l’Espagne en tant que puissance administrante de jure et l’influence mondiale du club communautaire ont fait de cet espace l’un des champs de bataille diplomatique prioritaires pour les deux parties.L’UE, entre lobbies et intergroupesLe Maroc, conscient des avantages du maintien du statut actuel, puisqu’il contrôle de facto le territoire et exploite ses richesses, fonde sa stratégie diplomatique sur le torpillage de toute tentative de référendum et l’érosion de la projection internationale de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Ce deuxième aspect complète le premier, car faire taire la pression de la communauté internationale sur son occupation laisse un horizon dégagé à Mohammed VI.La monarchie alaouite a toujours bénéficié du soutien total de la France, qui a fait du Maroc son principal centre d’influence en Afrique, ce qui a entraîné une complicité mutuelle dans la politique internationale. La France, que ce soit avec des gouvernements sociaux-démocrates, républicains ou libéraux, a opposé son veto au Conseil de sécurité de l’ONU à toutes les initiatives contraires aux intérêts de son partenaire, notamment par le veto qui, en 2013, a interdit à la MINURSO de surveiller les violations des droits de l’homme sur le territoire.L’autre acteur européen clé, l’Espagne, évite d’assumer ses responsabilités internationales envers son ancienne colonie et affronte le conflit du Sahara comme s’il s’agissait d’un État tiers. Les relations conflictuelles avec le Maroc voisin, qui contrôle le flux de migrants et le trafic de drogue vers la péninsule ibérique et les îles Canaries comme moyen de pression, sont largement à l’origine de cette position tiède.Cependant, le reste des pays européens ne s’est pas montré clairement aligné sur Rabat, et le fait est que la majorité du club communautaire prône « une solution juste, durable et mutuellement acceptable », un euphémisme utilisé par ces pays pour justifier leur profil bas dans le conflit. Il ne fait aucun doute que le non-alignement avec le Maroc ne profite pas pour autant à la RASD, qui n’est toujours reconnue comme un État par aucun État membre de l’UE.Dans l’UE, le Maroc a combiné la diplomatie ordinaire avec des méthodes nouvelles et sophistiquées de pression et d’influence. Le Sahara occidental est « la priorité » de la politique étrangère du pays et de son corps diplomatique, qui exerce une pression politique sur les administrations tout en offrant d’excellents contrats économiques pour l’exploitation des ressources naturelles dans les territoires occupés. En outre, l’UE profite du faible coût de la main-d’œuvre et des prix bas pour l’achat de matières premières au Maroc, qui est l’un des principaux exportateurs de fruits, de légumes et de poisson.Le Maroc menace et fait pression sur les pays de l’UE de diverses manières. En 2016, il a refusé l’autorisation à Ikea d’ouvrir un magasin à Casablanca et a déclaré un boycott général des produits suédois en raison de la décision du Parlement scandinave de reconnaître la RASD, ce qui ne s’est finalement pas produit. En 2016, le gouvernement marocain a officiellement suspendu toutes ses relations avec l’UE à la suite de la décision de la Cour européenne de justice annulant l’accord agricole entre les deux parties incluant l’exploitation des terres du Sahara occupé. Peu de temps après, les relations ont été rétablies.Le cas le plus médiatisé est sans aucun doute la suspension de « tout contact » avec l’ambassade d’Allemagne à Rabat, une décision prise et communiquée par le ministre marocain des Affaires étrangères en personne, Nasser Bourita, qui concerne « tous les ministères et organismes ». La note a été divulguée à la presse et a déclenché une vive controverse en Allemagne, qui a convoqué l’ambassadeur alaouite dans le pays pour des consultations. Par ce geste diplomatique, posé en mars 2021, le Maroc entendait sanctionner « l’hostilité inhabituelle de l’Allemagne sur des questions fondamentales pour le Royaume », selon les propres termes de Bourita. Ces divergences ne seraient autres que le refus allemand d’ouvrir un consulat dans les territoires occupés et le maintien d’une position en faveur d’une « solution mutuellement acceptable qui tienne compte du droit à l’autodétermination reconnu par l’ONU », comme le rapporte la presse allemande.Récemment encore, au début de l’année 2020, Mohamed VI a émis une forte protestation diplomatique après une rencontre entre la ministre des Affaires sociales et de la Femme de la RASD, Suelma Beiruk, et le secrétaire d’État espagnol aux Droits sociaux, Nacho Álvarez. Cette réunion « technique » pour discuter de coopération dans le domaine du handicap a provoqué une grave crise diplomatique, selon des sources du ministère espagnol des Affaires étrangères, qui se sont empressées de rassurer le Maroc.À cela s’ajoutent la migration et le trafic de drogue, deux éléments que le Maroc contrôle d’une main de fer et dont le flux vers l’Europe oscille en fonction du scénario politique : la géographie le permet. Ainsi, à certains moments, le royaume alaouite facilite le trafic comme moyen de pression envers les pays européens. Une tactique terriblement efficace que la Turquie a également utilisée après la crise des migrants de 2016, lorsqu’elle est devenue un État tampon capable de menacer l’UE en ouvrant ou fermant ses frontières surpeuplées. Depuis le retour de la guerre au Sahara occidental, l’arrivée de migrants sur les côtes canariennes (au départ des villes du Sahara occidental occupé) s’est multipliée de près de 700% par rapport à 2019 selon le ministère de l’Intérieur espagnol : c’est devenu la route la plus meurtrière de toutes les routes existantes pour tenter d’entrer dans l’UE, près de 3 000 personnes tuées en moins de six mois.En outre, le Maroc est le plus grand producteur de résine de cannabis au monde et occupe la première place en tant qu’exportateur de cette drogue vers l’UE. En 2017, un rapport de la New Frontier Data Foundation indiquait que « l’Espagne reçoit d’énormes quantités de résine de cannabis du Maroc, représentant 72 % du total saisi dans l’UE en 2017 ». Ces données ont été confirmées par le dernier rapport sur les marchés de la drogue dans l’UE, réalisé par EUROPOL et l’Observatoire européen des drogues, qui a indiqué que le flux en provenance du Maroc était le plus important, la substance arrivant du pays jusque sous les latitudes les plus éloignées : Europe centrale, républiques baltes et même pays scandinaves.