Le Maroc et la résolution de la crise à Gaza – opinion

La connexion avec le Maroc est un atout significatif pour Israël en temps de paix comme en temps de guerre.

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Trois ans après la reprise des relations officielles et dans l’ombre de la guerre à Gaza, la crise offre une nouvelle opportunité de coopération régionale et bilatérale entre les deux pays.

Israël et le Maroc marquent cette semaine trois ans depuis le renouvellement de leurs relations, mais la guerre entre Israël et le Hamas ne laisse aucune place à la célébration. Pour le moment, la coopération bilatérale au niveau gouvernemental est limitée et discrète, se concentrant principalement sur des questions de sécurité. Malgré les attentes élevées liées aux nombreuses visites de ministres et d’officiels israéliens au Maroc, ces visites n’ont pas abouti à une coopération substantielle au-delà des déclarations et des mémorandums d’entente.

L’absence de focalisation et l’incapacité à concrétiser les dizaines d’accords signés sont évidentes ces jours-ci, mettant en évidence ce qui n’a pas encore été mis en œuvre. Par exemple, un accord pour l’emploi de travailleurs migrants marocains en Israël n’a pas encore été signé, malgré la déclaration de l’ancienne ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked en juillet 2022. De même, l’infrastructure économique permettant les échanges entre les deux pays n’est pas achevée, notamment en ce qui concerne les accords sur les douanes, l’évitement de la double imposition, la promotion et la protection des investissements, ainsi que d’autres systèmes visant à accroître l’attractivité et la compétitivité du canal commercial entre le Maroc et Israël.

Les décideurs marocains semblent considérer la guerre en cours avec le Hamas, et tout autant le gouvernement israélien actuel, comme nuisibles à la reprise positive des relations entre les deux pays. Les déclarations de hauts responsables israéliens appelant à la destruction de Gaza, tout en s’opposant vigoureusement à la création d’un État palestinien, résonnent dans les médias marocains, nuisent à l’image d’Israël et profitent principalement aux partis d’opposition qui souhaitent porter atteinte aux relations spéciales entre les deux pays.

Néanmoins, la position officielle du Maroc concernant les relations avec Israël en tant qu’intérêt stratégique demeure inchangée. Cela a été démontré par les résultats de la Conférence islamique arabe extraordinaire tenue à Riyad en novembre, au cours de laquelle le Maroc, aux côtés d’autres pays arabes et musulmans clés, a hésité à adopter des décisions ou des actions concrètes contre leurs relations avec Israël. La décision du Maroc de maintenir son ambassadeur à Tel Aviv, malgré l’évacuation du personnel de la mission israélienne de Rabat, est en soi une déclaration significative.

Dans le domaine économique, les entreprises continuent plus ou moins comme d’habitude. Les entreprises israéliennes se rendent au Maroc ou rencontrent leurs partenaires dans des destinations tierces telles que la France et l’Espagne. Cet arrangement discret semble pratique pour tous.

Le tourisme est le secteur le plus touché, avec les vols directs entre Tel Aviv et Rabat toujours suspendus, et une mise en garde en vigueur avec une note de trois sur quatre, conseillant aux Israéliens d’éviter les voyages non essentiels au Maroc. En conséquence, le tourisme israélien et juif international au Maroc a presque complètement cessé. Cette situation fait payer un prix aux agences de tourisme israéliennes et aux hôtels et prestataires de services marocains. Bien que le tourisme soit essentiel pour les liens entre les personnes, la plupart des partenariats civils et culturels sont actuellement en attente jusqu’à la fin de la guerre.

Malgré les défis, certaines initiatives communes peuvent être préservées en trouvant des moyens créatifs de les maintenir, en les transférant d’un cadre bilatéral à un cadre multilatéral sous une bannière américaine, européenne, émiratie ou autre, ou en menant des activités en ligne lorsque c’est possible.

L’un des principaux défis dans le contexte civil est le sentiment parmi les Israéliens d’origine marocaine à l’égard du Maroc. Il va de la déception à l’étonnement et au manque de compréhension à la lumière des images de manifestations de masse à Rabat et dans d’autres villes du Maroc, et même d’incidents antisémites qui ne reçoivent pas de condamnation officielle.

Il convient de noter ici que la frustration israélienne est en partie due aux différences culturelles et comportementales entre Israël et le Maroc, malgré leur étroite connexion culturelle. Selon la perspective marocaine, y compris celle des décideurs, il est préférable d’éviter les conflits, de faire des déclarations explicites et de traiter les affaires discrètement en coulisses. À leurs yeux, le secret de l’action est la clé du succès, préservant la stabilité interne et faisant progresser un programme souhaité. Car, selon leur compréhension, on ne peut pas résister à ce que l’on ne voit pas ou ne sait pas, et finalement, le maintien du silence préserve le statu quo comme si rien n’avait été fait. Au Maroc, l’inaction est considérée, en pratique, comme équivalente à toute action, et peut-être même comme l’action la plus appropriée et la plus difficile à réaliser.

Trois ans après la reprise des relations officielles, et à l’ombre des défis de la guerre à Gaza, la crise offre également une nouvelle opportunité de coopération régionale et bilatérale entre les deux pays. La position relativement neutre du Maroc pourrait en fait lui permettre de jouer un rôle important après la guerre au sein d’une coalition plus large dédiée aux processus de réhabilitation et de reconstruction. Il pourrait contribuer à la reconstruction et à la mise en œuvre de programmes locaux et régionaux pour faire face et prévenir l’extrémisme et la violence.

Le Maroc pourrait aider à la formation des fonctionnaires publics palestiniens déployés à Gaza. Il pourrait également accueillir des forums, des réunions et des conférences pour soutenir et promouvoir une solution durable au conflit israélo-palestinien. Les bonnes relations que le Maroc entretient avec les deux parties – Israélienne et Palestinienne – et l’autorité religieuse du roi Mohammed VI, y compris son rôle de président du Comité Al-Quds au sein de l’Organisation de la coopération islamique, ne sont que quelques-uns des atouts que le Maroc peut apporter à cette tâche complexe.

La connexion avec le Maroc est un atout significatif pour Israël en temps de paix comme en temps de guerre. Il est important que nous apprenions et tirions des enseignements des trois dernières années en vue du nouveau chapitre des relations qui se déroulera une fois la guerre terminée.

Einat Levi

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