À ce facteur s’ajoute la politique économique intelligente du Maroc, qui, par l’intermédiaire de son corps diplomatique, offre également des contrats économiques avantageux aux gouvernements, aux entreprises et aux multinationales européennes pour faire des affaires dans les territoires occupés. À titre d’exemple, Siemens, Gamesa, Abengoa, Deutsche Bank, Enel Green Power et jusqu’à 30 grandes entreprises européennes bénéficient des facilités accordées par le Maroc.L’exploitation du secteur énergétique – construction de parcs éoliens et photovoltaïques -, du phosphate – extraction et distribution -, du BTP – en raison des immenses besoins logistiques du territoire – et de la pêche sont extrêmement rentables et constituent l’un des principaux arguments avancés par le Maroc pour que l’Europe reconnaisse sa souveraineté sur le Sahara occidental.Dans le cas de la pêche, il ne fait aucun doute que les riches zones de pêche sahraouies constituent l’option la moins chère et la plus proche pour exporter du poisson vers l’Europe. Les différents accords de pêche signés entre l’UE et le Maroc ont été déclarés illégaux par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour avoir exploité les ressources naturelles d’un territoire en attente de décolonisation, ce qui n’a pas semblé importer à l’Europe, qui a fait appel dans toutes les instances possibles, avec le Maroc, pour continuer à pêcher dans la zone.Parallèlement à ce travail politique et économique, effectué par les ambassades et consulats, le Maroc alloue des sommes importantes à la création de groupes de réflexion et de lobbies. Une pratique qu’il exerce dans le monde entier. Aux USA, il est le 17ème plus grand donateur de think tanks dans le pays, selon le rapport de janvier 2020 de Foreign Funding of Think Tanks in America, devant la France, d’autres pays européens et plusieurs multinationales. En Europe, ce travail de lobbying est devenu plus visible depuis la reprise de la guerre : présence dans les médias, rencontres avec d’anciennes autorités ou cadeaux à des gouvernements à différents niveaux.Cependant, les multiples canaux de pression et de travail des Marocains n’ont pas donné les résultats escomptés. Leur principal lobby en Europe, la Fondation EuroMedA, avec laquelle elle était active au Parlement européen, ne figure plus dans le registre européen des représentants d’intérêt particulier, comme le révèle le site français Africa Intelligence. L’organisation comptait des politiciens européens influents qui étaient complétés par un groupe d’amitié informel UE-Maroc présidé par l’eurodéputé français Gilles Pargneaux, qui a perdu son siège aux européennes en 2019.Cette structure avait pour but de contrebalancer le puissant intergroupe « Paix pour le peuple sahraoui », composé de plus de 100 députés européens et dont la présidence vient d’être renouvelée à Andreas Schieder du SPÖ autrichien. Une personnalité politique influente au sein de la famille social-démocrate européenne et dans son pays, où il a été secrétaire d’État aux Finances. Au cours de ses premières semaines à la tête de l’intergroupe, ses déclarations ont tendu les relations entre l’UE et le Maroc, qui traversent un moment compliqué après le clash avec l’Allemagne et avec l’arrêt imminent de la Cour de justice européenne, qui devrait de nouveau déclarer illégal l’accord de pêche en vigueur entre les parties.« Le conflit au Sahara occidental dure depuis plus de 40 ans et la population sahraouie a vécu tout ce temps sous l’occupation marocaine et dans des conditions humanitaires intolérables. L’ONU et l’UE ne doivent plus oublier le peuple du Sahara Occidental. En tant que président de l’Intergroupe, je m’efforcerai de faire en sorte que l’UE prenne la tête des efforts internationaux visant à résoudre le conflit », a affirmé M. Schieder.À cela s’ajoute le vaste réseau de délégations que le Front Polisario possède sur le vieux continent et dans l’UE elle-même – dirigé par le diplomate Ubbi Bouchraya – et au harcèlement juridique incessant que la RASD mène contre les pays et les entreprises qui exploitent les ressources naturelles du Sahara occidental. Ces victoires juridiques ont considérablement découragé l’implication économique des multinationales sur le territoire.La marocanité du Sahara, une tentative ratéeLa reconnaissance par Donald Trump de la « marocanité » du Sahara occidental est peut-être le plus grand succès diplomatique pour les Alaouites depuis la signature des accords de paix en 1991. Si la déclaration usaméricaine n’implique pas un changement du statut international du territoire, qui, selon les Nations unies et la grande majorité de la communauté internationale, reste un « territoire non autonome » en attente de décolonisation, elle renforce et enhardit les aspirations alaouites. Surtout, elle rend difficile le déblocage de la paralysie dans laquelle le conflit s’est enlisé depuis que le Maroc a refusé toute possibilité d’organiser un référendum dans les années 2000, car les USA, par action ou par omission, sont un acteur capable de ralentir ou d’encourager les tièdes efforts internationaux qui étaient sur la table avant la reconnaissance.Cette décision a ouvert la voie à une poignée d’États pour suivre l’exemple des USA, ce que nous avons déjà vu dans le conflit palestinien avec la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et le transfert des ambassades dans la ville. Une déclaration tout aussi unilatérale, loin du droit international, mais qui a réussi à entraîner plusieurs pays dans sa sphère d’influence : le Honduras, le Paraguay, le Guatemala, Nauru ou l’Australie, tous sous le parapluie géopolitique des USA et avec à la clé de juteux accords commerciaux signés avec Israël.Les USA ayant ouvert la porte, le Maroc et sa diplomatie ont utilisé la même formule, en faisant pression sur les États partageant les mêmes idées pour qu’ils suivent les traces de Trump. Mais cette fois, il n’ a pas eu de chance, aucun pays n’a reconnu le Sahara occidental comme marocain, en grande partie parce que la décision est intervenue dans la dernière ligne droite de son mandat et parce que le statut juridique du Sahara occidental est encore plus fort que celui de la Palestine.Les efforts diplomatiques alaouites se sont ensuite concentrés sur la tentative d’obtenir de l’Europe d’emboîter le pas et d’ouvrir au moins des consulats dans les territoires occupés – une reconnaissance indirecte de la souveraineté – en faisant pression sur plusieurs États et en offrant en échange une compensation financière substantielle. M. Bourita a déclaré que l’Europe devait « sortir de sa zone de confort ». Le rejet unanime de l’Europe a été l’une des raisons de la rupture des relations avec l’Allemagne, qui maintient une position plus ferme au milieu de la tiédeur qui caractérise la politique étrangère européenne.Le Maroc n’a pas eu non plus la chance d’obtenir un soutien pour le « Plan d’autonomie » qu’il offre au Sahara, un cadre que Mohammed VI présente comme une alternative au référendum approuvé par l’ONU. Lors d’une conférence convoquée en janvier 2021, profitant de la confusion du départ de Donald Trump, il n’a réussi qu’à faire participer la France à la réunion.Au vu des derniers mouvements, la diplomatie marocaine enhardie semble avoir mal calculé sa stratégie en Europe, qui rejette le rapprochement avec Rabat et sanctionne sa politique étrangère « insolente » sans la condamner ouvertement. Ce scénario ne profite pas non plus de manière significative au peuple sahraoui, qui continue de considérer l’UE comme un acteur passif qui refuse d’assumer son rôle potentiel dans le déblocage du conflit.Tlaxcala, 23 mars 2021Tags : Sahara Occidental, Maroc, Union Européenne, ONU, -
Le Maroc, un Etat voyou et colonialiste
Lorsqu’on découvre, en parcourant le bilan des activité des services de sécurité de ces derniers jours, que ces derniers ont saisi pas moins de 9 quintaux de drogue en provenance du Maroc, l’on ne peut que rester pantois devant ceux qui réclament la réouverture des frontières entre l’Algérie et le pays voisin.
En effet, en laissant faire les trafics en tout genre, tout le long de la frontière, le gouvernement marocain se comporte comme un cartel de maffieux qui use de moyens pour le moins, peu conventionnels, pour gérer la grande pression sociale qui couve depuis des années.Symptomatiques de l’échec de toutes les politiques mises en place depuis plus de cinquante ans, le trafic de drogue impose une situation de fait, totalement kafkaïenne et inimaginable dans le monde entier en matière de gestion du voisinage entre deux nations souveraines. Il faut savoir que dans les deux plaies qui font vraiment mal au Maghreb et qui menacent de mettre en place une sorte de Maghreb parallèle de la criminalité, le royaume marocain donne l’impression de s’en laver les mains. Il laisse à l’Algérie tout le poids du trafic et ne fait aucun effort dans le sens de la lutte contre les trafiquants de drogue.Il suffirait de consulter l’actualité de ces dernières années pour constater que toutes les arrestations, sans exception aucune, ont été opérées sur les territoires algériens. Ce sont les douaniers, les gendarmes, les soldats et les policiers algériens qui font face à ce dangereux phénomène qui, faut-il le souligner, menace la stabilité de tout le Maghreb.Les statistiques et les communiqués des services de sécurité algériens attestent de cet état de fait. Le voisin marocain assiste à l’aggravation du trafic, sans bouger le petit doigt. Les multiples rencontres entre les ministres de l’Intérieur des deux pays que ce soit dans le cadre de l’UMA lorsque celle-ci avait un peu de sens et dans celui des 5+5, n’ont, pour ainsi dire, servi à rien.Rabat semble fermée à toute logique d’Etat en ouvrant des territoires entiers à des trafiquants notoires qui y ont élu domicile et exploitent les populations autochtones en toute sécurité. Dans le même temps, Alger consent des ressources considérables pour faire face aux activités criminelles de ces bandits.Dans cette équation quelque peu unique dans le monde, il est objectivement impossible de construire quoi que ce soit de durable avec un voisin qui, en plus d’être le premier producteur de drogue ne cache pas ses ambitions colonialistes au Sahara occidental.Par Nabil G.Ouest Tribune, 25 mars 2021Tags : Maroc, cannabis, drogue, Etat narco-terroriste, Sahara Occidental, -
Maroc-Sahara occidental : En tournant le dos à la paix, le Makhzen joue sa survie
La politique de la « chaise vide » pratiquée durant de longues années a échoué. Le retour de Rabat au sein de l’Union africaine avait comme arrière-pensée d’exclure la République sahraouie, membre fondateur de l’organisation continentale. En vain !Le régime marocain risque, en poursuivant sa guerre dans les territoires sahraouis occupés et en persistant à tourner le dos à la paix, de se retrouver dans un tunnel, ont averti des observateurs pour qui la stratégie de Rabat pour retirer le dossier sahraoui de l’Union africaine (UA) « a échoué ». Le Maroc, qui persiste à tourner le dos à la paix et à faire fi des décisions de la légalité internationale, œuvre, depuis son retour, en 2017 au sein de l’UA, à l’exclusion de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), et au retrait du dossier de cette dernière colonie en Afrique de l’agenda de l’UA, initialement créée pour la libération des peuples africains de l’occupation et de l’apartheid.
Force est de constater, néanmoins, que cet objectif d’exclure la RASD pour la réalisation duquel le régime du Makhzen a longuement œuvré à travers sa politique de la chaise vide « s’est évaporé », quelques mois après ce retour, soulignent ces observateurs. À ce propos, ils estiment que le coup de grâce à la stratégie misant sur une réintégration au détriment de la RASD a été apporté par la décision du Sommet extraordinaire de décembre dernier pour « faire taire les armes, de réinscrire la question du Sahara Occidental dans l’agenda du CPS » et par sa décision, rendue publique jeudi dernier par la Commission de l’UA sur la réunion du 9 mars en cours, qui a remis la question sahraouie dans son véritable contexte de décolonisation, en insistant sur le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination, ainsi que sur la responsabilité de l’organisation continentale.Tourner la page de la marginalisation du rôle de l’UA concernant le dossier du Sahara Occidental et proclamer son retour fort et l’attachement au rôle UA-ONU, en concert et en complémentarité sur ce dossier, sont entre autres décisions importantes du Conseil. L’accent est mis, dans ce sens, sur l’impératif respect des frontières, le bannissement du recours à la force ou à la menace d’y recourir entre les pays membres, et l’acceptation d’un règlement pacifique à travers le dialogue et la négociation. Sur le plan opérationnel, le CPS a défini les objectifs des négociations prévues entre les deux États membres, la RASD et le Maroc. Il a été décidé, également, l’organisation d’une visite sur le terrain pour évaluer la situation et lever, dans les meilleurs délais, un rapport au Conseil et la prise des dispositions pour la réouverture du Bureau de l’UA à Laâyoune occupée.Dans le cadre de ces décisions, le CPS a rappelé le mandat octroyé à l’envoyé de l’UA qui est appelé à reprendre d’urgence son engagement auprès des parties en conflit, et demandé aux trois membres africains du Conseil de sécurité de l’ONU de défendre cette position commune au sein du Conseil. Suite à la défection de Rabat lors la dernière réunion du CPS consacrée à l’examen du conflit au Sahara Occidental, et devant son « rejet attendu » des décisions du Conseil, des observateurs ont prévenu que « si le Maroc persiste dans sa guerre dans les territoires sahraouis occupés et continue à tourner le dos à la paix, il ira tout droit vers l’implosion, et la monarchie risque de se retrouver dans un long tunnel duquel elle n’en sortira pas indemne ». Rappelons que le Conseil de la paix et de la sécurité de l’Union africaine (CPS) a demandé au Maroc et à la République arabe sahraouie démocratique (RASD) de s’engager dans des « pourparlers directs » et sans « conditions préalables », en vue de parvenir à un « règlement définitif » du conflit au Sahara Occidental, qui garantit au peuple sahraoui son droit inaliénable à l’autodétermination.L’Alliance d’Europe centrale et orientale solidaire avec le peuple sahraouiL’Alliance d’Europe centrale et orientale de solidarité avec le peuple sahraoui a réaffirmé, ce vendredi, son engagement de poursuivre ses activités de solidarité en faveur de la décolonisation du Sahara Occidental, condamnant avec « fermeté » les violations des droits de l’Homme, perpétrées par le Maroc dans les territoires occupés.« L’Alliance CEE et tous les autres activistes des organisations de la société civile ont réaffirmé qu’ils poursuivraient leurs activités de solidarité avec le peuple sahraoui dans son processus de décolonisation depuis longtemps attendu », indique un communiqué diffusé à Budapest en Hongrie. Il y a une semaine (dimanche 14 mars), l’Alliance avait tenu une conférence de solidarité avec le peuple sahraoui à laquelle ont pris part 25 participants de douze pays, représentant différentes organisations de la société civile, principalement des groupes de solidarité avec le Sahara Occidental, des militants pour les droits humains et des partis politiques. La conférence s’inscrivait dans le cadre de la commémoration du 45e anniversaire de la proclamation de la République arabe sahraouie démocratique (Rasd).Le coprésident de l’Alliance, le Hongrois Matyas Benyik, a souligné que les membres de l’Alliance CEE « défendaient la légalité internationale et les droits du peuple sahraoui », déclarant : « le Sahara Occidental appartient aux Sahraouis. Le Maroc est une force d’occupation illégale et n’a aucune souveraineté » sur ce territoire. L’Alliance d’Europe centrale et orientale de solidarité avec le peuple sahraoui est coprésidée par des représentants de quatre pays : la Hongrie, la Roumanie, la Russie et la Slovénie. -
Mauritanie : Le Président de la République reçoit un message du Président sahraoui
Le Président de la République, Son Excellence Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a reçu mercredi après-midi, un message écrit de son frère, Son Excellence M. Ibrahim Ghaly, Président de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD).
Le message a été remis par M. Béchir Moustapha Sayed, membre du Secrétariat national du Front Polisario, ministre Conseiller chargé des Affaires politiques à la Présidence sahraouie, lors d’une audience que lui a accordée le Président de la République.
Le message traitait de l’évolution de la question sahraouie et des relations bilatérales.AMI, 24 mars 2021
Tags : Mauritanie, RASD, Sahara Occidental, Maroc,
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Offensive diplomatique marocaine contre l’Allemagne
En ouvrant une crise avec l’Allemagne, la diplomatie marocaine vise le principal pays de l’Union européenne. Un partenaire économique important, mais qui refuse de se plier à la vision de Rabat concernant le conflit du Sahara occidental.
Khadija Mohsen Finan, Aboubakr Jamai
Le 2 mars, Nasser Bourita, le ministre marocain des affaires étrangères a adressé un communiqué au chef du gouvernement, mentionnant que du fait de « malentendus profonds avec la République fédérale d’Allemagne, les départements ministériels, et les organismes relevant de leurs tutelles doivent suspendre tout contact, interaction ou action de coopération ». Cette position inhabituelle reflète l’ampleur des différends qui se sont accumulés au cours des années entre les deux pays, et d’abord autour de la question du Sahara occidental.
Dans son rapport de mars 2021 [Réengager des efforts internationaux au Sahara occidental, Briefing no. 2, 11 mars 2021.]] consacré au conflit du Sahara occidental, International Crisis Group révèle que le Maroc a émis des conditions à la nomination de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies en remplacement de Horst Köhler qui avait démissionné en mai 2019. Réalisant au cours du mandat de l’ancien président allemand qu’il était difficile de « contrer Berlin », Rabat ne voulait plus d’un émissaire allemand. L’intransigeance de Berlin avait déjà fait grincer les dents des diplomates marocains. Elle allait bientôt les exaspérer un peu plus : l’Allemagne a refusé d’emboiter le pas aux États-Unis sur le dossier du Sahara après l’annonce du président américain Donald Trump, le 11 décembre 2020, de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
Quelques jours plus tard, les Allemands réaffirmaient leur détermination « à parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable sous la médiation des Nations unies », avant de demander, une semaine plus tard, une réunion d’urgence du conseil de sécurité de l’ONU pour discuter de ce dossier. Le communiqué1 du représentant allemand à l’ONU Christoph Heusgen à l’issue de cette réunion d’urgence réaffirme la centralité du processus onusien et se démarque de l’initiative américaine. Il va même plus loin en faisant endosser au Maroc l’échec du processus référendaire mis en place par l’ONU au début des années 1990, quand il affirme que « 10 000 colons ont été transférés par le Maroc dans la région qu’il occupait ». Pour Berlin, les transferts de Marocains vers le Sahara occidental pour venir grossir le corps électoral sont à l’origine de l’enlisement du processus référendaire.
L’Allemagne rend le Maroc responsable de l’échec de l’organisation d’un référendum, mais n’en continue pas moins d’entretenir une coopération très active avec le Maroc. Elle répète à l’envi que le Maroc est son meilleur allié dans la région, et qu’il s’agit d’un pays ami avec lequel elle ne manque pas de se montrer généreuse et solidaire. Pour preuve, le 2 décembre 2020 — soit 20 jours seulement avant la publication du communiqué précité —, Berlin débloquait une enveloppe de 1,387 milliard d’euros d’appui financier dont 202,6 millions d’euros sous forme de dons, et le reste sous forme de prêts bonifiés, en soutien aux réformes du système financier marocain et en aide à la lutte contre la Covid-19.
AMBIGUÏTÉ AMÉRICAINE ET RÉTICENCE EUROPÉENNESi la tension était déjà grande entre les deux pays à la fin 2020, pourquoi les autorités marocaines ont-elles attendu plus de deux mois pour réagir ? Était-ce un effet de la lettre ouverte qu’adressaient au président Joe Biden, le 17 février 2021, 27 sénateurs américains emmenés par le républicain James Inhofe et le démocrate Patrick Leahy pour l’inciter à revenir sur la décision de Donald Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ? « Nous vous exhortons respectueusement à revenir sur cette décision malheureuse et à réengager les États-Unis dans l’organisation d’un référendum d’autodétermination pour le peuple du Sahara occidental. »
La réponse ambiguë du porte-parole du département d’État Ned Price, le 22 février, à une question sur le sujet révèle une possible prise de distance avec la position de l’équipe Trump. Après avoir exprimé l’appui et la satisfaction de l’administration Biden pour la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, Ned Price s’est empressé d’ajouter que les États-Unis « soutiennent le processus onusien pour trouver une solution juste et durable au conflit ».
L’échange montre que si l’administration Biden n’est pas revenue sur la décision de l’administration Trump sur le Sahara occidental, elle ne le proclame pas haut et fort pour autant. Et que pour les États-Unis, l’ONU et la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) restent des acteurs centraux dans le processus de résolution du conflit.
Un mois plus tôt, le Maroc mesurait déjà les limites de l’effet d’entrainement de l’initiative Trump. Ce 15 janvier 2021, Il espérait capitaliser sur celle-ci et organisait conjointement avec l’administration américaine en fin de course une conférence virtuelle de soutien au plan d’autonomie. Le succès de l’événement dépendait du nombre de pays participants, et surtout de leur importance géostratégique. Le moins qu’on puisse dire est que la montagne a accouché d’une souris, puisque la France était le seul pays occidental à y prendre part. Et la participation africaine était également en deçà des attentes. Par sa politique économique offensive et son adhésion à l’Union africaine en 2017, le Maroc espérait gagner des pays à sa cause saharienne. Or l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Éthiopie et même le Kenya étaient absents de cette conférence.
Concernant l’autonomie du Sahara, la diplomatie allemande tient un discours bien plus nuancé que les autres pays européens qui entretiennent de très bonnes relations avec le Maroc. Dans un entretien du 12 janvier 2021 diffusé sur YouTube2, l’ambassadeur d’Allemagne au Maroc Götz Schmidt-Bremme explique que le confit du Sahara « n’a que trop duré », et qu’une solution juridique est nécessaire pour que Berlin puisse encourager et soutenir les entreprises allemandes à investir dans le Sahara sans s’exposer à des plaintes déposées par le Front Polisario auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le diplomate prend soin d’expliquer que le Front Polisario doit « obtenir quelque chose » et que la solution devrait être acceptée par les deux parties.
Si Berlin considère que le plan d’autonomie proposé par Rabat constitue une solution « réaliste et pratique », le diplomate précise toutefois qu’elle ne satisfait pas pleinement son pays. Et c’est peut-être la conclusion de l’interview qui a cristallisé le mécontentement de Rabat. L’ambassadeur y qualifie en des termes peu diplomatiques les insuffisances de la politique de régionalisation. « Il y a des voix ici au Maroc, qui disent qu’avec la régionalisation avancée nous avons le modèle pour les régions du Sud. Ça ne marche pas. »
Cet argument met le doigt sur la principale faiblesse de la proposition d’autonomie. Le Maroc ne veut pas seulement que la communauté internationale accepte le principe d’autonomie comme unique solution au conflit. Il insiste pour que son plan d’autonomie soit accepté sans discussion. Et c’est là que le bât blesse, car même si la diplomatie marocaine parvenait à faire accepter le principe d’autonomie à la communauté internationale, il lui sera difficile d’appliquer aux Sahraouis ses institutions autoritaires. Accepteraient-ils sans sourciller la multiplication des violations des droits humains, un appareil sécuritaire qui ne rend compte qu’au roi, et une justice rendue au nom du seul souverain et qui n’est en rien indépendante du pouvoir exécutif ? Certains parlent même d’une « benalisation » du régime.
UNE DIPLOMATIE « SÉCURITAIRE » MISE À MALC’est une affaire de violation des droits humains qui a contribué à la récente crise : l’affaire Mohamed Hajib. Arrêté par les autorités marocaines, ce militant islamiste maroco-allemand a été condamné en 2010 à sept ans de prison pour terrorisme. Libéré en 2017, il est retourné en Allemagne d’où sont diffusées sur YouTube des vidéos3 dans lesquelles il dénonce des violations des droits humains au Maroc. Sa présence en Allemagne fait craindre aux autorités marocaines une seconde affaire Zakaria Moumni, du nom de cet ancien champion de kick-boxing qui, en France, avait déposé plainte pour torture contre Abdelatif Hammouchi, le directeur de la Direction générale de la sécurité du territoire (DGST). L’affaire avait conduit un juge d’instruction français à convoquer Hammouchi, provoquant une immense colère des dirigeants marocains et une crise entre Paris et Rabat. Après une année d’arrêt de la coopération judiciaire entre les deux pays, la France finira par accéder à la signature d’un accord remettant en cause la compétence universelle des tribunaux français à l’égard du Maroc.
Les craintes du Palais sont d’autant plus fondées que le dossier Mohamed Hajib pourrait être plus épineux encore. En effet, en alléguant que ses vidéos incitaient au terrorisme, la justice marocaine a demandé à Interpol, l’organisation policière intergouvernementale, d’émettre une « notice rouge » pour l’arrestation de Mohamed Hajib. La requête a été rejetée, Interpol s’appuyant sur l’avis du comité de l’ONU contre la torture de 2012. Pour le comité onusien, qui prend en compte les rapports du personnel consulaire allemand, les plaintes pour torture déposées par Hajib lors de sa détention au Maroc étaient crédibles.
Plus grave encore : dans ses vidéos, Mohamed Hajib promet la prison aux responsables sécuritaires marocains et évoque des poursuites contre Abdelatif Hammouchi en Allemagne. Ces paroles pouvaient passer pour de la forfanterie, jusqu’à la condamnation le 24 février 2021 d’un ancien membre des services secrets syriens par la Haute Cour régionale de Coblence en Allemagne pour complicité de crime contre l’humanité. Cette condamnation souligne la volonté des tribunaux allemands de faire jouer la compétence universelle dans les cas de crimes contre l’humanité.
Le Maroc redoute aussi que l’affaire porte atteinte à l’image de sa diplomatie « sécuritaire ». La presse favorable au régime ne cesse de mettre en avant la perspicacité des services de renseignement, dont les informations communiquées aux pays amis ont été d’une grande utilité. C’est donc la crédibilité même du renseignement marocain qui est en jeu, dans la mesure où cette presse est instrumentalisée par Rabat pour donner un caractère politique à certaines enquêtes. Le journaliste Ignacio Cembrero avait révélé dans son ouvrage La España de Ala comment les services de renseignement marocains signalaient comme terroristes islamistes des militants de la cause sahraouie.
En donnant consigne à l’administration marocaine de bouder l’Allemagne et ses institutions présentes au Maroc, Nasser Bourita adopte une attitude conforme à la diplomatie de Mohamed VI. Une approche qui a porté ses fruits notamment avec la France et l’Espagne. Avec l’Allemagne, il est possible que le Maroc soit tombé sur un État qui refuse de considérer ce que le régime marocain appelle un « partenariat global », qui inclut la coopération économique et sécuritaire, et naturellement la reconnaissance de la marocanité du Sahara.Khadija Mohsen-Finan
Politologue, enseignante (université de Paris 1) et chercheuse associée au laboratoire Sirice (Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe). Dernière publication (avec Pierre Vermeren) : Dissidents du Maghreb (Belin, 2018). Membre de la rédaction d’Orient XXI.
Aboubakr Jamai
Journaliste marocain, directeur du programme des relations internationales à l’Institut américain universitaire (IAU College) d’Aix-en-Provence. Il a fondé et dirigé les hebdomadaires marocains Le Journal Hebdomadaire et Assahifa Al Ousbouiya.
Orient XXI, 24 mars 2021
Tags : Maroc, Allemagne, Sahara Occidental, Front Polisario, ONU, MINURSO, Union Européenne,
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Guerre des « Fake News » entre l’Algérie et le Maroc
Pedro Canales
Les gouvernements algérien et marocain se livrent depuis quelque temps à une guerre des mots féroce, avec de fausses nouvelles, de faux arguments et des déformations flagrantes de la réalité des uns et des autres. C’est une bataille de « Fake News », à travers tous les médias possibles, audiovisuels, écrits et, surtout, à travers l’Internet sur les réseaux sociaux.
Les ministères de la propagande correspondants, dans le plus pur style de Joseph Goebbels, n’existent pas en tant que tels, mais leurs bureaux sont logés dans les services secrets, dans les ministères de l’intérieur et dans une série de comités d’information audiovisuels. Dans les deux pays, il existe, outre les journalistes accros à la propagande officielle, de nombreux hackers et cellules opérant sur les principaux portails des réseaux sociaux, Youtube, Instagram, Twitter, Facebook, dédiés à la production de fausses nouvelles, d’audios manipulés, de vidéos aux dialogues inexistants.
Par exemple, une vidéo du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu parlant à des journalistes dans un avion circule sur les réseaux. Ils lui attribuent des déclarations telles que celle selon laquelle l’Algérie a demandé 22 millions de vaccins israéliens que Tel Aviv a acceptés, et que, dans le cas hypothétique d’une confrontation militaire entre l’Algérie et Israël, l’armée algérienne – Netanyahu dixit – ne tiendrait pas plus de dix heures. Il s’agit d’intentions totalement fausses visant à humilier le rival maghrébin du Maroc et à créer la confusion au sein de l’opinion publique algérienne, qui est immergée dans les protestations populaires du Hirak, réclamant un changement de régime et l’instauration d’un État de droit avec des libertés démocratiques. Le président Abdelmadjid Tebboune va jusqu’à affirmer que 97 % des fausses nouvelles sur l’Algérie proviennent de sources marocaines et israéliennes.
D’autres vidéos dont l’origine est plus confuse circulent impliquant l’Espagne. « Les îles Canaries appartiennent au Maroc », dit l’un d’eux. « Nous allons égorger tous les Espagnols qui ne font pas l’éloge de Mahomet », dit un autre. Des déclarations qui cherchent à créer des tares entre Rabat et Madrid au moment où un saut qualitatif dans les relations bilatérales se dessine dans la perspective de la prochaine RAN (Réunion de Haut Niveau) entre l’Espagne et le Maroc, avec la possible rencontre entre le président Pedro Sanchez et le roi Mohammed VI, reportée déjà deux fois.
Le Front Polisario joue également le jeu des fake news, allant jusqu’à montrer, par exemple, un prétendu drone militaire marocain abattu par sa défense anti-aérienne sur le territoire du Sahara, alors qu’il s’agit d’un engin militaire turc abattu à la frontière entre la Turquie et la Syrie. Sans parler des rapports militaires quotidiens émis par le Polisario sur des attaques présumées contre des garnisons et des unités militaires marocaines, jamais vérifiés ni par la MINURSO ni par des sources journalistiques internationales.
Au cours de ses 30 années d’existence, la MINURSO a rapporté des milliers de violations du cessez-le-feu entre l’armée marocaine et les milices du Polisario, dont certaines majeures, de mouvements de troupes, de stockage de matériel, de fusillades et d’affrontements armés. La MINURSO compte 235 militaires répartis sur l’ensemble du territoire du Sahara, avec deux installations importantes à Tindouf et El Ayoun. La mission de l’ONU n’a signalé aucun des affrontements rapportés dans les rapports de guerre du Polisario.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette guerre des « Fake News » entre Rabat et Alger, loin de renforcer leur diplomatie, l’affaiblit. En fabriquant autant de fausses nouvelles, certains fonctionnaires finissent par y croire. L’échec de la diplomatie algérienne au Sahel, une région dans laquelle l’Algérie perd de son influence, et en Libye, où le régime n’a pas prévu l’évolution de la situation dans le pays de Kadhafi, montrent une diplomatie qui s’essouffle.
On pourrait en dire autant du Maroc, où la diplomatie a subi un sérieux revers avec l’issue inattendue de la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, qui s’est soldée par une déclaration relativement favorable au Front Polisario dans sa confrontation avec le Royaume du Maroc sur la souveraineté de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental. Le Conseil demande une « cessation des hostilités » et la création de conditions propices à des « négociations directes entre la République sahraouie (RASD) et le Royaume du Maroc ». Bien que les discussions au sein du CPS n’aient aucun caractère juridique ou résolutoire, et ne changent pas le fait que le seul cadre de discussion sur le conflit du Sahara soit les Nations Unies, la diplomatie marocaine a subi un revers, parce que jusqu’à un jour avant la réunion, elle a présenté le pays promoteur, le Kenya, comme un « ami loyal » et la réunion comme insignifiante, et le lendemain, le Kenya devient inamical et instigateur de la désunion africaine, ce pour quoi Rabat déplore « l’attitude irresponsable et rusée du Kenya et de ses alliés ».
Cette guerre atypique dans le cyberespace entre les deux voisins du Maghreb est déjà en cours. La seule chose positive est que tant qu’il s’agit d’une guerre des mots, on n’en viendra pas à une guerre des armes.Atalayar, 23 mars 2021
Tags : Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Israël, fake news, MINURSO, guerre médiatique, Giuig, Laaroda, El Arja,
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Maroc : les fermiers d’El Arja dénoncent une décision abusive
Une trentaine de fermiers a été interdit d’accès à la zone El Arja, située à la frontière maroco-algérienne. Les deux pays avaient convenu en 1972, que l’Oasis était du côté algérien.
Alger avait autorisé des fermiers marocains à exploiter les palmiers, avant la date du 18 mars dernier. L’Oasis d’El Arja, petite localité à 6 kilomètres de Figuig a été fermé, Alger a qualifié de temporaire et conjoncturelle cette décision.
Notre histoire est très attachée à l’agriculture. Nous vivons de l’agriculture et on ne peut pas laisser notre terre. Les gens investissent de grosses sommes d’argent sans gagner beaucoup en retour. Il y en a même qui ont investi 2 000 000 dh ici et qui n’ont même pas récupéré 20 000 dh. Ce n’est pas un investissement qu’on fait ici. C’est notre histoire qui est liée à nos origines. Si vous n’avez pas de terre ici, vous vous sentirez étranger à Figuig, lance un fermier.
Selon un communiqué marocain, le gouverneur de la région de Figuig a rencontré les personnes concernées par cette situation afin d’examiner les solutions possibles pour atténuer les répercussions de cette décision sur les exploitants de ces terres agricoles.
Pendant ce temps, les fermiers d’El Arja sont déterminés à demander réparation au gouvernement algérien. Il y a près d’un mois, lorsque les autorités algériennes ont sommé les fermiers marocains de quitter les terres dans un délai de 3 jours qui a été prolongé à un mois, après négociations.
Selon plusieurs défenseurs des droits de l’Homme, les fermiers paient le prix d’un conflit frontalier mal négocié depuis des années. Et Alger doit indemniser ses fermiers qui ont été forcés de quitter leurs maisons et leurs plantations. Plusieurs manifestations ont eu lieu la semaine dernière pour protester contre une décision politiquement motivée.Africanews, 22 mars 2021
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Maroc : Les habitants de Figuig victimes d’un conflit négligé
Les agriculteurs dans l’oasis de Laaroda en Algérie : Victimes d’un conflit négligé
Les agriculteurs marocains d’une oasis isolée à la frontière algérienne font les frais des tensions régionales après qu’Alger les a expulsés des bosquets de dattes qu’ils exploitaient depuis des générations. La frontière entre les deux grands rivaux est fermée depuis 1994, mais l’Algérie avait autorisé certains habitants de la ville frontalière marocaine de Figuig à pénétrer dans les bosquets de dattes d’Al-Arja, connus des Algériens sous le nom d’oasis de Laaroda. Ces derniers jours, l’Algérie a retiré ce droit, déployant des soldats pour faire respecter la décision.
« Tout le monde se sent lésé », a déclaré Mohamed Jabbari, un chômeur de 36 ans qui a participé à une manifestation à Figuig pour protester contre cette décision. « L’agriculture est la seule ressource que nous avons. Il n’y a pas de travail ici, pas d’usines ». Jeudi, quelque 4 000 personnes – environ la moitié de la population de Figuig – ont participé à une manifestation de colère contre la décision de l’Algérie. Les autorités régionales marocaines ont organisé une réunion pour « examiner les solutions possibles pour atténuer l’impact » d’une décision qu’elles ont qualifiée de « temporaire ».
L’oasis de Figuig, située sur une route caravanière à la limite des montagnes de l’Atlas et du désert du Sahara, a été colonisée dans les temps anciens. Le commerce a commencé à décliner après le tracé de la frontière en 1845, et les différends diplomatiques entre Alger et Rabat ont rapidement fait de Figuig une impasse. Avant que la frontière ne soit tracée, la communauté berbère, très soudée, se déplaçait librement dans la région. Aujourd’hui, pour rejoindre leurs proches à quelques kilomètres seulement de la frontière scellée, les habitants disent qu’ils doivent d’abord prendre un avion pour Alger. L’Algérie a justifié cette dernière mesure en affirmant que les agriculteurs n’avaient pas respecté la réglementation et que des bandes de trafiquants de drogue opéraient dans la région.
Les habitants de Figuig ont fermement rejeté ces allégations. « Les expulsions sont une décision politique », a déclaré Mohamed El Jilali, responsable d’une association locale.Tensions régionales
Les expulsions coïncident avec une montée des tensions entre les deux pays au cours des derniers mois au sujet du Sahara occidental disputé. Rabat considère le territoire situé au sud comme une partie souveraine du royaume – une position qui a reçu le sceau d’approbation de Washington dans les derniers jours de l’administration Trump. L’Algérie a soutenu le Front Polisario, qui cherche à obtenir l’indépendance du territoire.
À des centaines de kilomètres de là, à Figuig, les habitants ont des préoccupations plus immédiates : leurs moyens de subsistance. L’oasis, située à trois heures de route des villes les plus proches, Oujda et Errachidia, peine à attirer les touristes. Et ce, malgré la beauté de son architecture et de ses paysages, dont les habitants espèrent qu’elle sera un jour inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. De nombreux habitants dépendent donc des palmiers-dattiers pour vivre.
Au fil des ans, les agriculteurs ont planté des dattes dans des zones situées au-delà de l’oued, ou vallée, qui marque la frontière, en tirant parti des eaux souterraines de la région. Les zones plantées plus récemment produisent une meilleure récolte que les jardins traditionnels entourés de murs d’adobe et de systèmes d’irrigation.
Les agriculteurs affirment que les zones plantées plus récemment produisent une meilleure récolte que les jardins traditionnels entourés de murs en adobe et irrigués par un réseau complexe de canaux construits à la main. La zone évacuée cette semaine couvre environ 1 500 hectares et comprend des palmiers dattiers Aziza très recherchés.« Des droits historiques »
Abdelmalik Boubekri, un agriculteur de Figuig aux traits ciselés, a déclaré que son verger de dattes était le moyen de subsistance de sa famille depuis trois générations. « L’Algérie et le Maroc nous ont laissé cultiver sans problème et maintenant nous ne savons pas vers qui nous tourner », a déclaré cet homme de 71 ans. Il dit avoir dû abandonner 30 000 arbres, dont certains avaient été plantés par son grand-père. Les années de travail représentaient une valeur de plus de cinq millions de dirhams – plus d’un demi-million de dollars – a-t-il dit, avec des dattes qui se vendent jusqu’à 150 dirhams le kilogramme. Comme d’autres expulsés de la région d’Arja, il revendique un « droit historique » sur ses terres, brandissant une copie d’un document datant de 1939. Des agriculteurs de Figuig avaient déjà été contraints de quitter des terres situées de l’autre côté de l’oued.
Les dernières expulsions par les autorités algériennes ont eu lieu en 1975, coïncidant avec la « Marche verte » qui a vu des milliers de Marocains traverser le Sahara occidental pour revendiquer l’ancienne colonie espagnole riche en minéraux. Depuis lors, Figuig a connu une vague de migration vers les grandes villes ou l’Europe, vidant l’oasis de la moitié de ses habitants, leurs maisons et leurs jardins étant laissés vides et délabrés. L’agriculteur Abdelmajid Boudi, 62 ans, pleure les dernières pertes. « Beaucoup de palmiers ont été abandonnés et sont devenus trop grands pour récolter des dattes », dit-il.The North Africa Journal, 21 mars 2021
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